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La responsabilité du sujet III

28 novembre 1995
Document de travail

J’ai pensé que je pouvais maintenir cette séance de travail, malgré les absences [49]. Certains m’ont demandé si ce coin de Paris serait viable, si on pouvait circuler, mais j’ai pensé qu’il y avait à nous réunir parce qu’un certain nombre aussi d’autres personnes m’avaient fait savoir qu’elles se déplaceraient.

La dernière fois, je vous ai dit au moment où nous allions nous quitter que j’avais oublié de vous parler du fantasme dans cette relation de l’homme à une femme. Je vais le laisser en suspens et c’est du sujet, de ce sujet barré en relation avec cet objet, ce reste de jouissance, c’est du sujet barré que je vais parler aujourd’hui parce que, lorsque nous avions eu à nous intéresser à l’émergence du sujet, une chose faisait question, c’était ce qu’il en était de la responsabilité du sujet. Alors, je voudrais en parler, d’autant que vraisemblablement cette année, nous serons intéressés à différents moments par ceci.

Dans son dernier écrit, « La science et la vérité » [50], Lacan parle bien de cette responsabilité du sujet, du sujet de l’inconscient. Certaines personnes se souviennent, je suis sûre, de ce qui nous avait intéressé lors des Journées sur l’enseignement qui se sont tenues à l’hôpital Bichat à Paris [51], ces journées étaient animées par notre groupe dans le cadre de ce qui était alors le C.E.R.F [52]. Je veux dire par notre groupe, puisqu’à la fin de cette expérience du C.E.R.F., l’École Freudienne s’est mise en place.

Alors, le sujet, le sujet de l’inconscient, sujet de la science, nous dit Lacan. Nous avions essayé d’en parler aussi bien que nous pouvions et je me souviens, lors de la préparation, certaines réunions de préparation qui se tenaient chez moi, un personnage important était venu voir ce qu’on pouvait en dire et avait dit comme ça : « Ah bon ! C’est tout ce que vous pouvez en dire ! ».

Donc, Lacan nous dit que le sujet de l’inconscient, c’est le sujet de la science. Alors, pour en parler, je me suis dit que je pouvais revenir à « L’Homme aux rats »3, l’homme aux rats qui vous savez, s’est adressé à Freud au moment de sa détresse extrême, il avait pensé aller voir d’autres personnes qui pouvaient le soigner mais il avait entendu parler de Freud, il avait lu un certain nombre d’oeuvres de Freud, d’écrits de Freud, on ne peut pas encore dire à cette date-là qu’il y avait œuvre, c’était en cours et il a pensé que là, chez cet homme, chez ce médecin, il pourrait se faire entendre et être entendu. C’est… il lui a supposé un savoir, un savoir qui avec sa méthode et la méthode que Freud préconisait, pourrait lui permettre au moins de lever pour lui l’énigme qui était la sienne et lui permettre au moins de mieux vivre. Donc, c’est à cause de ce savoir qu’il lui supposait qu’il s’est rendu chez lui, donc, l’homme aux rats plutôt s’est rendu chez Freud à cause du savoir qu’il supposait à Freud et Lacan nous dit que, là où il y a du savoir, il y a du sujet de la science.

Freud, sujet supposé savoir. Alors, sujet de la science, Lacan introduit ceci à partir de Descartes, du sujet cartésien et on peut affirmer que c’est en tant que sujet de la science que Freud était là, à l’écoute de son patient. C’est en tant que sujet de la science parce que, tout comme le sujet cartésien, tout comme Descartes, il rejette tout le savoir qui était le sien et le savoir qui était admis pour être à l’écoute, pour pouvoir recueillir ce qui lui viendrait de ses patients, et on peut dire que, très tôt, je ne suis pas allée vérifier la date mais c’est avant 1895 dans le « Manuscrit H [53] », il fait savoir que là, pour lui, il y a une rupture, une coupure d’avec le savoir traditionnel, d’avec la science qui était celle admise jusqu’à ce jour-là, et vous savez que, tout particulièrement à propos de l’obsessionnel, il récuse ce qu’on a appelé la folie du doute. Freud y est donc en tant que sujet de la science, en tant que sujet cartésien, il rejette le savoir pour accueillir ce qui lui viendrait et ce qui devait lui venir n’était pas forcément ce qu’il attendait. Et, c’est en fait, Freud demande à tous ceux-là qui se mettraient à l’écoute de l’inconscient d’y être, d’y être en rejetant tout savoir, d’y être en s’efforçant d’entendre, d’écouter et il dit avec une attention flottante, d’écouter, d’entendre ce qui viendrait du patient. Il insiste même à ce point, en disant à ceux-là qui ont décidé de suivre sa voie, sa ligne, de faire comme si ils ne connaissaient rien de ce que lui, Freud a apporté. Non seulement d’agir ainsi pour tel patient mais pour chaque patient et d’agir ainsi à chaque séance et Lacan, reprenant ce que Freud conseille, puisque en fait, c’est ça qui est qui doit être la règle du psychanalyste, c’est de venir en ne sachant rien, en ne pensant rien. Tout savoir doit être, nous dit Lacan, mis hors du seuil, doit être éliminé et ce n’est qu’à ce prix-là qu’on peut entendre celui qui vient nous parler. Freud n’y est donc pas en tant que sujet de la science mais il impose la même règle à ses patients. Il leur demande de dire ce qui leur vient à l’esprit et vous verrez dans son écrit « L’Homme aux rats » [54], au début de son texte, ce qu’il a intitulé « le début du traitement », il donne, il détaille ce qu’est la règle fondamentale : dire tout ce qui vient, sans faire de tri, sans préjugés, sans aucun jugement, d’ailleurs c’est la même chose qui nous est demandée : pas de présupposé, puisque tout savoir doit être rejeté, pas de préjugement, aucun préjugé, c’est-à-dire que cette règle qui est la règle que l’analyste doit s’appliquer pour être à l’écoute de l’inconscient de son patient, le patient lui aussi doit y être en faisant fi, en laissant de côté, en laissant aussi à la porte du cabinet de son analyste, lorsqu’il a ouvert cette porte, tout ce qui peut être de ses jugements, de ses tris, de ses… enfin bref, et accepter nous dit Lacan, de dire n’importe quoi qui lui vient à l’esprit. C’est en cela qu’il est sujet de la science, et puisqu’il y est en se conformant à cette règle, en s’y pliant, ça veut dire aussi que ce qui va être saisi dans ces dits, eh bien, il a à l’accepter ! Et, vous savez qu’il arrive que le patient dit quelque chose avant d’y penser, il voulait dire autre chose, et il faut simplement lui dire que c’est ça, ce que tu as dit, je ne te l’ai pas fait dire. C’était donc quelque chose que Lacan appréciait, aimait beaucoup : tu l’as dit, et parce qu’il y est en tant que sujet de la science, ce savoir qui lui vient de par ses dits, le patient doit l’accepter. Mais, ce sujet de la science qu’est le patient, si nous nous reportons toujours à l’homme aux rats, nous voyons bien qu’il vient avec sa détresse, qu’il vient avec ce qui est conflit pour lui, cette obsession des rats, ce qui fait que il souhaite, sans se dire qu’il le souhaite, à son père bien-aimé qui n’est plus de ce monde, à sa dame bien-aimée, de subir ce supplice des rats.

