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La proposition du 09 octobre 1967 - Le psychanalyste de l’Ecole

Une transcription de l’intervention de Solange Faladé le 21 septembre 1991

21 septembre 1991
Document de travail

"Le travail reprend, et cette année est marquée par le fait que c’est le dixième anniversaire de la mort physique de Lacan. Je dirai, tout-à-l’heure, pourquoi je dis : « la mort physique ». (...) Les commémorations, nous n’y avons pas participé, mais ce n’est pas pour autant que nous ne tenons pas à rendre hommage à la mémoire de Lacan, puisque c’est lui qui permet de faire depuis un certain nombre d’années ce travail, et ce travail s’efforce d’être la psychanalyse.

Il m’a été demandé par certains d’entre vous, pourquoi Lacan, qui tenait tellement à son Ecole, l’a dissoute. Pour ceux qui, le 30 septembre 1979, avaient assisté à l’Assemblée Générale de l’E.F.P., pour ceux-là cette dissolution a pu peut-être ne pas trop les [surprendre],(...) car on peut dire que c’est à cette Assemblée Générale que l’Ecole Freudienne de Paris a vécu. Je ne rappellerai pas (...) [ce] qui l’a marquée, les invectives que Lacan a reçues et venant de ceux-là qui auraient pu, ceux qui pouvaient, en tout cas on pouvait l’espérer, l’accompagner, et l’accompagner dans ces moments difficiles qu’il avait à vivre et qu’il vivait devant nous. Lacan n’est pas resté longtemps. Il a juste dit quelques mots, en réponse à l’attaque qui lui était adressée. Depuis la rentrée 78-79, beaucoup de ceux qui fréquentaient l’Ecole Freudienne de Paris à l’époque, et qui suivaient les séminaires, avaient remarqué qu’il y avait eu un changement. On peut dire que c’est à cette rentrée là que la plume est tombée de la main de Lacan, et que malgré ses efforts il n’a pas pu la reprendre. Ceci explique la suite. La suite qui a été qu’après cette Assemblée du 30 septembre 79, pendant quelques semaines, Lacan ayant compris que son école ne pouvait pas continuer telle qu’elle était devenue, s’est demandé : Quoi faire d’autre ?

Voila ce qui a amené Lacan à dissoudre son Ecole, et malheureusement il n’a pas pu comme il l’espérait, comme nous l’espérions, proposer quelque chose d’autre. Ce qui a été mis sur le marché et dont on a essayé de faire croire que c’était Lacan qui en était l’auteur, n’a nullement évité quelque chose ni pensé, ni même voulu par Lacan tel que nous le connaissons. D’ailleurs les péripéties qu’il y a en ce moment, nous permettent de subodorer que les choses ne s’étaient pas passées telles qu’on veut nous le faire croire. Si bien qu’aujourd’hui il y a un certain nombre de regroupements, regroupements qui se font au nom de l’enseignement de Lacan. L’essentiel n’est pas de savoir si Lacan a effectivement pensé telle école ou pas, l’essentiel est de savoir si ce qui s’y fait peut avoir nom : psychanalyse. C’est par cela que Lacan a essayé de nous faire savoir que son enseignement différerait de ce qui se passait dans les Sociétés de psychanalyse.

C’est en hommage à Lacan que, cette année, nous étudierons ce texte de sa "proposition d’octobre 1967". Il n’est pas possible en une seule fois d’en faire le tour. C’est dire qu’il fera le fond de notre travail de cette année, et que nous aurons l’occasion de nous retrouver tous ensemble autour de ce texte, non seulement parce que c’est pour lui rendre hommage pour ce dixième anniversaire, mais aussi parce qu’il y a de nouveaux venus dans notre groupe, et qu’il est bon qu’à nouveau nous ayons ce que nous appelions au départ des réunions institutionnelles, pour qu’effectivement de l’institution il puisse être parlé.

