9 juillet 1995
Document de travail
Nous allons reprendre notre travail. Cette année-ci, nous avons eu deux contretemps puisque, hier, Luc Vachet n’a pas pu être là et Jean Triol a aussi un empêchement, si bien que nous sommes privés du travail de l’un et de l’autre. C’est pour nous bien dommage et je sais que eux aussi regrettent de ne pas pouvoir être présents.
Tout d’abord, je vais dire un mot sur Tours. Je crois que ce qui s’est dit hier, en fait, nous amène à ceci, c’est que les personnes qui sont à Tours, et autour de Tours, ont l’habitude de travailler avec un certain nombre d’autres - d’ailleurs, ça a été la même chose à Biarritz puisque nous avons eu des exposés de deux personnes qui n’étaient pas de l’École Freudienne mais qui travaillaient depuis un certain temps avec leurs collègues de Biarritz. Il en sera de même pour Tours et puis, comme cela a pu se faire, telle ou telle personne pourra être de nos invités. Les choses se font, Jamain et le comité qui a bien voulu prendre en charge l’organisation de ces journées et, pour ce qui est du thème, du travail, tout ceci se met…, est en train de se mettre au point, vous avez eu un certain nombre de personnes qui sont déjà annoncées, proposées, pour apporter leur travail. Donc là, je crois que les choses se passeront bien et que il n’y a aucune raison pour que ce que nous avons vécu lors de nos premières journées provinciales - puisque, en fait, ça été baptisé ainsi dans les dits de Nadin lorsqu’il a présenté ce qui allait se faire à Biarritz - je suis tout à fait sûre que, à Tours, ça se passera de même donc je voulais quand même conclure ce dont nous discutions hier et pour vous proposer, puisque nous n’aurons pas le travail que Triol allait…, devait nous apporter, de parler un peu de la cure avec les enfants.
Nous avions commencé à en discuter, je sais que c’est une question qui est là et qui intéresse bon nombre d’entre nous, non pas parce que ils sont psychanalystes d’enfants - pour moi, je ne sais pas ce que ça veut dire qu’être psychanalyste d’enfants : on est psychanalyste et puis il peut se faire qu’on ait à s’occuper plus d’enfants que d’adultes ou d’adolescents mais je crois que ce qui était au départ, et qui a été maintenu - je ne vois pas pourquoi ça ne le serait pas maintenant - on ne voit pas comment quelqu’un qui…, chez qui, à la fin de sa cure analytique, se trouve là avoir assumé ce qui a été l’aboutissement du travail analytique, d’avoir à assumer ce désir d’analyste, va comme ça dire : « moi, je suis psychanalyste d’enfants » ou d’autres dire : « Ah, je m’occupe que d’adultes ! ». Non ! On est psychanalyste et puis on verra qui reste dans son cabinet ou pas. Mais il y a ce point important et je crois qu’il nous faut absolument le maintenir, c’est que tous doivent faire des cures d’adultes… des cures d’enfants, et prendre en charge aussi des psychotiques. C’est à cela que nous étions arrivés à la fin de la Société Française de Psychanalyse et qui s’est maintenu, je crois, dans une très bonne part, qui s’est maintenu à l’École Freudienne de Paris et, en tout cas, ça n’a jamais été…, jamais Lacan n’a dit qu’on était psychanalyste d’enfants ou je ne sais… On est psychanalyste, on a à faire des cures d’enfants, des cures d’adultes et prendre en charge des psychotiques. Tout ceci…, faire des contrôles et ensuite on voit comment les choses, dans la pratique, se… va se répartir pour chacun de nous. C’est pourquoi le problème de la cure d’enfants nous intéresse tous. Comment peut-on dire qu’il y a, qu’on peut faire une psychanalyse avec les enfants, ça a toujours été une question. Certains ont cru résoudre cela en mettant l’accent sur la pédagogie. Hier, nous avons entendu Depaulis nous parler de Madame Pichon-Rivière - moi je l’avais connue plus sous ce nom et on se demandait si c’était pas la fille de Pichon-Rivière - et puis, en Amérique du Sud, en Amérique latine, je crois qu’on s’était éloigné de la psychanalyse, au nom de je ne sais quoi, de ce qui serait le mieux, le bien pour l’enfant. Est-ce que on peut parler d’une cure psychanalytique pour un enfant ? Est-ce que un enfant peut apporter quelque chose qui peut être reçu comme une demande, demande d’analyse ? C’est-à-dire : est-ce que là il y a un sujet, sujet barré, divisé, qui vient avec sa souffrance chez un analyste ? Je crois qu’on peut répondre oui, même si c’est le parent qui l’amène et presque toujours, c’est comme cela. Mais ce n’est pas parce que un parent amène un enfant pour être pris en charge - on dit les choses un peu comme cela parce que, souvent, c’est lorsque le parent se dit que il a bien du mal, lui, à résoudre les difficultés de son enfant qu’on le voit. Est-ce que il ne peut pas y avoir quelque chose que nous, nous pouvons recevoir comme demande de la part d’un enfant ? Et je dis oui, même si les modalités, ce qui fait qu’on peut s’en assurer, diffèrent un peu de ce que l’on trouvera chez l’adulte puisque l’adulte va venir de lui-même, l’enfant, c’est souvent, presque toujours, le parent. Mais c’est pas parce qu’un parent vient avec un enfant que, forcément, on mettra en place une cure analytique. Peut-être qu’on peut, entre nous, essayer de voir ce qui fait, à quel moment, qu’est-ce qui nous permet de dire que là, il y aura, on peut tenter une cure analytique. Ça veut dire aussi : qu’est-ce qu’il y a à dire à cet enfant ? Puisque, si cure analytique doit se mettre en place, ça ne veut pas dire du tout que c’est accéder à la demande du parent qui a telle visée sur l’enfant, ce qui serait le bien de l’enfant, ça veut pas dire ça du tout. Il y a ceci et comment faire en sorte que cet enfant qui, de toute façon, ne peut pas prendre en charge ce que représente le coût de sa cure, comment, qu’est-ce qu’il y a à faire pour nous pour que, là, quelque chose se dise qui permette que ce travail ne soit pas, au départ, vicié ? Et puis, comme on est bien obligés de reconnaître que cet enfant qui vient est loin d’être un être indépendant parce que il faut bien dire que il dépend pour sa vie de ses parents, que il y a à tenir compte des parents ; comment tenir compte des parents ? Et, chemin faisant, puisque la question de la castration se posera forcément pour cet enfant, avec ce qui peut être au bout, d’une certaine autonomie, comment tout cela peut-il être géré ? Et enfin, à quel moment pouvons-nous saisir, entendre quelque chose qui serait que la cure est arrivée à un point où un terme peut être mis, apporté ? Et…, et s’il s’agit d’une cure analytique, est-ce que là, quelque chose sera marqué, comme pour l’adulte, qui est de l’ordre du désir d’analyste ? Je ne vois pas pourquoi on ne se poserait pas les questions, et on se les poserait de cette façon-là. Alors, si vous le voulez bien, nous pouvons peut-être comme cela, parler de ces différents points, ou d’autres que vous, vous avez à l’esprit. Mon Dieu, ce n’est pas toujours nécessaire d’avoir toujours tout bien préparé pour que il puisse y avoir échanges, échanges fructueux entre nous. Je sais que cette question intéresse presque tous ici. Est-ce que vous acceptez que nous essayions d’en débattre ?
Pardon ?
Danielle Chouraqui ? :
Oui, moi, ça me semblerait intéressant mais j’ai posé plusieurs fois le problème de la cure d’adolescents, qu’est-ce que c’était une cure d’adolescent ? Vous savez qu’il y a tout une partie des psychanalystes qui font des journées sur l’adolescent, des psychanalystes d’adolescents, et donc j’aurai aimé qu’on puisse, de temps en temps, dans l’École, parler des enfants bien sûr, c’est extrêmement intéressant, mais aussi des adolescents.
Solange Faladé :
Oui bien, écoutez, peut-être que vous avez quelque chose déjà à nous en dire puisque, autour de vous, nous avez pu…
Danielle Chouraqui :
C’est-à-dire que, travaillant en institution avec des adolescents, bien sûr je partage tout à fait votre point de vue qu’être psychanalyste, c’est pas être analyste d’enfants ou d’adolescents ou d’adultes mais moi, je me trouve confrontée à des équipes qui pensent différemment.
Solange Faladé :
Alors qui pensent quoi ? C’est le moment…
Danielle Chouraqui :
Qui pensent que l’adolescence est un moment très précis, avec des pathologies très précises, et qui pensent que on est, tout de même, psychanalystes d’adolescents. Vous le savez, il y a tout un courant et chez les psychanalystes et à l’Université, tous ces gens qui se réunissent et qui causent adolescence comme quelque chose qui n’aurait rien à voir, en fait, avec l’enfance et avec la maturité. Donc, j’aimerai que plus souvent… Vous savez que j’ai travaillé longtemps dans ce groupe de psychanalyse appliquée aux enfants et c’est vrai que j’aimerai avoir le point de vue de l’École par rapport aux adolescents parce que je pense qu’effectivement, il y a un certain nombre de choses qui se jouent à l’adolescence, bien sûr, normalement si j’ose dire et donc, savoir, par rapport à tout ce que j’entends, à ce discours ambiant dans lequel je suis baignée et auquel je fais face, je peux assumer mais je suis en contradiction totale par rapport à tout ce qui se dit dans les institutions dans lesquelles je suis. J’aimerai entendre parler plus souvent des adolescents dans l’École.
