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De la grammaire à la logique

Une transcription de l’intervention de Solange Faladé à Vaucresson le 06 juillet 1991

6 juillet 1991
Document de travail

" Je n’ai pas donné de titre à ce que je vais essayer de donner ce matin ; c’est un travail en cours qui n’est pas vraiment encore mis en forme, c’est un travail commencé pour clore le travail qui était en cours depuis deux ans sur le fantasme. Malheureusement je n’ai pu le mener suffisamment loin pour en parler le premier juin, mais je pensais que peut-être je pouvais vous en faire entendre quelque chose.

Le premier juin j’ai parlé de fantasme et pulsion, j’en dirai quelques mots ce matin, je l’ai promis mais je vais essayer d’amener ce qui m’a semblé devoir clore deux années de réflexion sur le fantasme. Ce qu’on pourrait intituler : De la grammaire à la logique, à partir d’une phrase, celle du fantasme. En fait c’est ce qui préoccupait Lacan, qu’il a essayé dans son séminaire La logique du fantasme d’expliciter ce qui était là son souci, ce qui a trouvé une forme dans ce compte-rendu qu’il a fait pour l’Ecole des Hautes Etudes (1) et c’est ce compte-rendu que j’ai retrouvé. Il m’en avait adressé une copie et c’est ce qui m’a donné l’idée de faire ce travail.

Alors, pour bien situer ce qu’il en est de l’aliénation puisque c’est quand même de là qu’il faut partir, l’aliénation qui intéresse l’être parlant, il faut toujours se rappeler que l’aliénation c’est une aliénation par rapport à ce qu’est l’Autre, le grand Autre, et dans son séminaire sur La logique du fantasme, il y a eu ce schéma, schéma qu’il a apporté, je crois, en décembre où il rappelle ce qu’est l’Autre pour nous, c’est un Autre barré. C’est autour de ce grand Autre barré qu’il s’est efforcé de mettre en place ce qu’il en est de l’aliénation, et vous savez qu’il y a deux types d’aliénation dans l’enseignement de Lacan.

L’aliénation qui est connue de nous, l’aliénation séparation où c’est à partir de deux ensembles qu’il pense qu’avec la théorie des ensembles on peut expliquer ou du moins rendre logique ce que Freud a apporté. Donc deux ensembles, d’un côté l’être, de l’autre le sens, c’est la première aliénation. J’avais compté beaucoup sur ce grand tableau pour tout mettre ensemble, donc cette première aliénation l’être le sens. L’être parlant parce qu’il est être parlant ne peut que choisir le côté du sens, il ne peut être qu’en renonçant à l’être. Donc le sujet de l’inconscient, sujet de l’être parlant, renonce à l’être, choisit le sens, choix forcé, le sens c’est le côté du langage. Mais choisissant le sens, il est obligé de renoncer aussi à une partie du sens, c’est le non-sens. Il renonce à l’être, il renonce à une partie du sens. Donc choix du sens, choix forcé.

Dans sa relation à l’Autre le sujet y est comme manque à être, manque à être, pas de signifiant de son côté, mais du côté de l’Autre il y a un signifiant S2, un autre qui sera ici dans l’entre-deux du sujet et de l’Autre. Et donc le sujet de l’inconscient sera en relation dans son manque à être, en relation avec les signifiants de l’Autre : grand S1, grand S2. Il faut penser que dans cette relation il va y avoir une chute, du S1 va choir, c’est-à-dire que choix forcé, renoncement à l’être, une partie du sens, renonce à une partie du sens mais, après ce choix forcé, il y a quelque chose qui choit, qui est du S1 et qui a à voir avec le refoulement.

Ecrire les choses ainsi ne permet pas, et c’est ce que je voulais pouvoir mettre côte à côte, de comprendre de quoi est faite cette aliénation. S barré, pour qu’il puisse y avoir cette relation avec S1-S2, il faut absolument qu’il y ait du grand S de grand A barré. J’y reviendrai. Il faut absolument qu’il y ait du grand S de grand A barré, ceci se mettant en place, nous avons, reprenons une façon d’écrire qui nous est plus connue, S2, avec ce qui va choir lors de cette opération c’est l’objet petit « a » et cet objet petit « a » va rentrer dans le circuit de la pulsion. C’est important de le marquer ainsi. Et en même temps le fantasme s’est mis en place.

