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Sur l’école

Une transcription de l’intervention de Solange Faladé à Vaucresson le 07 juillet 1990

07 juillet 1990
Document de travail

"Revenons à la question de l’Ecole, l’Ecole que Lacan propose pour les groupes psychanalytiques.

Dans son discours de Rome, le deuxième, Lacan nous dit que la psychanalyse a une autre consistance que les autres discours. Et c’est parce qu’elle a une autre consistance que les autres discours que le groupe qui peut rassembler des psychanalystes ne peut pas être une société, car le discours de l’analyste ne génère pas une société. Pourquoi ? Parce que, nous dit-il, il y a la réalité, un lien à deux, car le discours de l’analyste vient, se place au manque du rapport sexuel. Il n’y a pas de rapport sexuel dans les autres discours. Je ne peux pas ce matin m’étendre sur ce point, mais quand même je vais rappeler ceci.

Dans le discours du maître où se constitue le sujet de l’inconscient, le discours du maître, le discours de l’inconscient, c’est le même, je l’ai fait ici figurer au tableau, je le rappelle : S1 S2 et portant S barré sujet de l’inconscient avec ce reste, ce petit a, ce plus de jouir :

SI S2
__ __
$ a

Dans ce discours, le sujet, sujet de l’inconscient qui vient… un de ces sujets, s’il y a ce prolongement à un autre, autrement dit : homme femme, il n’y a pas de rapport sexuel, c’est ce que Freud dans sa découverte a pu mettre en évidence. La réalité sexuelle de l’inconscient fait qu’entre homme et femme le rapport ne sera jamais un. C’est-à-dire que pour chaque sujet on ne pourra pas écrire, par exemple 1 sur 1 (donne 1) mais il y a toujours cet objet petit a. Il n’y a pas très longtemps, mardi, il y a une quinzaine de jours, nous en avons parlé. Et pour l’illustrer Lacan nous donne, rappelle le temps logique : Ces trois prisonniers qui font le tour de la salle et qui essaient de savoir qui chacun est. Ceci n’est possible, nous dit Lacan, que parce qu’il y aura deux sujets et le regard du troisième, le regard du troisième qui permettra que, dans les va et vient, les tournages en rond, si je puis dire, celui là peut se déterminer comme sujet.

D’autre part, et je ne peux pas là non plus m’y étendre, dans ce champ, ce champ du discours du maître, le discours de l’inconscient, ce qui permet que ce discours puisse se mettre en place, c’est cette demande, cette adresse faite à l’Autre, au grand Autre, qui fait que du S1 pourra représenter le sujet, sujet barré. Et ce faisant, la demande se met en place ; avec la demande, le désir. Et le désir qui va là exister, si je puis dire, est dû uniquement au signifiant, est dû uniquement à la demande. Donc le sujet pour émerger, s’adresse à l’Autre, un signifiant le représente, et va le représenter auprès d’un autre signifiant, un autre signifiant qui, lui, est un signifiant qui ne se trouve pas dans le corps symbolique du grand Autre, mais un signifiant qui est prélevé hors du champ du grand Autre, qui est prélevé sur l’être de l’organisme, nous dit Lacan dans “ Position de l’inconscient ”. Et ce signifiant, ce S2 c’est en fait ce que du grand Autre le sujet peut appréhender, c’est-à-dire le grand Autre avec son manque.

Donc, ce qui se met en place avec cette demande, c’est le désir, et ce désir a à voir uniquement avec le signifiant et dans ce champ du désir, champ clos du désir, ce qui va s’inscrire de sexuel, c’est le phallus. Et dans cette relation de l’homme et d’une femme, c’est en fait une demande de phallus qui sera faite par une femme à un homme. Mais ceci je l’ai développé il n’y a pas très longtemps, et je ne vais pas y revenir sauf si au cours de la discussion la question est posée.

Ce qui est intéressant pour ce matin, c’est de partir de ce discours, du discours de l’analyste, discours qui se met en place et qui fait qu’il y a un lien à deux. Ce lien à deux, c’est que le rapport sexuel n’a pas à se poser, puisque nous avons un analyste qui est là support de petit a, un sujet qui est mis au travail, c’est sa division de sujet qui est mise au travail, et donc il y a 1 et 1 qui peut s’écrire, mais non pas 1 avec ce que chaque sujet emporte avec lui. Pour l’hystérique, nous rappelle Lacan, ce sera un 1 retranché du a (1-a), et pour l’obsessionnel : 1 plus cet objet plus de jouir (1+a). S’il faut le développer, je le ferai. Je ferai simplement remarquer que si nous prenons ici le discours de l’hystérique, l’hystérique s’adresse au maître, le maître qui est mis à cette place de travail, qui est aussi cette place de l’Autre, et l’hystérique y est avec ce qui caractérise l’hystérique, ce 1 moins cet objet petit a, objet petit a qui a la valeur du nombre d’or, nous dit Lacan. Et c’est ceci qui sera porté au champ de l’Autre, au champ du maître qui est mis en question. Donc le rapport ne pourra jamais être 1, mais sera toujours 1 virgule quelque chose ou zéro virgule quelque chose.