Je vais rappeler brièvement d’où nous sommes partis. Nous sommes partis d’un texte de Lacan, la lettre qu’il a adressée au groupe italien, afin de réaliser ce qu’il n’avait pas pu réaliser dans l’Ecole Freudienne de Paris, une passe qui serait telle qu’il l’avait souhaitée, c’est-a-dire une passe qui se ferait avec ceux qui sont en passe de fonctionner comme analystes, et non pas ce qu’il a dû se résoudre à accepter, des passes qui se faisaient non seulement avec quelques-uns qui étaient en passe de fonctionner comme analystes, mais en fait avec beaucoup de ceux qui depuis de longues années fonctionnaient comme analystes. Notre groupe au départ était tel qu’il a été décidé que la passe serait effectivement au cœur de notre travail, au cœur de l’expérience qui est la nôtre, l’expérience psychanalytique, et que cette passe serait le fait de ceux qui sont en passe de fonctionner comme analystes. [Cela afin de] pouvoir étudier ce qu’est cette expérience, que Lacan a prônée pour pouvoir faire saisir qu’il y a dans un temps, un temps qui est l’issue d’une analyse qui a pu être menée à un terme (appelé « point de finitude », nous y reviendrons tout à l’heure), un temps où il y a de l’analyste, même s’il n’a pas fonctionné comme analyste et que c’est ce temps, cette fin qui est la chose à étudier. Donc nous avons décidé que les passes qui se feraient dans notre groupe Ecole Freudienne, se feraient avec ceux-là qui sont en passe de fonctionner mais qui n’ont pas encore fonctionné comme analystes. Ce qui a fait qu’il nous a fallu attendre un certain temps, plusieurs années, mais maintenant l’expérience est en cours et c’est pourquoi nous allons reprendre le texte de Lacan.

Je vais commencer non pas par tel ou tel passage de cette proposition, mais par un passage de la lettre qu’il a envoyée en 1974 aux Italiens pour leur proposer de former leur groupe à partir de ceux-là qui se seraient soumis à cette épreuve qu’est la procédure de la passe ; Lacan a voulu faire cette expérience auprès du groupe italien, étant entendu - il l’a souligné au Directoire d’alors, et j’y insiste, vu les discussions qui se font ailleurs qu’ici et qui sont venues jusqu’à moi, parce que beaucoup des membres de ces autres regroupements d’analystes sont venus m’en parler - étant entendu que tous étaient membres de l’Ecole Freudienne de Paris. Donc ce n’était pas la passe qui allait conditionner l’entrée de quiconque dans le groupe Ecole Freudienne de Paris. Ceci après une expérience, d’ailleurs plus qu’une expérience, des expériences qui se sont faites immédiatement après les assises de janvier 1969 où sa proposition a été acceptée par l’Ecole Freudienne de Paris. Après ces assises, quelques personnes ont essayé de s’inscrire à l’Ecole Freudienne de Paris à partir de la passe. Aucune de ces personnes, je crois, ne s’étant fait connaître du grand public, j’entends du grand public psychanalytique, je ne détaillerai pas ce qui s’est passé pour elles. Ce que je peux vous dire, c’est que n’ayant pas voulu passer par la voie de tout le monde, et Lacan l’avait accepté, ces personnes n’ont pas passé, c’est-à-dire que leur passe a raté si je puis dire, et n’ont pas été inscrites à l’Ecole Freudienne de Paris. Lacan a dû en tenir compte pour faire cette proposition aux Italiens, les assurant que de toute façon ils étaient membres de l’Ecole Freudienne de Paris. Ceci pour donner quelques précisions, vu les discussions qui se passent ailleurs et dont vous avez peut-être pu entendre parler.

