15 novembre 1997
Document de travail
"Nous allons à nouveau parler de la passe. Il y a déjà eu plusieurs réunions......Il est important pour nous de savoir ce que avec la passe, Lacan espérait pouvoir recueillir de cette expérience. Il nous l’avait dit en conclusion, dix ans après comme il l’avait promis en 67.
En 1977, il avait dit aux journées de Deauville, que la passe telle qu’elle avait pu fonctionner ne lui avait pas apporté ce qu’il espérait et il avait tenté deux ou trois ans auparavant, en 74, de mettre en place le groupe des Italiens, groupe qui avait été formé de personnes de membres de l’Ecole Freudienne de Paris. Le groupe italien avait pu être formé par des personnes, des analysants devenant analystes, qui acceptaient cette épreuve de la passe. Le groupe aurait pu être formé par ces personnes, ces passants passés, ces Analystes de l’Ecole.
C’est important pour moi de vous dire que c’était des membres de l’Ecole Freudienne de Paris. Et il nous disait que ce qui était important, c’était que ces personnes soient déjà membres d’une institution psychanalytique, et que, si pour une raison quelconque elles ne passaient pas, elles ne devenaient pas passants passés c’est-à-dire, pas Analystes de l’Ecole, de l’Ecole Freudienne de Paris., elles n’en étaient pas moins membres de l’Ecole Freudienne de Paris.
Si j’apporte tant d’insistance sur ce point, c’est que je sais qu’actuellement, ailleurs, on essaie de faire passer ceci que : il faut une passe d’abord pour pouvoir être inscrit dans une institution psychanalytique.
En 1974, lorsque Lacan nous a apporté au Directoire la lettre d’adresse aux Italiens, il nous a expliqué ceci et il a beaucoup insisté. Si je rappelle cela, c’est pour dire que ce n’est pas parce que ayant fait cette épreuve de la passe, on n’est pas devenu Analyste de l’Ecole c’est-à-dire qu’on n’a pas été nommé au titre d’analyste de l’Ecole, ce n’est pas pour autant que de l’analyste il n’y a pas. Mais ça veut dire qu’il y a à réfléchir à nouveau sur ce que veut dire cette décision du jury d’agrément. Donc nous avons consacré dans notre premier temps ici, du travail autour de cette question de la passe, et, tenant compte des remarques de Lacan, nous avons décidé que la passe, comme Lacan le voulait serait pour ceux qui sont en passe de fonctionner comme analystes et donc nous avons attendu que ces moments puissent arriver. Nous étions regroupés avec les personnes qui exerçaient la psychanalyse depuis un certain temps et nous avons jugé qu’il n’y avait pas à proposer cette épreuve de la passe. Lacan a pensé qu’il pouvait le faire, parce que dans ce temps premier, lorsqu’il a fait cette proposition, il y avait eu véritablement un barrage et quelques Analystes Membres de l’Ecole, c’est-à-dire des personnes qui pratiquaient l’analyse depuis un certain temps, quelques Analystes Membres de l’Ecole se sont proposés pour faire cette expérience et il a accepté, bien que ça n’allait pas dans le sens de ce que tout de suite il nous avait dit. Il nous avait dit que si il proposait cette passe au moment où il la proposait, c’est-à-dire au moment de passage où l’analysant pouvait dire qu’il y a de l’analyste et de le faire entendre.
Cette passe, au moment où cette fraîcheur pouvait être là, se faire entendre, s’il la proposait quand même aux Analystes Membres de l’Ecole qui exerçaient depuis un temps souvent assez long, il savait que peut-être il n’aurait pas ce qu’il espérait. C’est ce dont il s’est aperçu dix ans après, mais il a pensé qu’il fallait quand même que cette expérience puisse commencer. Donc nous avons décidé que dans notre groupe, passe figurerait pour ceux-là qui étaient en passe de fonctionner comme analystes, c’est-à-dire ne pratiquaient pas encore l’analyse.
La passe ce n’est pas un point, c’est un moment de passage, et donc ce n’est pas parce qu’on a accepté de se soumettre à cette épreuve que ceci veut dire que l’analyse s’arrête à ce moment-là. Le passage continue.