Alors, le discours de l’analyste, qu’est-ce qui marque ici le discours de l’analyste ? C’est cette disjonction, nous dit Lacan entre le pouvoir, le S1, et le savoir, le S2. Ceci, il nous le dit dans son séminaire D’’un Autre à l’autre. C’est-à-dire que va se produire, du fait du travail de l’analyse, la disjonction de ce qui a été nécessaire ici pour qu’on puisse passer du 1 au 2. Pour qu’on puisse passer du 1, de ce 1 qui représente le sujet, pour qu’on puisse passer de ce 1 à ce 2 qui est le deuxième signifiant prélevé hors du champ de l’Autre, il faut qu’il y ait cette conjonction du pouvoir et du savoir et c’est là le discours du maître, maître et esclave, pour illustrer ce discours.

Donc, disjonction du pouvoir… on ne peut pas réaliser ce qui primitivement dès le départ avec la mise en place du discours de l’inconscient se réalise, c’est-à-dire ce que figure la société des frères, telle que Freud dans Totem et tabou nous l’a rapporté, plus exactement, la description qu’il en fait. Donc, disjonction du pouvoir et du savoir, et puis ce qui se passe au cours du travail de l’analyse, c’est la chute des identifications, et c’est essentiel. La chute des identifications, pour la saisir, revenons à ce discours du maître.

La mise en place du S1, cet appel premier, cette adresse à l’Autre, fait que le S1 qui se trouve dans le corps du grand Autre, disons tous les S1, tous ces S1 vont être incorporés par ce sujet qui émerge, c’est là la première identification, c’est l’identification au père, nous dit Freud, identification par amour, où tous ces S1 sont ingérés, sont incorporés. Mais pour que le S1 puisse véritablement être signifiant, il lui faut ce deuxième signifiant, ce S2 qui fait que le S1 puisse signifier.

Et ce S2, ce deuxième signifiant, vous savez que pour que ce prélèvement qui fait que du grand S2 puisse s’écrire, c’est-à-dire, ce qui est appréhendé, avec le manque dans l’Autre, ce grand S de grand A barré : S(A/), au cours de ceci, il y aura prélèvement d’un trait, d’un trait identificatoire, qui est le trait de l’idéal du moi, trait identificatoire qui vient là, marquer l’encoche qui dès le départ était dans le sujet, parce qu’avant qu’il ne parle, avant qu’il ne puisse s’adresser à l’Autre il y a déjà, nous dit Lacan, une matrice de l’idéal du moi. Et donc, ce trait identificatoire qui sera prélevé lorsqu’il parlera, vient marquer, vient refendre le sujet, donc, c’est la deuxième identification.

La troisième identification, revenons à la horde primitive, à cette société des frères. Vous savez que pour Freud, et c’est essentiel, il l’a maintenu tout au long de son enseignement (et ceci a été retenu et repris par les autres psychanalystes et en particulier par Lacan, Lacan qui a une place toute particulière et nous y reviendrons tout à l’heure), cette société des frères n’a pu se faire que parce qu’ayant tué le père, et après avoir décidé de tuer le père, ils se sont reconnus ses fils, se sont soumis à sa loi, mais aussi, du fait de ce trait qui a été prélevé sur ce totem, ce totem qui est là pour représenter, pour être une métonymie du père, ce totem, ce trait qui a été prélevé, va leur permettre de mettre en place la troisième identification, identification par le désir. Il faut bien qu’il y ait ce même désir chez tous ces fils pour qu’ils se reconnaissent frères, qu’ils décident de s’associer, de faire une société, une société qui se met au travail pour apporter au père, mais le père sous la forme du totem, les produits du travail, c’est-à-dire ces plus de jouir, ces objets de jouissance qui seront présentés au père lors du repas totémique. Mais je n’insiste pas sur cette société des frères, ce que je voulais simplement souligner, relever c’est cette troisième identification, identification par le désir, désir hystérique, mais ceci se fait parce qu’il y a ce soutien du trait prélevé chez le grand Autre.