Solange Faladé :
Oui mais est-ce à dire que ces personnes se présentent comme étant psychanalystes d’adolescents, un point c’est tout ?
Danielle Chouraqui :
Pas un point c’est tout mais spécialistes de l’adolescence, oui.
Solange Faladé :
Oui alors ça veut quoi dans leur pratique et dans ce qu’ils en disent ?
Danielle Chouraqui :
Dans leur pratique, ça veut dire traumatisme à l’adolescence.
Solange Faladé :
Ça veut dire que les autres psychanalystes n’ont pas à recevoir aussi des adolescents ?
Danielle Chouraqui :
Non, mais ils sont mieux à même, selon eux, de traiter ces cas, ayant davantage de patients adolescents et ils vont beaucoup plus loin, vous savez, dans la théorie.
Solange Faladé :
Justement, faîtes-le savoir…
Danielle Chouraqui :
Pour certains, à l’hôpital de jour où j’ai des adolescents, il ne s’agit pas forcément…, il y a bien sûr pour certains…, ils reconnaissent les psychoses infantiles mais, pour d’autres, c’est ce concept qui circule dans les milieux que je fréquente - je ne dirai pas par force mais c’est comme ça - du traumatisme à l’adolescence. Et ça, j’aurai aimé entendre un autre son de cloche. Je le connais le son de cloche mais j’aurai aimé qu’on puisse en discuter à l’intérieur de l’École pour être, disons, plus au clair.
Solange Faladé :
Enfin, vous avez parlé de psychose infantile, ça méritait aussi qu’on puisse s’y arrêter parce que on fait beaucoup plus souvent état de psychoses chez l’enfant qu’il n’y en a, hein, parce qu’il y a beaucoup moins de psychoses infantiles qu’on ne le dit, m’enfin, nous n’allons pas, puisque c’est la question de l’adolescence qui se pose à vous, ce traumatisme de l’adolescence, c’est quoi ? Qu’est-ce qu’ils veulent dire par là ?
Danielle Chouraqui :
Décompensation à l’adolescence.
Solange Faladé :
Oui m’enfin, est-ce que c’est l’adolescence qui fait qu’il y a cette décompensation et pourquoi, si c’est l’adolescence, il y a cette décompensation ? Et quel type de décompensation ?
Danielle Chouraqui :
J’ai du mal à vous répondre, ne partageant absolument pas ce genre de théories, donc je ne peux que vous rapporter le discours dans lequel je baigne. Mais pour tous ces congrès et toutes ces synthèses auxquels j’assiste, cette décompensation à l’adolescence, c’est parce que l’adolescence est un moment dans la vie particulier et, à ce moment-là, il y a tout un remaniement physiologique, psychique, etc. qui amènerait une décompensation à l’adolescence. Je ne fais que rapporter avec des guillemets…
Solange Faladé :
Mais alors cette décompensation, ça veut dire qu’à l’adolescence, ce serait toujours le même type de décompensation qu’il y aurait ?
Danielle Chouraqui :
Non, ce serait alors dans ce cas, on pourrait avoir décompensation psychologique avec entrée dans la schizophrénie et quelques… alors là évidemment comme toujours, les cas, on ne sait pas bien, et après-coup on est dans les névroses parce que, apparemment, c’était pas une psychose. Mais, pour la plupart, ce serait ce qu’ils appellent entrée dans la psychose.
Solange Faladé :
Écoutez, là, je crois que, si on s’en réfère à ce que Lacan essentiellement a apporté, je pense qu’on trouve aussi chez Freud un certain nombre de textes qui nous permettent de réfléchir sur cela, enfin le… Pourquoi pas à l’adolescence, c’est-à-dire au moment où la question de la sexualité se traduit d’une façon qui n’a rien à voir dans certains cas avec la sexualité infantile, encore que cette sexualité infantile, il a fallu Freud pour qu’on puisse en savoir quelque chose. Si il y a quelque chose qui peut être pointé à l’adolescence, ça peut être, effectivement, autour d’une décompensation, d’une éclosion d’une psychose, c’est-à-dire que la structure était là mais rien ne permettait jusqu’à ce jour d’en savoir quelque chose.
Danielle Chouraqui :
Et si vous voulez, je me rends compte que ce qui est pour nous évident et est donc devenu pour moi évident, c’est-à-dire : « la structure était là », est un discours qui, à l’extérieur, enfin dans les institutions, « la structure était là » est un discours qui paraît absolument venir de la planète Mars.
Solange Faladé :
La seule question que l’on peut se poser, c’est pourquoi plus à l’adolescence qu’à l’âge adulte et en général, à l’âge infantile, si on centre les choses autour de la puberté, de l’éclosion d’une certaine sexualité adulte, à ce moment-là, on peut saisir pourquoi cette structure qui jusque là était là se fait connaître à ce moment-là. Bon, y a-t-il une façon particulière de prendre les cures d’adolescents ? Faisons une part… enfin… différente, pour les cures, pour cette décompensation qui révèle une psychose à l’adolescence, qu’est-ce qu’il y aurait de spécifique dans une cure d’adolescent, si on veut que cette cure soit analytique ? Peut-être qu’on peut poser la question comme ça. Qu’en pensez-vous ?
Thérèse Delafontaine :
On sent que il y a un point important qui n’a pas été assez délimité, c’est que il y a des traitements qui se font en institution et des traitements qui se font dans le privé. Je crois que cela ne se pose pas du tout de la même façon. En plus, c’est vrai, pour faire écho un peu à ce que dit Danielle Chouraqui, je crois que l’inadaptation sociale est encore plus marquée au moment de l’adolescence et c’est pour ça que c’est surtout en institution qu’on le trouve parce que c’est effectivement des patients qui n’ont rien à nous dire, qui sont encore au lycée. C’est peut-être pour ça que c’est spectaculaire. Mais, de toute façon, ce que je voulais dire, c’est qu’on ne peut pas tout de suite engager le débat sans penser que c’est quand même pas tout à fait de la même façon, en tout cas c’est rarement possible ce que soit de la même façon, qu’on puisse avoir, qu’on puisse entraîner dans un traitement analytique un sujet en train de devenir adulte si c’est dans le privé qu’il s’adresse, lui-même ou les parents, ou dans une institution. Ce sont des problèmes assez différents qui se posent.
Solange Faladé :
Vous avez raison de le souligner et de le faire savoir tout de suite. Moi je vais poser une question : est-ce que, dans une institution, telles que les choses sont prévues actuellement, est-ce qu’il peut y avoir une cure analytique ? Je pose tout de suite la question.
Thérèse Delafontaine :
Ça dépend desquelles.
Solange Faladé :
Alors, c’est quoi, lesquelles ?
Thérèse Delafontaine :
Ben je pense que dans certaines institutions qu’on appelle, je ne sais pas si c’est le bon terme, C.M.P.P., où il y a des cures ambulatoires, je pense qu’effectivement là, on peut à peu près travailler, de la même façon qu’on le fait en privé.
Solange Faladé :
Alors, le à peu près ?
Thérèse Delafontaine :
C’est-à-dire qu’on n’est pas entièrement libre de… Il y a la question de l’argent qui entre en compte.
Solange Faladé :
Ben oui, c’est pas une…
Thérèse Delafontaine :
Oui il y a la question de l’argent mais sinon, en dehors du problème de l’argent, il n’y a pas… les parents sont concernés, l’enfant peut faire la démarche seul ou avec les parents, toutes les différentes façons d’approche peuvent coexister dans certaines cures ambulatoires.
Solange Faladé :
Est-ce que vous avez déjà vu des cures qui n’étaient pas ambulatoires ?
Thérèse Delafontaine :
Bien sûr, dans les institutions, ce n’est pas du tout…
Solange Faladé :
Dans les institutions… les institutions veut dire les internats ?
Thérèse Delafontaine :
Mais même les externats. L’ambulatoire, l’enfant vient, à une heure prévue, comme il va chez un analyste, un thérapeute dans le privé.
Solange Faladé :
Bon. L’externat, c’est : l’enfant est là dans la journée et on va le chercher ?
Thérèse Delafontaine :
Et bien oui…
Solange Faladé :
Écoutez, je veux savoir « l’ambulatoire ». L’ambulatoire, c’est forcément quelqu’un qui vient et qui s’en va. C’est entendu qu’à une certaine heure, il devra venir ?
Thérèse Delafontaine :
Il y a une heure qui est choisie avec lui.
