5 juillet 1997
Document de travail
"Bonjour, c’est toujours avec une grande joie que nous nous retrouvons, mais cette année, comme vient de le dire Gérald Racadot, cette joie pour moi est teintée de tristesse. Laurent de Mesmé m’avait fait part d’un projet d’organisation de journées en Avignon qui portait sur le dessin d’enfants mais la maladie l’en a empêché. Le témoignage qui m’a été rapporté de l’estime qu’il portait à l’Ecole Freudienne et aux collègues qu’il avait rencontrés, ses travaux, qui, comme me l’a fait savoir sa compagne, lui apportaient une grande liberté intellectuelle- je reprends ici les mots qu’elle utilise dans sa lettre- tout ceci m’a fait modifier le thème sur lequel je travaillais et que je pensais vous apporter. Je me suis dit qu’il serait utile pour nous de repenser ce lien social nouveau dont parle Lacan, qui peut se mettre en place dans un lieu pour la psychanalyse.
C’est pourquoi, je vais tenter de parler du Cardo et des cartels, puisque ça a eu une très grande importance dans la rencontre que Laurent de Mesmé a fait avec l’Ecole Freudienne. Je reprends ainsi ce que Lacan, lors de la fondation de l’Ecole Freudienne de Paris, a voulu mettre en place et j’essaie de réfléchir à ce qu’il nous en a dit.
Donc, depuis peu, depuis quelques années maintenant, le Cardo fonctionne à l’Ecole Freudienne. Le Cardo, c’est le gond, le pivot, c’est un mot latin, puisque c’est la traduction du gond, c’est la traduction du mot Cardo, c’est ce mot que Lacan a proposé pour ce groupe premier qui devait accueillir : le comité d’accueil. Le Cardo donc, c’est ce qui doit être le point cardinal, le point important, ce point cardinal, le point auquel on doit se référer.
Mais Lacan a pris soin- je me suis attachée à relire dans tous les documents que j’ai ce qu’il nous en disait- il a pris soin de bien montrer que ce qui se faisait dans le Cardo n’était pas ce qui pouvait permettre que l’on soit nommé au titre d’analyste.
Alors, le Cardo est fait pour accueillir disons, tous ceux qui, du fait de la psychanalyse en extension, s’intéressent à la psychanalyse et acceptent de travailler, d’apporter leur réflexion pour l’avancée de la psychanalyse, ce qui veut dire que le Cardo tout comme l’Ecole Freudienne de Paris et ce que nous avons tenté de faire, accueille en son sein des analystes en formation, mais pas uniquement. Tous ceux qui voulaient bien poursuivre les objectifs de travail de l’Ecole Freudienne de Paris donc, c’est le tout venant, mais le tout venant accepté par l’Ecole qui faisait et qui fait partie du Cardo.
Ce tout venant y arrive avec son ignorance, c’est un mot que Lacan aimait beaucoup et je crois que c’est aussi cela qui fait que nous pouvons aller de l’avant… y arrive avec son ignorance, pour interpeller ceux qui sont responsables du Cardo. Mais ceux qui sont responsables du Cardo sont déjà en cours de travail analytique, c’est-à-dire que ce sont des personnes qui, du fait de leur cure analytique partant de ce « qu’ils ne savaient pas » pour reprendre ce terme de Lacan, c’est-à-dire ce qui est en rapport, en relation avec le refoulement originaire, ceux qui ont accepté, semaine après semaine, cure après cure, année après année de reprendre, de retravailler ces signifiants qui sont leurs signifiants, afin d’arriver à ce moment où une position d’analyste, c’est-à-dire, une possibilité d’y être en tant que support d’objet petit a.
Je crois que c’est important de le dire d’entrée de jeu, parce que ça permet de mieux placer ce qu’est le Cardo, en tout cas ce que Lacan voulait que soit le Cardo et ce que nous tentons de faire. Ça veut dire que la relation de ceux-là qui y viennent avec leur ignorance, cette relation avec ceux qu’ils interpellent, ne peut pas être une relation de maître à élève bien que la tentation de ceux-là, de ceux qui y viennent, leur tentation est de vouloir les mettre à une place de signifiant maître. J’ai déjà eu l’occasion d’en parler ; et c’est bien parce que cette relation ne peut pas être une relation de maître à élève que du travail s’élabore, pour ceux qui viennent dans le Cardo mais également pour ceux-là qui sont responsables de ce Cardo. Et donc cette ignorance, si Lacan insiste sur l’ignorance qui est notre ignorance à tous et qui fait que nous avançons, c’est quand même tout de suite pour mettre l’accent sur ce qui du narcissisme peut être barré. Donc, le Cardo, c’est ce point cardinal, c’est ce qui fait que cet échange se met en place et aussi que ce groupe qui se constitue puisse se constituer avec la possibilité d’une identification et Lacan après les journées sur les cartels de 1975, dans le séminaire qu’il a proposé, a insisté sur l’importance de l’identification, celle qui doit se réaliser au sein d’un groupe, sinon dit-il « c’est foutu ». Et à propos de cette identification, il prend soin de bien montrer que quelque chose de l’interdit de l’inceste doit marquer cette identification, j’y reviendrai tout à l’heure.