Donc, nous allons aujourd’hui reparler de la passe et nous le faisons parce que cette expérience de la passe a pu commencer, parce que le travail que nous avons poursuivi ici depuis quelques années, et en particulier ces trois dernières années, nous a amenés à nous interroger et à travailler l’Ethique de la psychanalyse. Et vous verrez toute l’importance de ce qui a été apporté par Lacan dans l’Ethique de la psychanalyse..... joue dans ce qui se pose à un analysant à ce moment de passage.
J’ai fait mettre au tableau le graphe que Lacan nous avait ici apporté. Nous nous étions, à ce moment-là - les Analystes Membres de l’Ecole et les Analystes de l’Ecole, de l’Ecole Freudienne de Paris ( qu’il avait réunis ici en octobre 67 pour nous faire part de sa proposition, en discuter avec nous, nous expliquer ce qu’il espérait, espérant aussi lever quelques réticences, c’est un mot faible, mais je n’en ai pas trouvé d’autre. Bref, il nous a apporté ce graphe pour nous expliquer ce qu’il pensait qu’on pouvait obtenir dans une institution pour la psychanalyse. D’ailleurs c’était la première fois où il nous a parlé de psychanalyse en extension et de la psychanalyse en intension. J’ai fait mettre à coté des formules de le sexuation, ça n’y était pas à cette époque-là, en 1967, c’est venu après, comme vous le savez, dans le séminaire Encore, mais enfin, déjà le fait d’avoir marqué sur ce graphe que là où l’AE se trouvera en S(A barré), c’est-à-dire qu’il est confronté avec le vide de la chose, ne peut que nous faire penser à ce que par rapport aux formules de la sexuation il y a la position féminine. Lacan souligne avec ce S(A barré).
La proposition d’octobre, vous avez peut-être lu ou jeté un coup d’œil, il y avait beaucoup de chose à lire, c’est dire que ce n’est pas en une seule fois que nous ferons le tour de ce qui nous intéresse à propos de la passe, nous aurons l’occasion d’y revenir, enfin peut-être que vous avez lu la première page de cette proposition d’octobre, et Lacan nous renvoie à son texte que l’on trouve dans les Ecrits : « Situation de la psychanalyse en 1956. »
Ceci pour dire que ce qu’il propose va, allait dans le mouvement des questions que se posait la Société Psychanalytique dans sa globalité concernant non seulement la terminaison des analyses, mais encore l’apport que... enfin qu’on pouvait attendre des analystes concernant la théorie analytique, concernant la pratique psychanalytique. Il a commencé donc en 56 par cet article qui est un peu de dérision, si l’on veut, pour dire que ce ne sont pas de ceux-là qu’il fallait attendre forcément quelque chose qui permettrait d’avoir un éclairage ou une avancée théorique de la psychanalyse.
Ca peut être ceux-là qui étaient les petits souliers, ceux qui effectivement commençaient à faire leurs premiers pas, peut-être c’est de ceux-là qu’on pouvait attendre cet éclairage sur ce temps tellement important de ce qui peut venir là conclure une cure analytique.
C’est pour moi le moment de vous dire que déjà par rapport à la cure analytique, une position différente de ce qui était la pratique dans le mouvement psychanalytique, s’était mis en place c’est-à-dire qu’il n’y avait plus ces commissions d’enseignement qui faisaient que pour certains on décidait à tout jamais qu’ils ne pourraient jamais être analystes parce qu’on avait estimé que leur analyse ne pouvait qu’être analyse thérapeutique. Alors que d’autres, on se demande pourquoi, pour d’autres ça pouvait être une analyse didactique, et ceci était décidé dès le départ par la commission d’enseignement.
Il y a eu déjà une première rupture avec cette façon de faire.
Toute analyse est une cure analytique. Toute analyse est une analyse thérapeutique et si on vient à la psychanalyse, si on vient chez le psychanalyste, c’est bien parce que souffrance il y a. Et Lacan a beaucoup insisté sur ce point, au point d’estimer que s’il n’y avait pas souffrance il n’y avait pas lieu de mettre en place une psychanalyse. Vous voyez jusqu’où ça peut aller. Et je peux en témoigner parce que j’ai connu des personnes à qui cette réponse a été faite.
Donc ce n’est pas sur le fait de thérapeutique ou de didactique, c’est tout simplement si oui, il y a à répondre à une demande qui peut être reçue comme demande psychanalytique.