Je ne me rappelle pas toute l’observation, on s’y est arrêté très longuement, on y reviendra vraisemblablement, bref, il y a là quelque chose qui est conflictuel pour lui, conflictuel au point d’avoir une inhibition telle au travail, enfin bref... qu’il y est avec, nous dit Lacan, reprenant ce qui est là conflictuel tel que Freud nous le présente, il y est en tant que sujet divisé et c’est ce sujet-là qui est responsable.

Alors, je remets au tableau ce graphe de l’infans dont je me sers beaucoup, celui-là qui, dans ce qui est d’abord cri, cri sans parole, se fait entendre de l’Autre, reçoit une marque de cet Autre, et qui, s’adressant cette fois-ci à l’Autre, va répondre à ce qui lui vient de l’Autre, et ce qui lui vient de l’Autre, c’est une parole, c’est un signifiant. Il est sujet à ce moment-là lui-même, il n’est plus cet infans, il n’est plus ce reste de jouissance, cet objet petit a, il devient sujet parce qu’il a dit oui au signifiant, c’est la Bejahung.

Cette Bejahung primitive, cette Bejahung tout simplement, cette Bejahung parce que l’enfant devient sujet de la parole, son cri est une parole, son cri est adresse à l’Autre, et parce qu’il a dit oui au signifiant, il va être dans cette structure langagière, S1S2 que j’ai marquée au tableau.

Alors, qu’est-ce qui va se passer ? Il peut, dit Freud, enfin Lacan le reprend, parce que en proie, nous dit Lacan, au symbole [55], ce symbole qui est le signifiant du grand Φ,vous savez j’y ai fait référence un nombre de fois important, cette leçon du 19 avril 1961 qui est dans le séminaire du Transfert, parce qu’il est en proie à ce symbole, à ce signifiant Φ, qu’est-ce qui va se passer ? Il peut le rejeter. Il peut le rejeter, c’est ce que Lacan reprenant un terme de Freud dans « L’Homme aux loups », nous dit être la Verwerfung [56]. Il rejette ce symbole, il rejette ce signifiant du grand Φ, il rejette donc ce qui est du Nom-du-Père et à ce moment-là pour lui, pour celui-là qui vient de rejeter ce signifiant, ce symbole, ce signifiant du grand Φ, bien qu’il soit dans la structure symbolique, Lacan, et là je crois qu’il faut reprendre ce que dans un premier temps il donne comme traduction de la Verwerfung et que l’on trouve dans cet échange qu’il a eu avec Jean Hyppolite, il va retrancher ce S2, ce S2 qui fait la structure symbolique, il s’y trouve en retranchant ce S2 parce qu’il a rejeté ce symbole, ce signifiant du grand Φ, ce signifiant qui a à voir avec le Nom-du-Père. C’est de sa responsabilité. Il a dit oui au signifiant et il rejette ce symbole.

