26 mars 1996
Document de travail
J’ai pensé que c’était nécessaire de revenir sur presque tout ce qui s’est dit depuis un certain temps pour les repréciser et je pars de l’infans, de cet objet petit a qu’est l’infans, celui qui choit dans le monde, qui produit un réel, objet petit a puisque c’est le résultat, le produit, et le reste de la jouissance des deux êtres qui sont à l’origine de sa venue au monde, et donc qui est là du fait d’un désir de ces deux êtres qui sont les parents et qui se trouvent en ce lieu de grand A.
Avant qu’il ne vienne cet enfant et même dès qu’il est là, alors qu’il ne parle pas encore on a déjà parlé de lui. C’est le ça parle de lui de Lacan que vous trouverez dans sa « Remarque au rapport de Daniel Lagache » [133] entre autres et dans un premier temps, lorsqu’il met en place le graphe, il fait remarquer que cet enfant choit dans un monde où il y a un langage qui préexiste et ensuite, ce langage qu’il nous dit être ce discours qui lui préexiste et ce discours ce sont tous ces S1, ces S1 qui se trouvent au champ de l’Autre, ce champ de l’Autre qui rassemble les parents, certes, mais pas uniquement les parents, nous avons pu déjà en dire un mot, il y a cette chaîne des générations mais enfin ce soir nous nous en tiendrons aux parents, et donc, cet enfant qui crie, nous l’avons vu, et dans la « Remarque au rapport de Daniel Lagache » Lacan fait bien la distinction entre le cri et le hurlement.
Dans un temps premier ce cri qui est reçu par l’entourage de cet infans, cri qui recevra une réponse, une réponse dit Lacan, réponse à côté - je dois dire que les étudiants en médecine, lorsque je leur ai parlé de cela il y a deux ou trois ans, l’avaient très mal accepté… Bon, l’adulte répond à je ne sais quoi mais en tout cas ce qu’il pense être une demande et cette réponse donne, marque cet infans. En fait, l’adulte, ce grand A se présente comme un sujet supposé savoir, il se présente comme supposant savoir ce qu’est ce cri.
Mais, très vite le cri deviendra, nous dit Lacan, parole, et ça deviendra peut-être hurlement, mais sera une demande faite à l’Autre et, du fait de cette demande, de ce cri, l’Autre, le champ de l’Autre sera décomplété d’un signifiant, d’un de ces signifiant qui se trouvent, de ces signifiants S1 qui se trouvent en ce champ, et ceci viendra trouer ce Réel dans lequel baigne l’enfant, ce qui fait qu’il y aura une véritable substitution métaphorique de ce petit a, de ce reste, de ce produit de jouissance qu’était l’infans, il devient du fait de ce signifiant qui vient trouer le Réel, il devient sujet, il y a une véritable substitution métaphorique, il devient sujet, sujet du fait de ce S1 qui troue le Réel et en même temps fait que du petit a lambeau du Réel va choir.
J’ai pu me rendre compte que il y avait quelques difficultés pour certains d’entre vous autour de ces deux signifiants, le signifiant S1 et le signifiant S2. Nous sommes dans un monde de langage et puisque il y a cette substitution métaphorique, du fait du cri de l’enfant qui est devenu parole, il y aura inscription dans ce champ du langage, il y aura inscription et cette inscription est marquée par ces deux signifiants, l’articulation entre ces deux signifiants, le signifiant, un premier signifiant, disons le comme cela, un premier signifiant qui pour être signifiant, pour répondre à sa définition de signifiant devra être articulé à un autre signifiant, c’est pourquoi j’ai, dans ce premier temps, marqué ce : un signifiant, un signifiant quelconque qui fait que du sujet se met en place et ce signifiant va être articulé à un autre signifiant, autre signifiant qu’il appelle, autre signifiant, et c’est quand il y a cet autre signifiant que, par un effet rétroactif, un effet nachträglich [134], le premier, le signifiant S peut être marqué du S1, peut être là, va pouvoir être signifié de ce qu’il est, c’est-à-dire qu’il est de ces signifiants qui se trouvent au champ de l’Autre, de ces signifiants qui recouvrent le lieu d’où va émerger le sujet. Et donc, à partir de ce moment-là peut s’écrire ce S1 - S2, c’est-à-dire le signifiant S1 qui va représenter le sujet, auprès de l’autre signifiant, cet autre signifiant qui nous fait savoir que c’est dans le champ de l’Autre que le sujet fait appel pour ce deuxième signifiant, mais ce deuxième signifiant ne s’y trouve pas, c’est-à-dire que là il sera confronté avec le manque qui est au cœur de l’Autre, et à ce moment-là, ce deuxième signifiant sera prélevé sur le corps, sur l’être de l’organisme, c’est-à-dire une partie du corps et une partie du hors corps puisque l’objet petit a est intéressé.
La dernière fois, j’avais parlé de l’obsessionnel, de cet obsessionnel qui, nous dit Lacan, dans un des séminaire auquel je me suis référée très longuement, le séminaire D’un Autre à l’autre [135], où Lacan nous dit que lui, l’obsessionnel, se refuse, refuse d’être un maître et j’avais dit, de ce fait, l’obsessionnel s’efforce de ramener au S1 le S2, mais ça ne veut pas dire que ce S1 est inférieur car certains d’entre vous ont cru entendre cela. Mais pas du tout, pas du tout, c’est tout à fait important de bien savoir qu’il y a cet espace entre le signifiant qui va représenter le sujet auprès de l’autre signifiant, le S2 et que lorsque l’obsessionnel, de par toute sa symptomatologie, s’efforce de ramener au même, s’efforce de faire en sorte que l’Autre, le grand Autre, ce qui est là présenté par ce grand S2 soit ramené au S1, ça n’a rien à voir avec aucun inférieur, aucun supérieur, c’est que ce discours, ce discours du maître, ce discours de l’inconscient, lui l’obsessionnel s’efforce de ne pas le soutenir.