Voici pour cette première aliénation, l’aliénation où il y a une opération qui fait que du signifiant choit parce que refoulement, mais qui est accompagnée d’une deuxième opération et je l’ai pas faite cette deuxième opération, qui fait que le petit « a » choit, c’est l’opération de séparation, ici il y a eu réunion, là il y aura intersection. Je vais très vite, je crois que c’est connu de vous, et cette intersection qui est faite du manque de signifiant du côté du sujet qui recouvre le manque de signifiant qu’il y a entre le couple S1-S2, c’est ceci qui fait qu’il y a du petit « a ». Le petit « a » est donc un objet, un objet qui ne contient aucun signifiant. Voici pour la première aliénation, celle que nous connaissons, l’aliénation qui est disons ce qui met en place, ce qui permet de saisir le sujet de l’inconscient, le sujet des formations de l’inconscient. C’est le sujet de celui qui dit, commençant une conférence « je lève la séance » ou celui qui pense aller à tel endroit alors qu’il n’en a pas du tout envie, mais le devoir le lui oblige, et il se retrouve à une gare qui ne lui permet pas de se rendre à cet endroit-là, et que, bien qu’étant en avance il lui est impossible d’aller à la bonne gare, c’est le sujet des Formations de l’inconscient, c’est celui des actes manqués, celui des lapsus.

Poursuivant son enseignement Lacan s’est rendu compte que ceci ne suffisait pas pour pouvoir faire saisir ce qu’il y avait d’essentiel dans la découverte de Freud. Jusqu’à une certaine date qui est tout à fait bien marquée 66-67, Lacan enseignait qu’avec le cogito cartésien on pouvait rendre compte de ce qu’est l’inconscient freudien. Et à partir de la logique du fantasme, voulant mettre en place cette logique, il dit que pour mettre en évidence ce qui est essentiel, ce qui est vraiment au cœur de la découverte de Freud, et que l’on trouve dans les pensées du rêve, et que l’on trouve dans la phrase du fantasme, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de « je », que jamais ce « je » ne peut se dire, que ce soit dans les pensées du rêve, il en donne des exemples où véritablement le « je » est masqué, il y a cette phrase du fantasme, nous allons y revenir. Il dit alors qu’en fait ce qui rend compte de la langue de l’inconscient ce n’est pas véritablement le cogito cartésien, certes il y les pensées, les Gedänken sur lesquelles Descartes s’appuie et que ceci rejoint ce que Freud a découvert, mais pour rendre compte de l’essence même, de l’essentiel de la découverte de Freud ce n’est plus le « je pense donc je suis » mais la négation qu’il faut faire porter sur ce « je pense donc je suis ».

Et pour ce faire, il met en place une autre aliénation, aliénation qui part également de deux ensembles, de la pensée et de l’être, pensée et être négativés, et pour ce faire, il s’appuie sur le principe de dualité de de Morgan, je ne vais pas rentrer dans le détail de ces opérations mathématiques, le temps nous fait défaut, et encore une fois je le répète, je n’ai pas pu véritablement mettre en forme ce travail que je vous apporte ce matin.

Donc il part de la négation, de ce « je pense donc je suis » met ceci sur deux ensembles, deux ensembles que je me suis efforcée de représenter sur le tableau, et à partir de ces deux ensembles, il va faire des opérations avec le groupe de Klein. Là aussi je ne rentre pas dans les détails de ces opérations. Ca donne quoi ? Partant de la négation, du « je pense donc je suis » il fait « ou je ne pense pas ou je ne suis pas ». C’est le point de départ des opérations qui dans un temps donne « je ne pense pas » c’est l’aliénation, « je ne pense pas », et de l’autre côté il nous dit que la deuxième opération, la vérité de l’aliénation c’est ce qui va être exclu, et ce qui va être exclu c’est ce « je ne suis pas ». Alors nous allons essayer de détailler ce que, avec ces deux opérations, Lacan a mis en évidence.

Du côté de l’aliénation, il y a aliénation parce que là aussi l’Autre à qui on s’adresse, c’est un Autre qui n’a d’existence que du dit et qui n’a d’existence que parce qu’on l’écrit, c’est ce grand S de grand A barré, c’est ce lieu de la parole, et il nous demande de nous reporter à un certain nombre de textes et en particulier saint Anselme, bref pour dire que l’Autre n’a pas d’existence, n’a pas d’autre existence que le fait que nous, nous nous adressons à lui.

Donc, le « je ne pense pas » aliénation, cette aliénation a pour vérité :« je ne suis pas ».

