Accueil / Espace membres / Archives / Solange Faladé / La responsabilité du sujet 1995 - 1996 / La responsabilité du sujet VII

La responsabilité du sujet VII

13 février 1996
Document de travail

Coupable oui, on l’accepte, on est d’accord ! Responsable, non, surtout pas ! C’est ce qui m’est revenu des échanges de la dernière fois. Je voudrais dire que je ne cherche nullement à convaincre, et dire également que de référer à Freud et à Lacan ce n’est pas vouloir m’abriter derrière des Jacques a dit et Freud a écrit. J’ai pensé… Faladé s’interrompt le temps que des arrivants s’installent… Si j’ai pensé, après notre travail de l’année dernière qui a essayé de mettre en évidence ce qu’est cette identification [103], ce que Lacan, en partant de l’enseignement de Freud et donc de l’Idéal du Moi et ce que nous avons pu essayer de cerner concernant la fin d’une cure et cette identification au symptôme que j’ai abordée à Tours [104], si après ce travail de l’année dernière, j’ai pensé que c’était important pour nous d’éclairer ce qu’est ce sujet de l’inconscient, parce que c’est celui là qui nous intéresse, c’est pas celui qui parle, c’est pas le sujet de la parole, le sujet qui nous intéresse, c’est celui qui ne sait pas ce qu’il dit et celui qui ne sait même pas parfois qu’il parle, donc si j’ai pensé que c’était important pour nous d’essayer de saisir ce qu’il en est de ce sujet de l’inconscient, c’est me semble t-il que c’était important, pour mieux saisir ce qui se joue à la fin d’une cure ce qui se joue avec cette identification au symptôme.

Parmi tout ce qui s’est dit la dernière fois, soit ici, soit après, forcément j’en entends des choses qui se sont dites ou qui se disent après, il y a un point : on s’est demandé pourquoi je n’ai pas parlé de la liberté.

La liberté et que ce que Sartre a pu en dire puisque Lacan s’y est intéressé, donc je n’en ai pas parlé parce que il m’a semblé qu’il fallait d’abord bien comprendre ce que Lacan, à propos de cette liberté nous a dit que pour nous c’était le signifiant. Cette liberté, chez Sartre, vous savez que c’est ce qui va faire qu’une béance, qu’un manque sera là au coeur de l’être, Lacan dit que pour nous c’est le signifiant, c’est ce signifiant qui troue le Réel, le Réel du sujet et qui fait que il y aura un sujet, un sujet qui se met en place, qui se met en place parce que ce signifiant a troué ce Réel et en même temps il se passe ceci qu’il y aura une chute, un lambeau de ce Réel, et cette chute, ce lambeau de Réel, Lacan dit que c’est là l’objet petit a.

Donc ce qui cause le sujet, ce sujet qui est sujet de l’inconscient, celui qui a dit « oui au signifiant » qui se présente à lui c’est-à-dire à cette Bejahung c’est ce qui fait trou dans son Réel et c’est ce signifiant, ce signifiant 1 qui est traumatique.

Il y a eu bien d’autres choses qui se sont échangées après notre réunion de la dernière fois et vous en avez une trace avec ce travail que Racadot a envoyé [105], c’est l’occasion je pense pour les uns et les autres d’en discuter mais certaines choses m’en reviennent ici, ce dont je veux parler ce soir c’est de la démarche, j’ai déjà commencé la dernière fois, la démarche de Freud et de Lacan.

Freud, c’est une intuition, quelle intuition ? Une intuition, et, il s’est efforcé d’en rendre compte, d’élaborer, ce qui pouvait permettre de saisir ce que lui-même venait déjà de découvrir, et c’est chemin faisant avec ses patients qu’il s’y est employé. La dernière fois je vous ai dit que Freud, cet homme de laboratoire, cet homme qui travaillait sur les neurones, les synapses, a pensé que cet inconscient qui se mettait en place pouvait avoir cette même démarche, cette même marche que l’influx nerveux et Freud, donc part sur ceci qu’il se pourrait que ce petit d’homme au départ, au départ, arrive au monde d’une façon telle que, si il ne subit aucun traumatisme, si il n’y a rien qui vient déranger son développement, on pourra faire en sorte que les névroses puissent ne pas advenir.

C’était là le souci premier de Freud et vous savez tout le soin qui a été le sien pour trouver, pour essayer de dater, quel moment, tel traumatisme a pu subvenir chez tel sujet, et, ainsi éclairer sa symptomatologie psychopathologique. Donc, pour Freud, c’est au cours du développement qu’il y aura traumatisme alors que, pour Lacan, parce que, comme je vous l’ai dit la dernière fois, il tient compte de ceci que ce petit d’homme est dans le champ du langage et que, dans le meilleur des cas, la parole fonctionnera, ce petit d’homme à partir du moment où ce oui est dit, oui au signifiant, cette Bejahung que l’on trouve chez Freud, c’est à ce moment-là qu’il y a traumatisme. C’est le signifiant qui est traumatique et Lacan, à un moment de son enseignement assez avancé, a fait ce jeu de mots, c’est le troumatisme [106]. S’il y a traumatisme pour Freud, ce qui est traumatique, c’est en fait de parler.

Le souci de Freud, vous le savez, c’est de faire en sorte que il n’y ait pas traumatisme, de faire en sorte qu’il puisse y avoir un développement harmonieux et il s’est rendu compte que ses patients adultes qui venaient le voir, c’était souvent des questions qui touchaient la sexualité qui étaient là, obstacle, dans leur vie. Vous savez que Freud, dans un premier temps, s’intéressant, accueillant, des neurasthéniques, s’est aperçu de toute l’importance de la morale sexuelle, le coïtus interruptus et bien d’autres façons de faire… Et, pour lui, c’était cette morale, cette morale sexuelle, morale sexuelle civilisée qui était là, cause de ce qui faisait inhibition, de ce qui faisait qu’en somme on empêchait l’homme de tourner en rond.