Au cours du travail analytique il y a la chute des identifications. La chute des identifications, c’est ce que, dans le meilleur des cas, on obtient à la fin d’une analyse. Tout d’abord, cette identification au S1, cette incorporation au S1, vous voyez que du fait du travail de l’analyse le sujet va élaborer, va rejeter les S1, c’est-à-dire va se défaire de ce qui le pétrifie dans son identification au père. L’inhibition pourra être levée. Il y là donc une première chute, une chute qui concerne la première identification.

Le travail de l’analyse se poursuivant, pour que puisse être atteint ce point de finitude dont parle Lacan, ce point qui permet que la castration ne soit pas une butée, comme Freud l’avait pensé, tout du moins il se disait que c’était là l’obstacle majeur, il faut que la deuxième identification, cette identification de l’idéal du moi, il faut que cette deuxième identification aussi soit mise à mal, si je puis dire. Et ceci Lacan, dès le séminaire sur Le transfert, y a insisté. Cette deuxième identification venant à choir, ceci va permettre au sujet, au sujet qui s’est modelé pour ce qui est de son moi idéal, pour ce qui est de ce petit i de petit a : i(a), son moi idéal, qui l’a modelé par rapport à cette identification idéale, à cet idéal du moi, il faut que cette identification idéale, cet idéal du moi, vienne aussi à choir, à bouger, pour que le sujet puisse saisir ce qu’est son être, c’est-à-dire ce petit a, ce petit a qui conjoint au sujet - est-ce que vous voyez, j’ai l’impression qu’on ne voit plus grand chose - (Solange Faladé écrit au tableau) qui forme là le fantasme (S/ <>a). Le sujet découvrant ce qu’est son être, va pouvoir lever ce masque qu’est le fantasme, le traverser et être en relation avec le sens de la castration.

Ce qui est important à retenir c’est qu’il faut qu’il y ait cette chute de l’idéal du moi, il faut que là où l’analyste a été placé comme idéal du moi, là où il a été placé, et qui fait que le sujet en analyse dans un premier temps va modeler son image sur ce qu’il pense être ce que l’analyste attend de lui, il faut que cette identification idéale, ce grand I de grand A : I(A), puisse n’être plus à sa place, puisse aussi choir pour qu’il puisse y avoir cette fin, cette fin d’une analyse où le sujet ayant mis au travail sa division, peut saisir ce qu’il en est de son être et opérer ce que Lacan a appelé la destitution subjective, destitution subjective qui peut mener à ce qu’à nouveau un acte psychanalytique soit posé parce que le sujet peut prendre en charge ce qui est son être, ce petit a, et éventuellement se mettre à la place de l’analyste, mais pas pour faire comme son analyste. Il se met à la place de l’analyste et il aura à opérer à cette place avec son propre style.

Il y a là, donc, cette chute identificatoire, et c’est à partir de cette chute identificatoire, de ces élaborations, de ces rejets de ce qui pétrifie dans S1, de ce qui fait qu’on se modèle sur l’Autre, c’est à partir de ces chutes que Lacan pense qu’il y a à réfléchir sur ce que doit être un groupe de psychanalystes. C’est-à-dire que, dès le départ, il s’oppose à ce qui est répandu, que la fin de l’analyse doit être une identification à l’analyste. La fin de l’analyse, si effectivement la castration n’est pas cette butée, doit permettre qu’il y ait cette chute de cette identification idéale.

Et c’est à partir de ceci que Lacan propose un groupe pour les psychanalystes, un groupe qui n’est pas, qui ne peut pas être une société, qui ne peut pas être une société faite sur ce modèle maître-esclave. Une société peut se faire dans cette relation que (le sujet) a avec le grand Autre. Et pour ce qui est de l’université, il faut savoir que le maître a chargé le savoir de produire, de travailler pour lui, mais sous une autre forme, nous reviendrons tout à l’heure sur le discours de l’université.

Disjonction du pouvoir et du savoir, chute des identifications, et ceci du fait du travail qui se fait au cours d’une analyse, du travail du transfert. A la fin d’une analyse le transfert sera forcément autre chose. C’est-à-dire que ce transfert là aussi choit. Mais si le sujet reste dans l’analyse, du travail du transfert il y aura transfert de travail. Et c’est parce qu’il y a transfert de travail possible que l’enseignement peut se faire d’un sujet à l’autre et, nous dit Lacan dans son acte de fondation ou plutôt dans les notes qui accompagnent cet acte de fondation, c’est ce qui fait la raison de l’Ecole, la raison de ce qui permet qu’un groupement d’analystes puisse être autre chose qu’une société.