Alors vous voyez déjà à ce moment-là le « pas tout » va jouer, non pas parce qu’une commission va en décider, le « pas tout » joue parce qu’il y a eu entre une personne, un analyste, la mise en place de ce qui peut-être deviendra une relation analytique, parce qu’une situation analytique aura pu en découler, et si cela ne peut pas être, alors il n’y aura pas de cure analytique, il peut y avoir autre chose, une autre réponse ou peut-être pas de réponse qui peut faire croire que une analyse se mettra en place.
Le point...lequel dans cette lettre aux Italiens Lacan a souligné c’est ceci, c’est que c’est de l’ordre du « pas tout » mais ce « pas tout » ce n’est pas une commission qui doit en décider. Ca veut dire aussi que ces personnes qui sont venues et qui dans un temps n’avaient pas eu cette réponse d’une cure analytique, ça veut dire que si, plus tard, quelque chose dans leur vie faisait que là, une souffrance se faisait jour, et que une réponse analytique pourrait être donnée il y avait toujours la possibilité. Et si cette réponse était donnée, il pouvait se faire que pour ceux-là aussi, une analyse que l’on pourra dire didactique pourra se mettre en place. Alors que dans le temps ancien (peut-être que ça ne se fait plus) lorsque quelqu’un avait été reconnu comme ne pouvant faire une analyse didactique eh bien de devenir analyste lui était à tout jamais barré.
Donc plus de commissions d’enseignement, il y avait rencontre entre celui-là qui venait parce qu’il y avait souffrance et que peut-être une demande analytique se ferait entendre, une analyse commençait, une cure psychanalytique, et chemin faisant, nous dit Lacan, cette cure peut devenir une analyse didactique et plus loin quelque part, il l’a employée dans l’acte de Fondation, une psychanalyse pure.
Alors reprenons tout cela.
Une cure analytique, un moment.... oh vous savez si l’instant de voir est un instant, le temps pour comprendre est un temps qui peut durer plusieurs années. Donc ce moment ne vient pas forcément dans les premiers temps d’une cure analytique, mais c’est lorsque ce moment est là et que l’analysant peut faire entendre qu’il y a de l’analyste, Lacan pense que c’est à ce moment-là que peut-être on peut arriver à saisir ce qui fait que tout ce parcours, l’analysant arrive à ce point où il se dit que peut-être lui aussi peut se trouver à cette place.
Alors Lacan insiste, Lacan insiste en nous disant ça ne va pas tellement de soi qu’après avoir passé tout ce temps avec ce que ça a représenté, avec ce que aussi en ce temps de passage.... où à ce moment, un certain savoir choit, pour qu’un autre se mette en place, à ce moment où on se rend compte qu’en fait, son analyste ne peut plus être à cette place où on l’avait mis, qu’est-ce qui fait que celui-là veut rester dans la psychanalyse ?
Parce que ne croyez pas que ce soit le fait de tous, même quand on arrive à un point où on peut dire qu’il y a de l’analyste, certains ne désirent pas prendre cette place. Alors qu’est-ce qui se passe à ce moment-là ? et je crois que beaucoup ont pu le vérifier. Lorsque Lacan a apporté sa Proposition d’octobre, certains d’entre nous se disaient que peut-être il y avait eu une passe sauvage entre eux. Vu ce qui s’est passé avec Freud et Ferenczi lorsqu’ils sont allés à Syracuse, c’était peut-être quelque chose de l’ordre d’une passe pour Ferenczi.
Enfin il y avait beaucoup de discussions entre nous et on essayait de comprendre à partir de sa propre expérience ce que Lacan espérait-là, avec ce temps de fraîcheur, avec ce moment d’authentification, avec ce moment où peut-être quelque chose du vrai a pu être saisi, accroché. Parce que ce moment, ce moment comme dit Lacan, c’est le temps où le fantasme a été traversé, c’est le moment où il y a eu franchissement du plan des identifications. Ce sont pas des mots, ce sont des réalités. Et il nous dit dans ce dernier séminaire de 64 « les fondements de la psychanalyse », il pose la question de ce que devient le désir lorsqu’il y a eu ce franchissement.
Alors le fantasme c’est quoi ?
Le fantasme, ce fantasme fondamental c’est une des barrières que le sujet a mises en place, face au vide de la chose. Le plan des identifications, tous ces S1 qui tombent, c’est aussi autant de barrières que le sujet met en place et qui fait que lui est barré, qui fait qu’il méconnaît ce qui est sa doublure, c’est-à-dire cet objet « a ».