On y reviendra pour essayer de saisir, tout au moins de dire quelques mots sur ce qui peut faire que ce signifiant est rejeté ou pas. Et s’il n’est pas rejeté ce signifiant, si donc ce Nom-du-Père est accepté par ce sujet, sujet de la parole, qu’est-ce qui se passe ? Et là, Lacan fait référence à cette Verneinung, à cet article de Freud que Hyppolite a conseillé de traduire par dénégation [57] plutôt que par négation à cause de ce ver de ce Verneinung [58]. Alors, il y a tout ce processus de tasten, il va voir si c’est bon, si ce n’est pas bon, ce qui est bon pour lui, ce qu’il va ausstossen, c’est pas la même chose que la Verwerfung. Il en a pris connaissance et il a trouvé que il n’avait pas à le garder mais il en a pris connaissance, ça n’a pas été un rejet et un rejet de départ parce que le Nom-du-Père, parce que le symbole, ce signifiant du grand Φ a été rejeté. C’est d’ailleurs pour ça que dans son séminaire des Quatre concepts [59], séminaire XI, lorsqu’il reprend ce passage, cette Ausstossung, ce qui, du fait du déplaisir, de l’Unlust [60] pousse l’enfant à rejeter plus exactement à expulser tel signifiant qu’il n’a pas trouvé bon pour lui, Lacan dit que il pourra à nouveau y trouver, chercher ce qui peut lui convenir, c’est-à-dire qu’on n’est pas du tout dans le cas premier, dans le cas de ce qui est rejeté, dans le cas de ce qui est verwirft, c’est-à-dire ce que Lacan traduira par la suite par forclusion dans le cas de ce qui est forclos. Et là, il va y avoir tout ce travail de tasten qui fait que il y aura certaines choses acceptées ou refoulées, verdrängt, d’autres qui seront du fait de ce travail de verneinen, expulsées, mais nous ne sommes plus du tout dans la même catégorie qu’au départ. La responsabilité du sujet là aussi est engagée. D’ailleurs, s’il n’y avait pas responsabilité du sujet, on peut se demander pourquoi, à certains moments d’une vie, il y a une quête, une quête telle, que certains viennent à la psychanalyse ou hélas ! à d’autres méthodes. Et, la responsabilité aussi, est du côté de celui-là qui a rejeté ce signifiant, ce signifiant du grand Φ et rappelons nous ce que, au début de « La question préliminaire »1, Lacan nous dit justement à propos du signifiant qui va barrer le sujet, il dit que, chez le psychotique, il en est de même, c’est-à-dire que il est lui aussi sujet du signifiant mais avec ceci qu’il a rejeté le symbole, le signifiant du grand Φ, il est sujet du signifiant et c’est la chose que l’on doit avoir à l’esprit pour penser, pour tenter un traitement d’un psychotique. S’il n’y avait pas cette responsabilité, s’il n’y avait pas ce qui le barre, c’est-à-dire ce oui au départ qui a été dit au signifiant, à ce moment-là, on se demande pourquoi on tenterait de proposer une cure à un psychotique, en tout cas, j’entends une cure par la parole, mais aussi pourquoi certains viennent voir ou le psychanalyste ou le psychiatre, enfin viennent au moment où le crépuscule est là, il va sombrer, il fait quand même appel.

C’est, je crois, peut-être pas facile à saisir de savoir que, dans la cure, et parce qu’il est sujet de l’inconscient, il y sera comme sujet de la science et, en même temps, il est sujet barré et c’est parce qu’il est sujet barré que ce qui est pour lui conflictuel l’amène à faire ce parcours, à cette quête et, croyez moi, pour certains c’est une véritable quête qui les amène à frapper de porte en porte jusqu’à ce qu’ils puissent être entendus.

Alors, on peut toujours se demander pourquoi, qu’est-ce qui fait que, qu’est-ce qui fait que certains rejettent ce signifiant, ce grand Φ, ce qui est du Nom-du-Père et d’autres pas ?

Dans son séminaire La logique du fantasme2, je dis un peu les choses comme ça, un peu rapidement, j’y reviendrai, je l’ai dit à certaines personnes qui ne pouvaient se déplacer puisqu’il n’y avait pas de trains ou autres, et que j’y reviendrai, donc qu’est-ce qui fait que les choses se passent ainsi pour les uns et différemment pour d’autres ? Donc, dans son séminaire La logique du fantasme, Lacan commence par dire que la structure du sujet dépend de l’imaginaire de la mère, c’est-à-dire de ce qui fait qu’elle-même inscrit ou n’inscrit pas ce qui est, ce qui dépend de ce signifiant grand Φ, c’est-à-dire ce qui a à voir avec ce qui est son désir à elle, désir de cet objet qu’elle ne possède pas, ou ce qui fait qu’on peut se poser la question : désire-t-elle quelque chose ?

Vous vous souvenez de cette observation dont je vous ai parlé aux journées de Vaucresson3, plus exactement cette présentation de Lacan et, puisque on a donné un nom, appelons-le « René des deux cours », puisque effectivement on peut dire qu’une nouvelle naissance est venue à ce jeune adulte dans ce qui s’est joué entre les deux cours de son pavillon et du pavillon de sa petite voisine. Dans ce qui nous a été rapporté de ce que ce jeune homme a fait entendre, il reprochait à sa mère d’avoir vu, d’avoir été témoin de ce qui l’a fait sombrer puisqu’il s’est adressé à cette jeune personne voisine et que pratiquement je crois que c’est une fellation qu’il a dû lui demander, bref, ceci a suffi pour qu’il sombre. Mais il reproche, il reprochait à sa mère d’avoir vu et de n’avoir rien fait, de n’être pas intervenue. Et Lacan nous dit que, vraisemblablement, elle n’a rien vu, qu’après sa vaisselle enfin puisque c’était l’après-midi, les choses étaient rangées, peut-être était-elle assise dans sa cuisine en train de repasser, de faire je ne sais quoi, tout ce que peut faire une ménagère, enfin ça veut dire que, et il insistait là-dessus, que cette mère ne voyait pas, n’avait dû jamais rien voir !

Oui. je crois que ça, c’est tout à fait la chose à laquelle on ne pense pas suffisamment, cette mère, la mère, qu’était-t-elle dans la structure familiale ? Voyait-elle ou ne voyait-elle pas ? Et, qu’est-ce qu’il faut entendre par ce voir ?, ou ce qui faisait qu’elle n’y était pas ?