Alors, on a pensé que, peut-être, quelque part, il pouvait y avoir un paradis, et ces peuples qui se contentent d’un cache-sexe, dansent le sein nu, d’ailleurs on s’est aperçu aussi qu’il y avait une morale, une morale sexuelle et non civilisée, ce qui a beaucoup dérangé les personnes de ce début de la psychanalyse, que l’interdit était là aussi présent, et ça se traduisait d’une façon autre, mais quand même était là, ce qui faisait dire par exemple, c’est au hasard que je dis ça, je ne suis pas allée chercher quelques références exactes mais on a trouvé, lorsque il y avait une soeur germaine, elle ne devait pas emprunter le même chemin que son frère car l’interdit portait jusque-là. Enfin bien d’autre chose qui fait que le souci des premiers analystes ne s’est pas simplifié et Freud avec eux. Mais enfin, Freud quand même tenait à ceci, tenait à faire savoir que si on abordait différemment ce problème de la sexualité et si, dès le départ de la vie, on y allait avec une certaine ouverture avec les enfants, les petits d’homme, eh bien ça devait se passer mieux. Le petit Hans [107] vous savez, ses parents étaient tout à fait du même côté que Freud, ils avaient décidé de suivre ce que là Freud conseillait et le petit Hans vivait dans un espèce de paradis les premiers temps où les choses se présentaient bien. Et puis il y a eu ceci, et pour cela on le remarque dans l’observation du petit Hans, Lacan en extraira, en parlera d’une façon telle que on pourra se rendre compte que : que l’on dise quelque chose ou qu’on ne dise rien, le petit d’homme, le petit Hans, à un moment s’intéresse parce que c’est comme ça, à ce qui est du sexe, du sien d’abord, de celui de sa mère, de celui de son père même s’il dit à son père : « moi je n’ai jamais vu ton fait-pipi mais je sais que tu l’as ». La mère, elle a beau lui assurer qu’elle l’a, il lui dit, bon : « non, grande comme tu es, ça devrait au moins avoir la taille de celui d’un cheval ».

Bref, ce n’est pas tellement de dire ou de ne pas dire, c’est parce que c’est un petit d’homme, il parle et là, quelque chose le concerne tout directement. Freud espérait qu’avec Hans, qu’avec ce que les parents pourraient dire, ça devrait aller tout seul et les parents aussi mais nous venons de voir que pour ce qui était du sexe des trois membres de la famille qu’il y a d’un côté quelqu’un qui joue pas le jeu, et c’est la mère. Il y a ça, d’une part, et d’autre part, il y a l’arrivée de cette…, de celle qui sera la petite soeur, et ses parents qui sont tout à fait pour les théories de Freud, lorsque l’enfant les interroge, ce n’est même pas la petite graine que papa a mis dans le ventre de maman, c’est la cigogne, hein…

Parler vrai, ce n’est pas si facile, même quand on est tout à fait d’accord avec les théories de Freud ! Et le petit gamin, pas si sot, dit : « Ah oui, je l’ai entendue sonner votre cigogne ! » Hein ! Bon, vous connaissez l’observation, je ne vais pas la détailler plus. Enfin c’est pour dire que là, Freud, avec tout son sérieux, avec ce qui est là et fait difficulté, se trouve confronté avec quelque chose et quelque chose qui fait que ce n’est pas d’accepter les théories de sa découverte qui fera que le pas sera fait, mais peut-être de mettre en question ce qu’est cet inconscient, c’est-à-dire de faire un travail sur le sujet. Le sujet de l’inconscient, ce n’est pas le sujet de la parole et j’ai eu le sentiment la dernière fois que là, vous mettiez à la place du sujet de l’inconscient le sujet de la parole, il n’en est rien.

Donc il y a ça, il y a la question du développement et vous savez tout le soin que Freud a mis à pouvoir vraiment trouver quel moment était le plus important pour que telle chose puisse être et ainsi de suite et, à cause de cette place donnée au développement, à un moment, un certain nombre de ses élèves, de ses disciples, ne l’ont pas suivi et nous aurons l’occasion très prochainement d’entendre Sean Paterson nous parler de la position de Mélanie Klein et autour du travail qui se fait sur le Surmoi et Mélanie Klein [108], parce que pour elle l’essentiel de ce qui est développement se fait autour, pendant les trois premiers mois, arrive à avoir une position tout à fait autre que celle de Freud et met là ce Moi autonome, enfin ceci nous sera plus détaillé. Cette question de développement a eu une telle importance que véritablement, dans les mouvements psychanalytiques, il y a eu une scission, une scission qui a été d’autant plus marquée que la diaspora, les analystes de Vienne, non seulement ont eu du mal à suivre Freud - surtout à partir du moment où lui-même Freud, revient sur un certain nombre de points de sa découverte, c’est-à-dire au-delà de la deuxième topique - donc ont eu du mal à suivre Freud et il se trouve que, du fait des événements que vous connaissez, la plupart ont dû émigrer en Amérique si bien que là, la question de « Est-ce que la psychanalyse existe toujours en Amérique ? » peut se poser.