Je reviens à cette lettre, et je reviens à un passage où Lacan dit que la fin d’une analyse est marquée par l’enthousiasme, s’il y a psychanalyste. Et s’il n’y a pas enthousiasme, il y a peut-être analyse mais pas psychanalyste. Si je prends ce point pour débuter notre travail de cette année, c’est parce qu’à cause des passes qui se font actuellement dans notre groupe, des réflexions sont venues jusqu’à moi et il m’a semblé que ce passage de Lacan n’était pas saisi, n’était pas compris. L’enthousiasme dont il est question n’a nullement à voir avec quelque jubilation, de l’ordre de ce qui se passe au stade du miroir, cette assomption jubilatoire dont il parle. L’enthousiasme ici n’a pas à voir avec cette jubilation, jubilation qui suppose le grand Autre, et n’a rien à voir avec quelque exaltation, qui là aussi est de l’ordre d’une relation qui a à voir avec le grand Autre. Justement l’enthousiasme n’a pas à voir avec le grand Autre. Ce dont parle Lacan à la fin d’une analyse, d’une analyse qui a pu faire un analyste, et qui fait que cet analyste rentre dans ce que l’acte psychanalytique (entérine), et donc est marqué de son côté par l’enthousiasme, c’est tout à fait autre chose. C’est tout à fait autre chose, pourquoi ? Parce que l’année dernière, vous vous souvenez lorsque nous avons essayé à cette même date de commencer à travailler ce problème de la fin de l’analyse, j’ai fait remarquer que l’analyse, le parcours analytique, était marqué de ceci : qu’il y avait perte des identifications, ce que Lacan a appelé le franchissement du plan des identifications, c’est-à-dire de tout ce qui est identification et qui a à voir avec la relation avec le grand Autre. Tout cela est (difficile). Vous savez le difficile que ça représente au cours d’une analyse, et l’année dernière j’ai essayé de souligner comment ceci était traduit par Lacan, c’est-à-dire que toutes les fois que le sujet, le sujet dit-il, représenté par un signifiant S1, vient à saisir ce qui est son équivalence, c’est-à-dire l’objet petit "a ", le sujet se dérobe et s’efforce de trouver un autre trait identificatoire avec le grand Autre, un autre S1 qui puisse le représenter et ceci jusqu’à la fin du parcours analytique.

C’est pourquoi, c’est une parenthèse, si cette analyse est conduite comme elle doit l’être - c’est-à-dire que sa fin ne peut en aucun cas être quelque identification avec l’analyste, ce qui reviendrait à trouver dans ce terme ultime un trait similaire au S1 - la fin de l’analyse représentant cette perte de toute identification, lorsque le plan des identifications a pu être franchi et le fantasme traversé, le sujet, ce sujet averti comme il dira plus tard, ce sujet se trouve à être en face de ce qui est son équivalence l’objet petit « a » et ayant perdu ses identifications.

L’enthousiasme dont parle Lacan vient de là et tous autant que nous sommes ici ce soir rassemblés, pour nous tous, quel que soit l’horizon d’où nous venons, nous pouvons dire que ce qui a été programmé pour nous de par notre relation au grand Autre, si ce grand Autre existait - et nous devons faire l’expérience au cours d’une analyse de l’inexistence du grand Autre - tout ce qui a pu être programmé et qui a fait que nous sommes venus en analyse, à la fin d’une analyse, du fait de la chute des identifications et de ces identifications avec les traits du grand Autre, cela n’étant plus, nous sommes arrivés à être quelque chose marqué du désir de l’analyste, et qui n’a absolument rien à voir avec ce qui était programmé pour nous au départ. C’est-à-dire que nous sommes là devenus un sujet, sujet dont le grand Autre ne peut, s’il existait, rien savoir, et l’enthousiasme vient de là. C’est quelque chose qui nous permet (c’est une définition que l’on trouve couramment de l’enthousiasme) de (mettre en oeuvre) une action dans la joie, c’est une des définitions que j’ai trouvées de l’enthousiasme. C’est de cet enthousiasme dont parle Lacan vient de ce que nous sommes arrivés à un point qui, pour tout analyste, n’a rien à voir avec ce que le grand Autre pouvait savoir. Ça, le grand Autre ne peut pas le savoir, et je crois que c’est la chose importante à bien saisir pour ne pas essayer de trouver je ne sais quelle jubilation en fait d’enthousiasme, chez celui-là qui est arrivé à ce terme qu’est le terme d’une analyse, qui fait de lui un analyste, cet enthousiasme - qui peut être teinté de gravité, pourquoi pas ? - n’empêchera pas ce moment de dépression du fait du désêtre, mais je pense que c’est important de bien situer ce qu’est l’enthousiasme dont nous parle Lacan et qui n’a rien à voir avec quoi que ce soit qui serait de l’ordre d’une jubilation.