Transfert de travail, c’était quelque chose qui nous avait préoccupés au début de l’Ecole Freudienne. Si effectivement nous avons à faire à des sujets qui ont pu atteindre ce point de finitude où il y a eu la chute des identifications, où il y a eu cette disjonction du pouvoir et du savoir, ce transfert de travail permet que des groupes, des petits groupes au sein du groupe général, puissent se mettre au travail et puissent se mettre au travail sans qu’on s’efforce, on ait à vouloir imiter l’Autre puisque cette identification a pu choir.

Alors, c’est à partir de là que Lacan fait des propositions, des propositions dans ce qui a été son école, l’Ecole Freudienne de Paris, propositions pour qu’il y ait des groupes de travail et pour qu’il y ait en particulier ce groupe qu’il a appelé cartel. Ce groupe qu’il a appelé cartel, de trois au minimum, nous dit-il, ce qui change de ce qu’on peut lire dans les écritures saintes, c’est à dire : quand deux se réunissent je serai là au milieu d’eux, non, on est trois, trois parce que Lacan tient compte d’une structure qui est celle ci : Il y a trois registres, trois registres du réel, de l’imaginaire et du symbolique, et c’est avec ces trois registres que nous avons à faire. Donc, trois au minimum, et lorsque ces trois se réunissent, il va s’opérer, il y aura quelque chose qui permet qu’il y ait un lien et ce lien Lacan nous dit que c’est le plus un. Ce + 1 nous a beaucoup tracassés, nous a tracassés à un point tel que Lacan y est revenu à différentes reprises dans son enseignement et tout particulièrement lors des journées de cartels de 75. Après ces journées de 75, il en a reparlé dans son séminaire qui a suivi, celui je crois du 16 avril 76 où il reprend ce problème du cartel. Il reprend ce problème du cartel, pour nous dire que pour que ces trois puissent se réunir, trois au minimum, quatre c’est le bon chiffre, cinq est possible, pour que ces trois puissent se réunir et se nouer d’une façon borroméenne, il faut qu’il y ait ce désir, ce désir de la troisième identification, ce désir hystérique. Mais, comme, dans ce groupe, il y a des personnes qui sont arrivées à ce point de leur travail analytique où il y a eu ces chutes identificatoires, ce désir se met en place, désir hystérique certes, mais désir qui va les nouer non pas à partir d’un trait qui sera prélevé chez l’Autre, non pas à partir de ce trait de l’idéal du moi, puisqu’il y a eu chute à la fin de l’analyse, mais à partir de quelque chose d’autre. J’ai réservé la troisième identification pour pouvoir en parler ici. C’est-à-dire que ce désir, ce désir hystérique n’aura pas pour appui ce trait prélevé sur l’Autre, c’est vrai, mais quelque chose s’est produit lors du travail analytique qui fait que le sujet a une autre relation au savoir. Et c’est à partir de cette autre relation au savoir, qui fait que le savoir ne fait plus horreur, que le refoulement dû au savoir sera levé. C’est à partir de là qu’on peut espérer que ces petits groupes pourront se former différemment des les autres petits groupes qui peuvent exister où il y a un leader tel que Freud l’a décrit dans Massenpsychologie und Ich-Analyse, avec le leader et le trait prélevé sur le leader. Là, il n’y a plus de leader. Mais il y a quelque chose qui va permettre que se nouent ces trois, ce quelque chose qui fait que ces trois vont pouvoir se nouer borroméennement ; ce quelque chose, nous dit Lacan, a un nom propre et ce qui a un nom propre dans la psychanalyse c’est le Nom-du-Père.

Ce qui permet que le cartel puisse fonctionner comme cartel, puisse se nouer borroméennement, puisse travailler d’une façon telle qu’il n’y ait là aucune emprise de leader, aucune mise en place de petit chef, dit Lacan, aucune chefferie, c’est le fait que le rapport au savoir est autre, autre du fait de la levée du refoulement et du fait que le sens de la castration, c’est-à-dire ce qui est masqué par le fantasme, le sens de la castration at pu être vécu par certains membres de ce petit groupe.

Transfert de travail : ce qui permet l’enseignement. Transfert de travail, là c’est facile de voir que Lacan a joué sur ce mot de travail du transfert, travail du transfert qui se fait au cours d’une analyse. A la chute de ce transfert se met en place ce transfert de travail et c’est à partir de ceci que va être possible de penser un groupe qui puisse répondre à ce qu’est le discours de l’analyste.

