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La responsabilité du sujet V

9 janvier 1996
Document de travail

… Ce qu’il nous a apporté est tout à fait important dans ce qui nous questionne. Je pense que j’aurai l’occasion de reprendre quelques uns des points qu’il vous a apportés pendant cette dernière journée de travail ici. Mais pour cela je voudrais que nous avancions un peu plus dans ce que j’essaie d’apporter autour du sujet et de sa responsabilité.

Ce n’est pas si facile à saisir et c’est pourquoi il nous faut consacrer tout le temps nécessaire pour que nous puissions comprendre ce qui fait que, le sujet, le sujet humain est responsable.

La dernière fois je vous ai donné comme exemple, plus exactement pour étayer ce que j’apportais, l’observation de Freud dans les Études sur l’hystérie [79] autour de Katharina. Et là, on peut toucher ce qu’il y a d’insondable, c’est un mot qu’emploie Lacan, ce qu’il y a d’insondable et qui fait que pourquoi Katharina s’est rangée comme elle l’a fait, par rapport à ces avances de son père et qu’est-ce qui a pu faire que sa soeur, elle, s’est comportée autrement ? Il y a là quelque chose d’insondable, d’insondable dans ce qui fait que le sujet se décide, insondable décision du sujet. C’est une brève observation, Freud s’est montré discret, il a commencé par nous dire qu’il s’agissait de l’oncle, en fait c’est le père qui est en cause, et comme je vous l’ai montré, la mère également car cette mère n’a jamais su être là où elle devait être et n’a jamais su rien voir.

Pour aller un peu plus avant dans cette question de la responsabilité du sujet et de ce qu’il peut y avoir là d’insondable dans la décision, nous allons, ce soir, nous servir d’une autre observation de Freud dans les Études sur l’hystérie [80], l’observation d’Elisabeth von R. Le père d’Elisabeth, pour, encore là, quelque chose qui est insondable, a décidé donc l’insondable décision, a décidé que de ses deux filles, une viendra à cette place du garçon qu’il n’a pas pu avoir, c’est Elisabeth et, avec Elisabeth, il s’est comporté d’une façon telle qu’il lui apportait des éléments l’intéressant à ce qu’il faisait, bref, décidant autre chose pour elle que ce qu’il a pu décider pour son autre fille.

L’insondable décision du grand Autre. Vous savez que cet homme a eu une crise cardiaque, il n’a pas pu continuer à s’occuper de ses affaires, a dû avoir une vie plus ralentie et Elisabeth s’est occupée de lui. Après tout on peut comprendre que une fille puisse apporter quelques soins à son père mais ce qui est intéressant, ce soir, ce que nous voulons essayer d’éclairer, c’est que Elisabeth, devenue jeune fille, s’est intéressée à un jeune homme qui lui a porté aussi quelque attention, ils sont sortis un soir où, si on en croit l’observation de Freud, elle a pu avoir quelque contentement de ce qui s’est passé mais, en rentrant, elle trouve son père plus malade, on ne s’en est pas bien occupé et, à partir de ce moment-là, Elisabeth décide, c’est le mot, décide de s’occuper de son père, rejette ce jeune homme et on peut dire que là, le sujet Elisabeth a consenti à la décision, insondable décision de l’Autre, insondable décision du père, elle a dit oui à ce qu’il avait tracé pour elle et, à partir de ce moment-là, elle s’est désintéressée de ce qui aurait pu être sa voie normale de jeune fille. Elle a eu pendant tout le temps que vivait son père, elle a pris une autre voie, une voie qui va dans le sens de ce que le père a décidé, insondable décision de l’Autre nous dit Lacan, pourquoi Elisabeth et non pas son autre fille ? Nous n’en savons rien, peut-être que lui même n’aurait pas pu nous en dire plus, peut-être a-t-il trouvé on ne sait quel trait chez Élisabeth, toujours est-il qu’il avait décidé qu’elle serait là à cette place du garçon qu’il n’a pas pu avoir, et comme vous venez de le voir, très rapidement c’est vrai, mais vous pouvez vous reporter à cette observation, la décision insondable de l’Autre ne suffit pas, il faut qu’il y ait aussi consentement du sujet.

Et si l’on se reporte à ce graphe, il y a bien ce qui vient de…, il faudrait refaire le graphe correctement, mais enfin vous le retrouverez dans les Écrits [81], il y a ce qui vient du grand Autre que le sujet accepte et ce signifié du grand Autre, c’est là, il nous dit, le symptôme, dans ce premier temps de son enseignement, avec ce qu’il y a là d’opaque pour le sujet. Et nous savons que pour Élisabeth, il y a eu quelque chose de tout à fait opaque pour elle puisque, à un certain moment, voyant ce qui se jouait, ce qui se passait dans le couple de sa soeur avec le mari de celle-ci, la soeur tombant malade, Élisabeth seule, un jour seule avec, vous savez toute l’importance que Lacan donne à ce seule avec et qui vient là marquer quelque chose du symptôme, Élisabeth, quelque chose de son désir autre que ce qu’elle pensait porter jusque-là se fait connaître à elle et elle va traduire ce qu’elle vient là de comprendre, le mot n’est peut-être pas exact, mais ce qui s’impose à elle, elle va le traduire par son symptôme, elle va le traduire par sa paralysie, elle va le traduire par ce qui fait que elle ne peut plus marcher. Et si vous vous souvenez de cette observation, en tout cas si vous ne la connaissez pas vous vous y reporterez, il y a là avec ce symptôme, cette paralysie, ce qui marque son symptôme, de la jouissance qui accompagne ce symptôme puisque vous savez, que Freud, faisant l’examen d’Élisabeth, ne comprenant pas ce qu’elle présentait, a remarqué que, au cours de l’examen, elle avait une réponse, une réponse qui ne ressemblait à rien de ce qu’il avait pu observer au cours des paralysies, des paralysies neurologiques, il y avait là quelque chose qui était de l’ordre de la jouissance. C’est très important de savoir qu’avec le symptôme, il y a la jouissance qui l’accompagne, tout comme pour l’homme aux rats, cette jouissance à lui ignorée que Freud a décelée, mais déjà là avec Élisabeth, la jouissance marche de pair avec la mise en place du symptôme. Et, à partir de ce moment-là, Élisabeth est autre parce que son symptôme est là et va faire qu’elle aura à vivre différemment. Je n’irai pas plus loin pour cette observation, ce que je veux vous faire saisir c’est que, s’il y a l’insondable décision de l’Autre, il faut que le sujet, aussi, y consente. Il n’y a symptôme que parce que il y a consentement du sujet.