Donc le Cardo c’est le point de départ, c’est le point aussi qui peut permettre l’ancrage, c’est le point qui peut faire que ceux-là qui sont intéressés par la psychanalyse vont de l’avant, y soit en tant qu’assurant leur formation d’analyste ou tout simplement parce qu’intéressés par la psychanalyse. Et il espérait que le travail qui se ferait dans le Cardo permettrait que puisse se mettre en place ces groupes, ces groupes qu’il a appelé cartels. Je sais que dans notre Cardo, les Cardos qui ont fonctionné, que des petits groupes se sont mis au travail. On verra tout à l’heure comment la durée peut permettre que ce groupe, ce petit groupe, puisse produire un travail, un travail qui intéresse chacun et aussi le groupe analytique que nous formons.
A partir du Cardo, il espérait que des cartels pourraient se mettre en place puisque dans un premier temps il avait pensé que ce serait au vu et au su des travaux qui émaneraient de ces cartels que l’inscription à l’Ecole Freudienne de Paris se ferait. Les choses n’ont pas pu se passer ainsi, il y a eu des groupes de travail, est-ce que ces groupes ont fonctionné comme cartels ? Peut être, j’en dirai un mot tout à l’heure.
Mais ce qui est important pour les cartels, et ce qu’il en espérait, c’est que des groupes qui travaillent puissent se mettre en place et qu’ils travaillent à partir d’un désir, un désir noté chez tel autre et tel autre et qu’ensemble on travaillerait. Et ce désir, nous dit-il, c’est la troisième identification que Freud a permis de saisir. Je vais tout à l’heure détailler cette troisième identification.
Comme pour le Cardo, ce que Lacan voulait, c’est que l’identification au sein de ces petits groupes, tout comme l’identification aux responsables du Cardo, n’ait rien à voir avec les deux premières identifications. Cela veut dire que d’emblée, ce n’est pas autour d’un idéal, que ce soit une image idéalisée du père et pas uniquement du père fondateur qu’était Lacan ou une image idéalisée du père ou un trait d’idéalisation pris sur le père. Ce n’est pas autour d’un idéal que ces groupes Cardo ou cartel se mettent en place. Donc, ce n’est pas soutenu par quelque idéal que ce soit image ou trait idéal que le travail qui intéresse la psychanalyse doit et peut se faire.
Qu’en est-il de la troisième identification ? Freud nous fait savoir qu’au sein d’un pensionnat de jeunes filles, l’une d’elles reçoit une lettre d’un amoureux, un amoureux qui n’est pas connu du groupe des jeunes filles. Ce que le groupe de jeunes filles va connaître c’est l’existence de cette lettre, cette lettre représente un désir présent. Et c’est à ce désir que les jeunes filles vont s’identifier. Et c’est très important, c’est-à-dire que ce n’est même pas par attirance, pour les beaux yeux d’un amoureux qui n’est même pas connu, c’est simplement parce que cette lettre vient faire savoir qu’il y a là un désir, un désir qui concerne l’une d’elles.
Un point important concernant cette troisième identification : si les autres sont intéressées par ce désir, s’identifient à ce désir, veulent aussi être habitées par ce désir ce n’est nullement parce que la première a reçu la lettre, ce n’est nullement parce qu’elles ont quelque sympathie ou quelque antipathie pour cette personne. Donc ce n’est pas par identification à la personne, ce n’est pas un trait de cette personne qui sera prélevé, c’est-à-dire que rien dans leur façon de se présenter que ce soit habit, que ce soit enfin tout ce qui peut intéresser une jeune fille, ne va être là marqué, puisque ce n’est pas pour s’attirer les bienfaits, l’intérêt de l’amoureux qui n’est pas connu, c’est uniquement pour être habité par ce désir. Et le fait que l’antipathie ou la sympathie pour la personne, n’entre pas en ligne de compte, avait une importance pour Lacan, car il pensait, il espérait que du fait de ce désir, de ce désir qui habitait et qui pouvait habiter chaque personne qui allait constituer le cartel, du fait de ceci, alors il n’y aurait pas tout ce qui pourrait être de l’ordre d’une antipathie ou d’une sympathie qui viendrait là alourdir les relations entre les membres du groupe.
Je crois que cette identification troisième, et c’est une chose à bien souligner, n’est pas sans rapport avec le désir hystérique, souligné par Freud. Le Cardo actuel a été amené à se poser la question suivante : cette identification est-elle du même ordre que l’identification de l’enfant au désir de la mère ?
Pour ce qui est de l’identification troisième, je viens d’insister sur le fait que la relation à cette jeune camarade qui reçoit la lettre, n’a rien à voir avec la sympathie ou l’antipathie. Ce qui nous intéresse c’est le désir du sujet et l’identification au désir de ce sujet. Dans l’exemple de Freud ce sont des petits autres i(a) qui y sont avec leur désir, alors que pour l’enfant dans sa relation à la mère, le désir qui devient le sien, désir de désir, c’est la relation d’un sujet au grand Autre. Donc là, la différence est importante puisque la question de l’identification idéale se posera alors que dans ce troisième type d’identification l’idéal ne doit pas jouer.
C’est le désir que chaque personne porte dans le groupe, donc dans le cartel, c’est ce désir qui fait que le travail de cartel peut se mettre en place, peut progresser et peut arriver à une production.