J’avais aussi parlé la dernière fois, toujours à propos de cet espacement qu’il faut qu’il y ait entre le S1 et le S2 c’est-à-dire ce qui vient là faire savoir qu’on est dans le champ du langage et qu’il y a une articulation langagière, cet espace, Lacan y revient assez longuement dans un de ses séminaires, dans une des leçons du séminaire XI et il explique ce que l’on trouve déjà dans la « Question préliminaire à un traitement de la psychose » [136] où il parle déjà de l’holophrase, ce qui est important, c’est de bien savoir que cette articulation telle que je vous l’ai marquée, voilà, donc ici ça fait le S1 et le S2, si il y a collapse, si il ne peut y avoir inscription de S2, mais il faut savoir que le psychotique fait appel à l’Autre et la clinique nous permet de le vérifier, de vérifier ce que on trouve dans l’enseignement de Lacan, il fait appel à l’Autre, au grand Autre pour un deuxième signifiant qui ne viendra pas, il y aura collapse, il y aura collapse et c’est ça qui fait qu’il y a holophrase et l’on trouve la même chose pour la psychosomatique c’est-à-dire il y a là quelque chose d’un sens qui ne pourra pas être saisi ou alors ce sera dans tous les sens comme ce que l’on peut voir chez le psychotique puisque il n’y a rien, il n’y a pas ce deuxième signifiant pour arrêter le glissement sans fin dans une phrase chez le psychotique. Donc, c’est très important de bien saisir qu’il faut qu’il y ait cet espace entre le S1 et le S2, même s’il ne vient pas à s’inscrire il faut savoir que dans la démarche de ce sujet parlant, le psychotique comme le névrosé, il faut qu’il y ait cet espace, il faut, même si…, que quelque chose fasse savoir que cela aurait dû être, même quand il n’est pas.
Donc, la mise en place de ce sujet, de ce sujet du fait d’une substitution métaphorique, substitution qui fait que de petit a il y aura un sujet, mais le sujet vient faire savoir qu’il n’y a pas de signifiant qui soit le signifiant du sujet, mais n’empêche qu’il y a quand même, nous dit Lacan, un signifiant, un signifiant qui va permettre que ce sujet soit représenté pour un autre signifiant et ce signifiant c’est un S1, mais il y a toute une batterie, toute une série de S1 au lieu de l’Autre, ce qui fait que le sujet qui nous intéresse est un sujet erratique, nous dit Lacan dans le séminaire XI, c’est-à-dire qu’il y aura toute une série de signifiants 1, série de signifiants qui pourront, à certains moments, le représenter auprès de l’autre signifiant et pour nous c’est important d’avoir ceci à l’esprit puisqu’en fait au cours du travail analytique, au cours du parcours analytique, à quoi aurons-nous à faire ? On aura à faire à tous ces signifiants qui viennent là représenter le sujet, et croyez-moi on l’entend à certains moments d’une cure, les choses se jouent, je l’ai marqué tout à fait là-haut, ça ne se voit pas beaucoup mais enfin ça se joue entre le S1 qui a permis que du sujet puisse venir en trouant le Réel, le Réel du sujet, le S1 et ce qui va choir, ce lambeau, ce lambeau de Réel qui est l’objet petit a. En fait, ce qui cause le sujet, le sujet qui nous intéresse, c’est d’une part, toute cette batterie de S1, donc, il y a là quelque chose qui le détermine, mais en même temps, il y a dans l’espacement créé qui se trouve entre les signifiants, il y a cet objet, cet objet qui est aussi au départ du sujet, qui cause le sujet, si bien que le sujet qui nous intéresse a une cause signifiante, c’est toute cette chaîne signifiante qui va défiler au cours d’une cure analytique, et une cause non signifiante, c’est cet objet petit a et cet objet petit a qui aussi suit au cours d’une cure.