Solange Faladé :
Oui, c’est ça, il vient ou il vient pas, hein, parce que il y a en a qui oublient simplement de venir. Même quand c’est entendu, il arrive que l’enfant oublie carrément de venir à sa séance. Par rapport à l’ambulatoire…
Thérèse Delafontaine :
C’est ça, il peut faire ça, il peut ne pas venir, il n’est pas pénalisé pour ça.
… Échanges inaudibles…
Alain Depaulis :
Ça se fait quand même de moins en moins. De plus en plus, il est privilégié une démarche de l’extérieur de l’institution. Nous arrivons même à avoir, entre guillemets, des doubles prises en charge de la sécurité sociale où il y a des enfants qui sont reçus en I.M.P., en internat et qui, pour une démarche psychothérapique voire psychanalytique, quel que soient les intervenants, la démarche se fait à l’extérieur, soit en C.M.P., soit en C.M.P.P.
Danielle Chouraqui :
Oui mais tu as tout de même des analystes en institution qui ont un certain nombre d’heures, si j’ose dire, et qui sont nommés analyste de l’institution et qui ont ce titre et qui ont pour seule fonction de prendre les adolescents en analyse.
Question :
Dans un groupe qui est à l’extérieur de l’institution !
Danielle Chouraqui :
Non, à l’intérieur.
Alain Depaulis :
Ça ressemble à rien !
Danielle Chouraqui :
J’ai pas dit que ça ressemblait à quelque chose, je vous donne la description de ce qui est…
Alain Jamain :
A la question de madame Faladé : « y a-t-il de l’analyse possible dans une institution ? », au sens où vous le décrivez là, je dirai qu’il me semble qu’il y a une question qui se pose juste après, une question corollaire, une question subsidiaire, c’est : « les dites institutions sont-elles analysables ? ». C’est ça la question et il me semble que ça rejoint, qu’on rejoint par là cette difficulté à laquelle vous vous heurtez lorsque vous parlez de structure parce que, lorsque vous parlez de structure, vous n’interrogez pas seulement la pathologie d’un enfant ou d’un adolescent, vous interrogez également… vous… vous avez interrogé votre propre structure, pour en venir à poser les choses en ces termes mais, de ce fait, vous interrogez, sur ce point, implicitement, les autres intervenants hein et donc les résistances sont là et il y a, du fait d’une institution…, ce sont non seulement donc des résistances qui existent depuis Freud au discours analytique mais ce sont de surcroît des résistances, moi je dirai de nature politique ou idéologique, institutionnelles au sens large du terme. Peut-être qu’il peut y avoir de la psychanalyse dans les institutions, à condition que ces institutions soient elles-mêmes analysables, je dirai même elles-mêmes en analyse, c’est-à-dire que ce soit… que le discours analytique ait sa place dans le projet thérapeutique ou pédagogique, soit même le ressort, sinon ce n’est pas la peine. En tout cas, c’est mon point de vue.
Solange Faladé :
Oui, mais alors, le discours analytique, quel serait le sujet de ce discours analytique ? Si c’est le discours analytique qui doit être là, qui court dans l’institution, quel en est le sujet ?
Alain Jamain :
Le sujet, c’est de faire en sorte que… enfin, cet aspect du discours analytique qui conduit l’analyste à prendre une certaine position, à garantir un certain protocole, à mettre en place un certain dispositif, n’est-ce pas, qui peut se transposer effectivement dans un objet qui est d’accueillir le discours du patient et l’inconscient. Ça peut se transposer au niveau d’un milieu thérapeutique mais c’est très rare et c’est très difficile.
Solange Faladé :
Oui parce que là, je crois que c’est, cette institution pense pouvoir permettre que des cures analytiques puissent se faire et puis voilà. Si c’est pas le cas, je ne vois pas quelle analyse on peut faire de l’institution ! En tout cas, si l’on veut appliquer ce qu’est le discours analytique tel que Lacan nous l’a épinglé, c’est-à-dire un sujet qui viendrait, qui mettrait au travail, et qui mettrait au travail auprès d’un analyste qui y serait en position de semblant, support de petit a, et qui ferait que sa désaliénation puisse se faire, est-ce que l’institution peut…, on peut dire que il faudrait qu’elle soit analytique, pour l’institution ? N’est-ce pas tout simplement que l’institution pense pouvoir faire ce qu’il faut pour que des cures analytiques se fassent ?
Alain Jamain :
Oui, on peut dire plutôt comme ça.
Solange Faladé :
Bon. Même quand c’est comme ça, est-ce que des cures analytiques peuvent se faire ?
Alain Jamain :
Pour que ce soit comme ça, c’est un travail énorme qui mobilise des résistances absolument terribles.
Alain Depaulis :
Je crois que c’est un débat très important et très actuel, parce que vous savez que, dans le prolongement des I.M.P. / I.M.E., il y a actuellement la création des SESSAD et qu’il y a actuellement une question qui est posée au niveau des SESSAD, qui consiste à reproduire - les SESSAD, c’est les Services de Soins et d’Éducation Spécialisée À Domicile - c’est-à-dire que les enfants qui autrefois étaient orientés vers les I.M.P. sont sensés pouvoir être reçus grâce à un dispositif de soin, l’enfant étant maintenu dans son milieu familial, à l’école, il est parallèlement accompagné par un service, donc par un SESSAD, et le problème est qu’actuellement, au niveau des C.C.P.E., on a de plus en plus tendance à préconiser des solutions SESSAD qui consisterait à apporter une réponse éducative. Or, d’après la législation, d’après les textes, le SESSAD peut permettre qu’il y ait un travail de partenariat, à savoir qu’un enfant reçu dans un service de soins et d’éducation spécialisée à domicile peut, en même temps, bénéficier d’une démarche chez un psychanalyste privé, chez un psychiatre privé, dans un C.M.P., dans un C.M.P.P.. Et là c’est très important parce qu’on arrive, au niveau de certains départements, à avoir des notifications qui vont précisément demander, mandater un service pour aider une famille à prendre conscience qu’il y a une souffrance psychique à l’origine des troubles de l’enfant et donc arriver à susciter une démarche en consultation. C’est-à-dire que l’institution, le SESSAD, ne fait pas la psychothérapie. Elle est le tremplin qui permettra à la famille de faire la démarche.
Question :
Depuis quand ça existe les SESSAD ?
Alain Depaulis :
Et bien, le SESSAD, c’est issu des lois, des circulaires sur l’intégration de Savary en 82, 83 et, depuis un an, il commence à être en pratique dans tous les départements, nous en avons créé un à Guéret et justement, l’important, c’est de maintenir absolument, dans les SESSAD qui se créent, cette idée de partenariat. Parce que, bien sûr, il y a des SESSAD qui se prétendent être des lieux de psychothérapie. Il faut absolument y faire obstacle. Je crois que c’est possible, les textes le permettent. Le problème se pose au niveau du financement, mais ça, c’est autre chose.
Question :
Si on arrive à faire prendre conscience aux parents qu’il faut une analyse, ça veut dire qu’ils prendront en charge financièrement une analyse ?
Alain Depaulis : Et bien oui, effectivement, ils peuvent choisir. Le partenaire peut être un partenaire privé ou un autre partenaire… C’est eux qui choisissent. Entendons-nous bien ; s’ils choisissent d’aller faire une démarche chez un psychanalyste privé, c’est eux qui assument les frais. S’ils choisissent d’aller en C.M.P., on sait bien que c’est un service public et que c’est gratuit, s’ils vont en C.M.P.P., c’est pris en charge par la sécurité sociale.
Solange Faladé :
Oui m’enfin, ça nous éloigne quand même pas beaucoup de ce qui est essentiel parce que des cures, même ambulatoires, dans les centres, on peut se demander si, véritablement, on met en place quelque chose qui est de l’ordre d’une cure analytique. On sait très bien que venir voir quelqu’un, quelqu’un qui en principe est neutre, et là pour recevoir ce qu’on a à dire, on n’en tire toujours profit. Ça vaut toujours mieux… Est-ce que c’est un critère suffisant pour dire que, ben il y a de l’analyse qui va se mettre en place parce que la personne vient, est reçue, est écoutée et puis bon, il y a tous les problèmes de financement qu’on n’a pas soulevés encore, mais on donne souvent comme justification de ce qui se fait là, c’est que : « Ah, ça va beaucoup mieux, vous savez, depuis que on voit monsieur Untel ou madame Unetelle, mon enfant va mieux… ». Est-ce que c’est véritablement quelque chose qui a à voir avec la psychanalyse qui se fait, d’une part, d’autre part, est-ce que, en fait, ce n’est pas ce qui frappe en définitive, une psychanalyse ne pourra jamais se faire… ?
Thérèse Delafontaine :
J’ai envie de vous dire : Ça, c’est une forme de langue de bois, les parents quelque fois se sentent un peu obligés de parler, soit en plus, soit en moins, mais ça n’a rien à voir, me semble-t-il, comme critère de ce qui se passe dans une analyse. Il y a un engagement… de vérité dont on ne peut pas se rendre compte s’il existe…
Solange Faladé :
Vous faites bien de parler de la vérité et vous avez raison. Alors, puisque vous parlez de langue de bois, alors parlez-moi avec un discours où…
Thérèse Delafontaine :
Je crois que de dire que « ça va mieux… », c’est comme un discours qui se tient dans la salle d’attente, entre les parents.