Alors, l’identification au groupe, vous ai-je dit tout à l’heure, rappelant ce que Lacan nous a apporté, après ses journées sur les cartels et les commentaires qu’il avait jugés bon de nous faire après nous avoir entendu pendant deux jours, l’identification est importante pour le groupe. Cette identification au groupe, si elle n’existe pas, nous dit-il, « alors c’est foutu ». Alors il prend le soin de nous dire, et c’est là qu’il nous parle du départ du nœud social, il prend soin de nous dire que le départ du nœud social doit être marqué de ceci que « il n’y a pas de rapport sexuel inscriptible dans la structure ». Et de ce fait, il y a ce qui du fait du travail et avant le travail, ce qui se nomme, ce qui se dit, va se mettre en place autour du trou, du trou qui est fait dans ce réel.
Ce qui va se mettre en place, c’est non pas un seul lien au trou, mais au moins trois liens, et c’est là qu’il met en place pourquoi le « au moins trois » dans le cartel. Mais ce n’est pas de cela dont je veux parler aujourd’hui.
Ce que j’ai retenu c’est qu’en fait l’identification, et l’identification qui nous intéresse tout particulièrement, doit être marquée de l’interdit de l’inceste, c’est-à-dire que le fait que ce soit autour du trou, du trou qui est lié au Nom-du-Père, de ce fait, il faut qu’il y ait eu nomination. Pour qu’il y ait trou dans le réel, et que le signifiant troue ce réel, il faut ceci, que la place du Nom-du-Père soit bien marquée.
Et à partir de ce moment-là ce qui va se jouer dans ce groupe du fait que l’identification n’est pas une identification marquée de l’idéal, mais une identification marquée de l’interdit de l’inceste, c’est-à- dire de ce qui vient là, barrer le désir. Ce qui vient barrer le désir est sûrement ce qui peut permettre qu’un cartel aille de l’avant, qu’un cartel puisse produire, puisque les échanges dans le petit groupe qu’est le cartel, pourront se faire, et pourront se faire sans qu’il y ait antipathie, sympathie mais désir mis en œuvre par chaque participant du cartel, et en même temps possibilité de transmettre le travail fait par le cartel à d’autres membres du groupe réunis en cartel ou non, et ensuite qu’il puisse y avoir permutation.
Et je crois que Lacan était navré que la permutation n’ait pas pu se faire à l’Ecole Freudienne de Paris du fait de cette difficulté. Il y a eu plusieurs réunions du Directoire où Lacan a essayé de voir ce qu’il pouvait faire, pourquoi ça ne se réalisait pas. En fait, la difficulté de la permutation c’est que ce qui vient lier les membres du cartel, si certes il y a désir, il y a aussi la non-neutralisation de ce qui pourrait être antipathie ou sympathie, il y a le fait que le narcissisme n’ait pas pu être neutralisé, tout du moins barré et ce qui fait que le groupe ne peut pas bénéficier de cette identification basée sur le désir et qui permettrait que dans d’autres cartels lorsque le travail est arrivé à un point de production, on puisse accepter le « quiconque », puisque c’était un des mots que Lacan aimait, le signifiant quiconque, le quiconque qui pourrait à ce moment-là former un nouveau cartel avec d’autres, ne tenant compte que du désir, de l’identification qui est uniquement marquée par le désir.
Alors, c’était les quelques points que j’ai voulu traiter ce matin en réfléchissant sur l’importance, l’impact que le Cardo a apporté dans notre travail et dans l’existence du groupe. Dans le fait que des liens, et semble-t-il un lien, qui irait vers ce que pourrait être un lien social nouveau, semble se mettre en place dans notre groupe et, c’était important de bien marquer le fait que ce n’est pas au nom de quelque idéal, que ce soit idéal à telle ou vers telle ou telle personne, que ce soit trait idéal prélevé sur telle ou telle personne, que ce soit simplement ce désir qui habite chacun de nous, c’est ce désir qui doit permettre que de l’identification se mette en place et que du travail, du travail analytique puisse se faire.
Voilà les réflexions qui me sont venues du fait de cette disparition, et avec ce que cela m’a rappelé d’une autre disparition, celle de Léone Papelard survenue presque dans les mêmes conditions à la veille de journées qui devaient se tenir… Enfin j’ajoute que Léone Papelard avait une place tout à fait bien marquée dans le groupe, puisque dès le départ elle était là et elle a contribué à mettre en place l’Ecole Freudienne."
Questions
J. Darbord :
Je trouve très intéressant ce que vous avez dit sur cette troisième identification au sujet du cartel. En réalité, quand vous parlez du désir, qui est là, qui est le désir du sujet, c’est tout de même un désir qui est lié à la psychanalyse ou alors pourquoi un cartel… ?
Solange Faladé :
Oui, c’est l’intérêt pour le travail, les buts, Lacan disait à ce moment-là « les buts de l’Ecole Freudienne de Paris » puisqu’il venait de prendre position par rapport à la décision de l’I.P.A. le concernant, donc c’était forcément un travail qui devait être apporté pour la psychanalyse dans le sein de l’Ecole Freudienne de Paris.
J. Darbord :
Mais, alors je me suis demandée est-ce que ce travail, puisque ce qui fait le désir de chacun qui vient là, c’est un désir au sujet de la psychanalyse, est-ce que la psychanalyse ne prend pas figure d’idéal ici ?