Alors donc une école, pour Lacan, la raison en est que l’enseignement se fait par le transfert de travail, transfert de travail qui peut être obtenu à la fin d’une analyse. Alors, j’en viens à l’Ecole Freudienne c’est-à-dire à notre groupe, …ceci va permettre de répondre à quelques questions ou plus exactement à quelques critiques qui m’ont été adressées directement, qui m’ont été adressées lorsque ce groupe a vu le jour et s’est fait connaître, s’est fait connaître sous le nom d’Ecole Freudienne. Certains n’ont pas manqué de me dire “ comment, vous qui avez participé si activement à la dissolution de l’Ecole Freudienne de Paris, vous qui avez participé si activement à cette dissolution, et qui même faisiez preuve d’une hâte ” hâte qui malheureusement n’a pas pu aboutir du fait de ce que Lacan ne pouvait plus, à cette époque, proposer autre chose, alors qu’il avait décidé sa dissolution. Ceci c’est une chose qu’on peut vérifier - puisque dès l’année 78-79 après son séminaire intitulé Le moment de conclure après ce séminaire, à la rentrée, du fait de l’accident que Lacan a eu, il ne lui a plus été possible de nous transmettre autre chose que ce jeu qui était le sien avec les nœuds et une phrase qui accompagnait ceci. Les choses ont été ainsi pendant toute une année où Lacan n’était plus présent de la même façon, jusqu’à l’assemblée générale du 30 septembre 79, et je pense que certains d’entre vous étaient présents à cette assemblée générale, assemblée générale qui a vu effectivement l’Ecole Freudienne de Paris se défaire. C’est après cette assemblée générale que Lacan s’est posé la question de savoir ce qu’il avait à faire, une dissolution, mais malheureusement il n’a pas pu comme il l’a fait en 75, puis en 77, tirer enseignement de ce qui venait de se passer.

Donc ça m’a été reproché, ça m’a été reproché à moi tout à fait directement. Ce que ceux-là qui faisaient ces reproches n’ont pas compris, c’est que si Lacan a voulu dissoudre, et j’étais tout à fait d’accord avec lui, ce que Lacan voulait dissoudre, c’était une association de 1901, c’était cette association qu’il avait appelée Ecole Freudienne de Paris, qu’il voulait dissoudre, mais non pas l’Ecole Freudienne, puisque lui-même, tout au long de son enseignement, et ce, depuis 53, s’est efforcé de montrer que ce que le discours analytique justifie, c’est une école. Et cette école ne peut être que freudienne, parce que travaillant, si elle veut être psychanalytique, dans le champ ouvert par Freud. Ce champ ouvert par Freud maintenant, ce qui nous en est légué, c’est le parcours fait par Lacan dans ce champ, en s’efforçant de ne pas émousser le soc tranchant, nous dit-il lui-même, de la découverte freudienne.

Donc, à quelques-uns, et ceci suffisait pour nous, (dans son acte de fondation, Lacan en 64, il n’avait pas besoin d’une liste, comme il dit, nombreuse : cette liste tenait en quelques personnes qui avaient trouvé place dans un salon parisien) croyez moi, on n’a pas eu besoin de louer des chaises pour qu’on puisse s’asseoir. Il suffit donc d’une liste, une liste de travailleurs décidés, décidés et c’était bien ce dont ces quelques personnes ont fait preuve. En 1983, elles ont montré leur décision, leur décision de continuer à travailler dans ce champ de l’Ecole Freudienne, faisant savoir que Lacan n’avait pas eu le temps, n’avait pas eu la possibilité de tirer enseignement de ce qui s ‘était passé dans l’Ecole Freudienne de Paris, ne voulant pas faire croire que soit disant une contre-expérience se mettait en place, une contre-expérience qui aurait été soi-disant décidée par Lacan. Ces quelques travailleurs décidés, se sont réunis dans ce que nous avons appelé l’Ecole Freudienne, pour renouveler l’expérience de Lacan.

Nous avons maintenu “ Ecole ”, certes, parce que le groupe qui peut réunir des psychanalystes ne peut pas être une société, mais aussi parce que nous référant à ce que Lacan dans le préambule de 1971, s’expliquant à nouveau sur le pourquoi d’une “ Ecole Freudienne ”, dit que s’il a choisi “ Ecole ” c’est certes parce qu’il y a cet enseignement, mais aussi parce que c’est un lieu de refuge, se référant aux temps antiques. Un lieu de refuge, et un lieu pour une base d’opération pour ceux qui, à cette époque là (ces temps antiques auxquels il se référait), était déjà le malaise dans la civilisation. Et parce qu’il estimait qu’il y avait malaise de la psychanalyse, nous avons estimé qu’il y avait malaise dans la psychanalyse, qu’il y avait malaise dans les groupes, les regroupements de la psychanalyse et qu’il fallait bien un lieu qui soit un refuge, un refuge pour que ce travail de la psychanalyse puisse continuer sans ce mensonge, de faire croire que le père avait décidé ce qu’on a appelé d’un nom, d’abord “ La Cause Freudienne ”, se référant à ce que Lacan dit dans l’acte de fondation de “ l’Ecole Freudienne de Paris ”,, aussi seul qu’il a toujours été avec la cause psychanalytique, faisant croire que là, ce qui était mis en place, avait été décidé par Lacan.