Alors dans ce côté de l’aliénation, dans ce côté du « je ne pense pas », ce côté où il dit qu’il y a le rejet de l’inconscient, c’est là qu’il dit qu’on va trouver ce qui dans la seconde topique, c’est-à-dire le deuxième temps de l’enseignement de Freud, est le tournant. Le « je ne pense pas » est accompagné ici d’un « je suis », mais la négation porte sur le « je », c’est autour de ce « pas je » qui est ici à mettre dans ce carré que toute la discussion de Lacan va se faire, et se faire autour de la seconde topique. Le ce « pas je » nous dit Lacan c’est le ça, c’est le ça de la deuxième topique. Et on peut le saisir puisque lorsqu’on se reporte à cette deuxième topique on voit que le ça s’il a quelque chose du moi, c’est quelque chose qui en est rejeté de ce moi. Donc Lacan part de ce « pas je « , de ce « pas je » qui est en fait inclus dans ce que Freud nous dit du ça, et il nous dit : qu’est-ce qui reste lorsque ce « pas je » qui ne peut pas se dire a été pris en compte ?

Il dit qu’il reste une structure logique et que cette structure logique c’est en fait une structure grammaticale. Et il reprend le texte de Freud, le ça, le ça c’est le réservoir des pulsions et donc c’est à partir des pulsions et de ce que Freud dit des pulsions que cette structure grammaticale est prise en compte par Lacan.

Alors, le ça, dit-il, il ne faut pas en faire un simple sujet. C’est un sujet grammatical d’un type particulier, qui n’a rien à voir ni avec la première personne, ni avec la deuxième, ni avec la troisième et pour ça il s’appuie sur Benveniste et il dit que c’est ce ça que l’on trouve dans, prenons l’exemple qu’il donne « ça brille ». Je ne sais pas si ça brillera au cours de cette journée et de celle qui suivra, en tout cas peut-être ça ne pleuvra pas mais c’est autour du « ça brille » et du « ça pleut » qu’il essaie de nous sensibiliser à ce qu’est ce sujet particulier, ce ça. Donc c’est le ça réservoir des pulsions. Et là lorsqu’on reprend les pulsions on voit l’importance de la grammaire, l’importance de la grammaire, vous savez que Freud, dans ses reversions, dans ses retournements, dans les inversions des pulsions, dans tout ce qui est vicissitude de la pulsion, sa façon d’en rendre compte c’est la grammaire : Que ce soit la pulsion du regard, la pulsion scoptophilique, c’est le « voir être vu » ou ce qui touche la pulsion sado-masochiste c’est « mordre être mordu ». Enfin c’est la grammaire qui est là au cœur des pulsions et qu’est-ce qui supporte ces pulsions ? C’est pourquoi je voulais que l’on puisse trouver sur le même tableau, ce qui supporte les pulsions nous dit-il, eh bien c’est le fantasme ! Et le fantasme, c’est cette phrase, c’est pourquoi j’écris ainsi les choses depuis que j’ai repris la logique du fantasme, ce qui supporte les pulsions, eh bien c’est le fantasme ! C’est cette phrase « un enfant est battu », « un enfant est battu » avec tout le développement que nous connaissons qui est, nous dit Lacan, que jamais, Freud y insiste, ne sera avoué le « je » dans cet « enfant est battu ». C’est-à-dire que jamais le sujet ne va y figurer. Le « je suis battu » ne pourra jamais se dire, c’est un « pas je », un « pas je » qui va de pair avec ce « je ne pense pas » ce « je ne pense pas » qui est en fait rejet de l’inconscient, nous y reviendrons.

Donc avec l’aliénation ce qui s’est mis en place, c’est le ça, c’est, reprenant le Wo es war, le « là où c’était » c’est ce ça, c’est ce qui est supporté par le fantasme, c’est ce qui est là en place avec l’être parlant. C’est-à-dire que cet être parlant, qui dans un premier temps, avec la première aliénation choisit le côté du sens, renonce à l’être, avec cette nouvelle aliénation, ce n’est plus entre sens et être que se met en place l’aliénation du sujet, c’est sa relation, la relation de l’être avec la pensée, et la relation de l’être avec la pensée fait que le « je » ne pouvant pas se dire, c’est le ça, le ça qui est là mis en place, et mettant en place le ça, Lacan va le différencier de l’inconscient.