La dernière fois, je vous ai dit que si on peut entendre ces signifiants, ces chaînes, c’est-à-dire ce qui se dit, ces paroles, pour ce qui est du petit a, c’est plus difficile et pourtant le sujet en analyse, l’analysant, nous fait savoir qu’il y a bien quelque chose de cet objet qui le cause, de cet objet et, à certains moments, il nous le fait savoir en disant que il y a là quelque chose dont il ne peut pas parler et je crois que là le jeu de mots de Lacan est à retenir : à propos de réticence, il a fait ce jeu de mots de réti et du sens, c’est-à-dire que, de ce qui ne peut pas se dire, mais qui se fait entendre comme ce qui ne peut pas se dire, mais du fait même de dire : « Là, il y a quelque chose, quelque chose dont je ne peux pas parler, dont je n’arrive pas à parler, dont je ne trouve aucun mot pour en dire quelque chose », l’attention est attirée, l’attention est attirée et Lacan nous dit qu’en fait parce que ça se dit que ça ne peut pas se dire il y a du sens qui va se faire entendre, va se faire savoir. Alors, je crois que, puisque je parle un peu comme ça, sans plan, mais avec des points précis que je veux apporter ce soir, c’est l’occasion pour moi de reprendre des points de l’enseignement de Lacan, de l’enseignement oral, c’est-à-dire qu’on ne le trouve pas dans les séminaires, ni dans les Écrits mais de l’enseignement qu’il a donné à ses élèves au cours de ses contrôles où il insiste dès la première fois qu’on le rencontre pour lui parler d’un cas, il insiste pour nous dire : « dès le premier jour, dès qu’on vous parle d’une personne, demandez son nom. Demander son nom, ce n’est pas uniquement savoir son prénom, c’est et le prénom et le nom ». Alors, vous pouvez me demander pourquoi je vous en parle là maintenant. C’est parce que il arrive qu’au cours d’une cure, on se tait, il y a mutisme, on ne peut pas dire, on n’arrive pas à nommer telle personne, on en parle mais l’attention est attirée, on sait qu’il y a là quelque chose et on peut se rappeler de ce que Freud nous dit, enfin qui est rassemblé dans La technique psychanalytique [137], : « surtout ne vous laissez pas faire lorsque quelqu’un vient vous dire que… c’est le secret de la confession et qu’il ne peut pas vous en parler ». Alors, les choses sont beaucoup plus simples si, dès le départ, vous avez insisté, insisté lourdement pour que le nom, pour que les personnes soient nommées, ça fait partie du tout dire, si on vient à se taire sur un nom, il faut bien se dire qu’il y a là quelque chose, il faut le prendre comme l’équivalent de ce qui ne peut pas se dire, de ce qui a à voir avec la réti-sens, il faut se dire qu’il y a là quelque chose et demander qu’on le nomme... Si du petit a, on ne peut pas en parler autrement qu’en disant que on a à faire à quelque chose là et qu’on n’arrive pas à en parler et que on ne trouve pas de mots pour dire et qu’on ne sait pas comment dire, l’attention est attirée en sachant qu’il y a bien là quelque chose qui a une importance et, croyez-moi, dans ce qui suit, pas forcément au cours de cette séance, peut-être au cours de cette séance, au cours de séances qui vont revenir, on arrive à saisir à quoi s’accrochait ce qui ne peut pas là se dire, ce qui ne trouve pas de mots pour dire, c’est-à-dire de la chaîne signifiante, le signifiant S1 à quoi ceci est accroché se dit et, bien souvent, lorsque le travail a été suffisamment avancé, on entend de la part de celui-là qui fait son analyse, il vous parle de quelque chose qui vient là de décrocher, il vous parle de quelque chose à quoi il était accroché, bref, il vous fait savoir qu’il vient d’y avoir une chute de signifiants, de signifiants S1, et croyez-moi très souvent, presque toujours, l’analysant lui-même le raccroche à ce qui dans ce qui l’a précédé, dans ce qui s’est dit de lui, enfin, ce qui a à voir avec ce S1 se fait entendre. C’est-à-dire que c’est tout à fait important pour nous de savoir, de savoir que le sujet qui nous intéresse s’il est effet de signifiants, c’est-à-dire effet des chaînes signifiantes, de tous ces S1, de toute cette batterie de S1, il est sujet de l’inconscient parce que il y a aussi un objet qui le cause, un objet qui n’est pas signifiant, mais parce qu’il parle, il fera savoir qu’il y a là quelque chose qui insiste, qu’il ne trouve pas de mots pour dire, mais le fait même qu’il dise les choses de cette façon, ceci suffit pour attirer notre attention. Et c’est, je crois que je n’en ai pas souvent parlé ici de la répétition, ça devait être tout au début lorsque l’on reprenait les concepts fondamentaux de Lacan, ce qui fonde la psychanalyse et d’ailleurs, dans le séminaire XI, Lacan fait un chapitre « L’inconscient et la répétition » [138]. Alors, autour de cet objet de ce qui est là non signifiant, mais qui a sa place dans le discours que tient l’analysant, il y a dans la répétition, c’est-à-dire dans ce qui revient de ce qui s’est déjà dit, ne serait-ce que parce qu’on vous a parlé de je ne sais quoi qui faisait... par exemple, on entend : « Je ne sais pas pourquoi les choses se passent pour moi aujourd’hui ainsi, est-ce à cause de ce que j’ai dit la dernière fois ? » , c’est-à-dire qu’il y a toutes ces chaînes de signifiants, ça a à voir avec les signifiants, et puis, il va y avoir un certain comportement, une certaine façon d’être et ceci l’analysant le remarque et fait savoir, parce que c’est bien