J’ai essayé de trouver des observations, je me suis arrêtée à une observation dans Freud, une de ses premiers cas, dans les Études sur l’hystérie1, le cas Katharina. Je pense que beaucoup d’entre vous connaissent cette observation, vraisemblablement, tout le monde ici.

Freud était en vacances, vous savez, il aimait beaucoup aller dans les montagnes, il s’était arrêté à une auberge pendant ses vacances et, un jour, la servante de l’auberge qui s’occupait de lui - d’ailleurs, il dit tout de suite, il fait une parenthèse, qu’il pensait qu’elle n’était pas vraiment une servante vu la relation qu’il y avait entre la patronne de l’auberge et cette jeune personne - vient vers lui et lui dit qu’elle pense qu’il est médecin : « oui, j’ai vu sur le livre que vous étiez… ». Freud accepte, hésite, il faisait encore à ce moment-là de l’hypnose, enfin, il hésite à le faire et se dit qu’il avait à l’écouter. Il l’écoute et cette jeune personne lui fait part de ce qui la tracasse au point d’avoir du mal à vivre. Elle est véritablement poursuivie, hantée, par le visage d’un homme à un point tel que la vie pour elle est devenue difficile, et que elle a du mal à dormir… enfin Freud écoute patiemment, je crois que ça à dû se passer sur plusieurs jours, et elle finit par lui dire que elle habitait avant dans une autre auberge avec sa mère, d’ailleurs elle ne dit pas sa mère, non ! non ! sa tante, son oncle, et puis il s’est trouvé que cet oncle lui faisait des avances… enfin ils sont allés se promener, le soir, la nuit est tombée, ils ont dû coucher je ne sais où, et là, il lui fait des avances. Elle a su refuser. Revenus à l’auberge, la mère avait à partager je ne sais quel coin de cette pièce là où elle avait à dormir, cet oncle s’y trouvait à nouveau et la nuit, il a encore essayé de venir dans son lit et elle a su s’échapper. Une autre fois, toujours cet oncle, couchait dans cette pièce, il y avait une séparation, dans une pièce à côté il y avait sa cousine Franziska qui dormait là et, à un moment, elle voit cet homme, son oncle, dit-elle, se lever et elle pensait qu’il avait quitté la pièce et il se dirigeait vers la porte de séparation et elle lui dit : « mais ce n’est pas par là qu’on sort ». Enfin, les choses se gâtent véritablement le jour où… parce que dans l’auberge là, c’est l’été, vraisemblablement il y a des touristes, des passants, enfin bref beaucoup de personnes, et puis la mère n’est pas là. D’ailleurs, elle n’était jamais là cette mère, on se demande où elle était la nuit puisque, il se trouvait - plus exactement, ce n’est pas encore la mère, c’est la tante, ce n’est que plus tard que l’on saura que c’est les parents - était allée faire des courses en ville alors qu’elle aurait dû être là. Affolée parce qu’elle n’était pas préposée à la cuisine, elle servait en salle, elle essaie de trouver sa cousine Franziska pour qu’elle fasse quelque chose, c’est elle qui s’occupe de la cuisine, etc. mais le cousin... vous savez les petits frères sont très forts puisque maintenant je peux vous dire qu’il s’agit du père et de la mère, lui dit : « Écoute, viens voir... » et il l’amène à l’étage où, par le trou de la serrure, elle voit qui ? Celui qu’elle présente encore comme son oncle mais en fait qui est son père et avec qui ? Avec Franziska qui était sa soeur et là... l’accouplement.

Si je rapporte cette observation, c’est pour mettre l’accent sur ceci : la mère n’était jamais là où elle aurait dû être, on se demande où elle passait ses nuits pour n’être pas à côté de son mari, c’est-à-dire laissant cet homme, enfin plus exactement laissant cette jeune fille à la portée de main de cet homme. Où était-t-elle dans la journée pour que, lorsqu’on avait besoin d’elle, plus exactement, si elle avait été là où elle devait être, il y avait de fortes chances pour que son mari ne se retire pas, n’aille pas s’accoupler avec sa fille, son autre fille. Donc, il y a là quelque chose de cette mère qui n’était pas là où elle devait être et, en tout cas, quand elle y était, vraisemblablement elle ne devait pas plus voir que la mère de « René des deux cours », vraisemblablement, ce n’était pas le même imaginaire. Ce qui m’a retenue dans cette observation, c’est ce que Freud pointe sans s’y arrêter, et qu’on retrouve : comment ces deux soeurs se placent par rapport au père, par rapport à celui-là qui devrait assurer la fonction paternelle ? Comment réagissent-t-elles à l’imposture paternelle ? Du côté de Katharina, elle se défend, la traduction vous pourrez la trouver dans l’observation, elle n’est pas longue, vous la connaissez sûrement, c’est bien quelque chose de l’ordre d’une hystérie qui s’est mis en place avec cette paralysie, cette difficulté à respirer, difficulté qui lui restera lorsqu’elle verra Freud, ses troubles du sommeil, ses peurs, alors que l’autre, pour ce qui est de l’imposture du père, elle se place différemment, en tout cas elle l’avale plus facilement, ce qui est, ce que le père porte avec lui. Et, on peut dire que, pour reprendre un terme de Lacan dans le séminaire sur L’angoisse1, je ne sais plus si c’était portugais ou espagnol, peu importe, où il dit que être enceinte dans l’une de ces deux langues où on dit d’une femme d’une fille qu’elle est embarassada. On peut dire que la Franziska, l’autre soeur va se trouver embarrassée de ce que le père porte et qu’elle a avalé, si l’on peut dire, puisqu’en fait elle va se retrouver enceinte, elle va se retrouver enceinte et là, les choses vont se gâter. Les choses vont se gâter pourquoi ? Parce que Katharina va vendre la mèche, va dire à sa mère, voyez à quel point cette mère ne dit rien, va dire à sa mère qu’en fait l’auteur de ce qui arrive à sa soeur, c’est le père.