La vérité de l’aliénation c’est ce qui est exclu, ce qui est exclu c’est « je ne suis pas » ce « je ne suis pas » qui a à voir avec le refoulement qui est du côté de l’inconscient et dans un premier temps de ce nouveau graphe, Lacan dit que donc, là où « je ne suis pas » de ce côté-ci il y a l’inconscient mais il y a le « je » du « je ne suis pas » qui n’est pas la même destinée que le « je » qui est ici. C’est-à-dire ce « pas je » qui est ici, il faudra à un moment qu’on puisse conjoindre avec le « je dois être ». Il doit y avoir conjonction entre ce « là où c’était » et le « je dois être » qui est du côté du « je ne suis pas » qui a à voir avec l’inconscient.

C’est une première façon de prendre ce qui est là du côté du ça et de l’inconscient.

Alors donc, nous avons vu que la grammaire c’est l’essentiel de cette structure qui nous intéresse à cause des pulsions et de ce qui soutient les pulsions.

Ce « Je ne pense pas » et ce « Je ne suis pas » Lacan essaie de le reprendre et de le détailler, et de le détailler par rapport à, nous dit-il, ce qu’est l’être de l’homme, l’être de l’homme c’est ce qui sera du côté du « Je ne pense pas » du côté de ce qui est rejet de l’inconscient. Du côté de l’aliénation c’est le rejet de l’inconscient et ce qui est du côté du rejet de l’inconscient, il rappelle sa Verwerfung, il dit en fait que l’être de l’homme, eh bien c’est le détritus ! C’est ce qui va être rejeté, c’est là que l’on reconnaîtra qu’il y a eu passage d’humain et ce qui est rejeté, ce détritus, en fait c’est l’objet petit « a ». Et donc du côté de ce « je ne pense pas » du côté de ce qui est là rejet de l’inconscient, il y aura l’objet petit « a ».

Et du côté de ce « je ne suis pas » de ce qui est exclu, de ce qui est refoulé, qu’est-ce qu’il y aura ? Il y aura, nous dit-il, ce qui marque l’inconscient, et ce qui marque l’inconscient c’est la surprise. Et il y insiste, il y insiste sous une forme qui est que de tous les disciples de Freud, un seul l’a pris vraiment en compte, et il ne le cite pas, mais ça ne peut être que Théodore Reik puisqu’il avait écrit quelque chose sur « Le psychologue surpris » qu’il cite dans le séminaire sur l ’Angoisse qu’il répète pas là, mais enfin l’importance de la surprise c’est ce qui marque l’inconscient, c’est ce qui fait qu’on peut se dire que là, l’inconscient a été touché. C’est ce qui accompagne l’interprétation véritable, dit-il, et souvent c’est accompagné du rire lorsque par exemple il y a mot d’esprit et c’est véritablement ça, qui permet de savoir qu’il y a inconscient. Et Là où il y a rire, il l’avait déjà développé avec le comique, là où il y a rire, il y a du sexuel qui est sous-jacent, et le sexuel qui est sous-jacent c’est quand même la castration, c’est ce qui vient dire la différence sexuelle et donc du côté du « Je ne suis pas », du côté de l’inconscient, il y aura le moins phi.

Ce qui fait qu’avec cette nouvelle aliénation, alors que dans la première on s’intéressait uniquement au sens et au non-sens, dans la seconde, il y aura sens d’un côté et signification de l’autre.

C’est à dire qu’avec le fantasme et ceci nous avons eu l’occasion de le voir dans le courant de l’année, reprenant son texte « l’Etourdit », mais c’est déjà dans La logique du fantasme, avec le fantasme, du fait qu’il y a à différencier, ce qui est du ça et ce qui est de l’inconscient, il y a aussi à différencier ce qui est de la signification et ce qui est du sens.

Alors ici ce qui conjoint, il met, c’est le transfert. Donc il y a, au cours de ces opérations, ce qui de, l’aliénation va faire que la vérité pourra être saisie, c’est-à-dire cette vérité qui est portée par l’inconscient, c’est le transfert. Alors donc de ce côté il y a ce qui est du moins phi et qui va avec la signification, ce qui est du petit « a » et qui va avec le sens. Le travail fait que du « Je ne pense pas » on vient au « Je ne suis pas » et il y aura ce retour qui fait que cette signification de la castration, ce qui est là du moins phi mis en évidence avec ce qui est propre à l’inconscient pourra dans ce travail de retour avoir son sens.