Donc Freud, parce qu’il veut absolument trouver, faire en sorte de repérer le temps, le moment, ce qui peut être traumatique pour un sujet, Freud là se trouve avec ce souci qui est le sien, à mettre en place une prophylaxie, a été gêné, a été gêné et lorsque nous avons vu cet article sur « Angoisse et vie de la pulsion » [109], on voit bien que là Freud essaie de comprendre ce qu’il en est de ce qui fait que le sujet humain, avec ses pulsions... comment comprendre ce qu’il en est du sadisme, du masochisme, de la pulsion de mort enfin, bref je ne vais pas rentrer dans tout ceci, il voit bien qu’il n’y arrive pas et, en même temps, il dit qu’il y a là quelque chose qu’il faut poursuivre et ce qu’il y a, ce ne sont pas les sciences exactes qui peuvent aider à faire un pas, je crois que lorsqu’on a parlé d’esprit scientifique la dernière fois, on peut se demander par rapport à ce sujet de l’inconscient en quoi l’esprit scientifique peut nous être de quelque utilité, ce qui ne veut pas dire que les sciences et les sciences actuelles n’aident pas à mettre en place une théorisation de ce qui se joue pour ce sujet de l’inconscient, et c’est ce que Lacan à partir du moment où il s’est intéressé à la linguistique, bien sûr la linguistique il y en avait chez Freud, comme il dit il a anticipé Saussure mais il ne s’en est pas servi de cette linguistique, Lacan s’intéressant, pensant que, en fait, ce qui est à considérer, c’est qu’il s’agit là d’êtres parlants, de parlêtres et il a forgé ce mot de parlêtre pour pouvoir également y introduire, faire savoir que ce n’est pas seulement le névrosé mais que c’est aussi le psychotique puisqu’il est sujet. Lacan donc, avec le parlêtre, s’est dit que c’est sûrement avec ce qui intéresse le langage, avec donc ce qui est l’articulation langagière, que une ouverture, je n’ose apporter le mot de compréhension, puisque la compréhension, c’est quand même ce qui, en définitive, nous empêche d’entendre ce sujet de l’inconscient, que… c’est à partir donc de cette articulation langagière qu’il y avait à s’efforcer de saisir ce qui se joue là pour le sujet de l’inconscient.

Alors, je vais revenir à ce dont j’ai déjà parlé, non pas que j’emploierai ce mot de responsabilité, vous verrez, à vous de savoir si, oui ou non, il y a responsabilité, enfin… S’il n’y a pas responsabilité du sujet qui vient pour nous parler, hein, parce qu’après tout s’il vient nous parler, c’est bien parce que quelque chose est là et qui le dérange, à ce moment-là peut-il y avoir responsabilité de l’analyste ? Alors ça, c’est quelque chose que j’ouvre et je n’irai pas plus loin. Je reviens sur ce sujet qui se met en place parce qu’il a dit ce oui au signifiant, parce qu’il y a cette Bejahung, et parce qu’il y a cette Bejahung, avant même tout jugement parce qu’il y a ce qui va trouer ce qui est son Réel, avant même tout jugement, il y a puisqu’il parle, qu’il dit oui à ce qui est du langage, eh bien le sujet, il n’est pas obligé de parler, le sujet, du fait même de ce oui, a mis en place quelque chose qui fait que lui, sujet - mais là je ne vais pas le développer ce soir, ce qui fait que c’est du sujet barré - lui a mis en place ce qui le traumatise, c’est-à-dire le signifiant, le signifiant maître. Donc il y a ce sujet, il y aura ce qui fait que ce sujet peut avoir existence et, en même temps, il va y avoir quelque chose là qui choit, qui est cet objet petit a, et c’est autour de ce qui a causé le sujet, de ce qui a fait que du sujet s’est mis en place, c’est autour de cela que va se jouer la vie de ce sujet, soit qu’il ait, après ce oui dit non à l’autre signifiant qu’il rejette - c’est cette Verwerfung - qu’il retranche de cette articulation S1- S2, qu’il retranche ce signifiant 2, il dit non et ceci va revenir, ce qui n’a pas été symbolisé nous dit Freud et Lacan le reprend, et en le disant presque comme ça, eh bien ça revient dans le Réel.

Le Réel du sujet, c’est avec ça aussi qu’on a à faire, donc revient dans le Réel, il y a : a) oui, soit b) rejet, Verwerfung, et, à propos de L’Homme aux loups [110], vous savez que c’est une structure pas aisée à cerner, on aura l’occasion d’y revenir à tel ou tel moment du travail que nous faisons, Freud nous dit que la Verwerfung n’est pas la Verdrängung ou l’inverse que la Verdrängung n’est pas la Verwerfung, c’est-à-dire qu’après le oui au signifiant, il y aura soit ce rejet de ce qui fera que du deuxième signifiant se mettra en place, mais je crois qu’il y a eu malentendu parce que je ne suis pas revenue dans tout le détail de ce que j’ai apporté lorsque nous avons ici travaillé la subjectivation du sujet, ce n’est pas à l’appel du sujet que celui-là qui pourrait être en place de Nom-du-Père dit non, il n’est pas là, c’est le père toujours appelé, jamais advenu, cela ne peut être que parce qu’il y a eu ce rejet, cette Verwerfung qui a suivi la Bejahung et qui aura, va avoir une répercussion, des conséquences sur cette Bejahung.

Lorsque, à la Bejahung, fait suite la Verdrängung, c’est tout ce que Freud développe dans la Verneinung [111], et c’est à ce moment-là que la question du jugement se met en place.

Donc, en fait, c’est parce qu’on parle qu’il y a traumatisme. Ce n’est pas tel ou tel événement ou, tout du moins, c’est quelque chose qui se joue dès le départ, dès qu’on n’est plus infans, c’est ça qui fait que si du sujet humain, du sujet de l’inconscient, a pu se mettre en place, il y a là quelque chose qui fait que il est responsable.

Vous aurez l’occasion d’y revenir et d’y penser et que cette liberté, en fait cette liberté, c’est ce qui fait que le Réel du sujet peut ici être troué, c’est-à-dire c’est ce signifiant 1.