parce qu’il le dit qu’on en sait quelque chose nous autres : « est-ce pourquoi je me comporte toujours ainsi, de cette façon ? », et il remarque que, effectivement, telle chose avait pu se dire, mais, dans ce qui se dit à nouveau, il y a la répétition. La répétition va de pair avec l’inconscient, nous dit Lacan, et avec cette répétition il y aura du nouveau, c’est-à-dire qu’il y a certes du même puisque ça se répète, mais il y a du nouveau, et c’est dans ce qui fait répétition et qui est remarqué par celui-là qui est en analyse que l’oreille de l’analyste qui n’a rien d’autre à faire que de dormir jusqu’à ce qu’il soit réveillé par quelque chose, son oreille est attirée par : « Ah oui, ça s’est déjà dit comme ça ! », mais il fait remarquer que il se comporte comme ça, mais il y a quelque chose de plus qui vient se dire et c’est ainsi que chemin faisant, entre les chaînes signifiantes et ce qui a accroché le sujet et que lui-même vous dit, hein ! c’est-à-dire ce sont là ces chutes des signifiants S1, ce qui l’a accroché et qui va décrocher que on saisit et ce signifiant qui vient de choir et le rapport avec cet objet, cet objet qui est, nous dit Lacan, la doublure du sujet et qui, même si ça ne peut pas se dire, fait quand même savoir, que il joue, il a une place importante dans ce qui a constitué le sujet dans ce qui a à voir avec la névrose du sujet, avec sa symptomatologie. Alors, il y a le comportement et ceci, remarque que il y a des personnes qui vous diront : « je ne sais pas pourquoi aujourd’hui, en rentrant je me suis mise à ranger ma maison, et puis alors, ça m’arrive chaque fois que je..., etc… », bon, je pense à ranger la maison, il y en d’autres qui vont voir les petits bateaux passer, je n’en sais rien, je ne peux pas vous donner des choses plus précises, mais enfin ce sont des choses de cet ordre-là qui étonnent, qui étonnent le sujet. Mais il y a aussi ce qui touche plus directement, comme je vous ai dit la dernière fois : l’angoisse, et donc, cette angoisse, le sujet s’y accroche et il a raison de s’y accrocher même si ça le dérange, même quand il vient nous faire savoir que ça l’empêche de vivre, mais si cette angoisse venait à n’être plus là et avec brutalité, le sujet ne s’y retrouve pas ! Alors donc, toutes les fois qu’il nous fait savoir que telle chose qui vient de se dire, ou telle chose donc qui s’est passée mais dont il n’a pas pu parler, mais il nous en parle à ce moment-là, l’angoisse s’est levée, nous devons être attentifs puisque il y a bien là quelque chose de cet objet petit a qui cause l’angoisse et qui se fait connaître à ce moment-là et, en même temps, avec cette assurance que c’est bien quelque chose qui intéresse directement le sujet à quoi nous avons affaire.
Donc, ce S1, ce petit a, ce qui est là qui cause ce sujet qui nous intéresse, cet espace qu’il faut, cet espacement qu’il y a entre le S1 et le S2 parce que nous sommes dans le langage, alors, vous me direz, pour le psychotique, qu’est-ce qui se passe ?
Il se passe ceci, que le petit a, le petit a ne va pas décoller, le petit a ne va pas subir ce qui provoque la division du sujet, souvenez-vous lorsque nous avons fait cette subjectivation, je ne vais pas pouvoir le développer ce soir, mais qui fait que du petit a va pouvoir s’inscrire sous le S2, chez le psychotique ceci ne sera pas, le petit a ne va pas décoller mais ça ne veut pas dire qu’il ne joue pas tout son rôle et nous savons ce qu’il en est du regard halluciné, ce qu’il en est de l’hallucination verbale et, lorsque nous prenons Schreber, tout l’intérêt qu’il porte à sa défécation et à sa miction, donc le petit a n’est pas décollé comme il l’est pour le sujet névrosé, mais ce petit a est là et il joue un rôle important chez le sujet psychotique, tout comme toutes ces chaînes de signifiants, ces paroles qu’il utilise avec ceci que, n’ayant pas ce S2 qui s’est inscrit, il n’aura pas ce que Lacan a appelé dans son enseignement, le point de capiton qui arrête la chute des significations.
La dernière fois, la question a été posée de savoir ici que l’analyste peut se présenter ou est vécu comme un grand Autre. Lorsque Lacan commençait son séminaire sur Le transfert [139], il y avait comme ça des petites réunions qui se faisaient chez le secrétaire de la Société Française de Psychanalyse avec des discussions aussi avec Lacan, c’était le bon temps vraisemblablement parce que ça se passait il y a quelques quarante ans, alors donc ça ne peut être que le bon temps. Alors donc, l’analyste se présentait comme un grand Autre et, dans le début de son séminaire, Lacan nous parle de l’Amour, il est aimé, l’analyste quelque soit celui qu’on choisit, il est aimé, alors l’analysant qui vient, ce qu’il adresse à son analyste, c’est de l’ordre de la parole d’amour. Mais Lacan nous met en garde, il ne faut surtout pas que lui, l’analyste, devienne à son tour aimant ! Les paroles qui lui seront adressées, seront adressées à un grand Autre puisque ce sera à ces débuts paroles d’amour mais puisque lui, l’analyste, ne doit pas y répondre, eh bien, s’il est à sa place d’analyste, il va choir, il sera objet petit a. C’était ainsi que, au départ, Lacan nous présentait les choses, je crois que tous les schémas ou les choses qui ont pu s’écrire ne sont pas passés jusqu’à la postérité, disons les choses comme ça. Alors, ça fait quoi ? Ça fait que il va tout faire