C’est à partir de ce moment-là que tout se gâte parce que si Katharina s’était tue, on aurait accusé je ne sais qui, parce qu’il devait passer pas mal de monde dans cette auberge, et, vraisemblablement, le père serait devenu le parrain ! Vous savez qu’il y a comme ça beaucoup de parrains qui sont en fait les géniteurs, c’est bien connu, ils sont si gentils, si dévoués, si pleins de je ne sais quoi etc., il serait devenu le parrain. Katharina vend la mèche, tout se gâte, tout se gâte, le père lui en veut terriblement, le père l’a menacée à différentes reprises et Freud finit par savoir que cette figure d’homme qu’elle voit et qui la poursuit dans ses rêves, c’est en fait ce père en colère mais c’est le divorce. Le père reste avec sa fille enceinte et la mère va de l’autre côté, ou c’est l’inverse je ne sais pas, qui était du côté du soleil ou de l’ombre, peu importe, et l’autre auberge, la mère et Katharina s’occupent de cette auberge.

Donc, si cette observation m’a retenue, c’était par rapport à ce oui dit au signifiant, à ce qui fait que la responsabilité du sujet est engagée mais, pour ce qui va faire qu’on dira oui, et ce qui sera la suite dépend de la mère, de l’imaginaire de la mère. Elle, Franziska, on ne sait pas grand chose d’elle, on ne sait pas quelle est sa structure. Il semblerait, on peut avancer quelque chose de cet ordre, qu’elle n’a pas rejeté ce Nom-du-Père, ce signifiant, encore que, vu ce qui s’est passé, on ne sait pas trop ce qu’elle est devenue après avoir mis cet enfant au monde. Quant à Katharina, elle, elle ne doute pas de sa responsabilité. Elle s’est défendue du père mais elle a réagi en hystérique, vraisemblablement, sa pâleur… enfin tout ce qui étaient ses troubles lorsqu’elle a découvert sa soeur avec son père, il y avait bien là quelque chose qui était d’abord, ça aurait pu être elle, elle qui a refusé et puis bon elle a réagi en hystérique, elle y est avec tout ce que de troubles hystériques elle porte avec elle et là, c’est une autre responsabilité parce que elle, elle ne doute pas de sa responsabilité, elle ne se fait pas d’illusions, ce qui est arrivé c’est 1) parce qu’elle a vu, 2) parce qu’elle a parlé.

La responsabilité du sujet, c’est pas si facile et, en même temps, la clinique est là pour nous dire que, à un moment, le sujet consent ou ne consent pas et, de toute façon c’est toujours un consentement, consentement à ce qui va être sa structure, à ce qui fera que ce S1 S2 va s’inscrire, où le S2 sera retranché. Oui, sujet de la science, oui, et c’est là qu’il peut être sujet de la science, c’est parce que il accepte d’être sujet de la science que sens pourra être donné, signification pourra être donnée à ce qui est sa division, avec tout ce que pour l’hystérique, nous l’avons vu à propos de Emma, je vous ai rappelé cette observation, tout ce qui est là de mensonges dans ce qui s’est mis en place, et pour Katharina aussi, c’est presque sûr, à la fois elle a repoussé ce père et, en même temps, découvrant sa soeur à la place qui aurait pu être la sienne, et tout ce qu’elle a mis en place de symptômes, hein, parce que c’est très bien décrit dans cette observation de Freud, il y a bien là quelque chose d’un mensonge et Freud est arrivé, en la faisant parler, à lui faire dire que, au fond, ce qui la poursuivait, c’était ce père.

Bon, écoutez, puisque beaucoup n’ont pas pu être là, j’ai pensé vous donner déjà l’armature de ce qui va nous retenir, de ce qui pose problème, cette responsabilité du sujet, mais, s’il n’y avait pas responsabilité du sujet, il ne viendrait pas en analyse.

Bien, voilà.

Je sais que beaucoup ont fait du chemin pour venir de très loin, et comme c’était pas facile pour certains d’entre vous mais enfin bon, j’ai pensé que c’était déjà un apport et qui permettrait de vous y intéresser et de voir cette observation de Freud et de revoir ce que, dans « La science et la vérité », Lacan nous dit de ce sujet de l’inconscient qui est sujet de la science, c’est-à-dire qu’il y est, il doit y être en tant que non divisé dans sa cure et, en même temps, ce qui fait sa division apparaîtra dans ce savoir qui pourra se faire entendre et par lui et par l’analyste et, en tout cas, si ce n’est pas par lui, au moins l’analyste, dans ce qu’il y a à entendre, entendra et lui fera, lui fera… et, à ce moment-là, nous dit Lacan, ça ne peut être que de l’assentiment, tout comme le sujet de la science quand il a découvert quelque chose, bien oui, à partir du moment où on a découvert que la fécondation pouvait se faire in vitro, le sujet de la science ne pouvait que le retenir. Et, c’est la même chose pour le sujet de l’inconscient quand il fait ça. Enfin, je reviendrai là-dessus parce que pour nous, c’est important, j’y reviendrai, d’autant plus que L’éthique [61] est à l’étude. Mais, enfin, cela avait arrêté beaucoup d’entre nous ce sujet de la science et ce sujet responsable et j’ai essayé de trouver une observation - ce n’est pas toujours facile - pour pouvoir permettre que l’on commence à saisir ce qui est là pour nous tout à fait essentiel, important, capital. C’est avec ça que nous travaillons chaque jour. Bien.