Si, à la fin d’une cure, quelle que soit la structure, la fin peut-être marquée par une identification au symptôme [112] et cette identification au symptôme ne va pas toucher les S1, toute la chaîne des signifiants, puisque ces signifiants tombent au fur et à mesure que la cure avance, ce qui va rester des éléments qui ont causé ce sujet de l’inconscient, c’est cet objet, cet objet qui a à voir avec la jouissance et c’est à cela que ce sujet, à la fin d’une cure, s’identifiera et, croyez-moi, c’est toujours quelque chose de l’ordre du particulier quelle que soit la structure du sujet, qu’il soit psychotique, qu’il soit névrosé. Pour ce qui est du pervers si effectivement il vient, il vient pour faire une psychanalyse, c’est-à-dire s’il vient comme tout sujet pour mettre en question sa perversion, alors, alors si cure analytique il y a eu, et si cette cure peut être menée à une fin, c’est-à-dire que ce qui est au principe de la finalité d’une analyse est là obtenu, alors si, c’est avec cette partie de ce qui est symptôme qu’il s’identifiera.

C’est pourquoi je pense que pour nous, c’est tout à fait important parce que sinon nous ne savons plus, et nous ne saurons plus ce que nous faisons et surtout ce que nous avons à entendre au cours d’une analyse. Et dans les premiers temps de la fin de l’École Freudienne de Paris, il y a eu un groupe qui sortait de l’École Freudienne de Paris, qui a mis l’accent à un colloque etc. a mis en titre de travail : Fin et Finalité. Je crois que ça aussi c’est quelque chose qui doit, qui doit nous intéresser : finalité, cela veut dire que, à ce moment-là, ce qui a causé ce sujet avec ce qu’il y a de traumatique, à ce moment-là peut-être que effectivement on pourra, si fin a été obtenue, c’est-à-dire s’il y a eu cette identification au symptôme, on pourra peut-être dire que la finalité a été obtenue. Enfin, bon, je vais revenir aux observations de Freud. Je vais dire un mot d’Elisabeth von R. [113] et ensuite je vais parler de Katharina [114].

Elisabeth von R., nous avons vu lorsque revenant de cette soirée avec ce jeune homme qui lui était sympathique, voyant son père et ses pansements mal faits décide de ne plus sortir. Est-ce que vous pensez que, à ce moment-là, elle sait qu’elle consent à ce qui a été dès le départ la décision de son père la concernant ?

Moi, je ne le pense pas et lorsque se posant la question devant ce qu’est la vie de sa soeur avec cet homme qui était bien accepté dans la famille, et puis elle se dit qu’elle pourrait bien être à cette place, c’est à ce moment-là qu’elle montre, qu’elle fait savoir que il n’y a pas accord en elle et que quelque chose ne va pas comme ça devrait aller pour elle, Elisabeth. Bon, on y reviendra.

Katharina, d’ailleurs, c’est amusant, c’est la seule dont on n’a jamais pu savoir son identité. Avec toutes les autres personnes, il semble que on a pu retrouver qui était Elisabeth von R., qui était Emmy [115], qui était Caecilia [116], qui était etc, etc. Katharina, elle, non !

Dans son rapport, dans sa remarque au « Rapport de Daniel Lagache [117] », je vous avais déjà donné cette référence, cette citation, c’est à la page 655 et en haut de la page 656 des Écrits, Lacan dit que le sujet, celui qui nous intéresse, c’est celui qui a émergé des signifiants, des données de signifiants qui le recouvrent, signifiants qui se trouvent dans l’Autre, dans un grand Autre transcendantal.

Alors prenons Katharina. Qu’est-ce qui nous est dit d’elle et de sa sœur ? On peut penser, on peut penser, je ne sais pas, rien ne permet de pouvoir l’affirmer mais on peut penser puisque il nous est dit que il doit y avoir parmi les signifiants qui recouvrent les deux sujets, il doit y avoir, il doit y avoir quelques mêmes signifiants… d’abord par les analyses, mais enfin, telle que la chose nous est présentée, on peut se permettre cela, je me le permets, je ne dis pas que c’est forcément comme cela mais c’est pour essayer de mieux éclairer ce qui peut se jouer pour un sujet, pour celui-là, pour ce sujet qui se dégage de ces signifiants qui le recouvrent au sein d’un grand Autre transcendantal. Je crois que c’est à peu près ça ce que Lacan dit, vous le retrouverez pages 655-656. Le grand Autre transcendantal, on peut penser qu’il y a un peu du même pour l’une et l’autre, ce grand Autre, ce champ du grand Autre, c’est d’abord à la fois la mère et le père bien sûr, au moment de leur conception, de la naissance ça ne s’est peut-être pas joué tout à fait de la même façon, il y a là quelque chose forcément d’un insondable mais enfin, dans ce qui nous est dit, la mère n’est pas plus présente pour aucune de ses filles. Elle n’est jamais là, là, où elle devrait être et au moment où il faudrait qu’elle y soit. Quant au père, ce qui nous est dit, c’est qu’il a fait les mêmes avances à ses deux filles. Quel est ce signifiant qui a troué le Réel des deux ? De tous ces signifiants qui recouvrent le sujet qui va émerger, quel est le signifiant qui a troué le Réel, chacun des deux Réels, le Réel de la soeur de Katharina et le Réel de Katharina. Bien sûr pour une fois je m’avance, je me permets puisque nous avons cette observation qu’apparemment les choses auraient pu se jouer de la même façon pour l’une et pour l’autre, qu’est-ce qui fait que Katharina est, le sujet de l’inconscient de Katharina, puisque quand même on nous le dit, il y en a de l’inconscient, puisque elle n’a jamais pu vraiment se dire que ce qui se passait là avec le père - soit avec elle, soit avec sa sœur - c’était de cet ordre de l’inceste, il a fallu qu’elle regarde son frère, qu’il le lui dise. Donc il y a là quelque chose qu’elle ne savait pas, quelque chose qui malgré tout ce qui pourrait être parlant pour elle, ce sujet de l’inconscient, quelque chose ne se disait pas.