pour ne pas rester à cette place mais ça ne veut pas dire qu’il a à décourager ou pas à décourager, c’est tout à fait autre chose, c’est ce qui se fait chemin faisant avec ce qui décroche, c’est-à-dire ces chutes de S1, avec ce qui du petit a se fait entendre, à condition que il ne soit pas sourd, qu’il entende quelque chose et que surtout il ne veuille pas comprendre. Lacan justement, je crois que c’est dans ce séminaire ou dans un autre écrit, disait hâtez-vous lentement de comprendre. Ce qui lui sera adressé seront des paroles adressées à ce qui n’a plus rien à voir avec l’amour, avec ce petit a et ce qui s’écrira sera ce qui dans la chapelle de Sainte Anne était Lettre d’amur, hein ! Il y aura là, d’ailleurs on l’entend des analysants disent : « mais, je parle à un mur ! ». Alors, il faut que de ces lettres d’amour, de ces paroles d’amour adressées à son analyste, que l’analyste doit savoir recevoir en sachant que il ne doit pas devenir aimant à son tour, il faut que cette mutation puisse se faire et que celui-là qui est en analyse s’adresse à un petit a, à un petit a qui ne sera pas, quoique ceci ait à voir avec l’amour, mais qui sera ce qui va permettre au sujet en analyse, et c’est là que Lacan au milieu de son enseignement a écrit , c’est-à-dire que il y sera en tant que ce qui doit être, en tant que ce qui cause le désir, en tant que ce qui fait que le sujet là, l’analysant, celui qui s’est mis au travail, et qui a accepté d’y être à ce travail en tant qu’analysant, puisse permettre que se détache ce qui le liait, ce qui l’aliénait à l’Autre, c’est-à-dire tous ces S1 et ce sera des séries de S1 puisque je vous ai dit que le sujet était un sujet erratique et qu’il faudrait autant de S1 qui se présentaient à lui pour être représenté auprès de l’autre signifiant donc, ce qui l’aliène va choir et vous vous souvenez, reprenons un des séminaires de Lacan et surtout ce qu’il disait dans « Les variantes de la cure type [140] », l’analyste restant à sa place d’analyste, c’est-à-dire étant cet objet petit a, ou support de cet objet petit a, non seulement acceptera, pourra faire que ce qui s’adresse à lui comme parole de la part de l’analysant va être ce qui a à voir avec ce désir qui le cause d’une part, mais aussi lui, l’analyste fera, s’il est à sa place d’analyste, en sorte que lorsque le sujet en analyse ne trouvera plus aucun signifiant 1 qui lui vienne de l’Autre, de ce champ de l’Autre auquel il était aliéné, il ne trouve pas la possibilité chez son analyste de prendre un trait, un signifiant S1 auquel il pourrait venir là s’identifier, c’est-à-dire ce qui va lui permettre de ne pas savoir, de ne pas savoir quel est l’objet qui est son être, les S1, ce qui aliène le sujet, c’est aussi ce qui lui permet de masquer, de lui masquer l’objet petit a qui est son être.
C’est un point important, ce qui fait que une cure qui arrive à être menée à une fin va permettre à celui-là qui a accepté, parce que ce n’est pas si aisé, il y a ce qui fait que on ne se retrouve plus être soi lorsque tous les signifiants S1 sont tombés, ce qui fait qu’on peut être sans repère, lorsque l’angoisse, qui aussi vient camoufler quelque chose, n’est plus, enfin c’est-à-dire que être, savoir quel était l’objet qu’on est, c’est ce que au début de ses Écrits, dans son article sur le stade du miroir [141], Lacan dit Tu es cela, c’est bien ce qu’à la fin d’une analyse on doit pouvoir se dire ce Tu es cela, et ceci n’est possible que s’il y a eu cette désaliénétion c’est-à-dire toutes ces chutes de S1, ceci n’est possible que si on a pu faire entendre dans les réti-sens de ce qui ne pouvait pas se dire autrement que par je n’ai pas le mot pour dire, mais quand même permettre que ça se dise, c’est lorsque tout ceci a été fait que le sujet peut, lui, parce que il n’y a plus de sujet, dire je suis cela.
Bon, peut-être qu’il y a des choses que j’ai oubliées, dont je voulais vous parler ce soir mais je voulais insister sur l’espacement de l’articulation langagière, du fait de l’articulation langagière, du fait qu’on est dans le champ du langage, qu’on soit psychotique ou névrosé. Je voulais insister sur ce qui cause le sujet : ce qui cause le sujet, ce n’est pas uniquement la chaîne des signifiants, ce n’est pas uniquement le signifiant, mais en même temps, ce qui a à voir avec ce reste de jouissance qui choit au moment où il y a ce troumatisme. Je vous ai, j’ai essayé une fois de montrer que Freud dans son intuition avait mis l’accent sur le traumatisme, traumatisme sexuel et qu’il cherchait à quelle date ceci avait pu se produire pour tel ou tel sujet et Lacan, tenant compte de cette intuition de Freud, montre que c’est le fait même de parler, c’est le fait même de mettre une barre sur la jouissance, dans ce qu’il nous a dit de « L’esquisse », c’est ça qui est le traumatisme, c’est ça qui fait qu’au départ il y a traumatisme. Donc, ce qui reste de cette jouissance et qui choit, et ce signifiant qui fait que la parole est prise par le sujet, c’est entre ces deux éléments qu’est la cause signifiante et la cause non signifiante, c’est autour de cela que se fait le travail dans une cure analytique et de faire que quelqu’un peut dire un jour Je suis cela.
Bien, nous nous reverrons le 14 mai.
Questions
Michèle Aquien :
Je voulais vous demander ce qu’il en est du statut des S1 justement pour le psychotique, le Je suis cela.