Questions

Marguerite Bonnet-Bidaud :
J’aurais voulu vous demander quelque chose, est-ce que vous pouvez préciser à propos de la Verwerfung, parce que si j’ai bien compris ce que vous disiez, vous avez parlé à ce moment-là d’une responsabilité du sujet, alors, parce que le sujet est en proie au signifiant, il est frappé par le signifiant ?

Solange Faladé :
Au symbole, au grand Φ, le signifiant qui est celui du Nom-du-Père, il a dit oui au signifiant, quand on s’est adressé à lui, quand il a commencé à parler, quand son cri devient parole, c’est à ce moment-là qu’il dit oui au signifiant.

Marguerite Bonnet-Bidaud :
Il est donc sujet divisé à ce moment-là déjà ?

Solange Faladé :
Et bien oui, puisqu’il a dit oui, il est barré par le signifiant…

Marguerite Bonnet-Bidaud :
Il est barré ou il est divisé… ?

Solange Faladé :
Écoutez, il est barré par le signifiant et ensuite il sera divisé toujours par le signifiant, mais il est d’abord barré par le signifiant, c’est pour ça que j’ai fait allusion, plus exactement référence, à ce que Lacan dit dans « La question préliminaire » [62].

Marguerite Bonnet-Bidaud :
Oui, ça, je l’avais bien saisi depuis très longtemps que j’écoute vos séminaires, que il est barré par le signifiant, qu’il y a un deuxième stade…

Solange Faladé :
Oui…

Marguerite Bonnet-Bidaud :
Ce deuxième stade, il dépend, jusqu’à présent, j’avais cru comprendre qu’il ne devenait sujet divisé que si il trouvait, que si il rencontrait chez l’Autre, qui est en général la mère, le signifiant de l’Autre barré, c’est-à-dire qu’il y a quelque chose là qui manque.

Solange Faladé :
Oui, c’est pas en général chez la mère, c’est la façon dont il répondra à ce qui lui vient de l’Autre dépend de l’imaginaire de la mère.

Marguerite Bonnet-Bidaud :
Oui, mais ce qui lui vient de l’Autre, s’il n’y a pas le Nom-du-Père chez l’Autre, c’est ce que j’ai compris, à ce moment-là, s’il n’y a pas le signifiant du Nom-du-Père, il y a forclusion, il n’y a pas accès au Nom-du-Père.

Solange Faladé :
Oui... à partir du moment où il a dit oui au signifiant, je crois que c’est important que l’on se rende compte, surtout en ce moment où l’on parle de l’autisme, de l’autisme de l’autisme… l’autiste ne dit pas oui au signifiant. Le psychotique dit oui au signifiant, il est barré par le signifiant, mais le fait qu’il soit barré, alors cette division dont Lacan a parlé, et a parlé essentiellement dans le séminaire XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, 1964 [63], lorsqu’il a fait cette émergence du sujet, le fait même, le fait même que du côté du psychotique il puisse y avoir appel, appel au deuxième signifiant, et que il n’y ait pas réponse, ça veut dire qu’il n’en reste pas à ce qui le barre. Dire qu’il est divisé comme le sujet de la névrose, peut-être pas, mais il n’en reste pas à ce qui le barre. Le fait même qu’il fasse appel, il n’y a pas de réponse, c’est vrai, mais ce que j’ai essayé de retenir, c’est ce qu’il y a si je puis dire d’actif, il y a ce rejet du signifiant, de ce qui est du côté du Nom-du-Père mais, en même temps, il va y avoir cet appel avec le pas de réponse qui fait qu’il y aura ce S2 qui est retranché. C’est un peu pour ça que ce soir, j’ai voulu le présenter un peu différemment, différemment de ce que nous disions, parce que c’est important de voir qu’il y a quand même quelque chose d’une décision de la part du sujet. Il n’en reste pas uniquement à un oui au signifiant puisque, s’il en restait qu’à un oui au signifiant même et rejetait, ne voulait rien savoir du Nom-du-Père, les choses pourraient peut-être en rester là mais il y a cet appel au deuxième signifiant. Le fait même qu’il y ait cet appel au deuxième signifiant qui ne trouve pas de réponse fait qu’il n’en reste pas à ce premier temps.

Dans l’écrit sur « La question préliminaire », dans le post-scriptum, Lacan prend soin de dire que pour le névrosé, les choses vont se passer là mais pour le psychotique, ça va se passer ailleurs. Il y a un mouvement, je crois que c’est ça qu’il faut essayer de saisir, bon, ensuite lorsque nous parlons, nous disons qu’il est divisé, mais il y a un conflit. Quand on entend les psychotiques, c’est sûr il y a un conflit, mais il n’y a pas ce qui fait que du petit a pourra se trouver dans sa chaîne, puisqu’il y a ce S2 qui est retranché.

Marguerite Bonnet-Bidaud :
Cela, je le saisis bien. Cela vient dans le sens de ce que j’ai toujours compris mais ce qui me trouble, c’est que vous y mettez la responsabilité. Alors, ça reviendrait à dire que l’on est responsable de sa structure ?