Donc, des travailleurs décidés ont pris cette décision de faire savoir qu’un groupe continuait, et continuait dans l’Ecole Freudienne, s’efforçant de réfléchir sur ce que Lacan lui-même en 72 avait appelé les échecs de l’Ecole Freudienne de Paris. Ça aussi, ça m’a été reproché, car dans ce petit papier qui avait été fait en avril 83, il avait été dit que ces quelques que nous étions, allaient s’efforcer de réfléchir sur ce que Lacan lui-même avait appelé des impasses de l’Ecole Freudienne de Paris ; ceci m’a été reproché et on est venu me dire que, enfin, nous voulons faire mieux que Lacan. Qu’est-ce que ça veut dire ? Lacan lui-même dans son acte de fondation nous disait qu’il s’attendait à des échecs, plus tard il nous a fait entendre que ces impasses, que les impasses qu’on pouvait rencontrer, on pouvait toujours chercher une passe pour les dépasser.

Et c’est ce que nous avons pensé pouvoir faire au sein de l’Ecole Freudienne, faire autour de ce qui a été impasse : tout d’abord la passe, le problème de Scilicet, et nous y avons ajouté les cartels, car après 75, Lacan n’a pas pu obtenir ce qu’il espérait pour les cartels, c’est-à- dire que les cartels acceptent ses propositions de permuter, c’e des petits groupes se voyant proposer de permuter. Or ceci n’a jamais pu se faire dans l’Ecole Freudienne de Paris. Donc, pour les cartels, la solution trouvée dans la soi-disant contre-expérience ce n’était pas de proposer une permutation mais d’imposer une permutation, ce qui n’a jamais été dans l’esprit de Lacan, et ce qui ne peut pas être si on tient compte du discours de l’analyste puisque là, du fait de la levée du refoulement, la levée des inhibitions, du fait de la chute des identifications, il faut pouvoir attendre que cette permutation puisse se faire. Elle n’a pas pu se faire dans l’Ecole Freudienne de Paris.

Revenons à ce qu’est notre groupe, l’Ecole Freudienne. Revenons à une toute première chose proposée par Lacan qui est la passe. On a dit que dans l’Ecole Freudienne, c’est-à- dire ici, il n’y avait plus de passe. Pas du tout. La passe existe et a eu sa place dès le départ., mais en tenant compte de ce qui s’était passé dans l’Ecole Freudienne de Paris, de ce que Lacan avait pu nous dire aux journées de Deauville, où dix ans après avoir fait sa proposition de 67, il essayait de tirer enseignement de ces dix années de passe. Il avait alors fait savoir publiquement que la passe faite par des analystes fonctionnant depuis un certain temps, cette passe n’apportait pas ce qu’il espérait : c’est-à-dire pouvoir saisir dans sa fraîcheur : Qu’est-ce qui fait que celui-là qui a vécu au cours de son analyse, ce qui va l’amener à sa destitution comme sujet, ce qui va lui faire saisir ce qu’est son être, ce petit a, cet objet de déchet, ce que lui-même a pu faire vivre de peu d’être à son analyste à ce moment là, qu’est-ce qui fait que celui-là, après avoir dit “ au revoir et merci ” et là je reprends un terme de Georges Favez, employé par lui au cours de réunions scientifiques de La Société Française de Psychanalyse, où déjà la question de la fin de l’analyse était à l’ordre du jour, celui-là qui a dit “ au revoir et merci ” à la fin de son analyse qu’est-ce qui fait qu’il y revient ?

Lacan, en 77, a fait savoir que ceci ne pouvait se savoir qu’avec ceux-là qui sont en passe de fonctionner comme analystes, c’est-à-dire ceux-là qui sont arrivés à ce point où on peut savoir, soit publiquement soit avec le témoignage de l’analyste, qu’il y a de l’analyste. De l’analyste : c’est-à-dire ces analystes qui ne fonctionnent pas encore comme analystes, mais qui sont arrivés à ce point-là, c’est avec ceux-là que la passe peut se faire.