Solange Faladé :
Écoutez, pour le psychotique… Mais le psychotique, certains arrivent, parce que il peut y avoir ligature, il peut y avoir possibilité, vous savez dans le schéma I que Lacan… alors il peut y avoir une ligature de ceci… donc il y aura ces ronds et il y aura la borroméisation, il y aura ce noeud borroméen qui fait que quelque chose peut tenir et très bien, il y a ces personnes, qui vous disent autour de leur quête du père, qui arrivent à vous faire savoir ce qui les aliène et malheureusement, ce qu’il va pouvoir ligaturer ici ne sera, ne sera jamais solidement tenu comme pour le névrosé. Alors donc, il y aura bien ces chutes, enfin quelque chose qui est accroché concernant ce point d’aliénation avec ceci, qu’il ne faut quand même pas oublier, que lui, le psychotique avec le rejet du signifiant phallique a choisi d’être du côté de l’être, c’est-à-dire que sa relation aux S1 diffère malgré tout mais il y a une possibilité d’une ligature d’une borroméisation qui fait qu’il peut aller, pendant un certain temps, son chemin et puis bon, de nouveau ça peut s’ouvrir et alors c’est le délire. Mais enfin il y a des formes de psychose et c’est pas aussi simple que ce que je dis comme ça ce soir. Je pense, le premier samedi de Juin autour de la pulsion de mort, faire entendre quelque chose de ce que le psychotique nous fait saisir, que cette pulsion de mort va avec le surmoi et ce surmoi, Freud a pu en saisir quelque chose avec le grand Autre. Je vous réponds pas directement mais avec ce que je viens de vous dire il y a cette relation au grand Autre, il y a ce qui peut choir, mais en sachant que son aliénation diffère, dans la mesure où il a rejeté le signifiant du phallus. Mais, ce qui autour du père se pose à lui se dit et, à ce moment-là, ce qui est de l’objet et souvent, lorsque c’est le regard, c’est beaucoup plus difficile lorsque ce sont les hallucinations verbales, lorsque c’est la voix qui est en cause, en général, mais pour ce qui est du regard il peut y avoir des ligatures qui permettent que le nœud borroméen se fasse et que ça tienne un certain temps. Il faudrait reprendre et la constitution de l’un et de l’autre et voir par rapport aux S1 c’est-à-dire par rapport au grand Autre comment lui le psychotique s’est placé. Il a bien une relation, mais une relation qui ne se présente pas comme pour le névrosé dans la mesure où il y a eu ce rejet du Nom-du-Père.
Claudia Boddin :
Excusez-moi, je n’ai pas très bien compris l’approche que vous avez faite entre le stade du miroir de l’enseignement de Lacan en disant Tu es cela avec la fin de l’analyse parce que, à la fin de l’analyse, c’est pas l’analyste qui va dire Tu es cela ?
Solange Faladé :
Ben non, c’est le sujet lui-même ! C’est pour ça que j’ai repris en disant qu’il peut dire Je suis cela. Je donne la référence de Lacan dans son écrit sur le stade du miroir [142], et là il dit : « Le sujet doit pouvoir dire : tu es cela seulement ». Ce n’est pas l’analyste qui lui dit, ce n’est pas l’analyste qui va lui dire Tu es cela, c’est lui qui dit Je suis cela. Mais dans son écrit tel qu’il le présente, Lacan ne peut pas dire Je suis cela. Personne n’a les Écrits là ? C’est au début des Écrits, le stade du miroir telles que les choses se présentent, Lacan forcément dit Tu es cela seulement, mais ce n’est pas l’analyste qui le dit, c’est le sujet, c’est pour ça que j’ai repris pour que justement il n’y ait pas d’erreur, j’ai bien dit, dans un deuxième temps, Je suis cela.
Danielle Chouraqui :
Mais, madame, dans le stade du miroir, on pourrait dire que, lorsque l’enfant est présenté avec sa mère, c’est important, c’est pas à ce moment-là, c’est elle qui dit…
Solange Faladé :
Ah non, non, non ! C’est toi, C’est toi, mais… personne n’a les Écrits de Lacan là ? Son écrit sur le stade du miroir, il finit en disant Tu es cela seulement mais ce n’est pas le fait que la mère prenne l’enfant et lui dise C’est toi. Non, non, c’est vraiment ce qui a à voir avec la fin d’une analyse. Mais c’est à la fin de cet article.
Question :
A propos de l’appel au second signifiant, je n’ai pas bien saisi ce qu’il en était pour l’obsessionnel ?
Solange Faladé :
L’obsessionnel, comme tout névrosé a fait cet appel au deuxième signifiant, mais l’obsessionnel refusant de se prendre pour le maître va faire en sorte que cette inscription dans laquelle il est, il s’efforce de le faire revenir au S1. C’est pour ça que chez l’obsessionnel, comme je l’ai dit la dernière fois, on a pu parler de la folie du doute, enfin de toute une série de choses qui déroutaient, jusqu’à ce que Freud dise : mais non, c’est un névrosé. L’appel au deuxième signifiant s’est fait.
Elisabeth Boisson :
Vous avez dit quelque chose, j’ai pas bien suivi, si ça s’adressait probablement au psychotique, vous avez dit : cela aurait dû être ou quand il n’est pas…
Solange Faladé :
Écoutez, essayez de retrouver la phrase.