Solange Faladé :
Oui. Tout à fait.

Marguerite Bonnet-Bidaud :
Écoutez ! Quand même !

Solange Faladé :
Écoutez, c’est pour ça que j’ai essayé de prendre cette observation de ces deux soeurs pour montrer que l’une…

Marguerite Bonnet-Bidaud :
A l’intérieur d’une structure, on reste responsable de ce qu’on fait ou de ce qu’on ne fait pas, mais on n’est pas responsable de sa structure.

Solange Faladé :
Si ! Parce que les choses devraient être les mêmes pour toutes là, on est responsable de sa structure. Si on n’était pas responsable de sa structure, on ne viendrait pas en analyse. Je n’arrive pas à... Il faudrait que je trouve une observation suffisamment parlante qui soit autre que les observations que je recueille, et alors j’essaie de trouver ou dans Freud ou dans les présentations de Lacan. On est responsable.

Marguerite Bonnet-Bidaud :
Que chaque structure laisse un sujet responsable, d’accord, mais qu’on soit responsable de sa structure…

Solange Faladé :
Mais…

Marguerite Bonnet-Bidaud :
On vient au monde, je dirais, avec une constellation qui fait qu’on reste dans la psychose ou on émerge dans la névrose mais c’est la constellation, c’est la constellation qui joue !

Solange Faladé :
Mais parce que, à ce moment-là, si c’est la constellation, ça devrait être la même chose…

Marguerite Bonnet-Bidaud :
Ah, non, peut-être pas.

Solange Faladé :
Bien sûr, il y a ce qui fait que le désir de la mère… mais il y a un choix ! Il y a un choix, je sais bien…

Marguerite Bonnet-Bidaud :
On ne choisit pas sa structure. Je ne crois pas, je n’ai jamais cru qu’on pouvait choisir à un moment donné sa structure.

Solange Faladé :
Et bien écoutez, si il y a le choix de la névrose, c’est bien le choix de la structure névrotique ! Freud a parlé dès le départ du choix de la névrose.

Marguerite Bonnet-Bidaud :
Oui, mais dans la névrose, vous avez la névrose hystérique, la névrose obsessionnelle, c’est une structure névrotique !

Solange Faladé :
Alors, pourquoi ? Le psychotique, c’est aussi une structure !

Marguerite Bonnet-Bidaud :
Oui mais, qu’il ait des demandes qui font qu’il est responsable, parce qu’il peut rester comme ça, sans rien demander, et puis venir demander une analyse, il est responsable mais qu’il soit psychotique, il n’en est pas responsable.

Solange Faladé :
Pas plus que le fait d’être hystérique, on n’est pas non plus responsable dans ces conditions-là ! Pourquoi voulez-vous qu’on soit responsable ?

Marguerite Bonnet-Bidaud :
Il me semble qu’il y a une grosse différence.

Solange Faladé :
Laquelle ?

Marguerite Bonnet-Bidaud :
Être hystérique, c’est comme être obsessionnel, c’est être dans la névrose.

Solange Faladé :
Mais on est responsable !

Marguerite Bonnet-Bidaud :
Oui, d’accord, je veux bien…

Solange Faladé :
Mais pourquoi voulez-vous que, dans la psychose, on ne soit pas responsable, si vous acceptez que l’on soit responsable pour l’autre structure ?

Marguerite Bonnet-Bidaud :
Parce qu’il me semble que la structure des névrosés est tellement différente de la structure du psychotique, ce sont deux structures…

Solange Faladé :
Mais oui, mais pourquoi serait-on plus responsable d’une structure et pas responsable de l’autre structure ? C’est difficile à expliquer, je sais, mais s’il n’y avait aucune responsabilité, on ne viendrait pas.

Marguerite Bonnet-Bidaud :
Il y a quelque chose là qui ne passe pas.

Solange Faladé :
Écoutez, reportez-vous à ce que Lacan dit dans « La Science et la vérité », le dernier écrit des Écrits et puis ce qu’il reprend dans tout ce séminaire sur L’objet de la Psychanalyse. On est responsable. Vous savez, elle aurait pu ne rien voir ou elle aurait pu voir et se taire.

Marguerite Bonnet-Bidaud :
Dans l’exemple que vous donnez, ça ne fait aucun doute.

Solange Faladé :
Oui, mais alors, parce que vous croyez que sa soeur n’est pas responsable, Franziska ?

Marguerite Bonnet-Bidaud :
Non, je n’ai jamais dit ça et, de toute façon, Franziska, on la connaît peu, on ne sait pas si elle est psychotique ou névrosée.

Solange Faladé :
On ne sait pas mais n’empêche que, quand même, elle aurait pu aussi refuser les avances du père or ce que le petit frère dit, parce que lui, il pouvait être là, c’est qu’elle devait y aller très volontiers. Elle ne refusait pas. C’était pas une demeurée, Franziska. Et même, cette dame, la mère de « René des deux cours », elle est sûrement responsable de qui elle est, même si elle apparaît comme demeurée, elle est responsable de qui elle est, pourquoi ? Parce que là, il y avait des frères et sœurs, René des deux cours, eux n’ont pas été de ce côté-là puisque, quand il a commencé à délirer, il est allé se réfugier chez sa soeur puis ensuite chez son frère.

Marguerite Bonnet-Bidaud :
Cela expliquerait effectivement peut-être pourquoi, dans une famille, il y a un psychotique et les autres ne le sont pas.