Donc avec le fantasme, avec ce qui est de la grammaire et de cette structure logique qu’il met en place avec le groupe de Klein et les différentes observations des ensembles, différences entre sens et signification, la signification qui est ce fil, vous vous souvenez, dans le premier temps, est saisie par le sujet, qui a à voir avec la castration, ce n’est que dans ce travail de retour qui le portera au sens, que le sens de la castration sera véritablement saisi.

Je vous dis les choses un peu en désordre, mais quand même je vous les dis et je continue. Je continue parce que je reviendrai pour terminer sur la grammaire, je continue parce que ce va et vient que Lacan met en place c’est en fait ce qui va lui servir pour le parcours analytique, ce qui va lui servir lorsqu’il fera L’acte analytique. Donc dans ce qui fait que de l’aliénation, la vérité sera saisie, grâce au transfert et le retour qui se fait ici, se met en place un quatrième terme, un terme qu’il dit quadrique, un quatrième terme qui sera formé de ce qui est là, de l’inconscient, du moins phi, de ce qui est ici du petit « a » et va se mettre en place, ce qui va former le fantasme, avec le fait que tel qu’il essaie d’expliquer les choses, on peut saisir en quoi ce qui est rejet de l’inconscient, ce petit « a », ce qui est l’être de l’homme, ce qui est en fait la créature et il le dit ainsi, ce qui va contenir la castration.

C’est aussi dans ce séminaire qu’il essaie de donner une autre explication à ce grand S barré. Il dit qu’il ne peut pas y avoir une autre structure possible du sujet de l’inconscient. Il y a déjà toutes les explications qu’il a données avec le premier type d’aliénation, sujet manque à être, sujet divisé par le signifiant, mais dit-il, parce que l’aliénation est due au fait qu’il y a d’Autre, que parce que c’est le lieu de la parole, que l’Autre c’est ce qui va être appréhendé comme inexistant, le sujet ne peut pas avoir d’autre écriture que grand S barré.

Donc dans toutes ces opérations, ces va et vient, du fait du transfert et de ce qui revient au sens, un quatrième terme se met ici en place, qui est le fantasme. Mais vous savez bien qu’il faut bien que dès le départ il y ait eu ce fantasme, qu’il y ait eu ce fantasme. Souvenez-vous de ce qu’il nous dit dans le séminaire sur Le Transfert, lorsque l’homme, le petit d’homme parle, il est immédiatement aux prises, en proie avec un symbole, le grand phi, mais ce qui s’en écrit c’est le moins phi, et il procède d’une opération où du petit « a » s’est mis en place, je ne sais pas si vous vous en souvenez, ce qui fait que, en fait, le fantasme est déjà là au cœur de ce « ou je ne pense pas ou je ne suis pas » mais ce fantasme, au cours de l’opération, qui sera en fait l’opération analytique, ce fantasme va pouvoir se construire. C’est bien ce que dans « Un enfant est battu », Freud nous fait comprendre. Il a, au cours de ses investigations, il a pu faire dire ce fantasme : « Un enfant est battu ». Et vous savez que jamais le « Je », le « Je suis battu » n’a pu se dire. C’est ce « pas Je » que Lacan a isolé ainsi, mais parce qu’il y a eu travail analytique, parcours analytique, le fantasme se construit, c’est-à-dire que ce qui était là au cœur va pouvoir se construire ici, et c’est ce que Lacan appelle l’impasse du sujet, c’est ce qui revient à ce qui est dit par Freud dans l’« Analyse finie et infinie », cette butée de la castration, c’est cela, c’est ce fantasme qui est là construit. Donc on peut dire que Freud a mené ses analysants au moins jusqu’à ce point où le fantasme est construit, ce point que Lacan dit être l’impasse du sujet, et c’est à partir donc de cette impasse du sujet, lorsque ça a pu être atteint avec, donc partant, il joue sur le « nihil » du sujet barré, c’est partant de cet hile que va pouvoir se faire la passe. C’est-à-dire arriver à la constitution du fantasme ne veut pas dire qu’il y a eu passe, ce que ça veut dire c’est que l’impasse a été saisie, ce qui est pour lui son fantasme, encore faut-il que de ce fantasme il veuille bien le franchir, c’est un point important. En fait ce que j’aurais voulu faire ce matin c’était « De l’impasse du sujet à la passe », mais comme je n’avais pas pu avancer ce travail j’ai préféré dire quelques mots sur la phrase et la logique. Donc on arrive à ce quatrième terme, Lacan l’a appelé quadrique, il le reprend sous une autre forme dans son compte-rendu qui est ce point essentiel, essentiel par rapport au parcours analytique.

