23 octobre 1990
Document de travail
Introduction au symptôme à partir du manque à être du sujet
Je vais quand même dire quelques mots sur l’identification. Ce sera une sorte de rappel autour du sujet, de ce qui se met en place avec le sujet de l’inconscient. Au tableau j’ai remis ce graphe, ce graphe disons du vivant qui vient de choir dans le monde. Ce vivant qui ne parle pas encore mais qui sait se faire entendre, son cri parce qu’il est… c’est un vivant, son cri qui n’est pas parole rencontre l’Autre et là les choses se mettent en place pour lui et en particulier, il y aura une réponse de l’Autre. Et c’est à partir de cette réponse que ça va se jouer pour lui. Cette réponse nous dit Lacan va être marquée de quelque chose qu’il a appelé matrice de l’idéal du moi. Et j’ai pensé – après ce qu’il a pu apporter au cours de son enseignement et en particulier dans son écrit Position de l’inconscient, dans son séminaire les 4 concepts et dans le séminaire D’un Autre à l’autre, en nous référant à ce que dans Les remarques à Daniel Lagache il avait apporté – (qu’) on peut dire qu’en fait cette matrice de l’idéal du moi, c’est un S1. C’est ce qui est parlé de lui, de ce vivant au champ de l’Autre. Et c’est ceci qui le marque, qui est cette matrice de l’idéal du moi. Ce n’est en rien forcer l’enseignement de Lacan, c’est au contraire me semble-t-il suivre cet enseignement que de dire que ce qui va le marquer, que cette réponse qui vient de l’Autre c’est un S1.
Lorsqu’il parle, c’est à dire lorsque son cri devient parole, lorsque du sujet va émerger des signifiants qui le recouvrent – phrase que l’on retrouve dans ses Remarques au rapport de Daniel Lagache - à ce moment là, un signifiant, toujours un de ces signifiants qui se trouvent au champ de l’Autre, un S1 va le représenter, va le représenter auprès d’un autre. C’est à dire que son appel, ce qui devient là adresse à l’Autre, parce qu’on est dans le champ du langage et que la parole fonctionne, il faut qu’il y ai un autre signifiant qui permette au signifiant qui représente le sujet de jouer effectivement son rôle de signifiant.
Donc il parle, le sujet émerge de ces signifiants qui le recouvrent, il est représenté auprès d’un autre signifiant S2, à ce moment là il est véritablement sujet de l’inconscient, aliéné au signifiant, divisé par ce signifiant et c’est à ce moment là que se produit sa disparition. Ce signifiant autre qui permet que le premier puisse le représenter, c’est un signifiant qui lui, comme je vous l’ai dit, ne se trouve pas dans le corps des signifiants du grand Autre, le sujet le prélève hors de ce champ, c’est ce S de grand A barré.
Je sais qu’il y a des personnes qui sont là, qui viennent pour la première fois ici dans la psychanalyse, si je puis dire, que ces personnes ne s’effraient pas : on redit toujours les mêmes choses. Soyez assurés que vous entendrez parler de ces mêmes mots et très vite vous suivrez ce dont il est question ce soir. Je vais un peu rapidement puisque c’est un rappel.
Donc ce deuxième signifiant ne se trouve pas dans le corps du grand Autre, est prélevé hors du corps de ce grand Autre et c’est à partir de ce qui est prélevé là, hors du corps du grand Autre que va se détacher un trait, un trait qui vient redoubler ce qui avait, avant même qu’il ne devienne sujet, ce qui marque le sujet. Ce trait c’est le trait de l’idéal du moi, c’est la deuxième identification de Freud. Et on peut dire que en fait cette deuxième identification de Freud se présente comme identification primordiale puisqu’avant même qu’il n’y ait le sujet, il y a cette matrice de l’idéal du moi.
Quand le sujet nait, il nait en incorporant des signifiants du corps de l’Autre, c’est la première identification de Freud, identification qui se met en place, soit par amour soit par haine, peu importe, mais qui se traduit par une incorporation de ces S1, qui immédiatement est suivie de ce prélèvement du trait de l’idéal du moi.