Lorsqu’on arrive à ce moment, à ce moment-là, c’est ce moment ou dans le ? ? ? ? temps où Lacan avant de parler de l’Ethique, de mettre en place, avait apporté ce mot de « Gelassenheit » (1). Il nous disait qu’il avait été confronté avec quoi ? avec ce vide de la chose et que toute la difficulté, et toute la peine, parce que c’est plus que difficulté, c’est de laisser être ce vide, c’est de laisser être ce avec quoi nous sommes confrontés et dont on a mis en place tant de barrières pour s’en protéger. C’est de laisser ce vide, ce manque, et que si ce franchissement des identifications, si ce fantasme a pu être traversé, alors on est confronté avec ce vide et qu’il faut le laisser être et faire avec ce vide et c’est pourquoi Lacan, dans ce schéma qu’il nous a proposé, a mis en place, à mis AE à coté de cette place de S(A barré), à cette place où il y a, où est marqué ce signifiant du manque dans l’Autre, ce signifiant qui vient dire qu’il y a un vide et on a à faire avec.
Alors c’est là toute la difficulté de ce en face de quoi on est confronté. Alors faire avec ce vide, il nous dit : que devient la pulsion ? Alors je fais une parenthèse parce qu’on a trop tendance à vouloir désintriquer la pulsion. Pulsion de mort, pulsion de vie. Or, je ne sais pas si c’est comme ça qu’il y a à prendre cette pulsion. Si Lacan a parlé de la pulsion sans insister sur pulsion de vie-pulsion de mort, même s’il dit que la pulsion de mort est la pulsion, ça ne veut pas dire que la pulsion de vie n’est plus là, mais lorsque ce franchissement, cette barrière a été levée, que devient la pulsion ? C’est toute la pulsion du désir, c’est toute la pulsion du désir et ce désir avec lequel nous avons affaire est un désir qui n’est plus soutenu par aucune demande phallique. Et croyez-moi, pour que ce désir puisse être un désir pur, un pur désir, Lacan a même dit désir de mort, mais on l’a mal pris, c’est pas désir de la mort, c’est pas ça du tout. C’est être confronté avec ce qui fait que aucune demande phallique, aucune demande phallique...ça va se traduire comment ? C’est pourquoi j’ai fait mettre au tableau les deux schémas.
Ca se traduit par ceci que cette béance, ce vide, ce avec quoi une femme est confrontée et que l’analysant arrivé à ce point de passage, à ce moment de passage, à ce moment où il est confronté à ce vide de la chose, l’analysant, pas plus qu’une femme, celle qui a accepté la castration, l’analysant doit s’efforcer de n’y mettre aucun objet qui viendrait boucher ce vide, aucun objet qui pourrait être de l’ordre de : être le phallus ou être le phallus pour sa mère puisque c’est elle qui manque, en tout cas dans la représentation que nous en avons, avoir le phallus, pour elle ou même pouvoir répondre à quelque chose qui serait de l’ordre d’une demande phallique. C’est-à-dire que dans cette béance-là nous devons nous efforcer de ne pas y mettre un objet qui viendrait combler ce vide, et c’est pourquoi dans ce désir de l’analyste qui est là, qui se met en place, ce désir de l’analyste dont Lacan en fait un x, il dit bien qu’il y a à l’apurer, car faire avec ce vide, faire avec ce manque, et s’efforcer de maintenir cette béance et de ne pas y faire venir n’importe quel objet, croyez-moi c’est un travail que l’on a toujours à accomplir.
Donc Lacan s’est dit, avant qu’il y ait fermeture de l’inconscient, avant qu’on ait quelque tentation d’être « suffisance » ou « béatitude », je crois que ça nous arrive quand même beaucoup moins, peut-être que ceux là qui viennent d’être confrontés, qui viennent de faire cette expérience, pour apporter un savoir, et parce que c’est de l’ordre d’un savoir, pourront faire connaître ce savoir de ce que c’est pour un sujet, un être parlant, de faire avec ce vide.