Solange Faladé :
Non, je ne pense pas. Si on reprend ce que Lacan dit et il prend soin de dire que ce n’est pas par rapport à quelque image idéale, que ce soit l’image idéalisée du père, ça n’est pas uniquement le père fondateur, ça peut être comme notre propre père, l’image qu’on en avait, était dans ce travail, était intéressée par tous ces points là. Ce n’est pas, si la psychanalyse, si le travail analytique est ce que Freud puis Lacan et les autres ont espéré, ça veut dire qu’au bout du travail analytique il y aura chute de ces signifiants qui sont portés par l’idéal, tous ces S1, et que ce signifiant nouveau, j’ai estimé que ça n’est peut-être pas suffisamment centré ce que je voulais dire ce matin, donc j’ai laissé le signifiant nouveau, ça veut dire que la majorité des personnes auront fait le travail qui permet que la barre, la chute de l’idéalisation soit, ait pu se produire, et que le désir, qui est ce désir qui doit porter l’analyste, ce signifiant nouveau, nous dit Lacan, c’est ce qui a à voir avec le pur désir, ce que Racadot avait essayé d’apporter le troisième samedi c’est-à-dire un désir qui n’ayant plus aucune relation avec une demande phallique, ne sera pas de l’ordre de quelque idéalisation.
Je crois qu’il faut replacer ceci dans le cadre de ceux qui font le groupe analytique avec l’espoir, le souhait que le travail de ceux-là qui se sont autorisés analystes, en sont à un point, et Lacan dans le séminaire du 9 avril 74, fait part aussi de ce que ça représente pour lui de pouvoir y être en tant que petit a, en tant que c’est ce petit a qui doit être l’agent qui permet qu’une analyse se fasse. C’est-à- dire que ce n’est pas un travail si simple, mais c’est quand même là où on doit aboutir car l’idéal doit tomber. C’est le pur désir qui doit être ce qui nous porte.
Solange Faladé :
C’est dans Les non-dupes errent, c’est un séminaire important puisque c’est dans ce séminaire que Lacan pose la question, et se pose la question, et il nous donne la réponse : qu’est-ce que Lacan a inventé ? Et bien il dit que c’est l’objet petit a. Il insiste beaucoup dans ce séminaire pour bien montrer le fait que le travail que nous avons à faire au cours d’une cure, c’est de pouvoir justement faire en sorte que tous ces signifiants idéaux, tous ces S1, puissent choir et que ce signifiant nouveau se mettant en place, en partant du fait qu’on a reconnu le refoulement originaire, que le problème de l’interdit de l’inceste, enfin tout ce qui vient se mettre au jour au cours d’une analyse ait pu se faire, c’est à ce moment-là que ce qui habite l’analyste n’a rien à voir avec aucun idéal, car pour beaucoup jamais aucun de nos parents n’aurait pu penser qu’on serait là, habité par ce désir qui fait qu’ on s’autorise à être analyste. Je ne crois pas que c’était dans le projet d’aucun de nos parents.
M. L. Lauth :
L’adjectif nouveau veut dire qu’il ne porte pas sur un idéal
Solange Faladé :
Ah oui ! Ça ne peut exister que parce que, du fait de ce travail, il y a un point autour du Cardo, mais je n’y ai pas insisté, je ne l’ai même pas apporté, qui est ce cadre du savoir que l’analyse doit mettre en place pour chacun de nous et donc on y arrive avec les chutes de tous ces signifiants, de tous ces S1. Lacan lui-même dans le séminaire sur les quatre discours * nous dit que tous ces S1 doivent arriver à épuisement. Donc ce qui va exister, puisque quand même du signifiant il y aura, sera ce signifiant nouveau, ce signifiant qui n’aura à voir avec aucun S1, c’est-à-dire avec aucun trait idéal, et en même temps, ce que j’aurais peut être quand même pu dire au sujet du Cardo, c’est que ceux-là qui sont responsables du Cardo y viennent avec ceci que ce n’est pas le tout savoir qui s’est mis en place mais c’est la reconnaissance que c’est de l’ordre du pas-tout. C’est pas tout savoir, c’est le pas-tout qui est là, c’est-à-dire que du savoir, tout ne sera pas su, ne sera pas connu. C’est bien pour ça que la question du refoulement originaire, le fait que le sujet qui entre en analyse ne peut y être dans une cure analytique qu’à partir de :- il ne savait pas -.
M. L. Lauth :
Et c’est pour ça que vous aviez insisté sur le fait que chez Lacan, un séminaire, je crois que, c’est.la différence de la place de l’adjectif, c’est pas un nouveau signifiant, c’est un signifiant nouveau.
Solange Faladé :
Oui, c’est un signifiant nouveau. D’ailleurs ça a été pris un peu comme ça, enfin c’est un des termes, un des derniers apports de Lacan, qui a abouti en fait à ce qui allait être sa dernière intervention, c’est la conclusion qu’il a donnée lors des journées sur la transmission de la psychanalyse où il a dit que chacun de nous avait à réinventer la psychanalyse. Et beaucoup s’imaginent, on se demande pourquoi, que c’est mettre en place on ne sait quoi, alors que ce qui est à mettre en place c’est la psychanalyse c’est-à-dire ce que Freud a découvert, ce que Freud a inventé avec le fait qu’on part de ce refoulement originaire, « du tout ne sera pas su » et avec tout ce que de la castration on doit pouvoir assumer.
Donc, réinventer la psychanalyse c’est véritablement prendre la mesure de ce qu’est la psychanalyse. C’est-à-dire que Freud fait de cette transmission de la psychanalyse autre chose que le fait que des connaissances psychanalytiques soient apportées. C’est véritablement savoir ce qu’est l’inconscient de Freud et la découverte qui est la sienne, la découverte de l’inconscient avec le fait que tout ne pourra jamais être su.