Avec cette insondable décision, Lacan, nous avons pu le voir il y a quelques années dans son séminaire sur Le savoir du psychanalyste [82], lorsque, essayant de mettre en place les structures, il fait allusion au théorème de Gödel avec ce qu’il y a là d’indécidable, si on se reporte à l’observation de Katharina, c’est bien de l’ordre de l’indécidable. Qu’est-ce qui fait que Katharina, elle, ne répond pas aux avances du père ? Il y a là aussi quelque chose d’insondable, et on peut dire d’insondable décision, puisque elle, Katharina, ne sait pas très bien ce qui se passe pour elle, après que le père et la mère se sont séparés, qu’elle se retrouve avec sa mère. Si vous vous êtes reportés à l’observation, vous avez dû remarquer que elle vit mal, elle est poursuivie par on ne sait quel rêve avec la tête de cet homme, de cet homme et Freud va pouvoir lui faire saisir qu’il s’agit là de son père, il y a là quelque chose qui, pour elle, fait que sa vie n’est pas facile à vivre, je dirais même difficile, c’est bien que de sa décision à elle quelque chose lui échappe, et c’est bien de cet indécidable qui a fait qu’elle, elle a choisi de se placer ainsi et sa soeur différemment. Même si nous en savions plus sur cette observation, il y aura toujours quelque chose de cette insondable décision du sujet.

Alors je vais revenir au tout début, je vais revenir au tout début et à ce graphe, ce graphe de l’infans, mais vous savez que le petit d’homme ne reste pas longtemps infans, ne reste pas longtemps infans parce que, dans la plupart des cas, et heureusement pour lui, il y aura, répondant à son cri qui risque de rester hurlement nous dit Lacan dans sa « Remarque au rapport de Daniel Lagache [83] », qui risque de rester hurlement s’il n’y a pas réponse de l’Autre, réponse à côté certes mais l’essentiel, c’est qu’il y ait réponse, et que c’est cette réponse de l’Autre qui va là le marquer et à partir de ce temps, de ce moment, le petit d’homme va à son tour s’efforcer de prendre, d’adopter ce qui lui vient de l’Autre afin de se faire entendre aussi de l’Autre et, à un moment, son cri deviendra parole et à partir de ce moment, lui, le petit d’homme aura dit oui au signifiant et, ayant dit oui au signifiant, il est ce sujet, ce sujet humain, et je crois que ce qui est important, et il nous faut nous y arrêter, il nous faut nous y arrêter parce que, parce qu’il parle, qu’il est sujet humain, il est dans l’ordre des signifiants de la signifiance, ça veut dire qu’il faut absolument qu’il y ait cette articulation langagière, cette structure symbolique, le fait qu’il y ait articulation entre des signifiants afin que sens puisse être apporté à ce qui est, là, parlé par le sujet. Alors le oui au signifiant, cette Bejahung, fait qu’il y a du sujet et ce sujet, Lacan insiste sur ceci, c’est qu’il n’y a aucun signifiant, le sujet est évidé de tout signifiant. Dans un premier temps, pour nous le faire comprendre, il a inversé ce que Saussure a apporté - du signifié sur le Signifiant - il a inversé parce que, nous dit-il, dans l’ordre humain, là où l’on parle, le signifiant est ce qui a la primauté, la priorité, et c’est donc le signifiant qui fait que il y aura du signifié et le sujet est en fait ce signifié. Il le traduit par ce $ lorsqu’il se sert de la théorie des ensembles pour aller plus avant dans ce qu’il essaie d’apporter, il nous dit que ce sujet c’est un ensemble vide, c’est un ensemble vide mais il y aura un signifiant, un signifiant et ce signifiant, comme vous avez pu le voir je l’ai tout simplement marqué signifiant parce que je me suis rendue compte que en l’apportant comme je le faisais jusqu’à présent, quelque chose était difficile à saisir, donc il y a un signifiant, un signifiant parce que le sujet, bien que étant vide de tout signifiant, il y a quand même un signifiant qui est le signifiant qui va le représenter, mais ce signifiant qui va le représenter, on doit, dans un premier temps, l’écrire tout simplement signifiant (S), mais comme ce signifiant ne peut pas se signifier lui-même, nous l’avons vu très en détail il y a quelques années en reprenant l’enseignement de Lacan dans son séminaire XI [84] et dans son écrit sur « La position de l’inconscient [85] », le sujet va faire appel à un autre signifiant, un autre signifiant pour que le signifiant qui le représente puisse signifier. Donc, il faut qu’il y ait cet autre signifiant, il faut qu’il y ait l’appel à cet autre signifiant, il faut que cet autre signifiant vienne là s’inscrire dans la structure pour que il y ait cet effet nachträglich, il faut qu’il y ait cet effet rétroactif qui fait qu’à ce moment-là, on va pouvoir mettre le 1 au signifiant qui représente le sujet. On ne pourra écrire S1 sur $ que lorsqu’il y aura eu cet appel au deuxième signifiant et que ce deuxième signifiant, cet autre signifiant, disons les choses comme ça, plutôt que avant de dire deuxième signifiant, cet autre signifiant qui va par cette rétroactivité faire que l’on pourra mettre le 1 au signifiant qui représente le sujet, et à ce moment-là, cette métaphore ayant pu se mettre en place, on aura toute la métonymie des signifiants 1 qui représenteront, pourront représenter, le sujet, et s’articuler au signifiant 2. Il faut qu’il y ait cet appel au deuxième signifiant, qu’il vienne s’inscrire ou pas s’inscrire, il faut qu’il y ait cet appel.