Solange Faladé :
Pas du tout ! C’est pas du tout comme un discours qui se tient dans la salle d’attente avec des parents ! C’est quand même pas la même chose. En principe, avec des parents dans la salle d’attente, des parents portent un jugement. Oui mais l’analyste, celui qui est là en position d’analyste et qui est là pour recevoir, n’en porte pas ! Et ça fait toute la différence, puisque vous parlez de langue de bois…
Thérèse Delafontaine :
C’est pas l’analyste qui a dit ça. J’ai dit que, ce que je voulais dire…, c’est nullement en tant que critère de ce que ça va mieux, que ça va moins bien que l’analyse se poursuit, une cure avec un sujet qui vient, c’est une cure d’enfant, avec les parents qui l’accompagne ou qui ne l’accompagne pas, il se fait un travail et autour de ce travail, parfois, puisque c’est dans une institution, que dans une institution ils savent que ils ne sont pas seuls et qu’ils sont amenés quelque fois à parler à des personnes qui sont autour, qui sont là, quelque fois des propos s’échangent du genre : « ah, ça va beaucoup mieux depuis qu’il vient… ». Moi, j’aurai plutôt rapprocher ce que vous venez de dire de ça, plutôt que le véritable critère de ce qui se passe, il me semble que ce n’est pas dans ces termes-là que c’est exprimé.
Solange Faladé :
Écoutez, vous dites qu’il y a un travail qui se fait et je suis d’accord avec vous. Toute la question que nous nous posons, c’est de savoir si c’est analytique.
Thérèse Delafontaine :
C’est un travail analytique.
Solange Faladé :
Alors justement, c’est en cela que je voudrai qu’on puisse dire pourquoi c’est analytique.
Thérèse Delafontaine :
Mais c’est un travail analytique parce que l’enfant prend en charge sa demande, se cherche, qu’un discours… que quelque chose de l’ordre de l’inconscient peut s’exprimer, qu’il n’y a aucun jugement qui est porté sur ce qu’il fait et que, peu à peu, l’enfant en vient à évoquer soit quelque chose qui est rationnel, soit quelque chose qui ne l’est pas du tout et que, peu à peu, il s’y retrouve, je dirai.
Solange Faladé :
Oui, écoutez, ce n’est pas que je suis là pour démolir ce qui se fait, je suis là pour qu’on puisse dire : c’est quoi ce qui se fait ?
Elisabeth Boisson :
Lorsque vous posez la question y a-t-il psychanalyse ou pas, ou c’est simplement une amélioration des symptômes, quand vous posez cette question-là, ça suppose que… on arrive à ça, il y a un terme fixé.
Solange Faladé :
Depuis quand ai-je parlé d’un terme fixé ?
Elisabeth Boisson :
Non, c’est moi qui dit ça.
Solange Faladé :
Tout à l’heure, j’ai pris soin de dire : si du travail se fait, et qu’il est analytique, où est-ce que ça nous mène ? Est-ce que ça va nous mener à quelque chose qui est dans ce que les parents souhaitent et espèrent pour l’enfant ou est-ce que ça va nous mener à un point où ça n’aura rien à voir avec ce que le parent souhaitait ?
Alain Depaulis :
Ça pose d’ailleurs la question lorsque… vous faisiez bien la différence tout à l’heure entre cette demande que vous renvoie les parents et ce que nous, nous allons nous efforcer de savoir : si l’enfant lui a un sens de son mal-être et si il a une demande pour lui. Mais, au bout du compte, lorsqu’on engage un travail avec l’enfant, qu’est-ce qui va faire sens ? Est-ce que ce n’est pas, finalement, la demande des parents ? Sur le travail qui va se faire, qu’est-ce que c’est qui va articuler le travail, est-ce que c’est la demande de l’enfant ou celle que les parents sont venus apporter ?
Thérèse Delafontaine :
Il va se dégager de la demande des parents, il va le faire, il va découvrir la sienne…
Alain Depaulis :
D’accord Thèrèse mais…
Question :
Vous avez parlé du paiement symbolique et de la question…
Solange Faladé :
Écoutez, je crois qu’on arrive là à quelque chose puisque vous le soulevez…, je pensais qu’on y viendrait. Qu’il se dégage de la demande du parent, oui parce que, tant qu’il ne s’est pas dégagé de la demande du parent, il faut bien dire qu’on ne peut pas recevoir ce qui nous vient de l’enfant comme quelque chose qui est de l’ordre de sa demande à lui. Donc, nous avons tout un travail préliminaire à faire.
Thérèse Delafontaine :
Il fait avec la demande des parents et il s’y retrouve. Il se retrouve dans sa propre demande. Il est au courant de ce que ses parents sont venus demander et après un travail se fait où il devient lui…, il pose véritablement lui sa problématique.
Solange Faladé :
Alors, par rapport à la demande des parents, parce que là je crois qu’il y a quant même quelque chose, il y a à savoir comment prendre en compte la demande des parents. Mais nous risquons de tout embrouiller si…
Question :
Il y a aussi la demande de l’institution. La demande de l’institution et la demande des parents qui peut être une non-demande : Comment l’enfant se débrouille avec tout cela ?
Alain Jamain :
Est-ce qu’on ne pourrait pas, pour recentrer un petit peu les choses, partir d’une constatation clinique sur laquelle peut-être on s’accordera, à savoir que le travail analytique avec un enfant produit des effets, lorsque quelque chose se passe - il peut ne rien se passer - mais dans le cas où quelque chose se passe, et de l’ordre de la psychanalyse, nous constatons que ce travail-là produit des effets pas seulement de côté de l’enfant, du côté de son devenir à lui, mais aussi des effets dans l’entourage, l’entourage dont il est dépendant. Donc on a à prendre cela en compte bien sûr, et c’est une des difficultés de l’analyse avec les enfants, c’est ce ça que c’est parti, mais, donc, à supposer maintenant que nous soyons en train de parler d’un enfant qui dépend à ce moment-là d’une institution, parce que cela existe, hein, nous serons amenés à prendre en compte également les effets du travail analytique avec un enfant, ou avec plusieurs bien sûr, sur l’ambiance et les relations de travail au niveau de l’institution. C’est ça que je voulais dire tout à l’heure, si vous voulez. Est-ce qu’une équipe ou un collectif de travail est prêt à accepter des choses comme cela ou non ?
Danielle Chouraqui :
C’est évident parce que une institution dans laquelle il y a des analystes qui fonctionnent et qui vont faire des cures d’adolescents, il est évident que tout le monde sait que une cure va avoir des répercutions sur l’entourage immédiat et il est souhaitable et souhaité, et c’est souvent dans les faits que la famille est aussi prise en charge, pas forcément par l’analyste de l’enfant mais par quelqu’un d’autre dans l’institution qui va prendre en charge soit un frère soit une sœur, soit …changement de cassette… dans l’institution ou bien ils peuvent aller à l’extérieur par ce que souvent, ils arrivent à l’Hôpital de jour avec déjà un psychanalyste à l’extérieur et il est bien évident qu’on ne leur dit pas de lâcher celui qu’il a à l’extérieur pour venir… Bon. Donc il a la personne à l’extérieur ou, quelque fois, on est même amenés à l’envoyer à l’extérieur. Donc chaque cas est un cas…
Alain Jamain :
Donc, dans ce que vous venez de reprendre, il n’apparaît pas du tout la question des effets réels produits par le travail analytique auprès d’un enfant sur la dynamique institutionnelle, sur les relations de travail et sur les affects, si vous voulez, des autres intervenants.
Danielle Chouraqui :
Ça nous amènerait trop loin de parler des affects…, enfin, cela nous amènerait dans toute la psychose institutionnelle, si j’ose dire, et ça c’est un sujet tellement vaste d’essayer de voir les rapports entre le fait que les adolescents ou les enfants sont en analyse et les répercutions sur l’équipe, c’est-à-dire sur les membres de l’équipe, s’il y a des conflits dans toutes les équipes, parce qu’il y en a dans toutes les équipes, c’est bien parce qu’il se passe quelque chose que chaque équipe essaie de résoudre à sa manière.
Solange Faladé :
Revenons à notre sujet. Est-ce que, oui ou non, lorsque nous prenons un enfant en cure, et que nous disons que c’est une cure analytique, est-ce que peut s’écrire ce que Lacan nous dit être le discours analytique ? C’est-à-dire que l’enfant, ce sujet, est venu avec sa demande, avec ce qui est de sa souffrance, on pense que, effectivement, il peut être à cette place de travail, que ce sera reçu par celui-là qui sera en tant que semblant, d’objet a, et que il va produire des S1 qui l’aliénaient, c’est-à-dire qu’il va se désaliéner et que quelque chose du savoir de cette aliénation va pouvoir être saisi par lui et, en position de vérité, avec ce que de la vérité ne peut pas tout se dire, est-ce que, oui c’est ça que nous faisons, effectivement, quand nous prenons un enfant et que nous disons : c’est une cure analytique.