Si j’ai fait mettre les formules de la sexuation, c’est bien pour dire que il y a du côté homme, du côté femme, peut-être une différence dans cette demande, même si le sujet, homme, femme, arrive à ce point de passage, à ce moment où la passe est, qu’elle soit, qu’on en fasse témoignage ou pas, il y a toujours passe s’il y a de l’analyste à ce moment-là. Il faut dire que ce que Lacan nous a apporté par la suite, nous fait savoir que lorsque la relation d’un homme avec son fantasme fondamental, puisque c’est quand même, nous dit Lacan, dans le séminaire Encore, ce que l’homme aime, ce qu’il « âsme » c’est ce fantasme. C’est le fait de trouver en face de lui une femme qui puisse être support de cet objet, qui puisse donc être support de ce fantasme. Le traverser, pour un homme, cela ne veut pas dire qu’il va se féminiser, c’est pas ça du tout, le traverser pour un homme ça veut dire qu’il va avoir une relation avec cet être qui est son symptôme, puisque Lacan nous dit qu’une femme c’est le symptôme d’un homme, mais c’est pas l’inverse, ça ne peut pas être l’inverse si on regarde ce schéma. Ca veut dire que là il y a une possibilité d’une identification non aliénée au symptôme qu’une femme est pour son homme. C’est un point aussi qu’il ne faut pas négliger dans cette approche qui nous intéresse aujourd’hui et les fois qui suivront. Il y a là du fait de cette confrontation avec ce vide de le ? ? « laisser être ». Il y a pour un homme ce franchissement ayant ..... a été confronté avec ce vide, il peut plus facilement, si celle qui l’accompagne est vraiment à cette place d’épouse, il peut avoir cette identification à son symptôme qui est cette femme puisque vers la fin de son enseignement, Lacan nous a apporté ce point, cette identification au symptôme. Et certains peut-être s’en souviennent, s’ils étaient à cette première réunion de la section clinique, j’avais posé la question à Lacan de savoir, parce que j’étais travaillée par ce qu’il venait de nous apporter autour de cette identification au symptôme et à cause de certaines personnes que j’avais en charge, enfin qui venaient me voir Je lui ai posé la question pour le paranoïaque. Il m’a dit oui, que c’était la même chose, que la fin d’une cure c’était l’identification au symptôme pour le paranoïaque aussi. Ca m’a fait beaucoup réfléchir et c’est cette réflexion, les expériences que j’ai pu avoir par la suite, qui nous permettent de mettre l’accent, de ne pas faire oublier ce point de l’enseignement de Lacan.
Et donc, avec ce franchissement, traversée du fantasme fondamental pour un homme, lorsque ce qu’il « âsme », c’est son fantasme. On peut comprendre qu’à ce moment-là il peut y avoir une identification à son symptôme, identification qui n’est pas une identification aliénante, puisque ça vient marquer la fin (comme la guérison vient par surcroît) de cette cure, avec cette possibilité de . : il y a de l’analyste et j’accepte de me mettre à cette place, il y a de l’analyste, mais c’est autre chose que j’ai à faire.
Je vais m’arrêter là.
Questions
J. Triol pose une question sur ce « Gelassenheit »
S. Faladé :
Laisser être, c’était au moment où il parlait de « l’être pour la mort », alors ça a été traduit par sérénité en français et ça ne répond pas vraiment à ce que Lacan... C’était une période où il employait certains concepts et idées de Heidegger et donc autour du temps où l’Ethique était apportée, c’est pour ça que j’ai pensé qu’il y avait à faire référence à l’Ethique.... on y reviendra. C’est non seulement, c’est faire ce qu’il faut pour que effectivement ce vide avec lequel nous sommes confrontés sur quoi nous sommes bâtis avec toutes ces barrières, tous ces signifiants qui se mettent autour du vide de la Chose, que ce soit le Bien, le Beau, que ce soit le fantasme, que ce soit le principe de plaisir, ce qui fait que il y a une barrière par rapport à la jouissance, enfin tout ce qui mise autour du vide de la Chose, autour de cette chose, c’est quand même ce qui doit tomber. Et croyez-moi ce n’est pas si facile et même quand ça peut être entre-vu, la tendance est quand même de faire en sorte qu’à nouveau protection, il y ait barrière. Alors, je crois que c’est ça que Lacan veut dire, c’est que le travail fait que, chemin faisant, lorsqu’on l’aborde il faut encore pouvoir laisser être ce vide pour pouvoir faire avec.