Un autre point dans " la proposition du 17 octobre", c’est - et Lacan y insiste - la fraîcheur qui marque celui-là qui est analyste, qui vient de faire cette expérience de la traversée du fantasme, cette fraîcheur d’écoute, fraîcheur qui doit être maintenue autant que faire se peut tout au long de notre vie d’analyste si je puis dire. Alors il n’y a pas je crois à essayer de trouver je ne sais quelle maturité chez tel ou tel des passants, puisque justement ce qui fait l’intérêt de ce temps-là, c’est cette fraîcheur d’écoute, cette fraîcheur qui est marquée du fait qu’on ne sait pas (je reviendrai sur ce savoir), on ne sait pas. Donc fraîcheur, qui a une telle importance dans l’expérience de la passe, que Lacan demande que les passeurs en soient aussi à ce temps là, ou soient revenus à ce temps de fraîcheur.

Puisque je parlais de savoir à l’instant, c’est sur ce point du savoir que je vais m’arrêter, dans certains passages de cette proposition d’octobre. A propos du sujet supposé savoir, Lacan écrit, je ne le cite pas textuellement, mais enfin c’en est la substance : « Si l’analyste est mis en position de sujet supposé savoir, et il faut qu’il en soit ainsi, il ne peut pas en être autrement si transfert il y a, lui l’analyste sait et doit savoir qu’il ne sait rien de ce savoir qui lui est supposé. C’est un point important, c’est un point tellement important que Lacan rappelle la recommandation de Freud qui est qu’on doit toujours aborder chaque cas nouveau avec une oreille neuve, et avec un parfait oubli si je puis dire, de tout ce que l’on a pu savoir des déchiffrements précédents, venant de Freud ou de quelque autre analyste, donc en sachant qu’on ne sait pas ce qu’il en est de ce savoir qui nous est supposé. Mais on a à savoir quelque chose. Et ce quelque chose qu’on a à savoir, Lacan dans ce passage de la proposition d’octobre nous dit que ça a à voir avec ce que le non-su ordonne dans le cadre du savoir. Je m’y arrête parce que lors de nos journées sur l’enseignement à Bichat en 82, faisant référence à un passage de L’éthique et ceci à propos du sujet de l’inconscient, du sujet de la science, déjà à cette époque Lacan faisait remarquer que la position de celui-là qui est dans la science par rapport au non-su différait de la position du sujet de l’inconscient. Je me souviens, je crois avoir dit quelque chose à peu près comme ceci, me référant à ce passage de L’éthique, que pour ce qui est de l’homme de science, le non-su c’est quelque chose qui va venir dans le cours du travail, mais avec ceci qu’il part en sachant et qu’il arrivera à un point où il dira « je ne sais pas », alors que le sujet de l’inconscient lui part de un « il ne savait pas ». L’insu, le non-su, ne se trouve pas placé au même endroit. Et ce séminaire sur L’éthique, c’est un des premiers séminaires où Lacan commence à parler véritablement du réel.