J.Y. Méchinaud :
Est-ce que ce que vous avez dit a à voir avec ce que disait Safouan à Nantes, qui faisait état d’une conversation avec Lacan où Lacan disait qu’une société analytique devait être une société de maîtres, mais de maîtres au désir intelligent, c’est-à-dire pour qui il n’y avait pas de lutte de prestige.
Solange Faladé :
Oui, parce que dans la mesure où ce sont des maîtres, c’est de cet ordre-là, ça veut quand même bien dire que quelque chose d’une idéalisation, je n’ai pas entendu ce que Safouan a dit, je lui en ai fait la confession en lui disant que véritablement, lorsqu’il parlait de préhistorique, moi j’avais entendu hystérique. J’ai essayé de lui répondre sur ce plan, et il m’a dit très simplement « j’avais bien compris que vous n’aviez rien entendu de ce que je disais, il faut dire que le micro ne m’apportait que des choses déformées. Alors j’aimerais reprendre, puisque j’ai pu avoir l’enregistrement, reprendre ce que Safouan nous dit apporter de Lacan pour en dire quelque chose, mais ça ne peut pas à mon avis être quelque chose d’autre que ce qui fait que, du fait de la castration, ces maîtres-
là sont ce que vous êtes en train de dire.
Claude Lecoq :
Ce que je ne comprends pas, c’est comment articuler ce que vous avez dit …avec ce que Lacan nous a dit justement de la fin de l’analyse de quelque chose qui est au-delà de la sublimation, c’est-à-dire du rapport que nous avons à la fin de l’analyse avec la pulsion, avec sa vérité, avec les restes infantiles justement avec quoi nous devons faire, et avec quoi nous faisons donc et pourquoi pas jusque dans nos rapports entre analystes puisque nous en savons quelque chose de la pulsion, à ce moment-là. Mais il y a quelque chose, il me semble dans ce qui est dit, en particulier travaillé aussi dans « L’Ethique », qui est du côté du réel, qui là bien sûr, n’est pas du côté de l’idéal, de l’idéalisation, mais qui insiste donc dans notre travail, qui a aussi un rapport avec du coup quelque chose peut-être encore d’incestueux inévitablement (…) Je vous en parle et je pense en même temps que ce n’est pas vraiment élaboré mais qui me semble être une difficulté à articuler quelque chose qui est de la chute de la sublimation, qui n’est pas l’idéalisation donc.Freud a bien séparé les deux, et le rapport entre analystes dans leur groupe.
Solange Faladé :
Bon écoutez, la chute de la sublimation ça veut dire que ces barrières que nous mettons par rapport à la Chose, nous savons quoi en penser. Pour ce qui est du beau, ce qui est derrière le beau c’est quand même ce qui pour nous est de l’ordre du - on ne peut pas regarder – la mort -. Donc si on arrive à ce point là, ça veut dire que de la castration, il y a quelque chose qui a été assumé, et lorsque vous nous parlez de ce qui du Réel va venir là se mettre en place, Lacan dans ce travail fait sur les signifiants qui sont nos signifiants idéaux, disons avec ces S1, du fait de leur épuisement va se mettre en place ce qui advient à la fin d’une cure et qui est de l’ordre du petit a (…) qui fait que le fantasme, ce fantasme qui est ce qui continuera à exister, ce sera un autre rapport de ce sujet qui assume du fait de la castration et qui a pu faire advenir ce petit a, cette fenêtre sur le Réel qui sera ce fantasme sera d’un autre ordre que tout ce que du fantasme nous mettions, nous faisions jouer et qui faisait cet espèce de tableau qui représentait peut-être le Réel, mais qui faisait que ce qui était derrière nous ne pouvions pas, nous était de l’ordre de l’impossible pour en saisir directement quelque chose.
Je crois que la question qu’il pose à la fin du séminaire XI, il va la reprendre à différents moments. Il y a des morceaux que l’on pourra trouver dans les séminaires qui suivent, pour mettre l’accent sur le fait que si peut advenir ce petit a, qui est ce qui était jusque-là et qui sera la doublure du sujet, si ça peut advenir, alors le fantasme qui est celui qui va exister sera marqué différemment des fantasmes qui étaient là pour nous barrer la vue, puisqu’il dit « l’accès », « la fenêtre sur le Réel » dans ce qui pourra se mettre en place à la fin d’une cure.
Mais ces choses sont à reprendre, il faudrait presque reprendre passages après passages, année après année, et essayer de saisir ce que Lacan dit, et voir ce que notre propre expérience aussi nous permet d’en dire.
Intervenant :
Moi j’avais une question, mais c’est peut-être une question de vocabulaire parce que vous avez dit que dans le cartel il y a le désir qui est en œuvre qui doit permettre une certaine permutation qui n’a pas pu se faire à cause du narcissisme du groupe… Alors, ces deux mots : permutation qui était visée qui n’a pas pu se faire à cause du narcissisme, je ne comprends pas, est-ce que vous pouvez préciser ?