Alors, la dernière fois, nous reportant à ce séminaire de Lacan où il dit que le sujet humain est en proie au symbole, que ce symbole est unique, c’est le signifiant du grand Φ, phallus symbolique, celui qui a à voir avec le Nom-du-Père, il est en proie à ce symbole, à ce signifiant dès qu’il parle, dès qu’il est sujet humain, et qu’est-ce qui va se passer ? Il va se passer deux choses : soit que le sujet, sujet humain puisqu’il parle, en proie à ce symbole le rejette, c’est-à-dire que il y a eu cet appel au signifiant autre, signifiant du phallus et la décision du sujet, le choix du sujet, là est sa responsabilité, la décision fait que ce signifiant autre sera rejeté, c’est cette forclusion, forclusion du Nom-du-Père, forclusion qui fait que dans la structure symbolique, dans cette structure langagière, l’autre signifiant, le signifiant 2 qui est celui qui porte avec lui le Nom-du-Père sera rejeté. Et parce qu’il est rejeté, c’est-à-dire qu’il va être dans le Réel, il ne faut pas s’étonner que dans ce Réel on ait trouvé, on trouve ce signifiant rejeté, c’est-à-dire que ce sera non symbolisé, mais on le retrouvera, et c’est ce qui fait que lorsque certains sujets autistes, lorsque on arrive, ça arrive de temps en temps, on arrive à faire que ces sujets parlent, c’est en général une parole folle. Nous sommes presque toujours du côté de la psychose et on s’étonne de voir que dans ce qu’ils apportent il y a des thèmes qui nous étonnent et qui ont à voir avec ce signifiant du Nom-du-Père, avec ce qui est là de ce phallus qui a été rejeté, il n’y a pas à s’en étonner, il n’y a pas à s’en étonner car, parce que sujet humain, à partir du moment où ils sont sujets humains, à partir du moment où ils parlent, parole folle certes mais ils parlent, forcément ils sont en proie au symbole, ils sont en proie à ce signifiant du grand Φ. Ce sera rejeté mais il y aura eu appel, ce sera rejeté, on le retrouvera dans tout ce qui sera apporté comme langage, comme parole folle mais ce sera là. Je crois que c’est très important, car bien souvent certaines personnes, au cours des cures de ces cas, sont étonnées de voir, on se demande pourquoi, tout ce qui est du sexe est là apporté mais d’une façon folle, et on se dit : mais où sont-ils allés apprendre cela ? Mais, à partir du moment où ils parlent, ce sera rejeté certes, mais ils auront été en proie à ce symbole, ça veut dire qu’il y aura eu appel forcément à l’autre signifiant et cet autre signifiant, c’est celui qui porte le Nom-du-Père, qui sera rejeté, mais on aura fait appel à lui, et n’oubliez pas dans la « Question préliminaire… [86] » à propos de Schreber ce que nous dit Lacan, que le père toujours appelé jamais advenu mais il est appelé, et on le retrouve dans les observations de psychotiques, il est appelé. Or, pour qu’il puisse être appelé, il faut bien qu’à un moment, il ait été véritablement, que le sujet ait été en proie avec ce signifiant, il le rejette. Alors c’est tout à fait important, c’est tout à fait important pour nous car il ne peut y avoir de sens, sens qui a à voir, qui est du côté de la folie, c’est fou, peut-être, sens qu’on ne peut pas retenir puisque il n’y aura pas ce Nom-du-Père, il n’y aura pas ce capiton, les choses glisseront toujours mais parce qu’il y a eu choix, parce que on a rejeté ou qu’on a accepté cet autre signifiant, c’est ça qui fait nouage, qu’il y a sens. C’est ce choix là et je crois que pour nous c’est important parce que Lacan y a insisté, a essayé au cours de son enseignement de le reprendre sous différentes formes, de nous faire comprendre qu’en fait même s’il y a là quelque chose d’insondable, même si ça ne peut pas être décidé, cet indécidable qu’il a essayé d’apporter assez avant dans son enseignement, puisque le savoir, le séminaire du Savoir du psychanalyste [87] est daté de 1971 - 1972, on arrive presque à la fin mais enfin c’est encore un moment très fort de son enseignement, il y a bien là quelque chose d’insondable.