Thérèse Delafontaine :
C’est pas du tout impossible.
Solange Faladé :
Mais justement alors, parlons-en ! Je ne dis pas que ce ne soit pas possible, je dis : dans quelle mesure c’est possible ? Et qu’est-ce qui nous permet de dire que cela a été possible. Je crois que c’est ainsi que nous parlons des choses. Parce que, lorsqu’on avait pensé apporter quelque… enfin aider les enfants, dans les centres psychopédagogiques, ça a été quand même beaucoup pour ne pas tenir compte, et je ne vois pas comment on pouvait le faire, de ce savoir qui pourrait venir en position de vérité puisse être pris en charge, non seulement par l’enfant mais forcément par le parent. Alors, c’est sur ça que je voudrai que nous puissions discuter.
Elizabeth Boisson :
Je voudrais poser la question : quel est le terme d’une cure d’enfant ? Parce que le débat, ça peut aller jusqu’où ? Parce que, quand vous parlez qu’il n’y a qu’amélioration des symptômes, c’est-à-dire que on doit aller jusqu’où ? La question de ce terme…
Solange Faladé :
Justement, c’est bien la question que j’ai posée aussi au départ. Est-ce que quelque chose qui serait de l’ordre de ce que nous appelons une fin possible d’analyse qui ferait que du désir d’analyste serait là, existe, saisi par un enfant, avec ce que ça veut dire, ce désir d’analyste. Est-ce que c’est à cela que nous pensons arriver ?
Danielle Chouraqui :
Par rapport à cette question que vous posez très précisément, je répondrai à la fois : oui et non.
Solange Faladé :
Alors, dites-moi pourquoi ?
Danielle Chouraqui :
Uniquement par cas individuels. C’est absolument impossible de répondre d’une manière générale, il faudrait prendre un cas clinique et se dire, que, par rapport à ce cas clinique, et développer évidemment l’argument, par rapport à un cas clinique où on pense qu’effectivement, il y a eu un travail analytique et vous donnez un autre cas clinique où on pense que…
Solange Faladé :
C’est forcément du un par un. Est-ce que… Disons, prenons un enfant de sept, huit, neuf, dix ans, un enfant qui vient et qu’on pense que sa demande peut être reçue comme une demande d’analyse, c’est-à-dire avec ce que de la castration, il aura à assumer au bout, est-ce que, pour cet enfant-là, le discours analytique s’étant mis en place, on arrivera à quelque chose qui fera que le désir d’analyste, pour lui, aura été inscrit à la fin de sa cure ? Je crois qu’il faut dire les choses comme ça. Je ne dis pas qu’il n’y a rien à faire mais je dis que, au moins, sachons ce que nous faisons ! Comme dit Lacan : nous ne comprenons pas, ça n’a pas d’importance, au moins, sachons ce que nous faisons.
Thérèse Delafontaine :
Je trouve que, même encore comme cela, comme vous dites en le simplifiant, en allant à l’essentiel, il y a quelque chose dont on ne tient pas compte, c’est que, pour que cet enfant puisse faire ce travail, il faut que les parents soient capables d’accepter que l’enfant en vienne à cela.
Solange Faladé :
Alors donc, c’est bien pour cela que je vous dis…
Thérèse Delafontaine :
Donc, c’est tout l’intérêt et toute la difficulté, dans la psychanalyse d’enfant parce qu’effectivement, avec un adulte, on a affaire à ses fantasmes tandis que, quand on a affaire à un enfant, on a affaire à l’enfant et à sa famille. Et que il faut faire en sorte que l’enfant puisse faire son travail et il faut aussi combiner à chaque cas de quelle façon les parents, effectivement, sont prêts à laisser l’enfant devenir adulte, franchir… enfin se poser la problématique de… et souvent ce n’est pas le cas, on y va progressivement…, cela ne veut pas dire, je crois, que ce n’est pas un travail analytique mais il y a plein de préliminaires avant que on arrive peut-être à ce niveau-là. Il est dépendant de ses parents.
Solange Faladé :
C’est bien à cela que je voulais qu’on arrive. Écoutez, les choses ne vont bien, dans ce que nous faisons, qu’en les disant. Alors donc, je ne voit pas comment on peut dire que cette demande peut être reçue comme cela tant que ce qui l’aliène, et ce qui l’aliène a à voir avec les parents, on n’y a pas touché aussi du côté des parents. Alors donc, que faisons-nous avec les enfants ? On les prépare, on les… mais est-ce que l’on peut dire que nous faisons…
Thérèse Delafontaine :
Pendant tout un temps, on aménage un espace pour que cela devienne possible. C’est-à-dire qu’on reçoit d’abord les parents, pour que les parents évoluent - soit nous, soit ailleurs - et puis, quand les parents sont prêts à permettre à l’enfant un espace de vérité, qu’on a à le faire effectivement connaître, à apprécier peut-être et, peu à peu, effectivement, il lui deviendra possible de s’inscrire. Mais quelque fois, c’est pas tout de suite.
Solange Faladé :
Le tout de suite, ça n’a aucune espèce d’importance, les entretiens préliminaires prennent…
Thérèse Delafontaine :
Je crois que jamais, la dimension analytique n’est exclue, seulement quelque fois, ça prend du temps.
Solange Faladé :
Oui, non mais, de toute façon, que ce soit avec une écoute analytique que nous prenons ceci en charge, mais est-ce que là, prendre le temps de…, ces préliminaires, ce temps préliminaire, forcément que nous avons à le faire. Est-ce qu’à un moment, on peut dire qu’effectivement, cet enfant-là va faire une cure analytique ? Que le travail qui s’est fait avec les parents a été tel que il y a pour l’enfant, comme vous dites, je reprends votre mot de « possible », et je crois que c’est un bon mot que vous employez, possible que une cure analytique puisse se faire ? Avec les exigences qu’il y a pour une cure analytique, avec le fait que cet enfant, même si la structure est déjà-là, c’est quand même pas pour rien que Lacan a pris soin, dans la mise en place de ce sujet et de cette synchronie signifiante, a pris soin de dire qu’il y a aussi la diachronie. Alors, qu’est-ce que nous pouvons faire ? Je ne dis pas que nous ne pouvons pas faire quelque chose. Je ne dis pas que ce ne serait pas quelque chose qui ne serait pas valable, ce n’est pas ça parce que, à ce moment-là, je ne vois même pas pourquoi on en parlerait. Qu’est-ce que nous pouvons faire avec un enfant, puisque je prends un âge où on peut dire encore que c’est un enfant, qui puisse se dire être une psychanalyse. Avec tout ses aléas possibles pour lui plus tard ; et avec ce qui, après tout pourquoi ne pas le dire, n’a pas eu maturité encore chez lui. Ce « possible », je le garde.
Marie Lise Lauth :
Est-ce que vous pourriez redire ce que vous avez dit sur le paiement symbolique et puis je voulais ajouter quelque chose parce que tout le monde n’a pas entendu, vous l’avez dit à votre séminaire, je voulais rajouter quelque chose à ce qu’a dit Thérèse sur ce qui fait la différence : il y a l’argent mais il y a aussi que, dans les C.M.P.P., on est complètement tributaires des vacances de l’Éducation Nationale et ça, ça enlève du poids au sérieux du traitement. Alors si on a à faire revenir un enfant qui est très angoissé pendant les vacances par exemple, ou Noël, ou je ne sais pas quoi, c’est quand même marquer quelque chose, ça, ça nous échappe aussi dans les C.M.P.P..
Solange Faladé :
Oui, c’est sûr. Pour ce qui était du paiement symbolique, le paiement symbolique n’est pas de moi, c’est Françoise Dolto qui, à un moment donné dans son parcours, avec quelque chose que je n’ai pas très bien compris, mais je peux le dire très simplement dans la mesure où j’en ai parlé avec elle-même, ce que j’ai dit, que, pour ce paiement symbolique, demander à un enfant de faire un dessin en dehors, qu’il pense à vous, un petit brin de je ne sais quoi qu’il va trouver, un petit caillou, etc. un timbre qu’il, le parcours, il vous l’apporte, en disant bien sûr que les parents payent, on se demande… Moi, pour ma part, je me demande ce que ça veut dire. Ce que j’avais saisi de Françoise Dolto, et que je trouvais que c’était dans la ligne de la psychanalyse, c’était justement, pour cet enfant, de savoir reconnaître que il n’était pas encore en mesure de faire ce qu’il fallait pour que son traitement se fasse, et que c’était ses parents qui prenaient ça en charge et donc, ça rentrait aussi dans sa castration, dans ce qui fait que plus tard il pourra, de même que plus tard, il pourra se trouver une femme, de même que plus tard, etc. Et bien plus tard aussi, il pourra, et dans la dette qu’il avait à l’endroit des siens, il y avait ça aussi, il y avait : les parents ont été comme ils ont été, ils ont été défaillants, tout ce que vous voulez, mais, à un moment, ils ont su reconnaître que il y avait quelque chose là que eux, pour des raisons x, quelque chose qui s’était pas fait, qu’ils avaient à permettre que ça se fasse pour l’enfant, et que ils prenaient ça en charge et l’enfant avait à le reconnaître et ça rentrait dans sa dette symbolique, et ça faisait partie aussi de ce qui était sa castration, de reconnaître que, pour le moment, c’était ainsi que Françoise Dolto nous disait les choses, dans les premiers temps, et ça allait tout à fait dans la cure, dans justement ce qui est l’analyse, et que, plus tard, oui, mais pour le moment, il ne peut pas, c’est…, ça rentre dans ce qui est de sa dette, et, en même temps, tout ceci vient marquer la castration pour lui. Le paiement symbolique, qu’est-ce que vous voulez, il y a aussi le fait que, ben si tu penses à moi, tu me fais un dessin. Il a autre chose à faire que de penser à son analyste… ça suffit comme ça quand il le rencontre et puis, ça lui arrive comme ça, etc. Bon, on ne voit pas… Enfin, il y a beaucoup de choses, je ne veux pas rentrer dans tous les détails de ce qui s’était dit autour de ce paiement symbolique, je crois aussi que chaque séance, il y a une chute et puis ça repart, c’est très important, les scansions des séances, et puis, entre les séances, parfois on pense à son analyste et puis parfois, on n’en aura que faire etc. Alors il y a tout ça qui faisait que je n’étais, moi, pas pour le paiement symbolique, que je trouvais que cela n’avait plus rien à voir avec la voie de la psychanalyse, que… bon.