Solange Faladé :
C’est-à-dire qu’il y a quand même eu des questions de sympathie qui ont joué. On se sentait bien avec tel ou tel membre de l’Ecole Freudienne de Paris, ce qui faisait qu’on acceptait difficilement de se séparer du cartel auquel on participait pour faire des cartels autres, différents, c’est-à-dire que là, « le narcissisme des petites différences » pour reprendre ce terme de Freud dans La psychologie des masses jouait. Freud donne l’exemple des Ecossais et des Anglais ou des Irlandais et des Anglais, enfin le narcissisme des petites différences, donc c’était quelque chose qui jouait à l’Ecole Freudienne de Paris.
En cela, je peux en témoigner dans la mesure où Lacan m’avait demandé de m’occuper des cartels et, pendant les dix années j’ai pu quand même en saisir quelque chose même si je n’ai pu ni théoriser, ni en dire quelque chose dans les discussions qui ont eu lieu au sein du directoire, parce que c’était une question qui comptait beaucoup pour Lacan, ce fait qu’il n’y avait pratiquement pas de permutations dans les cartels. Il y avait des adjonctions, mais pas de permutations. Ce n’est pas la même chose. Et il semblait quand même que les questions de sympathie ou d’antipathie ou, untel semblait être quelqu’un de bien, l’autre un peu moins bien, etc. Ces questions jouent dans un groupe, c’est une difficulté pour un groupe..
Permuter, c’est accepter de se défaire du premier cartel parce qu’on est arrivé à produire, faire en sorte qu’on puisse être dans un autre cartel, enfin vous voyez, donc il y aurait eu une circulation dans l’Ecole Freudienne, et non seulement une circulation mais des échanges. Je n’ai pas assez insisté sur ce mot d’échange, présent dans la troisième identification, des échanges auraient pu se mettre en place et vraisemblablement l’Ecole Freudienne de Paris n’aurait vécu pas ce qu’on a connu, mais autre chose, ce que Lacan avait espéré aurait pu sortir, ce n’est pas ce que cette première Ecole Freudienne de Paris a vécu.
Parce que vivre -en principe vivre, c’est mourir, mais en même temps quelque chose d’autre- n’a pas pu se faire et Dieu sait que du travail se faisait à l’Ecole Freudienne de Paris. Quelque chose d’autre aurait pu se mettre en place à l’Ecole Freudienne de Paris, ce qui n’a pas pu se faire, sauf dans la dérision, après Lacan…
Quelque chose aurait pu survivre, parce que je ne voudrais pas qu’il y ait confusion, quand on dit que quelque chose a vécu, ça veut dire que ça n’est plus. Il espérait bien que ça pouvait déboucher sur du nouveau.
Intervenant :
Est-ce que vous pensez que la dissolution voulue par Lacan allait dans le sens de ce que vous venez de dire ?
Solange Faladé :
La dissolution voulue par Lacan, il n’y a pas de doute qu’après la fameuse assemblée générale du 30 septembre 1979, vu ce qui s’était passé et ce qui se fomentait, une difficulté certaine s’est présentée à Lacan pour voir ce qu’il pourrait faire, et devant cette difficulté il avait estimé qu’une des solutions serait ceci afin que autre chose puisse se mettre en place. Mais ce qui s’est mis en place malheureusement s’est mis en place sans lui, même si on nous le présentait. Malheureusement ceux qui ont pu vivre ça, savaient dans quel état était Lacan, c’est-à-dire que ce n’était plus Lacan qui était la tête pensante. Il n’a pas eu le temps, il a été rattrapé par le temps entre le moment où il pensait encore, c’est-à-dire entre septembre et la fin de l’année 79, c’est-à-dire ce 31 décembre où beaucoup de choses s’étaient parlé, il a été rattrapé par le mal qu’il portait à ce moment-là.
Donc, ce qui aurait pu être une évolution et qui ne s’est pas faite puisqu’il s’était donné dix ans, 1° pour juger de la vie des cartels, 2° pour juger de ce qu’avait donné la passe. Il faut dire que l’accident qu’il a eu début novembre 78 a tout changé. Tout ce qui pouvait se passer, Lacan était encore là de la fin de 78 jusqu’à la fin 79, il pouvait faire encore beaucoup de choses et puis il y a eu les conséquences, les séquelles de cet accident qui n’ont pas permis qu’il puisse apporter lui-même quelque chose. Et ça je peux en témoigner.
Intervenant :
Madame Faladé, lorsque vous parlez de la chute des signifiants idéaux, est-ce que… cette question de la chute, de la barre, est-ce que cela veut bien dire que les signifiants idéaux, ils ne disparaissent pas mais qu’on a un autre rapport à ces signifiants idéaux ? Parce que j’ai du mal à imaginer du désir qui fonctionnerait sans ces signifiants idéaux.
Gérald Racadot :
…la chute des signifiants idéaux …j’ai du mal à imaginer du désir qui fonctionnerait sans ces signifiants idéaux.
Solange Faladé :
Mais justement c’est bien pour ça que, s’il y a vraiment chute de ces signifiants idéaux, c’est-à-dire de ce qui nous aliène, les signifiants idéaux, c’est ça, c’est ce qui nous aliène au grand Autre. Si véritablement on a pu au cours de sa cure, faire en sorte que cette aliénation puisse choir, alors ces signifiants idéaux aussi auront chu, c’est alors que se met en place un signifiant nouveau, parce que quand même nous restons comme dit Lacan, parlêtre, « moi-même je suis parlêtre » dit-il dans ce séminaire, et donc notre relation avec le Réel sera autre forcément. Ce qui nous aliène c’est bien notre identification idéale à ce trait prélevé sur l’Autre, ce qui se fait à notre insu. Cette aliénation, même si c’est de l’ordre de l’asymptote on peut quand même penser qu’il y a chute de ces signifiants idéaux. Lacan nous parle du mot « épuisé », mais ça ne se fait pas en une année !