Vu les difficultés que certains d’entre nous ont vécues dans l’Ecole Freudienne de Paris, nous avons pensé, en tout cas pour le moment, que la passe se ferait avec ceux qui sont en passe de fonctionner comme analystes, qui sont dans ce moment de passage. Et la passe est en cours d’expérience dans notre groupe. Donc voici ce qu’il en est de cette passe et de ses difficultés.

Reste la question des cartels. Les cartels, tenant compte de cette expérience et de l’enseignement de Lacan, nous avons attendu. Des cartels maintenant se mettent en place et je pense, se mettent en place avec ce qui peut les nouer, ce qui fait que dans ces petits groupes il n’y aura pas de leader, puisque ce qui peut les nouer c’est ce Nom-du-père, et ce Nom-du-père saisi dans sa relation avec le sens de la castration. Nous pensons qu’avec ces cartels qui se sont mis en place, il y aura des permutations possibles.

Pour ce qui est de la publication, je dirai que pour le moment il y a des écrits. Lacan nous dit que les écrits… la publication est autre chose. L’écrit c’est une chose, des écrits il y a, des publications il n’y a pas encore. Mais de toute façon, où peut-on publier, car ceci a de l’importance.

Nous ne pouvons publier que dans le champ freudien, puisque c’est dans le champ freudien que nous travaillons. Mais je ne voudrais surtout pas que vous croyiez, que vous entendiez qu’il s’agit de la Fondation du champ freudien, c’est autre chose. Nous avons à publier dans le champ freudien, nous verrons comment répondre à ceci.

Enfin, une expérience, et celle-là est importante, et c’était celle sur quoi Lacan insistait, c’est ce que donne le transfert de travail. Le transfert de travail permet, et permet déjà dans l’Ecole Freudienne, que des groupes de travail se constituent, des groupes de travail qui se constituent, non pas pour faire comme, mais parce que justement il y a ce nouveau rapport au savoir, il y a ce désir de savoir, il y a cette levée du refoulement, de l’inhibition. Et des groupes de travail se sont mis en place, se sont mis en place avec leur style propre. Il y a d’autres groupes qui se mettent en place. Il y a des inventions qui se font. Et actuellement pour ce qui est de l’accueil des nouveaux, là, quelque chose se met en place. Ce qui se met en place est marqué du transfert de travail, est marqué de ce qui a à voir avec un style propre à celui-là qui met en place ce que Lacan avait proposé comme devant être le gong, comme devant être, ce qu’il a appelé le “ Cardo ”. Il y a d’autres groupes qui se mettent en place, avec ce qui est essentiel dans un groupe (pour l’analyse), dans un groupe où il n’y a pas une société, une société qui verrait maître et esclave, c’est-à-dire maître et élève Un groupe pour la psychanalyse, pour qu’il puisse répondre à ce que doit être une institution pour la psychanalyse, ne peut être qu’un groupe où il n’y a ni maître ni esclave, mais ceci ne veut pas dire que c’est pour autant un groupe où l’anarchie existe. Ce n’est pas possible. Le discours de l’analyste n’amène pas à cela.

J’arrête là ce que je voulais apporter, sachant très bien qu’il y a des choses que j’ai oubliées entre autres ce que je voulais dire autour de ce zéro et de ce un et cette fonction du successeur que l’enseignement de Lacan a permis. Mais peut-être que l’occasion sera donnée au cours de ces deux journées d’en parler.

… Là aussi, comme base d’opération, l’Ecole Freudienne a montré que c’était véritablement une base d’opération, que des initiatives ont pu être prises et ont pu être prises jusqu’au plus haut niveau pour faire savoir ce que doit être un groupe d’analystes. Et sachez que les autorités en ont tenu compte et nous avons eu réponse à la démarche que l’Ecole Freudienne a faite concernant ce qui s’agitait autour de l’Instance Ordinale.

Bruno Nadin :
…Vous n’avez pas parlé des contrôles.

Solange Faladé :
Je n’ai pas parlé des contrôles, et je vais dire pourquoi. C’est parce qu’il doit y avoir en septembre une réunion, justement autour de ces questions et j’ai préféré réserver ce qu’il y a à dire plus en détail concernant la passe. Mais puisque vous m’en parlez, je vais en dire un mot. Je vais en dire un mot puisque ça rentre dans l’enseignement tel que Lacan l’a conçu. Dans son acte de fondation Lacan dit que le contrôle va de soi. C’est-à-dire que l’institution n’a pas à imposer le contrôle. Si effectivement, celui-là qui a ce nouveau rapport au savoir, s’il y a véritablement levée du refoulement, s’il n’y a plus cette horreur du savoir, celui-là qui s’autorise, qui s’autorise parce qu’analyste, c’est l’analysant devenu analyste, c’est-à-dire arrivé à ce moment de son analyse où on peut dire qu’il y a de l’analyste, celui-là qui s’autorise, s’autorise avec le nouveau rapport au savoir, et ce désir de savoir fera que, de lui-même, il sait qu’il a à faire un contrôle.