Pourquoi ça se décide ainsi ? Nous ne pouvons pas toujours le dire, mais n’empêche qu’il y a décision, n’empêche qu’il y a responsabilité du sujet et que il a consenti à ce qui fait que son symptôme sera ou du côté de la psychose ou du côté de la névrose. Puisqu’il parle il ne peut pas en être autrement. Il choisit, puisqu’il y a ce choix il y a ou ce rejet, ou il accepte, mais il accepte, vous savez comment, puisque Freud avec son article sur la « Verneinung [88] » et Lacan, reprenant cet article sur la Verneinung, s’est efforcé de montrer comment le sujet va s’arranger avec ce symbole, avec ce signifiant, il en prendra, il en rejettera, mais c’est ça qui fait que ce refoulement va marquer d’une façon tout à fait particulière ce qui est le fait de chaque sujet.

Insondable décision de l’Autre. Et nous l’avons vu par exemple pour cette observation d’Elisabeth von R., je voulais prendre l’observation de Dora [89], pourquoi le père de Dora, alors qu’il a un garçon, décide de faire de sa fille Dora le garçon manqué, l’enfant à qui il confie et ses soucis et tout ce qui est de ses préoccupations d’homme, de ses activités. Pourquoi ? Insondable décision de l’Autre. Je crois que ce terme de Lacan c’est quelque chose qu’il nous faut retenir parce que il y a là, à nous incliner devant ce quelque chose et en même temps pouvoir dire comme Freud a dit à Dora : « mais tu y es pour quelque chose dans tout ce qui t’arrive, tu viens là te plaindre de ce que ton père a voulu te vendre, etc. mais tu y es pour quelque chose » et, souvenez-vous de cette observation de Dora, Dora a tout fait pour ménager les rencontres entre son père et madame K. Il y avait bien là aussi de la part de Dora une décision, un choix. Sa responsabilité est engagée. Freud n’a pas craint de le lui dire, pourquoi elle, Dora, avait besoin de questionner ce qu’est une femme ? Et parce qu’elle avait besoin de questionner ce qu’est une femme, elle avait besoin de saisir qu’est-ce qui faisait que son père avec son infirmité, son impuissance, s’intéressait à cette femme, et pourquoi cette femme répondait aux avances de son père ? C’était bien là la question de Dora et ce n’était pas auprès de sa mère qu’elle pouvait, et poser la question, et tenter d’y répondre.

Je pense que pour nous dans tout ce qui est de nos observations, au cours de toutes les cures, il nous faut dire, il nous faut savoir véritablement que le sujet est responsable. Il y a eu choix et que, à partir du moment où il y a eu choix, il y a un sens, soit que ce sens ne puisse permettre d’être, ça peut aller dans tous les sens comme pour le psychotique ou avoir quelque chose de l’ordre d’un arrêt puisque Lacan emploie ce point de capiton, ce qui peut là être porté par le Nom-du-Père, du moment qu’il y a symptôme, symptôme analysable, il nous faut dire qu’il y a responsabilité du sujet, qu’il y a eu à un moment, ça se traduira d’une façon ou d’une autre, consentement.

Élisabeth aurait pu très bien, après tout il y avait sa mère on pouvait organiser les choses autrement, elle n’avait pas besoin de s’occuper du pansement de son père au point de se désintéresser de tout ce qui peut intéresser une jeune fille de son âge, les choses pouvaient s’arranger différemment, elle, Élisabeth, à un moment, elle a consenti à la décision du père, c’est pas tellement avant la maladie du père, c’est pas tellement lorsque le père l’intéressait à ce qui était ses préoccupations, ce n’est même pas lorsque le père tombant malade elle a eu à s’en occuper, c’est au moment où intéressée par un jeune homme, elle revient, elle trouve son père, le pansement n’a pas été bien fait, je ne sais quoi, c’est à ce moment-là qu’elle fait savoir qu’au fond elle a consenti à la décision de son père, à cette insondable décision de l’Autre, et à partir de ce moment-là, tout comme pour Katarina, il y a eu une insondable décision.

Qu’est-ce qui a fait qu’elle, Katarina, a répondu comme elle a répondu et que sa soeur a répondu différemment, il y a bien là quelque chose d’un insondable, de quelque chose de l’ordre de l’indécidable. Enfin Lacan reprenant cela avec la théorie de Gödel essaie de nous le faire comprendre, qu’il y a là quelque chose d’une décision du sujet avec tout ce qu’il peut y avoir de difficile à vivre puisque, Katarina, après avoir décidé de ne pas succomber aux avances de son père, s’arrange pour que la mère, les yeux de la mère s’ouvrent devant la grossesse de sa soeur et vous savez, reprenez l’observation, elle vit mal.

Élisabeth, face à la vie de sa soeur, de ce couple, se rendant compte que elle aussi pourrait avoir un désir, alors que, elle aurait pu arranger sa vie avec ce jeune homme avec qui elle a passé cette soirée de façon agréable, à ce moment-là elle présente son symptôme. C’est très important, j’y reviendrai sûrement parce que ce sont des points sur lesquels Lacan a attiré notre attention, en tout cas au moins au cours des contrôles que l’on pouvait faire avec lui. Elle, Dora, se complaisait dans ce qui se jouait mais lorsque les choses sont allées à un point tel que, elle n’a pas pu accepter alors, c’était la vie impossible. Mais c’est à ce moment-là que l’on pouvait savoir qu’au fond elle avait consenti, mais il y avait eu aussi sa décision à cause de la question qui était la sienne : qu’est-ce que c’est qu’une femme ? Que trouve madame K. à être auprès de mon père et qu’est-ce qui fait que, pour mon père, cette femme est une dit femme ? Pourquoi il la dit femme ? Ce sont des points importants.