Donc chacune avec ce qui, avec ce signifiant qui a fait trou, qui a fait traumatisme, qui était traumatique chez l’une et chez l’autre, c’est vraiment pas le même bien qu’apparemment les choses se présentent d’une façon, presque de la même façon, qu’est-ce qui s’est joué là ?

Si je reviens à cette observation, c’est parce que nous connaissons tous des observations où, face aux avances d’un père toutes les filles de la fratrie, à des âges différents, se sont comportées de la même façon, n’ont pas su résister aux avances du père. Alors qu’est-ce qui s’est joué pour ces deux-là ? Je ne sais pas. Alors que le grand Autre, le grand Autre transcendantal celui qui est ici hein, et puis le sujet est là, bon, qu’est-ce qui s’est joué pour ces deux-là, qu’est-ce qui a fait que chacune a vécu sa vie comme elle l’a vécue ? Et puis, elle, Katharina, bon, elle a vendu la mèche, mais elle ne se portait pas bien ! Elle ne se portait pas bien ! Elle est allée vers Freud parce qu’elle pensait que là il y avait du savoir. Il était sujet supposé savoir. Elle ne se portait pas bien et dans ce qui la poursuivait elle avait bien du mal sans l’aide de Freud à pouvoir se dire que peut-être là quelque chose la concerne et que ce quelque chose qui la concernait avait à voir avec ce père. Et vous savez Freud n’y allait pas de main morte, hein ! : « Ah ! oui ce qui était là sur vous peut-être que il avait un phallus, un pénis [118] ! » Enfin il insistait jusqu’à ce qu’elle puisse se dire que c’était son père.

Donc si de ce qui la faisait sujet et qui a fait quelque part introduire le Nom-du-Père et qui a fait qu’elle a fait savoir à la mère ce qu’il en était, une fois ceci fait eh bien, ça ne marchait pas comme ça aurait dû marcher : elle, Katharina, ne se portait pas bien. Et c’est bien parce qu’elle ne se portait pas bien, c’est bien parce que ça n’était pas comme ça aurait pu ou ça aurait dû être que elle est venue trouver Freud.

Je ne sais pas la conclusion que vous donnerez à tout ceci mais je vous laisse conclure. Voilà ce que ce soir je voulais vous dire pour poursuivre notre travail.


Questions

Jacqueline Darbord :
Quand vous parlez de Katharina et que vous dites « elle ne se portait pas bien », cela me renvoie à la dernière fois, ce que vous disiez sur Dora, quand vous disiez que elle avait une vie de chien en quelque sorte après, c’était une vie terrible quoi ! Et pourtant toutes les deux, du moins Dora, je ne sais pas Katharina, elles avaient consenti à leur structure.

Solange Faladé :
Oui, mais consentir parce que Dora c’est comme Elisabeth, consentir à sa structure, c’est une chose c’est ce qui s’est fait à notre insu. Ça ne veut pas dire pour cela que les choses marchent comme on pense qu’elles pourraient marcher. Et vous savez, on voit bien, consentir à sa structure, oui. Elle décide de rester avec le père. Et pour ce qui est de sa structure, on voit bien ce qu’elle est, c’est une hystérique et pour reconnaître son désir, pour savoir quelque chose de son désir, elle ne peut le faire que en le retrouvant chez l’Autre. Le désir de l’hystérique, c’est le désir de l’Autre.

Jacqueline Darbord :
Quand vous dites ceci, c’est vrai, je pense qu’elle a consenti à ce que le père voulait d’elle. Elle a consenti au désir du père. Elle a soutenu ce désir du père.

Solange Faladé :
Elle a soutenu le désir du père mais surtout de sa place qui était une place tout à fait différente de celle de sa soeur et qui faisait que ayant été, le père ayant décidé qu’elle serait ce garçon qu’il n’a pas eu, elle a consenti à cela. A ceci, mais ce n’est pas parce que l’on consent à la décision de l’Autre qu’on est heureux pour cela.

Jacqueline Darbord :
Bien oui, on est aliéné, c’est l’aliénation.

Solange Faladé :
Donc, et si les personnes sont amenées à aller en analyse, c’est bien parce que ça ne va pas comme ça devrait être, et on se dit qu’il y a là quelque chose qui fait que, et à partir de ce moment-là on en reste avec ce que l’on ne sait pas, ce qui est, quand même, ne doit pas être, où on décide d’y aller voir. Mais enfin ce que je voudrais dire c’est que ce n’est pas parce qu’il y a eu ce consentement, ce qui fait là qu’il y a de l’inconscient, au niveau de cet inconscient qui ne sait pas ce qu’il dit et nous en avons la preuve tous les jours. Et quand même il ne parle pas. Prenez « la psychopathologie de la vie quotidienne [119] », Freud nous montre que l’inconscient peut parler, et que on peut le permettre. Ce n’est pas parce que il y a ça que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. A un moment, Elisabeth a montré que il n’y avait pas d’accord sur sa vie, que ça ne pouvait pas être ça. Même après la mort du père, etc., elle aurait pu s’occuper de bonnes œuvres. Si toutefois le père avait des bonnes œuvres !