Intervenant :
Le signifiant nouveau : Est-ce qu’on peut dire que ce signifiant nouveau, émerge de la chaîne signifiante dans laquelle tout sujet se trouve pris sans faire partie des S1 ? Ca voudrait dire qu’il émerge de quelque part, de la chaîne du sujet !
Est-ce qu’il fait partie des S1 ? …d’où émerge-t-il ? Ce signifiant nouveau, il émerge quand même de la chaîne signifiante où est pris le sujet ?
Solange Faladé :
Pourquoi vous pensez que ce, allez-y puisqu’en fait…
Gérald Racadot :
Je ne pense pas qu’il puisse…
Parce que, à ce moment-là, il serait inscrit dans la structure.
Intervenant :
Mais est-ce que ce signifiant nouveau, d’où émerge-t-il ? Je posais la question en entendant bien que le signifiant phallique, les signifiants phalliques chutent…
Solange Faladé :
Oui.
Intervenant :
… S1… Et ce signifiant nouveau, il émerge quand même de la chaîne signifiante où est pris le sujet.
Gérald Racadot :
Je ne pense pas parce qu’à ce moment-là il serait inscrit dans la structure.
Intervenant :
Il serait inscrit dans la structure et donc soumis au signifiant phallique.
Gérald Racadot :
Tout à fait, or c’est un signifiant qui est nouveau. Il n’est donc pas inscrit dans la structure et dans le discours qui préexiste.
Intervenant :
D’accord.
Cl. Lecoq :
Ca veut dire qu’il y a nécessité d’inventer quelque chose ?
Solange Faladé :
Pardon ?
Cl. Lecoq :
Ca veut dire qu’il y a nécessité d’inventer, de détruire, d’inventer ?
Solange Faladé :
Inventer, sûrement, quelque chose qui serait de l’ordre de la psychanalyse.
Cl. Lecoq :
Mais nécessité pour chacun effectivement, d’inventer.
Solange Faladé :
Absolument. C’est d’ailleurs le message ultime que Lacan nous donne, c’était de nous faire comprendre que la psychanalyse ne peut pas se transmettre à partir de connaissances, mais c’est à partir d’un savoir, de ce cadre du savoir que l’on met en place, mais ce cadre du savoir se met en place avec au départ le refoulement originaire. Le sujet, il ne savait pas et chemin faisant, du fait de la désaliénation il sera aux prises avec ce qui était sa doublure, c’est-à-dire que ça va pouvoir advenir en tant que cet objet petit a ; et alors ce que chacun va inventer ce sera de l’ordre de la psychanalyse, mais parce que, il y aura, portant en lui ce qui lui permet cette invention, c’est-à-dire ce ne sera pas simplement ce qu’ on a bien appris dans les livres, qu’on a bien saisi parce que on peut être d’une intelligence supérieure, mais, qui n’est pas forcément marqué de tout ce travail de désaliénation.
Je crois que c’est vraiment les hasards de la vie qui ont fait que ça a été la dernière chose qu’il nous a apportée de construit véritablement : la conclusion de ces journées sur la transmission de la psychanalyse, il a conclu ainsi, que c’est important, et que, et après tout je ne vois pas pourquoi je n’en parlerai pas, la discussion avait été de savoir si ces journées allaient porter sur la tradition de la psychanalyse ou sur la transmission de la psychanalyse. Il y a eu des discussions, je ne dirai pas entre qui et qui, ça n’a pas d’intérêt pour ce qui nous intéresse, et donc lorsqu’il y a eu à en discuter au sein du Directoire, Lacan a tranché sans aucune hésitation en disant : « c’est la transmission, c’est cela qui sera le thème de nos journées, car c’est véritablement la question, c’est ça. C’est pas de l’ordre d’une tradition, mais c’est la transmission, et la transmission, lorsqu’il nous a apporté la conclusion de la journée, c’était pour nous dire que nous avions chacun, si nous sommes dans la psychanalyse avec ce que ça suppose, à réinventer la psychanalyse.
C’est aussi reprendre un peu ce que Freud disait, et que Lacan reprend dans la proposition d’Octobre, écouter chacune des personnes, des analysants, avec une oreille neuve comme si Freud n’avait rien inventé de la psychanalyse.
Régis Adam :
Je voudrais revenir sur les identifications : effectivement les deux premières, Freud nous dit que c’est par rapport aux parents…
Solange Faladé :
Oui.
Régis Adam :
La première identification prend l’identification au père comme trait, la deuxième au trait du père, la troisième est en dehors des parents, complètement en dehors des parents, c’est ça son intérêt. Et justement Freud nous dit que l’essentiel du travail du sujet, c’est justement la séparation des parents, et que quand il a fait cette tâche-là, il a fait sa tâche, et je pense que ce n’est pas sans rapport avec le travail du cartel, avec la constitution du cartel.
Et ce qui est d’ailleurs intéressant dans cette troisième identification c’est qu’effectivement c’est par rapport à une lettre d’un amoureux et que c’est une lettre de rupture, et que Freud nous dit que les sujets là qui sont ensemble, et bien quiconque peut être mis ensemble, il en résultera une identification autour d’un travail, et c’est ça qui compte. Lacan reprend le choix, cette distinction très importante de Freud.