Bon, ça c’est essentiellement, essentiellement ces choses, sur lesquelles je voulais dans un premier temps m’arrêter, m’y arrêter parce que il faut bien comprendre que ce qui se joue autour de ces signifiants, de ce signifiant qui va faire que du sens pourra être donné à nouveau au deuxième signifiant et qui fait que le sujet va là être aux prises avec ce qu’il y a d’insondable dans la décision de l’Autre et qui fait son symptôme, ce qui fait que ce symptôme est opaque pour le sujet, dans un temps premier de la rencontre avec l’Autre, avec l’Autre analyste, et j’en profite pour faire une parenthèse et revenir sur ce qui s’est dit samedi autour de ce texte de Freud « Le Moi et le Ça [90] » où une lecture s’est faite un peu trop rapidement, Freud dit bien que : « Comment l’analyste va s’arranger avec ceci qu’on le met en place d’Idéal du Moi ». L’analysant, prenons le terme de Lacan, met l’analyste en place d’Idéal du Moi. Ce n’est pas l’analyste qui se met en place d’Idéal du Moi, c’est le patient qui l’y met. Alors, dans ce temps où le sujet vient et s’adresse à l’Autre, si on en reste à ce qui est du transfert, on peut comprendre que c’est uniquement autour de cette identification, de ce I(A) que, lui, va faire, puisque il est aux prises avec ce qu’il y a là d’opaque, mais il va jouer avec les signifiants, souvent, de son analyste, et si vous y prêtez attention, vous pourrez le noter. Alors, c’est ça qui fait que Lacan dit que dans le transfert, le transfert ramène le sujet à cette identification, à ce I(A), parce que on joue simplement avec les signifiants, les signifiants qui ont fait que, du sujet, il y a eu.

Et puis, ensuite on verra avec le désir si quelque chose se met plus en place et qui permet que on s’écarte de cela mais j’y reviendrai autrement, j’en ai déjà parlé l’année dernière mais je voulais tout de suite puisqu’il y a eu ce qui s’est dit samedi et ce qui peut se comprendre de cette nécessité de mettre, de faire avec ces signifiants, ces signifiants qui sont aussi des signifiants de l’Autre, qui ont à voir avec le fait qu’en fait celui qui vient en analyse peut rester avec ce s(A), avec ce signifié de l’Autre, avec ce qui est opaque dans son symptôme et simplement jouer avec ces signifiants, ces signifiants de l’Autre et, souvent, c’est avec les signifiants de son analyste qu’il va jouer.

Je ne pensais pas, dans un premier temps, vous parler de cela mais comme samedi, on a eu à en parler et que, l’année dernière, je vous ai parlé de ce séminaire de Lacan, de ce dernier séminaire de Lacan où il dit que le transfert, si on en reste au transfert, ça nous ramène simplement à l’identification, à l’Idéal du Moi, c’est ça. C’est-à-dire que ce qui fait, ce qui a été notre choix et qui fait que ce signifié de l’Autre, le symptôme est pour nous quelque chose d’opaque, nous pouvons jouer avec cela dans un premier temps de notre cure analytique et donc, à nous, analystes, de ne pas nous tromper et de bien savoir que, dans ce temps-là, le transfert fait qu’en fait, le sujet en analyse reste avec ce qui est de son symptôme opaque.

Bien, voilà ce que je voulais ce soir vous dire et vous dire avec…, essayer de faire comprendre que le sujet est responsable. Il est responsable parce que il y a eu décision, même si c’est là quelque chose d’insondable, il y a eu décision de la part du sujet.


Questions

Question :
Ce soir, comment pouvez-vous le redire en faisant entrer en jeu le désir de la mère ?

Solange Faladé :
Le désir de la mère ? Ah, bien, c’est un « A » la mère ! Et, dans ce champ du grand Autre il n’y a pas que le père. Je ne sais pas si vous vous souvenez lorsque nous avons essayé de détailler la subjectivation, lorsque appel est fait au deuxième signifiant, le sujet a pris en compte ce qui est du désir de la mère puisque ce qui va s’inscrire pour lui c’est ce - φ, c’est ce qui manque à la mère et qui fait que l’appel au deuxième signifiant se fera d’une façon qui sera propre à ce sujet là, puisque il a eu à faire au manque de la mère, au désir de la mère, à ce - φ, le fait d’être en proie à ce symbole, à ce grand Φ, un peu plus loin dans ce séminaire, Lacan dit que ça ne peut que s’écrire et ne peut s’écrire que - φ, - φ, c’est-à-dire, c’est le désir de la mère, c’est son manque. Je n’ai pas détaillé ceci parce que je l’avais détaillé m’avait-il semblé d’une façon …inaudible… si je puis dire, puisque nous sommes allés pas à pas. Il parle, il est aux prises avec le manque de la mère.

Marguerite Bonnet-Bidaud :
Je n’arrive pas à comprendre comment un sujet… Si le désir de la mère présente un manque, il y a là un - φ, donc…

Solange Faladé :
Mais la mère peut n’être pas désirante. La mère… Changement de cassette… il y a entre ce qui va faire le paranoïaque, ce qui va faire le schizophrène, puisqu’il y a des mères qui sont là simplement et qui donnent le sein sans qu’il y ait de désir, sans qu’il y ait de désir, sans que rien de leur manque puisse se faire connaître.

Marguerite Bonnet-Bidaud :
Mais comment, à ce moment-là, y a-t-il choix, la liberté ?

Solange Faladé :
La liberté, justement, c’est ça, c’est le choix parce que je crois qu’il y a quelque chose qui vous dérange, c’est que vous pensez qu’il y a une prédestination, hein, prenons ce mot.