Question :
Vous parliez justement de…, je pensais que c’était peut-être… pour le psychotique, cet appel au second signifiant, par contre, ne se perd pas…
Solange Faladé :
Non, il y a l’appel au deuxième signifiant mais il n’y aura aucun signifiant qui viendra y répondre. Pour le psychotique, c’est ça. D’ailleurs la question du père se fait entendre au cours d’une cure. Il y a cet appel au deuxième signifiant mais cet appel au deuxième signifiant il n’y aura pas d’inscription puisque il y a eu ce rejet du Nom-du-père, c’est-à-dire qu’il ne faut pas faire comme s’il n’y avait pas eu cet appel au deuxième signifiant parce que la clinique est là pour nous montrer que cet appel…
Question :
C’est ça que vous vouliez dire à propos de cette phrase, il me semblait bien que vous disiez ça…
Solange Faladé :
Oui mais, pour l’obsessionnel, le deuxième signifiant est là. L’obsessionnel s’efforce de ramener ce deuxième signifiant au signifiant 1, de faire du même, s’efforce qu’il n’y ait pas d’Autre, mais c’est une tentative, enfin, dans ce séminaire, Lacan dit qu’il y a là cette espèce d’objet porté au champ de l’Autre, enfin cette espèce de tonneau des Danaïdes… Ça a été développé, je l’ai développé en reprenant le séminaire de Lacan, il s’efforce de faire du même, mais ça ne veut pas dire que le S2 n’est pas inscrit. Il est bel et bien inscrit puisqu’il attend la mort de l’Autre, enfin toute la symptomatologie de l’obsessionnel qu’on peut reprendre avec ce sigle S1- S2…
Elisabeth Boisson :
Et la folie du doute dont vous parlez, comment ça se rapporte à ça ?
Solange Faladé :
La folie du doute ?
Elisabeth Boisson :
Oui, vous dites qu’on a parlé de folie du doute pour les obsessionnels.
Solange Faladé :
Oui, dans la mesure où l’on a pris pour quelque chose de délirant leur façon d’être dans le doute, et ce quelque chose de délirant pouvait se comprendre avec ce souci de faire en sorte que l’espace S1- S2 ne soit pas maintenu.
Elisabeth Boisson :
Oui, mais pourquoi le doute, là ?
Solange Faladé :
Mais, mais, c’est ses hésitations qui font que l’obsessionnel a toujours du mal. Vous comprenez, dans un pas, on peut dire que c’est une façon que le sujet a de faire savoir qu’il est sujet, mais il y a l’exagération, puisque de toutes façons ce n’est que dans cette exagération, qui fait que on se demande s’il n’y a pas là quelque chose d’une folie qui fait que l’obsessionnel dans tout son rituel dans ce fait qu’il doute, qu’il va revérifier, qu’il revient, c’est de cela, c’est sous cette rubrique-là qu’il faut ranger la folie du doute.
Elisabeth Boisson :
Oui, mais, vous rattachez ça au fait qu’il veut ramener le S2 au S1 ?
Solange Faladé :
Je pense que on peut dire que tout ce qui, dans un temps, a fait penser que l’obsessionnel était du côté de la psychose, c’est ce qui fait que cet espace S1 - S2, il s’efforce de ne pas le maintenir. Et, dans le début de son enseignement, Lacan, parce que chez les psychotiques, il y a ce comportement obsessionnel, il faut que les choses se retrouvent là, il faut que etc. a bien montré la différence. Que rien ne doit être déplacé dans le réel pour ce qui est du psychotique, et que ce comportement qui est une certaine obsessionnalisation n’a rien à voir avec l’obsessionnalité de l’obsessionnel, c’est d’ailleurs à propos de cela que il a fait la différence entre l’idée obsédante et l’idée obsessionnelle.
Muriel Gajewska :
Dans Les formations de l’inconscient [143], la dernière partie à partir du mois de mai, il y a cinq leçons que je trouve magnifiques sur le désir de l’obsessionnel et ce que vous dîtes à propos de cet espacement justement entre S1- S2 me fait penser à un point que Lacan soulève là où il dit : « L’obsessionnel est complètement soumis, dépendant de l’Autre de la parole mais dès qu’il s’agit du désir il va tenter de le détruire, l’Autre ». Alors, il y a dans cet Autre, de ce que j’ai compris, alors Lacan dit « je ne dis pas qu’il n’y a pas d’Autre, de grand Autre, chez l’obsessionnel mais quand il s’agit de son désir il n’y en a pas ». C’est pas rien quand même de dire ça !
Solange Faladé :
C’est-à-dire, quand il s’agit de son désir, lui, l’obsessionnel, je crois que c’est dans ce passage, où il dit que, au lieu de l’Autre, cela ne lui a pas été dit et alors, pour ce qui est de son désir, il ne sait pas, je crois que c’est aussi dans ce…
Muriel Gajewska :
Il dit plus encore, il dit qu’il tente de détruire le désir dans sa constitution même du désir dans l’Autre.
Solange Faladé :
Mais oui, puisque…
Muriel Gajewska :
Je voulais dire ça, pour dire que est-ce que quand vous dites qu’il tente de réduire l’espacement S1 - S2, est-ce qu’on ne pourrait pas dire qu’il tente, c’est une tentative, il n’y parvient pas, mais il est dans un mouvement de réduire cet écart pour détruire quelque chose du désir ?
Solange Faladé :
Mais oui, parce que à la fois, de l’Autre, il attend la mort à la fois de l’Autre, il s’efforce de lui apporter, il a ce mouvement perpétuel qui fait que de son désir il ne veut rien en savoir et ce qui fait que ce qui au lieu de l’Autre pourrait lui permettre de faire saisir ce désir, il ne peut que le détruire puisque si on continue pour ce qui est de la fin d’une analyse, c’est bien ce qu’on a été dans le désir de l’Autre qu’on va saisir or lui, l’obsessionnel, s’efforce dès le départ, de n’en rien savoir et, dans ce même séminaire, Lacan commence par dire que il est un assujet, et puis il ne l’a jamais plus dit, il est assujetti au désir de la mère s’efforçant, puisque à cette époque-là Lacan faisait toute la différence, c’est-à-dire que le champ de l’Autre, il faisait la différence entre ce qui se joue avec la mère et le désir de la mère et il faudra qu’on y revienne peut-être cette année, et ce qui se passe au niveau de l’Autre du père, ce qui fait que ce désir de lui qui pourra être saisi parce que chez l’Autre, ça a pu se dire, parce que assujetti au désir de la mère, il s’efforce de détruire ce qui serait en ce lieu de l’Autre.