Puisque je parlais de cette différence, ça permet de comprendre pourquoi Lacan dit que une femme analyste, elle peut être plus à sa place. Ca veut pas dire qu’il nie aux analystes hommes quoi que ce soit, c’est pas ça. Mais ce rapport avec ce vide forcément, si une femme a pu dans son parcours, dans sa cure, faire avec ce vide, c’est-à-dire avec sa castration, sa position peut être facilitée par rapport à ce qui vient de l’autre concernant le vide. Je crois que c’est dans le séminaire Ou pire qu’il en a parlé, je n’ai pas eu le temps de retourner voir.
Claude Lecoq :
J’avais lu dans l’Angoisse cette question des femmes analystes et il disait que pour que un homme vienne dans cette position il fallait qu’il y ait pour lui un rude brisement. Je crois que c’est le troisième séminaire sur l’Angoisse.
S. Faladé :
Oui, un brisement, peut-être qu’il pointait déjà cette traversée du fantasme. Il nous pose la question : une fois le fantasme traversé.....mais c’est tout un travail pour arriver à cela. Il nous parle bien de ce désêtre que vit celui-là qui est en analyse, ce n’est pas..., c’est un moment souvent pénible, même si au bout du compte il y aura cet enthousiasme qui vient marquer bien des fins de cure.
Nous aurons l’occasion de reparler de ce graphe. A ce propos, Lacan nous a parlé de psychanalyse en extension, c’est-à-dire on accepte le tout-venant, avec ce point que si il n’y a pas une demande qui peut être reçue comme demande analytique, peut-être pas de suite, il y aura tout ce parcours du fait de la rencontre avec celui qui est en place de grand Autre, peut-être, mais qui y est en tant que support d’objet « a », l’analyste, et le travail se faisant, il y aura, si la personne accepte de témoigner, cette confrontation avec le jury qu’il met à cette place de( S barré poinçon D), enfin c’est quand même tout ce qui est de l’ordre de la demande, et demande phallique pour aboutir à cet Analyste de l’Ecole. Enfin, je crois qu’on aura à y revenir parce que, pour ce qui est de la place de Analyste Membre de l’Ecole, qui est à cette place où la suggestion joue encore. Il faut penser que lorsque Lacan nous a apporté ce graphe en 67, il y avait dans l’Ecole des Analystes de l’Ecole qui du fait de leur expérience, avaient été nommés Analystes de l’Ecole par Lacan et son Directoire. Et puis les Analystes Membres de l’Ecole, ceux qui avaient une pratique d’analystes, et Lacan disait que l’Analyste Membre de l’Ecole qui conduisait tel de ses analysants à être nommé au titre Analyste de l’Ecole deviendrait Analyste de l’Ecole. Mais enfin, ensuite lorsque la passe a été mise en place, c’est-à-dire après 68, être Analyste Membre de l’Ecole c’était un jury, le jury d’accueil qui en décidait et le fait d’être Analyste de l’Ecole n’impliquait pas forcément qu’on était Analyste Membre de l’Ecole ou qu’on deviendrait un jour Analyste Membre de l’Ecole puisque Lacan disait que s’il y avait de l’analyste, au moment où ceci était repéré par celui qui était en passe d’être analyste et par le jury, rien ne disait qu’un an après il y aurait encore de l’analyste, et donc l’Analyste Membre de l’Ecole c’était l’analyste qui avait fait preuve que de l’analyste il y avait encore. Je me suis dit que dans un premier temps ça allait embrouiller de donner toutes les explications, ce que je voulais, c’était vraiment montrer que déjà en 67 Lacan mettait l’Analyste de l’Ecole, celui qui était nommé au titre d’Analyste de l’Ecole, c’est pas nommer analyste, personne n’est nommé analyste, puisque c’est l’analysant qui s’autorise de lui-même lorsqu’il est analyste, pas à n’importe quel moment de son analyse. Ce que je voulais montrer c’est que déjà en 67 lorsqu’il nous apportait cette Proposition, l’Analyste de l’Ecole c’était celui qui avait fait savoir, et que le jury pouvait en témoigner, avait fait savoir qu’il était confronté avec ce vide, avec ce manque qu’il avait « laissé être » ce manque et qu’il s’efforçait de faire avec. Or, ça répond exactement à ce vide, à ce manque, à ce à quoi une femme est confrontée, parce que femme.