Alain Jamain :
Cependant, il faut bien que le psychanalyste soit payé, honoré comme disait…
Solange Faladé :
Mais par le parent ! Je le mets dans ce cadre et l’enfant reconnaît que c’est le parent et il vient avec la somme, ça aussi Françoise Dolto nous le disait, le parent confie la somme à l’enfant, parfois il arrivait qu’il allait manger une partie, il allait se payer un gâteau… Ben oui, j’ai déjà vu ça ! Qu’est-ce que vous voulez, c’était à nos risques et périls… !
Annie Biton :
Est-ce que ça ne reste pas toujours mystérieux, ce qui fait qu’un sujet, à un moment donné, effectivement va se mettre en position d’analysant ? Parce que moi, je pensais à certains enfants qui viennent en consultation parce que, visiblement, ils soignent les parents. Je veux dire que le symptôme de l’enfant est là pour marquer quelque chose et tenter de…, à la fois de clore et à la fois d’ouvrir les possibilités d’évolution et il arrive parfois un moment où l’enfant se dégage de cela et, à ce moment-là, ça peut venir en contradiction majeure avec ce que venaient chercher les parents, à savoir continuer à masquer ce qui est leur propre difficulté. Et de là effectivement parfois, il peut se produire que les choses s’arrêtent dans la réalité des faits, parce qu’il y a vraiment défaite... Néanmoins, quelque chose a pu être acquis par cet enfant.
Solange Faladé :
Ah oui, mais je ne dis pas non. Mais entre ce qui est de l’acquis, là, c’est tout un point que Lacan a aussi… dont il a parlé, de ce que de la vérité il y aura quelque chose d’acquis, mais est-ce que ça suffit pour dire qu’il y a cure, ça c’est autre chose. Et ce que vous soulevez là, c’est : qu’est-ce que l’enfant permettaient aux parents, ou à la mère, enfin Lacan, dans la lettre qu’il avait envoyée à Jenny Aubry en disait quelque chose puisque c’est en tant que ce qui est a permet… de ce fantasme de la mère et tout cela… nous aurons l’occasion de le développer une autre fois, mais ce que je voulais aujourd’hui, c’est essayer pour nous de voir ce qui fait qu’on peut dire qu’il y a une cure analytique ou pas chez un enfant. Or là, ce que nous êtes en train de dire, c’est que parfois un travail se fait, qui va peut-être permettre que le doigt soit mis sur ce que cet enfant représente dans l’équilibre pour le parent, et avec ce qu’il y a de difficile à vivre et pour le parent et pour l’enfant, mais que ça ne peut pas aller plus loin.
Annie Biton :
Et parfois, je pense en particulier aux adolescents, les adolescents peuvent se dégager de cela et, à ce moment-là, continuer à travailler mais dans un autre…, dans une autre position, c’est-à-dire que c’est de lui qu’il est question et il vient demander quelque chose pour lui et autrement.
Solange Faladé :
Alors donc, nous sommes déjà dans un autre temps parce que je vous ai dit un enfant de six, dix, douze ans, or là maintenant, nous passons à l’adolescent. Ça veut dire que pendant six ans, sept ans, ça peut arriver, vous avez un enfant en charge et vous faites en sorte qu’un jour, il puisse parler en son nom propre et prendre sa cure en charge. Ça veut dire que pendant six, sept ans, jusqu’à ce qu’il devienne cet adolescent qui s’est dégagé du parent, vous, c’est ça qui… ?
Annie Biton :
Ah non, non, c’est pas ça que je voulais dire…
Solange Faladé :
Alors, c’est quoi, ce que vous voulez dire ? Parce que là, encore une fois, j’ai bien cerné les choses : j’ai dit qu’on a un enfant entre six et douze ans. Un adolescent, les choses se posent différemment. Nous en parlerons de l’adolescence, ne serait-ce que parce que c’est à l’ordre du jour, et qu’on essaie de faire croire que ce que…, quand j’ai parlé à la Salpêtrière, et que j’ai dit que, pour les adolescents, les choses étaient à mettre en place comme pour tout un chacun, j’ai choqué, je le sais bien. Mais bon, enfin… Sérions les choses si nous voulons pouvoir au moins dégager quelque chose de cela. Parce que, ne nous racontons pas d’histoires, si c’est une cure analytique, c’est ça qui doit s’écrire, avec cette désaliénation, avec ce que, par rapport aux parents, par rapport à tout ce qui permet cette construction, ces fantasmes qui permettent à l’enfant de tenir, enfin c’est tout ça qui doit choir. Est-ce que c’est ça que nous faisons avec les enfants ?
Danielle Chouraqui :
Pas toujours, je pense qu’on essaie mais qu’on rencontre de telles difficultés, d’abord des parents qui sont satisfaits parce que ça va mieux et puis ils s’en vont, ou ne peuvent pas aller plus loin, ou ça réveille une grosse pathologie chez les parents et que « Oh mon Dieu, c’est pas la peine, on va en prendre un autre, parce qu’il y a l’institution, parce qu’il y a le poids de l’école, c’est pas ça qu’il faut…, parce que l’institutrice, qu’est-ce ou quoi… ». C’est ce qui fait que c’est très difficile. C’est au cas par cas, des fois c’est possible, des fois…
Solange Faladé :
Je ne vous dis pas non. Alors, quand c’est possible, comment ça se présente ? Il y a tout ce qui fait obstacle, ça, nous le connaissons, même quand ce n’est pas l’institution, même quand l’enfant vient chez nous et tout ça. Alors quand c’est possible, restons dans le possible, et je crois que c’est un mot que nous pouvons garder, les choses se passent comment ? Bien sûr, il n’y a pas de cure-type, c’est pas à moi que vous le direz… Pour l’enfant, ça se passe comment ? Un enfant entre six et douze ans. C’est possible. Qu’est-ce qui se passe ? Est-ce que, effectivement vous pouvez dire, quelque chose de ça (le discours de l’analyste écrit au tableau) va s’écrire, avec cette désaliénation et ce qui, de cette ouverture du fantasme, se fera ?
Thérèse Delafontaine :
Peut-être peut-on prendre les choses à l’envers, en disant : lorsque on engage, lorsqu’on se prête à ce que une cure avec un enfant où on sait que, très facilement, quelque chose de l’ordre du transfert va se mettre en place. A partir de ce moment-là, on a une responsabilité très grande de ce qu’on fait avec ce transfert, quand il sera pris …inaudible…
Solange Faladé :
En quoi ça diffère avec l’adulte ? Par rapport au transfert et ce qu’on en fait du transfert ?
Thérèse Delafontaine :
C’est exactement la même chose. C’est pourquoi, moi, je pense que, quand il y a quelque chose… et quand quelque chose de l’ordre du transfert s’installe et qu’on voit qu’il ne peut pas y avoir un travail, que les conditions de la cure analytique ne peuvent pas être, je crois qu’il faut s’abstenir. Il faut s’abstenir parce que un autre transfert ne pourra plus se faire et se fera de façon totalement différente et que …inaudible…
Solange Faladé :
Parce que ce que vous nous dites là, avec ce transfert, c’est aussi ce qu’on voit chez l’adulte, où dans ce temps, la demande est reçue par l’adulte, du travail se fait, mais ce qu’il y a, ce que ça va être quelque chose de l’ordre d’une identification à…
Thérèse Delafontaine :
On peut arriver à quelque chose de semblable mais qui n’est plus du travail analytique …
Solange Faladé :
Oui parce que si on en reste là, ce n’est pas du travail analytique.
Thérèse Delafontaine :
Donc je crois qu’il faut savoir effectivement, objectivement, repérer ce qui se passe et ne pas continuer la cure de cet ordre.