Marguerite Bonnet-Bidaud :
Ah, non, je ne veux pas aller jusqu’à dire ça…

Solange Faladé :
Bien écoutez…

Marguerite Bonnet-Bidaud :
Non je ne dis pas ça, je ne dis pas ça. Je ne dis pas ça mais…

Solange Faladé :
Écoutez il faut, je crois que on est obligé de dire qu’il y a quelque chose d’insondable.

Marguerite Bonnet-Bidaud :
Oui, ça, ça me paraîtrait le mot clé de ce soir.

Solange Faladé :
Il y a là quelque chose d’insondable, bien que ce soit insondable, il y a décision du sujet. Que ce soit insondable, certes, il y a quelque chose de l’ordre de l’indécidable pour nous lorsque on se met à l’extérieur, mais il y a décision et c’est ce qui fait que dans une…, prenons ces deux observations, cette observation de Katharina.

Marguerite Bonnet-Bidaud :
Oui mais Katharina, elle n’est pas psychotique.

Solange Faladé :
Bien, écoutez, c’est pas toujours du côté de la psychose.

Marguerite Bonnet-Bidaud :
Mais c’est ça qui m’intéresse, c’est justement le cas de la psychose !

Solange Faladé :
Oui, quelle question vous vous posez ?

Marguerite Bonnet-Bidaud :
La question que je me pose, c’est y a-t-il vraiment un choix au départ dans la psychose, dans le fait qu’un sujet a une structure psychotique ?

Solange Faladé :
Bien, écoutez, puisque il parle, s’il parle il s’inscrit dans cette structure symbolique, dans cette structure langagière, qu’il fait appel à l’autre signifiant et croyez-moi on s’en aperçoit dans ce qui nous est apporté, il fait appel à l’autre signifiant mais il le rejette. C’est pourquoi il y a quand même toute une structure autre, de cet Autre qui est son Autre pour lui qui fait que c’est le choix qu’il va faire.

Jacqueline Darbord :
Moi je crois que c’est parce que tu te places sur un plan peut-être unilatéral. C’est que il y a d’un côté tout de même le sujet qui va choisir, mais il y a aussi l’Autre, le désir de l’Autre. Qui est-ce qui est l’Autre, comment il lui présente les choses à ce sujet. Il y a tout de même les deux.

Solange Faladé :
Mais oui, il y a là ce qu’il y a là d’insondable. Moi, je pense que ce… qu’est-ce qui fait que le père de Dora, alors qu’il a un garçon, décide d’être avec sa fille, de faire de sa fille un garçon manqué, puisque lui-même le dit, il s’intéresse, tout ce qui est de sa vie, de ses préoccupations professionnelles, etc. c’est de l’ordre de l’insondable, mais n’empêche que c’est une décision qui vient de lui. Pourquoi Dora répond-elle comme cela ? Je crois qu’à vouloir tout mettre en équation, je crois qu’on ne peut pas. Si à un moment, dans ce qu’il apporte Lacan et c’est de l’ordre de l’insondable, on a qu’a prendre une fratrie, on a qu’à prendre les frères et soeurs dans une même famille. Un enfant peut arriver à un moment où on se dit : il ferait bien de rester là où il est !

Marguerite Bonnet-Bidaud :
On ne l’a pas laissé choisir à ce moment-là.

Solange Faladé :
Il y répondra d’une certaine façon, il est bien obligé d’y répondre ou alors il ne rentre pas dans la structure langagière. Vous comprenez il y a deux choses, il y a ce qui vient de l’Autre, il y a comment on y répond. Et à partir du moment où on parle, à partir du moment où on va dire oui au signifiant on va répondre d’une façon différente à ce qui fait que le langage se met en place.

Marguerite Bonnet-Bidaud :
L’articulation majeure, c’est au moment de l’appel au second signifiant ?

Solange Faladé :
Exactement, et cet appel au second signifiant a à voir aussi avec tout ce qui est, tout ce qui vient de l’Autre.

Marguerite Bonnet-Bidaud :
C’est ça. Ce que j’ai compris, ce que j’ai saisi jusqu’alors, depuis des années que je viens, c’est que à l’appel du second signifiant, ce second signifiant n’existant pas chez l’Autre, il y a un vide, le sujet se trouve dans la nécessité de le, je dirais, de le fabriquer ce second signifiant, il le prend sur l’être de l’organisme.

Solange Faladé :
D’accord, oui.

Marguerite Bonnet-Bidaud :
Donc ça je l’avais bien saisi. Voyez, le problème c’est qu’est-ce qui se passe ? Le sujet dit oui au signifiant, il fait appel au second signifiant. Est-ce à dire qu’à ce moment-là chez l’Autre qu’est la mère…

Solange Faladé :
Il n’y a pas que la mère, dans le champ de l’Autre, il faut considérer aussi qu’il y a le père.

Marguerite Bonnet-Bidaud :
Oui alors, est-ce que c’est le fait de rencontrer grand Φ et non pas - φ, qui fait qu’il le rejette ?

Solange Faladé :
De toute façon, il aura affaire à grand Φ, - φ s’inscrit là, sera inscrit ou pas, mais il aura affaire à grand Φ. - φ s’inscrira, c’est-à-dire ce qui est du désir de la mère, du manque de la mère sera présent ou pas, mais il aura affaire au grand Φ, sinon dans le langage du psychotique, ce qui se fait, ce qu’on recueille, on ne trouverait rien parce que le psychotique fait appel au père à certains moments de sa vie, on en a le témoignage mais la fonction du père n’a pas joué, le père en tant que fonctionnant, portant ce Nom-du-Père. D’ailleurs, pour que l’on ne s’y trompe plus, plus loin dans son enseignement, Lacan insiste sur la fonction. Du moment qu’il parle, il a fait un choix, sinon il ne parle pas. Ici c’est de l’ordre de l’indécidable, de l’insondable de quelque chose qui est là, qu’on ne peut pas sonder dans toute son entièreté, bon, il faut bien dire que c’est souvent comme ça. On voudrait pouvoir tout expliquer, tout comprendre, d’ailleurs, je crois, d’ailleurs, c’est pour ça qu’il faut être à l’écoute, il faut entendre mais vouloir tout comprendre, non !