M. L. Lauth :
Vous avez parlé de l’identification au symptôme pour un homme, la solution qu’il peut trouver, à Tours vous aviez parlé de ce qu’il en était pour la femme, mais c’est quand même pas très clair. Qu’est-ce que c’est que l’identification au symptôme pour une femme ?
S. Faladé :
Pour une femme j’ai toujours dit....
M. L. Lauth :
accepter d’être ce support
S. Faladé :
d’être support, oui ....d’être ce symptôme pour son homme
M.L. Lauth – C’est une identification au symptôme pour elle, ça
S. Faladé :
D’être ce symptôme, oui
M. L. Lauth :
C’est pas identification au symptôme ?
S. Faladé :
Non. J’ai repris le terme comme Lacan l’a donné.
M. L. Lauth :
C‘est à cause d’un souvenir. C’est parce que je connaissais quelqu’un qui contestait beaucoup ce que vous avez dit là, que ce n’est pas réciproque des deux côtés et que j’entends Lacan dire à cette personne, c’était à la Maison de la Chimie : » Pour une femme je veux bien qu’elle soit le symptôme de l’homme. J’veux bien et il avait fait une concession. Donc....
S. Faladé :
Je vais vous dire. A la Maison de la Chimie, c’était public, c’était public, et que à ce moment-là il répondait d’une façon telle que cette personne puisse, là où elle en était, accepter .
M. L. Lauth :
J’entends ce « j’veux bien... »
S. Faladé :
Oui, oui bon c’est que...il y avait des discussions qu’on ne pouvait pas forcément toujours tenir en public et Lacan était toujours très soucieux de cela. Dans la mesure où il a dit « j’veux bien... » ça veut dire ...
M. L. Lauth :
Il l’avait dit comme ça...c’est quelqu’un qui voulait que ce soit réciproque, que la femme puisse être le symptôme de l’homme, non que l’homme puisse être le symptôme de la femme...
S. Faladé :
Eh bien non, et justement si vous dites, c’est bien parce que...ça ne peut pas être... Notre position par rapport au fantasme n’est pas le même
M. L. Lauth :
C’est clair sur les formules.
S. Faladé :
c’est pour cela que je les ai fait mettre ces formules. Ce « Je veux bien » on ne peut pas discuter de ça devant tout le monde parce que ça vous concerne tout particulièrement, voilà ce que ça veut dire à ce moment-là.
Intervention de Jean Triol
...
suivie de l’interventition de Bernard Mary
S. Faladé :
Quand il ne connaissait pas, il demandait à connaître, alors il lui arrivait de demander au Directoire : ah bon, un tel, dites-lui donc de venir me voir. Ce qu’il y a, ce que Lacan nous a enseigné c’est que on ne peut pas y être en tant que maître, ça n’est pas du tout une position de maîtrise que celle que nous avons ( écoutée ? ?), et c’est vraiment l’enseignement et c’est pour ça que je disais en riant que peut-être des « suffisances » et des « béatitudes », on ne pourra plus tellement étiqueter de ceci les analystes... enfin, en tout cas ceux que nous côtoyons. De cette humilité... Lacan lui-même disait que c’était là que l’on pouvait apprendre ce qu’est l’humilité, il n’avait pas du tout une position de maître, je sais personnellement, j’ai fait beaucoup de contrôles avec Lacan où il m’arrivait parfois d’aller lui poser des questions, etc... Il me disait ce qu’il pouvait me dire à ce moment-là et puis il lui arrivait parfois de m’appeler le soir et de me dire : « j’ai réfléchi à ce que vous m’avez dit et peut-être ... je pense ...il faudrait mieux que ça se passe comme ceci. » Il y avait jamais... je ne lui ai pas connu cette position de maîtrise. Et je crois que c’est vraiment quelque chose à souligner lorsqu’on a pu faire cette expérience, d’approcher Lacan dans sa pratique d’analyste, d’analyste, enfin d’homme. Lacan, il montrait qu’on n’avait pas à être un saint, on était ... enfin l’analyste qu’il était, c’était vraiment étonnant et respectable. Justement à cause de cette humilité et qui n’était pas une chose feinte, enfin ce n’était pas pour la galerie.
(1) Laisser-être - Heidegger
(2) A Triol
(3) « Gelassenheit » : calme, absence de passion, sérénité. (Sachs Villate 1921)