Je vais revenir à cette grammaire tout d’abord pour dire que les différentes structures « Je ne pense pas » « Je ne suis pas » s’y logent différemment, s’arrangent différemment avec ce « Je ne pense pas » « Je ne suis pas ». Nous n’allons pas ce matin entrer dans ce détail par rapport aux différentes structures, mais ce que je voudrais dire c’est ce que le psychotique nous permet de saisir dans ce « Je ne pense pas », dans ce qui est rejet de l’inconscient, ce qui est là avec la grammaire, le psychotique qui est celui qui fabrique des mots, vous savez l’importance des néologismes dans la psychose, le psychotique respecte la grammaire. C’était quand même quelque chose qui était là au départ, lorsque Lacan a fait son commentaire du Président Schreber et qu’on a pu trouver, repris par lui au courant de ses différentes présentations. D’ailleurs demain Mary nous en parlera en partie. C’est pourquoi j’ai voulu le souligner là, c’est que chez le psychotique, la grammaire est respectée. Dans ses néologismes, ses fabrications de phrases, la grammaire est respectée. C’est quand même une chose importante puisque cette structure grammaticale est une structure logique qui a à voir avec ce qui est l’essence du sujet, nous dit Lacan. Ca va nous obliger à reprendre, à repenser différemment le psychotique et le sujet lui-même, puisqu’il respecte la grammaire.

Alors toute l’importance de la grammaire, Lacan le souligne dans sa discussion avec Chomsky. J’ai mis cette phrase au tableau le : « Colourless green ideas sleep furiously » où pour Chomsky bien que la grammaire soit respectée, et là il faut faire une analyse grammaticale anglaise, Lacan s’y est efforcé, je ne vais pas le faire ce matin, vous le retrouverez dans le séminaire Les problèmes cruciaux, puisqu’il commence l’année avec cette phrase, pour Chomsky, et bien c’est une phrase qui n’a pas de sens. Lacan dit que pour nous, si, ça a du sens parce que ces vertes idées fuligineuses qui dorment furieusement c’est ce qui est là, pensées de l’inconscient, on va continuer avec ceci, parce que dans « Je ne pense pas » et le « je ne suis pas », dans ce qui est rejet de l’inconscient, il va y avoir écorné ce qui est de l’être, puisque le « pas je » ne peux pas se dire et ici sera complémenté dans ce qui est de la pensée. Et ces vertes idées fuligineuses, ce sont ces pensées de l’inconscient. Et ces pensées de l’inconscient, lorsque ces pensées sont prises en compte, soit dans le rêve, soit au cours du travail analytique et que ça peut être ramené ici, le sens qui est sous-jacent à ces pensées, à ces vertes idées fuligineuses, nous le trouvons. Les pensées de l’inconscient c’est bien ce qui dort furieusement, et lorsque quelque chose ou du mot d’esprit ou de toute autre formation de l’inconscient vient à notre conscience, nous voyons toute la fureur de ce qui là dormait. Donc, du moment qu’il y a grammaire il y a forcément sens. C’est la chose importante que Lacan essaie de mettre en place et de mettre en place grâce à la logique.

Alors pourquoi logique ? Pourquoi nécessité de cette logique ? Il y a cette phrase de Freud qui déjà nous éclaire, pourquoi nécessité de cette logique, logique qui est basée sur des opérations mathématiques. Pour cela il part des rêves, des pensées du rêve, du travail du rêve et entre autre exemple le rêve de cet homme qui court derrière un navire et à la place de la tête il y a une virgule, dit-il. Pour ce que ça peut porter de signification, ça ne peut se savoir que parce que ce sera traduit dans une langue.

Donc il était déjà sur : l’inconscient est structuré à un langage, à partir de là. Je crois ce, reportez-vous au séminaire du 18 janvier 67, c’est un séminaire très dense, très important autour de ce que j’essaie ce matin de vous dire, d’abord celui du 11 janvier puis celui du 18, mais celui du 18 c’est vraiment là qu’il met en place, qu’il essaie d’expliquer ce que c’est que cet inconscient structuré comme un langage. Donc, entre autre il parle de ce rêve, lorsque c’est traduit dans une langue, le sens apparaît. Alors ce qu’il y a, c’est que s’efforcer de ne pas rester dans une langue mais trouver un langage qui permet de saisir ce que porte l’inconscient (...) le langage mathématique, le langage logique, qu’il essaie de rendre compte, de faire saisir la logique qui est là sous-jacente dans ce que Freud a apporté.