Puisque je vais sur ce point, je dirai aussi, le réservant pour septembre, mais pourquoi ne pas le dire tout de suite, comment est composée l’Ecole Freudienne.

L’Ecole Freudienne, c’est un lieu ouvert, ce que Lacan a voulu. Il y a des analystes et il y a des non-analystes. Les analystes, il y a ceux qui pratiquent déjà depuis un certain temps, et ceux-là qui sont analystes et ne pratiquent pas encore, c’est-à-dire ceux qui sont en passe de fonctionner, ceux-là chez qui il y a de l’analyste. Dans les sociétés, jusque là, il faut savoir que ces personnes, parce que n’ayant pas souscrit à un certain nombre de prescriptions n’étaient pas encore considérées comme analystes. Il y avait les titulaires, il y avait les adhérents. En fait, les titulaires seuls étaient analystes, considérés comme analystes. Il y a cette nouveauté dans l’Ecole Freudienne, telle Lacan l’a voulu, puisque là, à nouveau nous prenons l’expérience de Lacan, il y a ces analystes pratiquants, ces analystes qui sont en passe de fonctionner, et puis il y a les non-analystes. Les non-analystes, c’est ceux qui intéressés ou occupés dans d’autres disciplines, ont pensé, nous dit Lacan, que la psychanalyse en acte peut être un bien commun et accepté de travailler avec les analystes pour ce bien commun.

Donc, l’Ecole Freudienne est composée d’analystes et de non-analystes.

La forme juridique que nous avons trouvée, qui est la nôtre, c’est que les membres associés sont aussi bien des analystes que des non-analystes, l’institution Ecole Freudienne se réservant le temps pour voir si parmi ces non-analystes, il y aura des personnes devenant analystes, et parmi ces analystes il y aura des personnes qu’on pourra dire membres de l’Ecole Freudienne, les analystes membres de l’Ecole Freudienne. C’était ce que Lacan avait appelé les A.M.E. de l’Ecole Freudienne de Paris. Pour ce qui est des analysants ayant fait la passe, il y a le groupe des A.E. Mais, encore une fois, j’ai pensé que ceci pouvait être réservé pour la réunion de septembre où il sera plus directement parlé de ce problème….

Annie Biton :
(Question portant sur la fonction du successeur.)

Solange Faladé :
Je peux le faire maintenant puisque vous en parlez. Dans le champ qui est le nôtre, maintenant, avec ce que Lacan a apporté, qui assure la position de Freud comme étant celui qui est au départ, pour être freudien aujourd’hui, on ne peut l’être qu’en tenant compte de l’enseignement de Lacan, c’est-à-dire de ce qu’il a, là, labouré dans ce champ ouvert par Freud, ce qu’il a repris à partir des concepts de Freud et qui fait que la psychanalyse peut aujourd’hui être autre chose qu’une simple répétition de ce que Freud a dit. Son apport s’est fait d’une façon telle qu’il n’y a pas eu déviation de la découverte freudienne. Il s’est efforcé de rester dans la droite ligne de ce qui a été mis en chantier par Freud. Et ce que je voulais dire, c’était : se référer à cet axiome de Peano, enfin, pour ce qui est de la fonction du successeur. C’est-à-dire que, c’est parce qu’il y a eu l’enseignement de Lacan, parce que un (1) a pu s’écrire après ce départ, ce zéro de Freud, que la découverte de Freud est véritablement assise.

Enfin, si je l’ai oublié, c’est peut-être aussi parce que ça risquait de me faire aller dans un développement qui aurait pris trop de temps. Et là, il faudrait considérer la coupure qu’a été la découverte de Freud, coupure faite au milieu de ce qui jusqu’alors se disait. Mais peut-être avec ce qui se dira tout à l’heure sur l’inconscient avant Freud, nous aurons l’occasion d’y revenir. Parmi les disciples de Freud, parmi tous ceux qui ont suivi Freud il y en a eu un qui a permis qu’effectivement soit marquée cette coupure. Celui-là l’a fait par la lecture qu’il nous a donnée, qu’il a faite, lui, de Freud et l’enseignement qu’il en a tiré, celui-là c’est Lacan. Et donc il s’écrit : Il y a ce 1 qui fait qu’effectivement le zéro peut être marqué comme tel, comme point de départ. "