Jacqueline Darbord :
Quand vous parlez aussi de la fin de l’analyse, vous avez dit identification au symptôme. Là vous avez parlé aussi de l’identification à ce petit a ?

Solange Faladé :
Le symptôme, c’est ce qui se met en place et qui, de toute cette chaîne de signifiants, et vous savez que Lacan, je crois que c’est dans le séminaire Le désir et son interprétation [120], et ce schéma - je ne sais pas si vous l’avez eu - il y a la chaîne signifiante et puis le sujet, c’est ça et, entre les signifiants, il y a cet objet :

S1 — a — S1 — a — S1 — a — S1

$

C’est une des premières façons qu’il a eu, enfin que moi j’ai retenue, de nous parler de ce qui, bien que il y ait cette chaîne de signifiants, il y aura cette discontinuité qui fait que l’objet petit a sera là dans le symptôme, le symptôme c’est ce S1 et petit a ! C’est ce que nous avons essayé l’année dernière, commencé à mettre en place et que j’ai terminé à Tours. Au cours d’une analyse ce qui choit, ce sont les signifiants S1, c’est tout ce qui aliène, or il y aura un reste. Une fois que le fantasme sera traversé, il y aura un reste et c’est avec ce reste qu’il faut faire, et s’identifier à ce reste. Ne croyez pas que ce soit si facile que ça mais quand même si ça peut se faire, à ce moment-là, il y a une fin et les gens vivent quand même autrement ! Enfin lorsqu’ils viennent nous le faire savoir.

Le symptôme ce n’est pas, j’ai essayé avec Elisabeth von R. de vous montrer que lorsqu’il y a eu sa paralysie, il y avait ce qui était de la jouissance, qui était concomitant, qui était la jouissance qui était là. Et c’est bien parce que il y avait cette jouissance que Freud s’est dit « Mais je ne suis pas dans une paralysie neurologique ! ».

Question :
Quand vous nous avez parlé tout à l’heure de Freud et de « Angoisse et vie de la pulsion », quand il a décidé d’écouter les patients et de ne pas plaquer quelque chose d’avance, sa théorie, d’avance, et à ce moment-là de ne pas faire avec la science telle qu’elle se développe habituellement et ce qui…

Solange Faladé :
Je ne sais pas s’il a décidé de ne pas faire avec la science telle elle se développe. C’est-à-dire que c’était autre chose qu’il avait là en mains.

Question :
Oui, c’est cela, c’était autre chose. Et vous avez rajouté après que ce n’était pas dans le domaine de la compréhension.

Solange Faladé :
C’est-à-dire qu’il faut s’efforcer pour ce qui est de la compréhension, de ne pas trop vouloir comprendre. Lacan disait ça d’une façon : « Hâtez vous lentement de comprendre », hein !

Question :
Mais là est-ce que, quand vous parlez comme cela, vous parlez du travail clinique ? Est-ce que ça a un lien avec notre théorisation, avec notre rapport à la théorie ? On peut s’interroger du coup sur le rapport qu’il peut y avoir avec la théorie analytique. Comment la placer cette question de compréhension ?

Solange Faladé :
Écoutez, quand justement vous vous efforcez de ne pas comprendre trop vite et que vous êtes là à l’écoute, vous pouvez entendre et tout d’un coup entendre exactement ce que Freud a voulu nous dire. Parce que Freud nous dit : « Surtout venez avec une oreille neuve, laissez à la porte tout ce que de la psychanalyse vous pouvez connaître pour pouvoir entendre votre patient ». Mais si vous calquez la théorie avec ce qu’on entend, d’abord on n’écoute pas parce qu’on essaye de faire un travail : « ah oui, c’est ça ! », on doit pouvoir entendre, Lacan reprend ça en disant : « Soyez momie d’Égypte. Que votre oreille s’ouvre quand elle a à s’ouvrir ». Si on est momie d’Égypte, ça veut dire qu’on peut dormir aussi. Oui ?

Claude Lecoq :
Je pensais au travail des psychanalystes, la théorie analytique.

Solange Faladé :
Bon, qu’ils aient à réfléchir ensuite sur ce qu’ils ont pu recueillir, oui. Je pense que c’est cette place qui a fait que par exemple Lacan à partir du moment où ce qui était de la linguistique lui a été connu, c’est lui, il nous le prouve tout à fait dans son enseignement. Prenez Les psychoses [121] : jusqu’à Pâques, on était dans Schreber, et puis après, il venait de lire Jakobson, et à la rentrée de Pâques, vous verrez, on n’est plus aussi directement dans Schreber, il était… ça lui a apporté quelque chose, il a voulu immédiatement nous en faire part que… bon mais ça ne l’éloignait pas de ce qu’il pouvait entendre de ses patients, parce que ça, c’était, c’était… il le mettait chaque fois à la porte quand il recevait, quand il écoutait ses patients. Et puis ensuite, il y a eu un certain nombre d’autres… ou linguistes ou mathématiciens, enfin etc. Ce qui pouvait, ce qui pouvait venir éclairer ce qu’il a trouvé et qui a fait que, bon, il s’est… il a pensé que ce n’était plus les stades et il nous fait savoir, il nous a préparé, mais il nous le fait savoir seulement à la fin du Séminaire XI, à la fin de 1964, quand il dit à Françoise Dolto, « Écoute, non ! » [122]. Bon, il y avait déjà eu beaucoup de discussions dans les réunions scientifiques de la Société Française de Psychanalyse autour de ces problèmes de stade. Je ne sais pas comment vous dire, ça n’empêche pas ensuite la réflexion et voir ce qui peut être de la théorisation. Mais quand on est au chevet d’un patient il faut être, il faut l’écouter, n’avoir qu’une oreille et ne plus penser, ne plus, tout ce qu’il y a comme connaissances il faut le mettre à la porte parce que ça, c’est ça qui nous dérange et qui fait que s’il y avait quelque chose à découvrir on ne le découvrirait pas et ce qui peut nous surprendre puisque la surprise est une chose tout à fait importante dans ce que nous faisons, ben, on risque de passer à côté. Je ne sais pas si je vous ai répondu.