Une dernière chose quand-même que je voudrais dire ce matin avant de rappeler rapidement ce que j’ai dit pour terminer le groupe sur le fantasme, je vous ai dit qu’il faisait de ceci le parcours analytique, qu’il va le reprendre dans L’acte psychanalytique. Et alors les deux places de ce côté ci du « Je ne pense pas », eh bien c’est là que le psychanalyste doit être ! Le psychanalyste doit y être avec ce qui est là écorné de son faux être, le psychanalyste doit y être en ne pensant pas. Et l’analysant est ici dans ce « Je ne suis pas » dans ce qui fait que les pensées de l’inconscient vont pouvoir être mises au travail. Les signifiants que lui, porte, et qu’il va mettre au travail. On aura donc ces parcours dus au transfert et qui reviennent ici. Le psychanalyste doit y être en ne pensant pas. Ca veut dire que ce ne sont pas ses signifiants à lui qui doivent permettre qu’il y ait du sens, ce sont les signifiants qui viennent d’ici, du psychanalysant, de celui qui est complémenté par ses pensées, ce sont ces signifiants qui doivent permettre dans ce travail d’aller et retour que le sens soit trouvé.

Si le psychanalyste vient à y être avec ses pensées, à ce moment-là c’est le contre-transfert qui joue. La neutralité du psychanalyste c’est : y être en ne pensant pas, y être en ne pensant pas. Et Alors, le fait de mettre le psychanalyste ici, nous permet de comprendre pourquoi il est possible pour le psychanalyste d’être dans sa position d’analyste en tant que petit « a », puisque c’est là qu’on va trouver ce petit « a », mais le petit « a » qu’il sera n’est pas le petit « a » qui l’intéresse lui, n’est pas ce qui est de son être, puisqu’il doit y être avec ce faux-être, nous dit Lacan, le faux-être du sujet. Il doit y être en ne pensant pas. Le petit « a » qu’il doit être, c’est celui que l’analysant lui demande d’être le support.

Bon, enfin, il y aurait d’autres choses à dire, mais comme je vous ai dis, ceci n’ayant pas été mis en forme, je vous le dis comme ça en passant.

Pour terminer le groupe sur le fantasme je suis partie, donc, de ce que Lacan écrit à propos de Dora, de ce qu’il écrit que M. K est l’objet qui vient dans l’écriture du fantasme, soutenir Dora et son fantasme. Donc dans ce S barré poinçon petit « a », Lacan dit que c’est M. K, et M. K qui est-il pour Dora ? Il est celui qui vient lui porter sa demande, il est celui qui implore Dora, enfin il est ce qui représente la demande de l’Autre. Donc, il peut venir ici aussi en tant que demande de l’Autre. Et en tant que demande de l’Autre, qu’est-ce qui va se mettre en place ? Eh bien c’est la pulsion ! Et le fait que la pulsion puisse venir, la demande, l’objet de la demande puisse venir là, à la place de ce qui est objet du fantasme, ce qui permet que l’angoisse soit prévenue chez le névrosé, c’est ce qui a qui a permis qu’on puisse saisir rapidement quels étaient les objets de la pulsion, puisque le névrosé peut faire de l’objet de la demande l’objet de son fantasme. Ca mériterait d’être plus développé, mais je crois que le temps va me faire défaut. Alors pour l’hystérique il y a l’exemple de Dora.

Mais pour l’obsessionnel, la demande de l’Autre est essentielle, la demande qui vient de l’Autre, puisque si on fait le graphe, il va y avoir le désir de l’Autre, la demande qui vient de l’Autre c’est ce qui permet à l’obsessionnel de pouvoir régler son désir. Donc c’est aussi tout à fait important pour l’obsessionnel qu’il y ait pour lui, qu’il puisse saisir ce qu’est la demande de l’Autre à son endroit et on peut comprendre que l’obsessionnel aussi mettra cette demande de L’Autre, va en faire cet objet qui pourra venir à la place de l’objet du fantasme et donc ainsi ce qui se mettra en place sera la pulsion. Mais le rapport avec la demande qui permet de camoufler l’angoisse et la demande qui est la demande de la pulsion ce n’est pas tout à fait la même. Mais si j’ai l’occasion j’y reviendrai ou j’y reviendrai une autre fois, parce que si vous vous souvenez, dans le séminaire XI, pour terminer ce séminaire XI, il y a un passage où Lacan dit que le transfert écarte de la demande et le désir de l’Autre rapproche de la demande. Alors ça mériterait d’être plus développé mais je crois que le temps fait défaut maintenant et je dois m’arrêter là.