Reste la troisième identification. Et si vous vous souvenez pour cette troisième identification très rapidement j’ai mis en place la horde primitive, les frères de la horde primitive. Mais enfin, on n’est pas toujours dans la même constellation familiale que Freud et alors on peut se demander comment se met en place cette troisième identification. Cette troisième identification se met en place même quand il n’y a pas des frères et des sœurs parce qu’il y a l’image de l’autre semblable. Vous savez que lors du deuxième appel, Lacan met l’accent sur ceci que le sujet rencontre le désir de la mère, ce désir de la mère, parce que nous sommes dans ces structures qui donnent le discours de l’inconscient, ce désir de la mère pourra être identifié, l’objet du désir c’est le phallus, c’est ce qui manque à la mère, et parce que ce désir est identifié, il est possible pour l’enfant de reconnaître dans l’image de l’autre ce qui va pouvoir enrober ce qui est son être, c’est à dire cet objet petit a. Et dans cette relation à l’image de l’autre, que peut être supposé à cet autre semblable, à cette image de l’autre semblable, un désir similaire au sien propre, c’est la troisième identification. Cette troisième identification vous savez qu’elle aura une importance dans ce qui se jouera à la fin d’une analyse.
Je rappelle très rapidement ce que nous avons vu ensemble à Vaucresson (1) d’abord, ensuite au mois de septembre (2), ce qui se joue au cours du travail analytique, qui se joue à partir de la mise au travail du sujet, du sujet dans ce qui le divise, et c’est ce que j’ai essayé de représenter ici, cet objet petit a qui divise le sujet entre savoir et vérité, ce que Lacan met en place dans le séminaire sur l’objet de la psychanalyse. Et le travail analytique se joue entre ce qui est l’être du sujet, comme nous avons vu en détail au mois de septembre, l’être du sujet qui est ce petit a, et ce qui est ce qui se dévoile pour celui-là qui est en analyse, que le sujet est une place vide, un ensemble vide. Et tout le travail va consister, entre ce signifiant qui le représente S1, et ce qu’il est, cet objet qu’il est : le petit a. Et le travail, ce que Lacan a appelé le travail du transfert, le durch arbeiten de Freud que les anglais ont traduit par working through, ce durch arbeiten c’est en fait ce que le sujet s’efforce d’éviter en mettant chaque fois un S1 à la place de ce vide qu’est lui le sujet, toutes les fois qu’il va être confronté avec ce qui est son être, c’est à dire ce petit a, cet objet qui est hors de lui.
Le résultat c’est la chute des identifications, je ne vais pas reprendre ceci nous en avons longuement parlé, la chute des identifications du S1 qui à la fois à avoir avec l’idéal du moi mais aussi avec ce qui a été incorporé par le sujet, c’est la chute de ces identifications, le franchissement du plan des identifications nous dit Lacan. Ce franchissement fait que le sujet est confronté avec l’objet petit a qui est son être.
Mais reste une identification, cette identification troisième qui a avoir avec le désir supposé à l’autre du fait de la rencontre avec cette image de l’autre semblable. Et cette troisième identification est dit Lacan lors des journées sur les cartels, ce qui permet que du cartel puisse se mettre en place, avec un sujet qui ayant été confronté au cours de l’expérience analytique avec ce qu’il est : un vide, un sujet qui a pu franchir le plan des identifications, c’est à dire être désaliéné par rapport à ce signifiant S1 qui le représente et qui permet aussi qu’il y ai ce trait de l’idéal du moi. C’est avec cette identification qui a avoir avec le désir, désir hystérique supposé à l’autre semblable, que va pouvoir se mettre en place les cartels. Et c’est pourquoi, j’ai rapidement rappelé ce que nous avons travaillé plus en détail depuis quelques temps, va pouvoir se mettre en place les cartels. Et c’est dans ces cartels que Lacan propose, si on tient compte de ce qu’est une institution psychanalytique, basée sur la structure de ce que le discours analytique donne, à ce moment là peut se mettre en place les cartels, des petits groupes de travail, avec des sujets qui se reconnaissent ayant un désir qui peut être supporté par l’autre semblable, mais des semblables qui ont pu au moins faire le tour de ce qui est, ou de ce qui a été leur aliénation.
(…)
Donc j’ai rappelé rapidement ce qu’il en est de l’identification, non pas parce que nous allons le travailler cette année mais ça a été pour moi une façon d’introduire ce problème des cartels, de remettre en place ce sujet de l’inconscient, de très rapidement dire un mot de la structure du discours analytique.