De l’ordre de l’accident, en reprenant ce terme dans son sens premier, qu’est-ce qui fait qu’un enfant qui vient de naître, on l’avait espéré comme ceci, on le voit, il n’a plus rien à voir avec ce que l’on croyait porter ? On a beau être un saint, la réaction, comment il va y répondre ? Vous comprenez ça, je crois qu’il nous faut faire avec ça, avec ce qui est là mais tout en disant qu’il y a une décision et les observations sont là, il faut savoir qu’à un moment donné le sujet a décidé, a consenti.

Question :
Vous pensez qu’un enfant autiste peut avoir dit oui au signifiant ?

Solange Faladé :
Non, tant qu’il est autiste sûrement pas, mais il arrive parfois que au cours d’une cure l’enfant se met à parler, or la parole est toujours folle, c’est pas la peine de…, en tout cas moi, je n’ai jamais vu autre chose que ça ! Il a dit oui à ce moment-là puisqu’il parle. Pourquoi y arrive-t-on ? On ne sait pas, de temps à autre on y arrive, beaucoup moins souvent que ce qu’on dit, souvent on prend du mutisme pour de l’autisme mais, tant qu’il est autiste, il n’a pas dit oui au signifiant puisqu’il ne parle pas.

Question :
Oui, vous disiez que il fallait avoir dit oui, pour parler d’un choix, à l’autre signifiant, au deuxième signifiant.

Solange Faladé :
Il faut dire oui au signifiant, c’est pas le deuxième signifiant. C’est… on dit oui au signifiant et c’est en appelant l’autre signifiant, le deuxième signifiant, celui qui va faire qu’on va pouvoir mettre un 1 au premier signifiant. C’est-à-dire que l’articulation langagière, un signifiant tout seul ne se signifie pas lui-même, c’est ça la définition du signifiant. C’est cette différence, il faut qu’il y ait un autre signifiant pour que un signifiant se signifie. Alors, quand il y a eu cette Bejahung, pour que le signifiant auquel on a dit oui puisse signifier il faut un autre signifiant, et donc on est dans cette structure langagière.

Elisabeth Boisson :
Je vais revenir sur ce que disait Marguerite, ça me parait, pour moi, difficile pour ce qui est de la névrose, mais beaucoup moins pour ce qui est de la psychose parce que, quand vous parlez de Katharina et d’Elisabeth et de la décision du sujet, vous dites qu’il a aussi consenti à la décision du père, consenti ou pas consenti à la décision du père, alors là on peut comprendre. Pour poser le problème de la psychose, comment vous… Oui, l’autiste n’a pas dit oui… Il arrive effectivement qu’il se mette à parler alors, qu’est-ce qui s’est passé ? Je conçois qu’on ne sait pas trop, mais comment ça se fait pour la psychose, comment est-ce compatible avec l’assertion qu’il faut trois générations pour faire un psychotique ? Sans parler de prédestination, on a eu l’impression qu’il y a quelque chose qui est inscrit dans la structure et qui se transmet, qui se transmet ou qui se transmet pas. Mais comment peut-on concilier ça, ce que vous dites là sur les psychotiques, on n’a pas besoin de ce qui se passe dans les générations antérieures ?

Solange Faladé :
Pourquoi on n’aurait pas besoin de ce qui se passe dans les générations antérieures ? Qu’est-ce qui fait que le père peut fonctionner comme père ? Je crois que si Lacan n’a plus mis l’accent sur ce Nom-du-Père mais sur ce qui fait que le père fonctionne comme père, ce qui tiendra lieu de ce qui fait que la fonction du père se fera connaître à l’enfant, pourquoi ne pas tenir compte des générations de l’histoire, parce que en fait…

Elisabeth Boisson :
Comment concilier avec ce que vous dites ? Je n’arrive pas très bien à comprendre parce que la fonction du père, oui mais, quand on voit le cas Schreber, c’est une histoire de son enfance, de son propre père, et tout ça...

Solange Faladé :
Oui, on remonte jusqu’à Linné avec Schreber, oui…

Elisabeth Boisson :
Mais enfin, on doit remonter quand même assez loin, on voit qu’il y avait quand même quelque chose dans la famille, c’est pas par hasard que Schreber a plusieurs fois envie de se suicider. Pourquoi tous ces enfants… puisque, jusqu’à 52 ans, il a parlé normalement… et puis un homme très brillant…

Solange Faladé :
Oui mais, de toute façon, qu’est-ce qui fait que ça peut tenir ? Ça, c’est toujours la question qu’on s’est posée. Et qu’est-ce qui fait qu’à un moment, il va y avoir un accident ? C’est la même chose pour Elisabeth, Elisabeth von R., je vous le dis tout de suite. Non seulement l’accident du père après tout, s’il n’y avait pas eu cet accident - mais on ne peut pas faire avec des si, si, si. - peut-être que rien ne se serait connu mais ça aurait pu être dans l’autre génération mais il y a eu cet accident du père avec ce qui, à ce moment-là, a fait que elle, Elisabeth von R., a été marquée d’une certaine façon. Oui, mais vous comprenez, la matrice de l’Idéal du Moi, ça joue aussi pour le psychotique. Mais le psychotique, dans son appel, il n’y aura pas ce qui viendra renforcer cette encoche, il y a l’appel, il y a l’appel au père, mais qu’est-ce qui fait que ça peut fonctionner comme père, c’est ça, il y a des observations, si je pouvais les donner j’arriverais à mieux faire saisir.