Solange Faladé :
Tout à fait, tout à fait.
Régis Adam :
Et, ces pensionnaires ne se sont pas choisis.
Solange Faladé :
Oui, tout à fait. Ils se sont trouvés regroupés là, dans ce pensionnat. Tout à fait, vous faites bien de le souligner à nouveau, l’importance de cette troisième identification, et en quoi elle diffère des deux premières.
M.L. Lauth :
Tout d’un coup, je réfléchis à cette expression de doublure du sujet, mais est-ce que c’est doublure parce que c’est ce qui masque le sujet, ou ce qui l’accompagne ou ce qui… ?
Solange Faladé :
C’est plutôt ce que le sujet va masquer, l’objet petit a, puisque c’est ce que je ne donne pas à voir. En général quand on parle de doublure, ce n’est pas ce qui est à l’extérieur.
M.L. Lauth :
Mais qui est indispensable, quand même.
Solange Faladé :
Oui. Pour le vêtement, il vaut mieux. Donc pour le sujet aussi nous pouvons faire cette comparaison.
M. Lesbros :
… vous avez parlé des trois …Est-ce que vous pouvez en dire plus ?
Solange Faladé :
Je n’ai pas voulu développer ce point parce que c’est là, c’est le pourquoi de trois au minimum pour un cartel, mais je me réserve d’en parler une autre fois. Je voulais vraiment centrer ce que j’apportais sur ce qui permet qu’un nœud social, un lien nouveau, puisse se mettre en place dans un lieu, dans un groupe pour la psychanalyse. J’y reviendrai, parce qu’il nous faudra à nouveau parler du cartel et de la constitution du cartel et de comment Lacan justifie le trois, ce qui fera quatre, enfin. Mais vraiment ce matin, je n’ai pas voulu. C’est juste une indication en passant parce que je voulais donner sa place à l’importance de ce rapport avec le Nom-du-Père, de l’importance de cet interdit de l’inceste qui circule, et qui doit circuler dans ce qui s’est mis en place autour de ce lien social nouveau, dans le fait que ça peut se permuter, enfin vous voyez, c’est essentiellement autour de ça. Alors nous en parlerons une autre fois. Vous vouliez que soit développé ce point, c’est ça ?
M. Lesbros :
Oui, c’est ça.
Solange Faladé :
Bon acceptez qu’on puisse en parler une autre fois.
M. Lesbros :
Merci.
Régis Adam :
Il semble que deux ne peuvent pas faire trou au sens où Lacan en parle, il en faut au moins trois pour faire trou au sens où il définit le trou.
Solange Faladé :
Oui, c’est ça, la mise en place de ce cartel autour du trou, et le rapport du trou avec le Nom- du-Père. Je voulais simplement l’apporter pour en souligner l’importance et le développer à un autre moment. mais enfin effectivement il y a le fait que ça ne puisse pas être deux mais au moins trois, nous dit-il, pour que ça fasse trou.
Ch. Giraud :
Moi, je voulais un petit peu vous demandez sur le désir de l’analyste parce que vous dîtes que le désir n’est pas de l’ordre du désir phallique, il n’ y a aucun idéal. Il y a plutôt à parler du désir de l’analyste épuré, alors dans le Transfert, Lacan va nous parler du désir de l’analyste en tant que vérité virulente, quelque chose qui reste toujours virulent comme désir à tel point qu’imaginairement l’analyste doit avoir envie de prendre l’analysant dans ses bras ou le jeter par la fenêtre, il le dit ça !
Solange Faladé :
Oui.
Ch. Giraud :
Donc c’est quelque chose qui est virulent en tant qu’amour et que haine en lui, donc je voulais demander en quoi il est épuré vraiment le désir de l’analyste ?
Solange Faladé :
Bon écoutez, quand on dit épuré, ça veut dire que ça demande à l’être, et que il y a toujours un travail à faire sur soi, on n’ y est pas une fois pour toute. Donc, il y a comme Lacan lui-même dit « il y a des mouvements qui font qu’avec certains on a envie de les prendre dans ses bras », chacun sait qu’ il n’y a pas à le faire. Donc, on reste quand même parlêtre. Donc, à partir de ce moment-là, ceci joue et donc nous avons toujours à faire ce travail, pour que du petit a puisse advenir chaque fois.
Puisque quand même ce qu’il y a de plus difficile, c’est d’ essayer de trouver toujours un signifiant, un S1, qui va venir masquer ce petit a. Dans un de ses séminaires, Lacan en parle de ce travail qu’il y a à faire, à chaque chute de S1, il y a un autre S1 qui pourrait venir, qui vient là masquer le petit a, qui est aussi le sujet. Et à la fin d’une analyse il met bien l’accent surtout sur ceci, que l’analyste soit suffisamment vigilant pour que l’analysant n’aille pas prélever sur lui un S1 qui viendra masquer ce petit a du sujet qui vient, et c’est en cela qu’il a pu faire la critique de la position de Balint qui pensait que le fin du fin c’était qu’à la fin d’une analyse, l’analysant s’identifie à son analyste, alors que, non. Ca veut dire qu’elle est là toujours, d’ailleurs ce travail est si long parce que la tentation du sujet est de pouvoir masquer ce petit a par un S1, et qu’à la fin, il peut être tenté de le prélever sur son analyste. "