Solange Faladé :
Oui, mais je crois, ce qui vous rend la chose difficile, et malheureusement je n’ai pas trouvé d’observations qui nous permettent de l’expliciter, c’est que vous oubliez qu’il y a la diachronie. Le fait de parler fait qu’on va être dans cette structure symbolique S1- S2 mais il y a la diachronie, il y a les événements qui vont se jouer et on répond ou on ne répond pas dans la vie de tous les jours ; ça, c’est pas instantané. Je crois que ce qui vous dérange, c’est de penser que ça va être instantané. Les choses se mettent en place, il y a cette diachronie.

Marguerite Bonnet-Bidaud :
Oui, bien sûr, mais la structure, elle, ne s’établit pas au fil des âges, c’est au départ, c’est toujours ce qui a été dit ici.

Solange Faladé :
Bien, la structure est déjà-là, mais ça peut se réaliser ou pas se réaliser… il y a que « les petits cochons peuvent les manger en cours de route ou ne pas vous manger » ! Parce que, si on pouvait ne rien faire, on ne voit pas pourquoi on s’occuperait des enfants ! Je sais que c’est difficile ! Je cherche l’observation qui me permette de nous…, de vous le faire savoir, une observation maintenant qui serait classique, c’est-à-dire parce que je ne peux pas puiser dans ce qui est mes propres observations, mais, c’est sûr qu’on est responsable de qui on est ! Le choix de la névrose, Lacan dit cette décision. Freud, ça s’applique autant à la psychose ! Puisque, à ce moment-là, on n’est pas responsable, on n’est responsable de rien ! Qu’on soit névrosé, pervers ou psychotique, on n’est pas responsable !

Marguerite Bonnet-Bidaud :
Pour l’instant, ce que je trouve qui va m’aider, ça semble… ça me permet enfin peut-être d’éviter de tomber dans ce piège qui consiste… ça rapproche de la psychose, de ce que nous sommes nous, les névrosés.

Solange Faladé :
Bien oui, tout à fait !

Marguerite Bonnet-Bidaud :
Voilà ! Parce que j’ai souvent eu l’impression qu’il y avait les psychotiques, la psychose dont on parle beaucoup, chaque névrosé en parle à sa manière, et puis que c’était un monde qui n’avait aucun lien avec le nôtre, aucun lien…

Solange Faladé :
Justement ! Lacan cette ségrégation, Lacan nous mettait en garde contre vouloir faire des psychotiques… parce qu’après tout, pourquoi nous ne délirons pas ? Pourquoi ces phrases intérieures que nous rabâchons, pourquoi cela ne se transforme pas comme ce que l’on peut saisir chez le psychotique ?

Mais, enfin, nous aurons l’occasion d’y revenir et je vais continuer à chercher telle observation qui pourra éclairer mieux, mais enfin déjà ces deux soeurs se placent différemment, se placent différemment, ce n’est pas uniquement le fait du hasard. Bien, écoutez, je vous dis au 12 en espérant que rien n’empêchera cette réunion, que ce sera un bon jour pour nous.


[49] Solange Faladé fait allusion à une grève des transports ce mardi.

[50] Lacan J. : La science et la vérité in : Écrits. Seuil. Pages 855 à 877.

[51] En avril 1982

[52] Centre d’Études et de Recherches Freudiennes. 24-25 avril 1982.
Documents de l’Ecole Freudienne : 1-2-3-4.
3 Freud S. L’Homme aux rats ou Remarques sur un cas de névrose obsessionnelle. In : Cinq psychanalyses. Seuil. Pages 199 à 261.

[53] Freud S. Manuscrit H in : Sur les traces du savoir insu. 1895. Document de l’École freudienne.

[54] Freud S. L’Homme aux rats in : Cinq psychanalyses. Remarques sur un cas de névrose obsessionnelle.1905. P.U.F. 1954. Page 199.

[55] Lacan J. : Le transfert, page 277, Seuil. 1991.

[56] Freud S. : L’Homme aux loups. in Cinq psychanalyses. 1905. P.U.F. Page 389.

[57] Freud S. : « Die Verneinung » in Imago XI publié en 1825 puis repris in : Gesammelte Werke, tome XIV, pages 11 à 15 London 1948. Jacques Lacan dans une communication faite à la Société anglaise de psychanalyse, le 2 mai 1951 « Quelques réflexions sur l’Ego » avait souligné l’importance de ce texte. Commentaire de ce texte par Jean Hyppolite in : Écrits : Lacan. Seuil. Se reporter à la revue le Coq-Héron n° 52 pour une étude comparative des traductions.

[58] Traduction de « Die Verneinung » par Solange Faladé in : Sur les traces du savoir insu. Document de l’École Freudienne.

[59] Lacan J. Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse. Séminaire 1964. Seuil.

[60] Idem. page 174.
1 Lacan J. « La question préliminaire » : in Écrits. Pages 531 à 583. Seuil.
2 Lacan J. La logique du fantasme. Séminaire 1966-1967.
3 Vaucresson : Journées de l’École Freudienne. 1995.
1 Freud S. et Breuer J. : Études sur l’hystérie. 1895. P.U.F. Pages 98 à 106.

[61] Lacan J. Séminaire L’angoisse. 1962-1963. Seuil. 2004.

[61] Lacan J. L’éthique de la psychanalyse. Séminaire 1959-1960. Seuil. 1986.

[62] Lacan J. « La question préliminaire … » in Écrits. Seuil. Page 575.

[63] Lacan J. Les quatre concepts de la psychanalyse. Séminaire de l’année 1964. Seuil. 1973.