Elisabeth Boisson :
Ça veut dire que son père aurait fonctionné jusqu’à ce qu’il ait l’âge de cinquante ans et, tout d’un coup, ça n’ait plus fonctionné ?

Solange Faladé :
Mais qu’est-ce qu’il y a eu comme accident dans la vie de Schreber ? Tous ces enfants qui ne sont pas nés.

Elisabeth Boisson :
Ah oui, il y en a eu plein.

Solange Faladé :
Ben, oui.

Elisabeth Boisson :
Mais enfin…

Solange Faladé :
Il y a eu, comme Lacan y insiste, le fait qu’il ait été nommé président, etc. et qu’il a eu à être à une place de père.

Elisabeth Boisson :
Oui, oui, ça c’est sûr. Ça, ça ne me pose pas trop de problème mais il a quand même fonctionné jusque-là.

Solange Faladé :
Il a fonctionné jusque-là puisque il n’y a pas eu d’accident, de l’ordre de l’accident. Il n’y a rien eu, jusque-là, qui a pu montrer la faille mais je suis sûre, si on y regardait de près, il y aurait eu des bizarreries. Parce que, quand on y regarde de près, on trouve souvent des bizarreries, bon, s’il avait été nommé Président de la Chambre à trente ans peut-être que, à ce moment-là, on aurait vu que il se mettait à délirer car il n’y avait rien qui pouvait venir soutenir pour lui cette fonction de père.

Elisabeth Boisson :
Et quand vous rapportez l’histoire d’hystériques célèbres, on pourrait parler du consentement à la décision du père mais, pour le psychotique, qu’est-ce qu’on peut dire ?

Solange Faladé :
Mais parce que le père de Schreber, Daniel, le père de Schreber n’avait pas de décision pour lui ?

Elisabeth Boisson :
Oh, il en avait pour tous ses enfants.

Solange Faladé :
Oui, d’accord !

Elisabeth Boisson :
Mais du moment qu’il était…, si on sait ce qui se passe au moment où il accepte d’être sujet parlant il dit oui mais est-ce que déjà sa structure est, puisqu’on dit : la structure est là ; est-ce qu’elle est là ?

Solange Faladé :
Oui, la structure est là mais elle se révélera que à un moment. Car la structure d’Élisabeth von R. était là mais le symptôme aurait pu ne pas apparaître, c’est ça qu’on a du mal à saisir, elle aurait pu, euh, aller sa vie comme ça s’il n’y avait pas eu la maladie de son père et surtout…

Elisabeth Boisson :
C’est pas ça qui me pose problème.

Solange Faladé :
Alors qu’est-ce qui vous pose problème ?

Elisabeth Boisson :
C’est le problème que ce soit valable sur la décision de l’être, pour le névrosé, pour le psychotique parce que, s’il a une structure comme ça, comment peut-il avoir choisi puisqu’il est le produit d’une histoire et, déjà avant, si c’est déjà quelque chose se passait déjà en relation dans la structure, comment celui-là peut rejeter ou dire oui ?

Solange Faladé :
Écoutez, quand on reprend la vie de Schreber, il a quand même voulu être, lors de la députation, il a voulu quand même prendre une certaine place, donc ça veut bien dire qu’il y a bien là quelque chose, de ce qui était dans la décision du père le concernant que lui essaie d’assumer et les choses vont commencer à ne plus très bien aller, pour lui, lorsque il n’a pas été élu.

Elisabeth Boisson :
Oui, je connais l’histoire.

Solange Faladé :
Mais puisque vous connaissez l’histoire, il faut aussi tenir compte de ce qui est de l’homme accident parce qu’il aurait pu très bien ne pas vouloir solliciter quoique ce soit de cet ordre. Vous savez que… bon, alors quelle est votre question si je peux y répondre ? Vous savez tous les psychotiques ne délirent pas et tous les hystériques ne se font pas toujours connaître…

Bon écoutez, on y reviendra. De toute façon, ce n’est pas simple !


[79] Freud S. Katharina, in : Études sur l’hystérie (1895), pages 98 à 106. P.U.F.

[80] Freud S. Mlle Elisabeth von R. Ibid. pages 106 à 143.

[81] Lacan J. Écrits, page 571. Seuil.

[82] Lacan J. « Le savoir du psychanalyste ». Séminaire 1971-1972.

[83] Lacan J. « Remarque sur le rapport de Daniel Lagache » in : Écrits. Seuil. Pages 647 à 684.

[84] Lacan J. Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Séminaire XI 1964. Seuil.

[85] Lacan J. « Position de l’inconscient » in : Écrits. Seuil. Page 829.

[86] Lacan J. « D’une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose » in : Écrits. Seuil.

[87] Lacan J. Séminaire : Le savoir du psychanalyste, 1971 - 1972.

[88] Freud S. Die Verneinung in : Imago XI, 1825, et in : Gesammelte Werke, Tome XIV, pages 11 à 15.

[89] Freud S. « Fragment d’une analyse d’hystérie » in : Cinq psychanalyses, 1905. PUF, 1995.

[90] Freud. « Le Moi et le Ça », 1923, in Essais de psychanalyse. Petite Bibliothèque Payot. Page 219. Ainsi qu’une traduction de S. Faladé, G. Bortzmeyer et M. Wague. Document de l’École Freudienne.