Introduction au symptôme
Cette année, parce que j’ai eu à travailler et je continue à travailler un certain nombre de séminaires et en particulier cet écrit de Lacan La direction de la cure et son pouvoir, j’ai pensé qu’après tout nous pouvions rester dans le symptôme mais peut-être aborder le symptôme à partir de ce que Lacan nous dit dans cet écrit La direction de la cure, à partir de ce qui est au cœur de l’expérience analytique, c’est à dire le manque à être du sujet. Cette phrase je l’ai retenue parce que Lacan l’amène à propos de Ferenczi et il l’amène à propos de Ferenczi par rapport à la fin de l’analyse et de ce qui se passe chez l’analyste. Ferenczi, nous dit Lacan, pense que l’analyste devrait faire l’aveu de ce qu’est son...de ce qu’il a à vivre lorsque son patient, lorsque l’analysé arrive à la fin de l’analyse et donc va le délaisser, Lacan dit qu’il y a là quelque chose de comique de la part de Ferenczi. Mais c’est à propos de cela qu’il amène cette phrase, de ce qui est au cœur de l’expérience analytique qui est ce manque à être du sujet.
Donc, j’ai pensé que cette année nous allions reprendre ce qu’il en est de ce manque à être du sujet, et que nous allons le reprendre d’une part par rapport au névrosé puisqu’il parle d’abord du névrosé dans ce passage et aussi par rapport au pervers, non pas que nous allons travailler le pervers de part en part si je puis dire, mais toutes les fois que ceci nous sera nécessaire, nous comparerons le pervers, dans son rapport avec son manque à être, avec ce qu’il en est pour le névrosé qui « lui », nous dit Lacan, il ajoute « toujours » dans cette phrase, « ce qu’il apporte dans ce champ, c’est sa passion ».
Ce qui va nous amener à nous interroger sur le psychotique. Souvenez vous, lorsque nous avons commencé à travailler cette question du sujet, il y a deux ans. Le sujet c’est celui qui peut être représenté par un signifiant pour un autre signifiant, le sujet de l’inconscient. Cet autre signifiant, ce S2, c’est l’équivalent du S de A barré, on peut dire cela. Ce S2 va s’inscrire dans l’articulation signifiante et c’est la névrose. Nous avons vu que pour le psychotique, lors du deuxième appel à l’Autre, deuxième appel qui existe effectivement, la clinique nous permet de le saisir, il n’y a pas ce deuxième signifiant. Et vous savez que dès le départ nous nous sommes interrogés sur le sujet de la psychose, sujet qui est barré par le signifiant, parce qu’il parle, nous dit Lacan, mais sujet qui ne peut pas être divisé puisque ce deuxième signifiant ne se trouve pas dans l’articulation signifiante qui est la sienne. Donc, nous nous sommes là, dès le départ et tout de suite trouvés devant deux sortes de sujet si je puis dire, l’un qui répond au discours de l’inconscient, et l’autre, parce qu’il n’y a pas cette inscription du S2, est hors discours. Lacan insiste sur le fait que le psychotique n’est pas hors langage, c’est pourquoi il y a du sujet et du sujet que le signifiant barre, mais il est hors discours puisque ce S2 ne peut pas s’inscrire.
Donc ce sera l’occasion pour nous de reprendre, comment le sujet de la psychose peut-il se situer par rapport à ce que Lacan nous dit être là au cœur de l’expérience analytique, c’est à dire ce manque à être.
Samedi nous nous sommes retrouvés autour d’un texte de Lacan – subversion du sujet – et il a été question de Hamlet et je me suis dit – pourquoi ne pas commencer par Hamlet pour introduire ce que nous ferons cette année. Toujours dans cet écrit La direction de la cure quelque part Lacan dit que le grand Autre, que la fonction du grand Autre peut être tenue par un mort et là il nous demande de nous reporter à l’Homme aux rats. Le mort c’est le père de l’homme aux rats qui joue cette fonction du grand Autre. Et il est vraiment là en tant que père puisqu’il est mort, il n’y a de père que de père mort. Donc ce mort peut jouer cette fonction de grand Autre. Et quelque part, toujours dans cette direction de la cure il spécifie que le grand Autre ce n’est pas un semblable, et que de le rencontrer peut être à l’origine d’angoisse.