Ce cadre du savoir ordonné par le non-su, qui ordonne les chaînes de lettres (à condition de ne pas manquer une de ces successions), l’étonnant, dit Lacan dans sa proposition, c’est que ça a à voir avec les nombres transfinis de Cantor. Je ne vais pas rentrer dans le développement de ces nombres transfinis de Cantor, mais ce que j’ai retenu par rapport à ces non-sus, et à leur place différente dans le cas de l’homme de science et dans le cas du sujet de l’inconscient, c’est ceci : dans le cas de l’homme de science, ce non-su sera toujours trouvé en avant. C’est-à-dire plus exactement, au fur à mesure qu’il avance dans son parcours de recherche, ce non-su, lui, Cantor, pour des raisons qui sont les siennes - sur lesquelles je ne vais pas essayer de vous dire quelque chose sauf que Lacan fait remarquer que ça a à voir avec son désir - Cantor va mettre ce non-su à l’extérieur de ce qui fait la chaîne des lettres, disons la chaîne des nombres entiers. Le non-su mis à l’extérieur alors un savoir nouveau se met en place. Donc dans le premier cas, c’est chemin faisant que le non-su se présente toujours en avant, et fait que l’on peut toujours dire que ce qui est du plus grand des chiffres marqués n’est pas là et donc n’est pas su, ou que, comparant ces chiffres, il y a toujours un qui est inférieur, mettant le non-su à l’extérieur. Cantor donne un nouveau nom à ce non-su qu’il met à l’extérieur. Il l’appelle Aleph 0. Je vais très vite. En fait ce non-su qui est mis à l’extérieur permet que tous les nombres entiers, et ceci jusqu’à l’infini, puissent faire un ensemble, faire un cadre. Et c’est avec ces nombres entiers ainsi cadrés par ce non-su mis à l’extérieur qu’il a appelé Aleph 0, par ce nouveau nombre qu’il vient d’inventer, de créer, c’est avec cela qu’il va faire des opérations telles que la question du plus grand ou du plus petit ne se posera pas. Je vais un peu vite, j’en retiens ce qui nous intéresse, puisque Lacan nous y conduit dans cette proposition d’octobre.

Donc ce non-su mis à l’extérieur, cet Aleph 0, Lacan en fait l’équivalent du non-su qui pour le sujet de l’inconscient est à l’extérieur de ce qui fait le cadre du savoir de l’inconscient, c’est-à-dire de tous ces signifiants qui forment le savoir de l’inconscient. Et à partir de ce signifiant nouveau, alors, un savoir nouveau va pouvoir être donné à tous ces signifiants, plus exactement, le sens de l’inconscient pourra être saisi grâce aux opérations qui se feront avec ce signifiant nouveau.

Vous savez, en tout cas certains d’entre vous le savent, s’en souviennent, Lacan au cours de son enseignement, dit qu’il faut inventer un signifiant nouveau. Ce signifiant nouveau, ça ne veut nullement dire : se servir de quelque nouvelle contrepèterie (parce que c’est un peu ce qui a été compris par certains qui voulaient inventer un signifiant nouveau). Ce signifiant nouveau, il a à voir en fait avec ce qui est la structure de l’inconscient, et pour Lacan c’est quelque chose qui est de l’ordre de l’objet a. Ce signifiant nouveau, c’est chacun d’entre nous qui au cours de son analyse, l’invente. C’est pourquoi Lacan a pu dire que son apport à la psychanalyse, c’est cet objet petit a. Donc c’est quelque chose qui va plus loin que tout ce qui a à voir avec ce qui était de l’ordre de l’apport d’Abraham. C’est d’un autre ordre. Ce signifiant nouveau, qui est de l’ordre de l’objet a, qui est donc à l’extérieur du cadre de ce qui est du savoir de l’inconscient, permet que sens soit donné à tous ces signifiants qui font partie du cadre de l’inconscient.