Solange Faladé :
Donc ça veut dire que vous estimez que le travail analytique ne peut pas se faire ?
Thérèse Delafontaine :
Parfois oui.
Solange Faladé :
Parce que si le travail analytique peut se faire, c’est à ce moment-là quelque chose de cet ordre qui va faire que du désir de l’analyste sera chez ce…, viendra à poindre chez cet enfant et que ce qui est du fantasme, hein, et on sait que les enfants, que du fantasme a à cet âge, et ce que nous en faisons pendant les cures ne pourra plus s’écrire.
Thérèse Delafontaine :
Oui mais admettons, madame, que justement là où vous en êtes, quelque chose ne sera possible, du fait d’un barrage des parents ; l’enfant est très dépendant de ses parents. Qu’est-ce qu’il vaut mieux à ce moment-là ? Lui rendre la vie impossible dans sa famille ou attendre que les parents soient prêts ? Et ne pas se mettre dans un transfert …inaudible…
Solange Faladé :
Donc vous revenez par ce biais-là à ce que je pose au départ, est-ce que, oui ou non, une cure analytique peut se faire pour un enfant ? Est-ce que ce que nous faisons, et que nous disons être de l’analyse, est-ce qu’en fait c’est une cure analytique ?
Question :
Ce que je voulais dire, c’est est-il possible de la terminer, qu’un enfant puisse terminer une cure ?
Solange Faladé :
Justement. Si c’est une cure analytique, je pose la question : Est-ce qu’on va arriver à ce moment où vraiment il y a quelque chose du désir de l’analyste, avec ce que du fantasme va choir, et donc sa relation pulsionnelle sera… va différer. Enfin je crois que, soyons logiques, puisque nous nous servons d’une certaine logique, ce qui est là de cette vérité est-ce que, oui ou non, lorsque nous prenons en charge un enfant entre six et douze ans, est-ce que nous pouvons dire que c’est de l’analyse que nous allons faire ? Certes, c’est un sujet divisé, c’est un sujet qui peut venir nous faire entendre sa souffrance. Est-ce que, pour autant, ce que nous lui proposons, même si c’est avec l’écoute analytique, même si c’est avec cette neutralité, est-ce que ce sera de l’analyse ou est-ce que, tout simplement, comme vous le dites avec justesse, ne faudrait-il pas mieux se dire qu’on ne peut pas faire une analyse, que les choses ont été débrouillées mais que etc. ?
Thérèse Delafontaine :
On peut dire ça comme ça.
Solange Faladé :
Écoutez, si je pose la question, c’est d’abord pour nous-mêmes, pour que nous puissions savoir ce que nous faisons. Et puis il faut savoir que, dans la pratique, il nous arrive de recevoir des adultes qui nous disent, dur comme fer : j’ai fait une analyse quand j’étais enfant.
Alain Jamain :
C’est parfois oui, parfois non. Est-ce que cela dépend de critères, on va dire socio-éducatifs, plus ou moins aléatoires, où on trouvera tout cela indéchiffrable ou est-ce que cela a à voir avec la structure du sujet en question ?
Thérèse Delafontaine :
Je crois que le socio-éducatif, il faut mais ce n’est pas primordial.
Alain Jamain :
Vous êtes d’accord pour dire que ça a à voir aussi avec la structure du sujet en question, de l’enfant ?
Solange Faladé :
Les parents, pour les mobiliser suffisamment pour que une cure puisse être analytique chez un enfant, c’est quand même quelque chose qui ne se fait pas tous les jours. Et c’est quelque chose qui se fait pas aussi souvent qu’on veut bien nous faire croire qu’il y a eu analyse d’enfant. Parce que le socio-éducatif, c’est tout l’entourage de l’enfant, que ce soit familial, que ce soit… c’est ça. Or, lorsque le parent vient avec sa demande par rapport à cet enfant-là, il y a souvent à s’occuper d’abord de la demande du parent, et savoir si c’est quelque chose de réactionnel qui est chez l’enfant ou pas. Je crois que nous devons nous poser la question comme cela et, après tout, puisque Lacan nous permet de raisonner avec une certaine logique, ça peut nous aider aussi à ne pas nous raconter des histoires à nous-mêmes.
Marie Lise Lauth :
Il me semblait que vous aviez dit aussi que il y avait quelque chose à respecter, qu’il ne faut pas y toucher puisque l’enfant va être encore longtemps dépendant des parents, jusqu’où ça va choir, c’est ma question. Ça peut pas choir totalement, un enfant.
Solange Faladé :
Et bien c’est pour cela que je vous dis, rappelons-nous ce qu’il est dit de la diachronie, c’est-à-dire de ce qui va se jouer chez cet enfant. Est-ce que déjà arriver à ce qu’il puisse savoir que il a une dette à l’endroit de ses parents, n’est-ce pas quelque chose qui fait que on le conduit vers ce qui est de la prise en compte et assumer sa castration ? Est-ce que nous pouvons faire beaucoup plus ?
Claude Lecoq :
Je trouve que, assez souvent, vous parlez des enfants, de ceux de l’âge dont vous parlez, même si avec le travail que l’enfant a pu faire jusqu’à conduire ses parents …inaudible… il y a un moment où il peut tout à fait expliquer pourquoi il s’arrête et que il notifie qu’il y a quelque chose, qu’il ne peut pas aller plus loin, et que cela sera pour plus tard. Il le dit, en particulier par exemple, il dit que, vu comment est son père, il ne peut pas continuer, il dit les choses très clairement par rapport à quelque chose qui est en référence avec quelque chose de la castration qui n’a pas pu être effective pour le père. C’est pas sur un cas… C’est-à-dire que il l’explique bien, je veux dire, il renvoie donc peut-être à ce S2, au niveau justement où il parle. Je crois que ça, on peut l’entendre à ce moment-là, enfin moi je l’entends. Et pourtant il y a des fantasmes, il y a du travail sur le fantasme mais je crois qu’on ne peut pas dire que une traversée, on ne sait pas laquelle puisque on a parlé de gens que…, qu’on peut aller jusqu’au bout, même si l’enfant a pu en comprendre quelque chose, justement, du désir de l’analyste aussi. Moi, je crois qu’on ne peut pas aller jusqu’au même bout, et pourtant, ça va très loin, jusqu’à ce qu’il puisse le dire mais, à un moment, il dit qu’il ne peut pas aller plus loin que ça puisque qu’est-ce que ce serait s’il allait au-delà de son père, donc je crois qu’il fait un grand détour…inaudible… Pour le moment, la question, ce S2, je ne crois pas que c’est possible au niveau de l’enfant…
Solange Faladé :
C’est-à-dire que vous êtes en train de nous dire que une désaliénation qui irait jusqu’au point où il y aurait une disjonction du fantasme, que peut-être ça, on ne peut pas l’avoir chez l’enfant. Qu’on ne peut pas aller jusque-là, c’est ça que vous êtes en train de nous dire ?
Claude Lecoq :
Qu’est-ce que ça voudrait dire que déjà, si jeunes, ils aillent au-delà du père ?
Solange Faladé :
C’est pas forcément aller au-delà d’où est le père. Est-ce que lui, il a encore besoin, pour tenir, d’être…
Claude Lecoq :
Il dit qu’il a encore besoin de jouissance.
Solange Faladé :
Oui, il a vu qui, celui-là ? …rires… donc il vous dit très simplement que il ne tient pas à être tout à fait désaliéné, que cette aliénation, ce qui lui est encore nécessaire et que, effectivement, un certain savoir il aura, quelque chose qui a à voir avec une vérité acquise, ce sera possible. Mais comme tout le vrai ne peut pas se dire, et comme toute vérité ne peut que se mi-dire, je crois que nous avons intérêt, pour nous, à reprendre ces choses comme Lacan nous l’a formulé, pour essayer de savoir ce que nous faisons avec les enfants. Ça veut pas dire qu’il n’y a pas à faire avec les enfants puisque j’ai commencé par dire que, lorsque ce désir d’analyste est là, non seulement analyste avec les adultes mais aussi avec l’enfant, la prise en charge d’un psychotique, c’était ce qu’on nous proposait à la fin de la Société Française de Psychanalyse.
Elizabeth Boisson :
Effectivement, tel que vous le présentez, mais je pense la même chose, qu’il n’y a pas beaucoup d’enfants qui sont à même d’aller aussi loin. On peut dire aussi qu’il y a quand même des pathologies très différentes. On peut avoir aussi des réactions très réactionnelles, on peut recevoir des enfants un temps, jusqu’à ce que l’enfant arrive à se repérer dans cette affaire. La différence avec l’adulte, qui en général quand il vient faire une analyse, cela ne s’est pas fait du jour au lendemain,… alors que des enfants, les parents viennent parce qu’ils sont… réactionnels à des événements importants à ce stade-là, et peut-être qu’on pourra arriver à dénouer la situation, que l’enfant puisse en symboliser quelque chose et s’y retrouver dans cette situation.