Muriel Gajewska :
Il parle de Verneinung du désir.
Solange Faladé :
Oui, de Verneinung du désir, pourquoi pas ? La Verneinung [144], c’est une dénégation, ça n’a rien à voir avec la Verwerfung, c’est une dénégation. Alors, pour qu’il y ait dénégation… C’est d’ailleurs avec l’obsessionnel que Freud nous illustre la dénégation de ce patient qui dit : « Oui, vous allez dire que c’est ma mère mais, ce n’est pas ma mère », c’est une dénégation, c’est bel et bien sa mère ! C’est-à-dire que ce qui est de son désir, et en fait il n’est pas sans en savoir quelque chose, il va le dénier, il y a une dénégation.
Elisabeth Boisson :
Je n’ai pas bien compris ce que vous avez dit pour l’obsessionnel : Au lieu de l’Autre, ça ne lui a pas été dit ?
Solange Faladé :
Au lieu de l’Autre, nous dit Lacan dans ce séminaire sur Les formations de l’inconscient [145], ce qui est de son désir ne lui a pas été signifié, ce qui fait que son désir est de l’ordre de l’impossible. C’est dans ce séminaire Les formations de l’inconscient.
Elisabeth Boisson :
Je ne comprend pas très bien ce que ça veut dire, qu’on lui ait dit, pour l’obsessionnel.
Solange Faladé :
Mais le signifié est ce qui est, que ça lui soit signifié, ça nous est toujours signifié plus ou moins ce qui est de notre désir même si nous ne voulons rien en savoir. Or, Lacan, dans ce séminaire nous dit que l’obsessionnel est assujetti, c’est un assujet à ce qui est du désir de la mère et que ce qui est au lieu de l’Autre et au lieu de l’Autre là parle essentiellement du père, le père n’ayant pas pu signifier à son enfant ce désir qui serait, qui devrait être le sien, il reste assujetti à la mère, au désir de la mère, et ce qui fait que son désir à lui est de l’ordre de l’impossible. Je crois qu’il faut replacer cela au temps de l’enseignement de Lacan, c’est-à-dire que ce qu’il nous dira après du grand Autre et tout ça, par exemple le fait de nous dire que l’obsessionnel est un assujet, il est assujetti au désir de la mère, il n’emploiera jamais plus ce dit. D’ailleurs, pour bien faire, il faudrait reprendre mère, père, ce qui de la mère doit trouver une barre et s’il ne trouve pas cette barre, enfin etc.
Elisabeth Boisson :
Il l’a redit après, du désir de la mère, mais ce que vous dites là c’est - j’ai pas souvenir de ça - c’est-à-dire que, au lieu de l’Autre, cela ne lui a pas été signifié ; c’est le père qui n’a pas signifié ?
Solange Faladé :
Oui, c’est ça, oui, à cette époque-là, encore une fois, je vous dis on est là où Lacan en est de son enseignement. Il nous dit que l’obsessionnel est un assujet, assujetti au désir de la mère, et l’Autre, le père, lieu de l’Autre, là ça ne s’est pas dit c’est le père mais, à ce moment-là, il dit lieu de l’Autre. Et ensuite, au champ de l’Autre, il mettra la mère, le père et, à toutes les fois que c’est nécessaire, il fera la différence entre ce qui est du désir de la mère ce qui est du père et ce qui fait que la barre peut être mise sur ce désir de la mère, sur la mère ou que la barre n’est pas mise. Même ensuite, lorsqu’il unifie le champ de l’Autre, par exemple pour Daniel Lagache, lorsqu’il dit qu’au lieu de l’Autre, que ce lieu qui est transcendantal est autant la mère que le père là. Tandis que là, c’est essentiellement du père qu’il nous parle. Bien, enfin il faudrait redétailler les choses, reprendre…
[133] Lacan J. « Remarque sur le rapport de Daniel Lagache » in Écrits. Seuil. Pages 647 à 684.
[134] Lacan J. « Position de l’inconscient » in Écrits. Seuil. 1966. Page 839.
[135] Lacan J. Séminaire D’un Autre à l’autre, 1968 - 1969.
[136] Lacan J. « D’une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose » in Écrits. Seuil. Pages 531 à 583.
[137] Freud S. La technique psychanalytique. P.U.F. 1953.
[138] Lacan J. Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse. Seuil. Pages 26 à 61.
[139] Lacan J. Séminaire Le transfert, 1960-1961. Seuil. 1991.
[140] Lacan J. « Variante de la cure type » in Écrits. Seuil. 1966. Pages 323 à 362.
[141] Lacan J. « Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je telle qu’elle nous est révélée dans l’expérience analytique », Communication faite au XVIème congrès international de psychanalyse de Zurich, le 17 juillet 1949, in Écrits. Seuil. Pages 93 à 100.
[142] Op. Cit. Note 11.
[143] Lacan J. Les formations de l’inconscient, Séminaire 1957-1958. Seuil. 1998.
[144] Freud S. « La dénégation ». Traduction de S. Faladé, C. Chambon, M. Lohner-Weiss in « Sur les traces du savoir insu ». Document de l’École Freudienne.
[145] Lacan J. Op. cit.