Ce cadre du savoir, ainsi délimité et, si je puis dire, reconnu, Lacan en fait l’équivalent de ce qui se passe pour l’homme de science. Quelque part dans la Note aux Italiens, il dit que la psychanalyse doit s’efforcer d’égaler la science. Ce qu’il vise, en tout cas, à ce moment de son enseignement, et ceci dès L’éthique de la psychanalyse, ce qu’il vise c’est que par cette opération avec ce signifiant nouveau qui est de l’ordre du a, les signifiants du Réel puissent être saisis. Et ce qui va permettre que ces signifiants du réel puissent être saisis, c’est la fenêtre, cette fenêtre du fantasme, comme il dit un peu plus loin dans la proposition d’octobre. Cette fenêtre du fantasme pourra venir ainsi dans le cadre du savoir, ce qui fait que le fantasme, qui a à voir avec la jouissance, a une certaine équivalence avec le savoir. Je crois que c’est il y a deux ans, nous avons très rapidement parlé de ce que de la jouissance peut être comptabilisée, de ce qui de l’objet a peut venir en signifiant. C’est autour de tout ceci que Lacan essaie de montrer que du fait du parcours analytique, parce qu’il y a ce signifiant nouveau qui a été inventé, que le fantasme a pu être construit, alors cette fenêtre du fantasme venant cadrer avec le savoir, les signifiants du réel pourront être saisis, et ceci au moment où à la fin de l’analyse, le sujet peut prendre en compte ce qui est l’équivalent de son manque à être : L’objet a.

J’en viens rapidement à ce que j’ai marqué là au tableau. Au-dessus du a qui représente l’analyste, j’ai marqué : « ouit sens ». L’analyste, nous dit quelque part Lacan, c’est cette momie d’Egypte dont les oreilles s’ouvrent quand elles ont à s’ouvrir, et il m’a semblé que c’était une [bonne] façon de le désigner que de le désigner ainsi. Pourquoi ? Parce que lui, l’analyste, quand il fonctionne comme analyste, sait qu’il ne sait pas ce que son analysant va lui dire ; il sait que l’analysant lui-même ne sait pas ce que veut dire ce qu’il dit, et donc que lui, l’analyste, ne peut comprendre la langue de ce que son analysant lui dit. Son analysant n’a pas la même langue que lui, ça il le sait. Cela nous amènerait à discuter des problèmes de langue maternelle et du bilinguisme, nous en avons dit un mot rapidement il y a quelque temps. Donc ce que l’analyste a à faire, là où il est, c’est de saisir, ouïr le sens. Pour saisir le sens de ce qui se dit, la signification de ce que l’analysant apporte, il va mettre dans la structure du langage cette langue qui n’est pas la sienne, mais dont il peut ouïr le sens, parce que c’est l’objet a, ce nouveau signifiant, qui fait que les opérations peuvent se faire et que le savoir peut être saisi. Vous savez [ce que nous avons dit] lorsque nous avons étudié le sujet : le sujet doit renoncer à la jouissance pour que « jouisens » (j-o-u-i-s-e-n-s, vous savez le jeu de mots que fait Lacan) puisse advenir ; et ceci n’est possible que parce que lui, l’analyste, se mettant à cette place d’analyste, est là avec son écoute analytique, et non pas avec le vouloir comprendre ce que l’analysant lui dit.

Alors donc, si on reporte ceci sur le groupe de Klein, on peut reprendre ce que j’ai essayé d’apporter à Vaucresson. Et à ce moment là, on peut comprendre que, du fait du parcours qui est le sien - parcours qui fait que le nouveau signifiant, cet objet petit « a », se met en place - et ainsi le fantasme se construisant, sens ultime de ce qui est propre à cet analysant pourra être saisi. Et si ce qui est le travail de l’analysant est mené à son terme - et ceci va avec le désir de l’analyste, vouloir qu’un analyste soit, un autre, "faire un analyste" nous dit Lacan dans son article sur le Trieb - à ce moment-là ce sens ultime ayant pu être saisi par l’analysant, si celui-ci peut faire ce travail qui consiste à franchir le plan des identifications et traverser le fantasme, alors un nouvel analyste a vu le jour.

Il y a encore beaucoup d’autres choses bien sûr, dont il faudrait parler autour de cette proposition. Nous le ferons dans le courant de l’année. J’ai pensé qu’il valait mieux introduire notre travail de cette façon d’abord, pour qu’éventuellement il puisse y avoir échange, et qu’ensuite les personnes qui désirent parler puissent le faire."