Solange Faladé :
Je ne dis pas que tout ceci, ce n’est pas à faire et souvent c’est ce que nous faisons. Mais vous avez employé un mot que je sors là de tout ce que vous avez dit. Vous avez dit que quelque chose qui soit bien constitué quant à son symptôme, que chez l’adulte, on peut trouver ça, que chez l’enfant, c’est pas forcément arrivé jusque-là. Ceci, nous avons à le travailler, nous avons véritablement à réfléchir sur ce qui se fait avec l’enfant parce que effectivement, nous avons à faire quelque chose avec les enfants. Mais, en même temps, je crois que nous ne pouvons pas, si c’est véritablement à cette place où du discours analytique va se mettre, va pouvoir s’écrire, nous ne pouvons pas y être avec du leurre. C’est-à-dire que, bien souvent, je me demande si, nous-mêmes, nous ne nous leurrons pas. Et que si cela ne vaut pas la peine de soulever tout ceci. Maintenant, il y a le problème des adolescents et tout ça, on pourra voir ça.
Elisabeth Boisson :
Je voudrai revenir sur ce que je disais. Si on reçoit un enfant qui ne va pas bien parce qu’il s’est produit quelque chose, une espèce… comme disait Dolto une espèce de dévoilement qui peut se faire à l’échelon familial, où l’enfant ne se retrouve pas parce qu’on ne lui a pas dit les choses, ça peut être un temps, si l’enfant se tait, ça suffit, on ne peut pas nécessairement dire qu’il y a une cure analytique mais c’est important qu’il y ait de l’analyste en face de ce gamin.
Solange Faladé :
Ah oui, ça, d’accord. J’ai bien dit tout à l’heure qu’on pouvait prêter une oreille analytique, une écoute analytique.
Elisabeth Boisson :
évoque une situation clinique d’un enfant qu’elle a reçu.
Solange Faladé :
Surtout ne croyez pas, je ne voudrai pas que nous nous quittions en pensant que il n’y aurait que ceux pour qui une cure analytique pourrait se faire, dont il y a à s’occuper. Non. On reçoit le tout venant et puis on voit ce qu’on peut faire. Mais je crois que nous avons quand même à nous interroger, à savoir qu’est-ce que nous faisons. Est-ce que nous pouvons dire que c’est quelque chose qui pourrait être de l’ordre d’une cure analytique ou pas. Est-ce que parce que une certaine vérité a pu être déchiffrée par l’enfant, où donc un savoir peut venir en position de vérité, est-ce pour autant, parce qu’il nous a… avec ses fantasmes, il a permis que des choses puissent se dénouer, est-ce que pour autant nous pouvons dire qu’il y a cure analytique. Alors, s’il y a cure analytique, soyons… allons jusqu’au bout des choses… Ça veut dire quoi, ça se traduit comment chez un enfant entre six et douze ans, je ne vous parle pas de l’adolescent, nous en parlerons une autre fois. Entre six et quinze ans, ça veut dire quoi, ça va se traduire comment, vous voyez ?
Question :
Entre six et douze ans, ça peut se passer essentiellement avec la parole. Maintenant si on parle de cure d’enfants plus petits où il y a parfois très peu de parole, où les jeux, les dessins prennent corps, où cette question de l’écoute dont vous nous parlez doit s’exercer sans doute d’une manière très compliquée, je trouve. Comment écouter, quoi écouter ?
Solange Faladé :
Vous savez, même avec un gribouillage, il peut vous raconter des tas d’histoires
Question :
Mais bien sûr !
Solange Faladé :
Et bien ça suffit, qu’est-ce que vous voulez de plus ?
Question :
La question n’est pas là !
Solange Faladé :
Elle est où ?
Question :
Comment est-ce qu’on écoute ces gribouillages ?
Solange Faladé :
Le gribouillage, c’est un graphisme, c’est pas nécessaire… Vous savez, avec Dolto, j’ai appris ceci qu’il n’y a d’évidence que du dire. Et c’est pas parce qu’un enfant vous a fait soi-disant un parapluie ou je ne sais quoi, une dame comme ceci ou cela qu’il va vous dire que c’est ça ! Il peut vous dire que c’est tout à fait autre chose ! Alors à partir d’un gribouillage, vous savez, des enfants de trois, quatre ans font des… Ils vous racontent des tas d’histoires, ils fantasment. Vous avez beaucoup plus avec un enfant de six ans ? Il y a des enfants de six où c’est à partir de leurs dessins aussi qu’on… Alors quel est le problème que vous voulez soulever ? Si vous le soulevez, c’est qu’il y a un problème à soulever.
Question :
Il y a de très jeunes enfants qui ont beaucoup de difficultés à…, qui parlent très peu, qui jouent beaucoup, qui dessinent. Quand on reçoit des enfants très petits pour lesquels… ils parlent très peu, ils parlent pas. Donc on est amenés à travailler avec un langage, ou des langages qui ne sont pas si évidents.
Solange Faladé :
Oui mais est-ce que vous comprenez le mot qu’il vous dit, même s’il est déformé ?
Question :
Je dis que, si l’on doit travailler sur l’analyse des enfants, je trouve qu’il y a… Bien sûr, vous avez parlé de la question de la fin de l’analyse d’enfant et c’est essentiel pour savoir s’il y a de l’analyse ou pas, mais alors il y a aussi tout le parcours que l’on fait, où je trouve que ce n’est pas si explicite que pour une analyse d’adulte. Je ne parle pas de l’analyse des psychotiques pour lesquels on sait bien que Lacan …changement de cassette… c’est difficile, mais entre autres la question de la demande pour un enfant qui n’exprime pratiquement rien en son nom, si on veut, hein ? Et c’est très compliqué justement ce travail-là. Combien de fois faut-il travailler avec le parent ?
Solange Faladé :
On est bien obligé de parler d’eux, de les faire rentrer là mais parfois on a à voir l’enfant seul aussi. Vous savez, un gribouillis, c’est un dessin, il peut vous en raconter des histoires, il peut y avoir une princesse, il peut y avoir tout ce que vous voulez…
Alain Jamain :
On peut interpréter les fonds des dessins, par transparence, c’est assez extraordinaire… l’enfant qui gribouillait un fond, alors c’est peut-être pas ce qui était représenté, c’était ce qui se détachait de ce fond gribouillé et qu’on pouvait interpréter justement.
Solange Faladé :
Oui, l’enfant peut vous dire tout ce…, il peut fantasmer, construire tout ce que vous voulez sur son simple gribouillage.
Danielle Chouraqui :
Et encore, vous en êtes au stade du dessin mais de toute façon, il y a des enfants qui n’ont ni le langage, ni le dessin, qui font du jeu…
Solange Faladé :
Ils font du modelage en général, ils font des choses comme cela…
Danielle Chouraqui :
A six mois ?
Solange Faladé :
A six mois, moi, je veux bien qu’un enfant de six mois vienne pour une demande analytique. Vous vous occupez des parents et vous essayez de voir par rapport aux parents, qu’est-ce qui cloche là.
Danielle Chouraqui :
Six mois, un an, ça arrive…
Solange Faladé :
Oui m’enfin là, quand même, moi je veux bien que cet enfant vous apporte une demande qui serait de l’ordre de sa souffrance. Non. Qu’il y ait des choses qui n’aillent pas, de travers, sûrement, ça arrive, on les voit mais c’est souvent avec le parent qu’on a à...
Question :
… inaudible…
Solange Faladé :
Le petit Hans, je ne sais pas si l’on peut dire qu’il y a eu une analyse. Que les parents soient venus dire à Freud leur inquiétude et que le père soit venu raconter… bon. La phrase de Freud, oraculaire… mais, de toute façon, il semble que la phobie aurait pris une fin. Maintenant qu’est-ce qu’il y avait derrière cette phobie, on ne peut pas dire que ça a pu être touché. Et pour ce qui est de la vie du petit Hans, enfin bon, on sait qu’il est devenu chef d’orchestre, que vraisemblablement son fils, celui qui s’appelle Hans Graf, ça doit être le fils de Herbert, du petit Hans, on ne peut pas dire que, pour le petit Hans, il y a eu quelque chose qui ressemble à une analyse. Tandis que pour la petite Piggle, Winnicott a pensé qu’il faisait une analyse. Je ne crois pas que Freud ait jamais pensé qu’il faisait une analyse avec le jeune…, le petit Hans.
Alain Depaulis :
En même temps, il disait aussi aux parents que ça aurait pu se passer tout seul, qu’il était là à un moment donné pour dépanner… Cela revient un petit peu à la conversation que nous avions tout à l’heure, il disait qu’il y avait un travail analytique…
Solange Faladé :
Je ne sais pas s’il y a eu un travail analytique. Il a beaucoup apporté à la science psychanalytique et grâce à lui, Freud a pu donner de l’importance à l’amnésie infantile et, en même temps, nous permettre de voir toute la richesse fantasmagorique qu’un enfant peut avoir. On ne peut pas dire qu’il y a eu une analyse, pour ce qui est du petit Hans je parle, la petite Piggle, ça mérite d’être discuté mais je crois que vous nous en donnerez l’occasion à Tours, c’est ça ? Nous en parlerons plus tard, une autre fois."