Claude Lecoq :
Tout à fait.

Elisabeth Boisson :
Moi je voudrais revenir sur le problème de la responsabilité, je ne veux pas parler de la responsabilité du sujet qui vient en analyse, mais je voudrais parler d’avant. Si vraiment le sujet dont on parle est bien sujet de l’inconscient, dont on apprend qu’il est effet de signifiant, Lacan appelle ça subversion du sujet, il y a quand même un déterminisme cause du signifiant du sujet, déterminisme… on n’est pas responsable de ses signifiants antérieurs. Je parle du début, de ce sujet effet de signifiant.

Solange Faladé :
Écoutez, il est aussi causé par l’objet petit a, dès qu’il vient au moment où la chaîne se met en place.

Elisabeth Boisson :
Oui, mais si on reste au… la première chose de ce sujet supporté par le signifiant, effet de signifiant et qui n’a pas de cause, il n’a pas son signifiant, il est comme Lacan nous l’a appris, comme vous nous l’avez répété longtemps, il dépend quand même…, ce que je veux dire, ce que je vois du point de vue du déterminisme, au stade primitif, tous ces signifiants de ce ça parle de lui avant qu’il ne soit, de tout ce qu’il a écouté, de ce qui a été dit, ça, ça existe même sans l’accord du sujet.

Solange Faladé :
Oui, mais qu’est-ce qu’il va choisir, quel est ce signifiant qui sera celui qui va trouer le Réel ? C’est pourquoi j’ai essayé peut-être d’une façon maladroite de prendre cette observation de Katharina, et puisque vous parlez de déterminisme justement Lacan dit bien que la chaîne, la suite des signifiants, oui il y a là un déterminisme. Mais pour ce qui concerne le sujet, le sujet de l’inconscient il n’y a pas que cette chaîne de signifiants. Il y a quelque chose d’une discontinuité du fait de ce qui a été troué qui fait qu’il y aura cet objet petit a. Si bien qu’on n’est plus dans cette continuité, dans ce déterminisme du signifiant. Il dit bien que c’est ces deux éléments dont il faut tenir compte, il n’y a pas, il n’y a pas que cette suite de signifiants. Il le dit bien que la chaîne signifiante, c’est ce qui est du côté d’une loi, d’un déterminisme mais il n’y a pas que ça qui forme, qui fait que le sujet est son symptôme, puisque le symptôme se met en place là pour Lacan puisque le développement que Freud s’est efforcé de trouver, la date du traumatisme, Lacan dit à partir du moment où vous avez parlé, où vous parlez, il y a la chaîne signifiante mais cette chaîne signifiante il n’y aura pas que ça qui fait qu’il y aura du symptôme, il y a le petit a qui en même temps est ce lambeau de Réel qui choit lorsque le Réel du sujet est troué.

Elisabeth Boisson :
Oui, mais ça ne dépend pas de l’accord du sujet ça ?

Solange Faladé :
Écoutez, moi je veux bien…

Elisabeth Boisson :
Oui, le langage… mais ce que je voulais dire, c’est que je trouve, il faut faire coller ça avec le fait quand même que le sujet est effet de signifiant, c’est bien le sujet de l’inconscient et pas le sujet de la parole, ça je suis d’accord avec vous. C’est pas ça qui est remis en question et quand on parle de tout ce qui l’a déterminé avant qu’il ne naisse et tout ça, ça a quand même un poids.

Solange Faladé :
Oui, il n’y a pas que ça ! Il n’y a pas que ça, il y a certes cette chaîne signifiante mais avec une discontinuité, et les petits points, là, de suspension, vous étiez à Tours ?, dont on a parlé, ça a à voir avec ce qui est là du sujet et de son symptôme. Il est effet de signifiant, mais il n’est pas qu’effet de signifiant, il y a aussi cet objet qui le cause.

Elisabeth Boisson :
Oui mais là le sujet il est aussi, euh… moi je parle du début. Ce qui me pose problème, c’est le tout début, dès qu’il se met à parler. Je veux dire que le petit a, il choit ; ça ne dépend pas de la responsabilité du sujet ça non plus, c’est au-delà tout ça ! Le petit a cause du désir, le désir… On ne sait pas ce qu’on désire. C’est la métonymie de la chaîne signifiante… Tout ça, c’est ce stade…

Solange Faladé :
Oui, mais il n’y a pas que la métonymie de la chaîne signifiante. Il y a aussi à penser à cette métaphore, à ce qui fait que le petit infans, ce reste de jouissance, ce qui est cette production de jouissance va…, il y aura une substitution métaphorique. C’est ça qui fait que du sujet et du signifiant va pouvoir trouer le Réel.

Elisabeth Boisson :
Et je trouve c’est différent là, ce point-là parce que est-ce qu’on pourrait dire alors que cette responsabilité d’un sujet serait, se trouverait essentiellement dans la dimension du désir ? C’est-à-dire justement de cet objet qui choit, je veux dire qui choit, qui choit, oui c’est la constitution signifiante du sujet, est-ce que sa part de responsabilité se jouerait essentiellement dans la dimension du désir ? Parce que effectivement, pour ce qui est de la question qui a été posée, finalement il y a un déterminisme signifiant qui lui vient de l’Autre et que il y a une coupure, quand on est dans la…, on est dans la coupure.