Voilà, c’est un peu en désordre mais j’ai pensé que je pouvais quand même vous apporter ce travail tel qu’il est actuellement.


Discussion

Michèle Aquien :
(...) une chose dont on parle beaucoup en poésie

Solange Faladé :
Vous avez raison, puisque là aussi Lacan parle de la poésie en ce qui concerne l’inconscient, justement dans ce passage.

Michèle Aquien :
Mais bien sûr, la poésie, l’intérêt formel de la poésie est fondé justement sur la surprise (...) sur l’effet de surprise, du trait d’esprit, et de tout cela, (...) Il insiste sur le fait que la rime doit toujours être fondée, évidemment sur l’effet d’homophonie, mais aussi sur un effet de surprise du rapprochement de ces deux signifiants.

Solange Faladé :
C’est important que vous me le disiez, car effectivement dans ce passage aussi Lacan parle de la poésie. Ce qui permet de savoir que l’inconscient est là, c’est la surprise, et ça nous en avons tous des exemples dans notre travail analytique.

Ca mériterait d’être repris tout ce travail de Lacan autour de ces « je ne pense pas » et « je ne suis pas » et de ce qui se joue autour, pour nous, pour l’être parlant, de ce qui se joue autour du Je, entre pensée et existence. Je suis allée très rapidement d’une façon pas coordonnée, mais je crois que ce qui a été apporté par Lacan, je l’ai rappelé ce matin rapidement, avec le fait, l’importance de la grammaire pour, de cette structure logique et qui se retrouve dans l’enseignement de Freud, et qui fait que là aussi nous nous séparons de la linguistique.

Bruno Nadin :
Je voudrais poser une question à propos du symptôme analytique. (...)

Solange Faladé :
Le point de départ, c’est bien là où il faut mettre le symptôme puisque c’est le sujet, Lacan met une phrase pour dire cela, pour parler de ce sujet au point de départ, c’est là qu’il y a à mettre le symptôme. Je ne me souviens plus de sa phrase exacte dans son schéma. C’est bien à partir du symptôme, c’est bien ou le « je ne pense pas » ou « je ne suis pas », si c’est ce qui rend compte de ce qu’est le sujet de l’inconscient, c’est là qu’il y a à placer le symptôme, avec ce qui de la vérité du symptôme va pouvoir se saisir, qui est là ici dans la partie exclue.

Il y a le choix forcé, je crois que je ne l’ai pas dit, le choix forcé dans ce graphe de Lacan c’est là-haut, et le choix exclu ce qui a à voir avec le refoulement c’est ici et donc la vérité du symptôme sera là saisie, tout du moins pourra être touchée là où il y a l’inconscient, si cet inconscient se manifeste, et le sens à donner à ce qui se manifeste là sera trouvé lorsqu’on reviendra avec ce qui se met en place et ce qui va pouvoir se construire, qui est le fantasme, c’est ce qui est ce terme quadrique dont parle Lacan dans son séminaire et qu’il reprend dans son compte-rendu avec le nihil du sujet mais alors là, c’est un autre graphe qu’il faut mettre en place, que je n’ai pas fait puisque le parcours analytique ne nous retenait pas ce matin, alors avec cet autre graphe il y a la question de la répétition. Et c’est là que les opérations du groupe de Klein présentent un intérêt, puisque la répétition ne sera pas le redoublement, ne retournera pas à 0.

Mais enfin le symptôme c’est le sujet qui part du « ou je ne pense pas, ou je ne suis pas », avec ce qui est au cœur de lui, son fantasme, son fantasme qu’il peut ignorer, c’est à dire qu’il lui faut tout le travail analytique pour pouvoir le construire, mais le construisant, il peut en rester là.

En fait le roc de la castration, la butée de la castration, c’est l’impasse du sujet, c’est ce que Lacan a appelé l’impasse du sujet, et on peut rester là. Freud a au moins conduit ses analysants jusque là. Il faut bien penser que certains ont traversé le fantasme puisque la passe, Lacan a essayé de théoriser ce qui a pu se faire, ce n’est pas une invention. Je ne sais pas si ça... "


(1) Résumé du séminaire rédigé par J. Lacan et publié dans l’annuaire de l’École pratique des Hautes Études. Autres Ecrits Page 325. Seuil.