Solange Faladé :
Écoutez, j’ai pris soin de retrouver ce que Lacan nous dit dans sa remarque à Lagache. Il dit : « Pour nous le sujet c’est ce qui va émerger des signifiants qui le recouvrent, au lieu du grand Autre transcendantal ». Alors quel est ce signifiant qui fait que de tous les signifiants qui le recouvrent, quel est ce signifiant qui est choisi pour percer le Réel ? J’ai essayé, je ne peux pas, je ne peux pas le faire mieux ! Mais on peut se dire que Katharina et sa soeur, il y avait plus ou moins les mêmes signifiants qui les recouvraient. Bien sûr on ne sait pas ce qui au moment de la conception et puis etc. mais on peut penser qu’il y a plus ou moins les mêmes signifiants et qu’il y a le même grand Autre transcendantal puisque le champ du grand Autre, c’est et la mère et le père, or il semble que ces deux-là étaient avec leurs deux filles, bon, se comportaient de la même façon !

Elisabeth Boisson :
Ben non ! Je ne comprends pas comment vous pouvez dire ça, parce que quand dans une fratrie, il y a quatre enfants qui vont bien et il y en a un qui est psychotique, il y en a qui disent : les parents sont pareils. Bien non, il s’est passé quelque chose au niveau d’un enfant.

Solange Faladé :
Écoutez, attendez ! Il semble que dans cette observation, quand on lit cette observation, la mère est, que ce soit avec Katharina ou avec sa soeur, celle qui n’est jamais là, qui ne voit pas ce qui se passe. Le père a fait, à l’une et à l’autre, des avances et les deux filles se sont retrouvées plus ou moins dans les mêmes circonstances. Avec Katharina il est allé faire sa randonnée, je ne sais quoi, le soir, euh, on s’est perdu, on ne savait plus etc., on se retrouve dans le même endroit, Katharina refuse. Vous comprenez, il y a là, apparemment on pourrait dire, mais il y a forcément quelque chose qui fait que l’une et l’autre ne se comportent pas de la même façon.

Elisabeth Boisson :
Est-ce que ça n’est pas précisément ça le désir ?

Solange Faladé :
C’est possible ! Mais n’empêche que, pour que vous puissiez parler de désir, vous ne pouvez pas en rester au déterminisme du signifiant. Alors donc forcément ce qui fait le symptôme, ce qui fait du sujet de l’inconscient, c’est et le signifiant, et l’objet petit a.

Elisabeth Boisson :
Oui, est-ce que Lacan… celui qui va commencer à parler, il est responsable de son objet petit a ?

Solange Faladé :
Mais puisqu’il choit cet objet petit a, cet objet petit a qu’il est au départ, et qu’il y a cette substitution métaphorique qui fait que un des signifiants va trouer ce Réel mais le lambeau qui va tomber, qu’est-ce que vous voulez, n’est pas le même pour chacun, bon. Et c’est pour ça que lorsqu’à la fin d’une analyse, il y a identification au symptôme, c’est pas au signifiant du symptôme puisque tous ces signifiants là doivent choir. C’est à ce qui reste du symptôme, c’est cet objet petit a, et c’est ça qui est particulier.

Elisabeth Boisson :
Là je comprends bien la fin, je ne comprends pas le début.

Solange Faladé :
Alors, nous nous disons à dans quinze jours !


[103] Séminaire 1994 - 1995, L’identification. Solange Faladé. Document de l’École Freudienne.

[104] Tours, 7 octobre 1995. Journées provinciales de l’École Freudienne. Bulletin n° 87.

[105] Racadot G. « À propos de la notion de Vorstellung », Bulletin n° 51, mai 1995.

[106] Lacan J. Séminaire : La relation d’objet. 1956 - 1957. Et Les Non-dupes errent. 19 février 74.

[107] Freud S. « Analyse d’une phobie chez un petit garçon de cinq ans (Le petit Hans) », 1909, in Cinq psychanalyses. P.U.F. 1954. Pages 93 à 198.

[108] Samacher R. L’éthique. Travail du troisième samedi. Année 1995 - 1996. Bulletin n° 51.

[109] Freud S. Quatrième conférence des Nouvelles Conférences sur la psychanalyse, 1928 - 1932. Gallimard. 1936. Voir aussi le document de l’École Freudienne. Traduction : G. Bortzmeyer, S. Faladé, M. Wague sous le titre : « Angoisse et vie de la pulsion »..

[110] Freud S. Cinq psychanalyses.

[111] Freud S. « Die Verneinung », in : Sur les traces du savoir insu. « La dénégation ». Traduction S. Faladé, C. Chambon et M. Lohner-Weiss.

[112] Lacan J. L’insu que sait… Séminaire du 16 novembre 1976. Ornicar 12/13.

[113] Freud S. Études sur l’hystérie. 1924, page 105. P.U.F. 1967.

[114] Freud S. Op. cit. page 98.

[115] Il s’agit de Fanny Moser (1848 -1925), mariée à 22 ans à un veuf de 65 ans, Heinrich Moser.

[116] Il s’agit de la nièce de Freud, fille de sa sœur Rosa Graf.

[117] Lacan. « Remarque sur le rapport de Daniel Lagache : Psychanalyse et structure de la personnalité », in : Écrits. page 647. Seuil.

[118] Freud S. Études sur l’hystérie. Op. cit. Page 103.

[119] Freud S. La psychopathologie de la vie quotidienne. Petite Bibliothèque Payot.

[120] Lacan J. Séminaire « Le désir et son interprétation ». 1958 - 1959. Inédit.

[121] Lacan. Séminaire III, Les psychoses. (1955 – 1956). Seuil. 1981.

[122] Lacan. Séminaire XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse. (1963 - 1964). Seuil. 1973.