Alors, qu’est-ce qui se passe pour Hamlet ? On peut dire : le fantôme de son père revient. Ce qu’il rencontre c’est bien ce grand Autre, ce mort qui vient d’au-delà de je ne sais où, pour lui dire qui il est, ce qu’il est devenu. Et vous savez que Hamlet, je ne sais pas si il le reconnaît effectivement, en tout cas il n’a plus à faire à un semblable, à un autre semblable et l’angoisse est là. Et si on s’en tient à ce que dit Lacan, il y a bien là du sujet du fait de cette manifestation. Et samedi (3) j’ai été amenée à dire qu’en fait si Hamlet perd ses repères c’est parce qu’il vient de saisir ceci :
Ce qui lui vient de l’Autre, du grand Autre, de ce champ où est son père mort, ce qui lui vient de là, lui signifie que sa place à lui Hamlet est une place vide, qu’il n’y a aucun signifiant propre pour dire qui il est puisque le sujet manque de signifiant et que c’est véritablement à partir de là que se met en place ce qui va être son drame à lui Hamlet et qui peut expliquer pourquoi, nous dit Lacan, il illustre la névrose. D’un coté il n’y a dans le champ de l’Autre aucun signifiant qui lui permette de soutenir ce qui est son nom propre et il peut se présenter comme un hystérique, et vous savez qu’il sort de cette confrontation avec le ghost, il se conduit comme un égaré et comme quelqu’un qui va renoncer, ne va plus s’efforcer de réaliser ce qu’est son projet. C’est à dire, il devait épouser Ophélie, il devait être celui qui aurait du monter sur le trône du Danemark, il y a là quelque chose de son projet qu’il ne réalise pas et ceci le met du coté de l’hystérie. De l’autre coté il y a ce doute, ce – to be or not to be – il ne sait plus très bien ce qu’il a à faire. Ce qui lui vient de l’Autre c’est un devoir, ce devoir qu’il a à accomplir, mais ce qu’il aurait pu attendre de ce lieu, de ce champ, c’est de l’amour certes, mais qu’est-ce qu’il entend ? Un devoir à faire, et ce devoir à remplir c’est : mais ce qu’il me demande là de faire, n’est-ce pas qu’il me demande de me perdre. Il sait ce que l’Autre veut de lui, et cette révélation de l’Autre il est bien obligé dans ce qui se joue pour lui, à partir de ce moment là que ce que l’Autre veut de lui c’est sa perte.
Donc il m’a semblé qu’à partir de Hamlet, nous allons pouvoir mettre en place ce qu’il en est de la clinique tant du coté de l’hystérique que du coté de l’obsessionnel. Naturellement nous ne nous en tiendrons pas uniquement à Hamlet bien sûr puisque nous aurons à faire un parcours. Mais déjà là en reprenant ce que nous avons pu, les années passées dire du rapport du sujet et de l’Autre, nous pouvons déjà mettre en place ce qui va relever de la structure du névrosé que ce névrosé soit hystérique, ou que ce névrosé soit obsessionnel.
Il y a aussi un point qui nous intéressera qui a avoir justement avec ce que Lacan dans les formations de l’inconscient nous dit de ce sujet, qui a trait avec l’identification idéale avec ce qui est de l’insigne que le sujet revêt, nous dit Lacan, au sortir de l’œdipe et qui fait qu’il y a là un sujet nouveau. Cet insigne, ce trait prélevé au champ de l’Autre, pourquoi ne pas en parler déjà ce soir. Si nous prenons le cas de Gide le pervers, nous allons pouvoir saisir ceci que pour Gide, on ne peut pas dire qu’il sort de l’œdipe autour des quatre cinq ans, comme il est classique de le dire. Gide, jusqu’à ce qu’il rencontre cet Autre qui va lui permettre de prélever un trait qui va le marquer doublement, ce trait de l’idéal du moi, on ne peut pas dire que Gide est à quatre, cinq ans un sujet nouveau, puisque jusque là il n’a pas pu, et c’est sa biographie qui nous le dit, lui-même nous le dit, il n’est pas marqué de cet insigne, de ce trait du grand Autre qui fait de lui un sujet, sujet de l’inconscient, ce sujet nouveau comme dit Lacan dans les formations de l’inconscient. Tant qu’il n’a pas rencontré cet Autre sur lequel il peut prélever ce trait, tant qu’il ne l’a pas rencontré, Gide lui-même nous dit qu’il se vit comme un rat crevé. C’est à dire qu’il n’est que cet objet petit a, un objet petit a qui n’a pas trouvé une image d’un autre semblable qui lui permette de se trouver aimable à ses propres yeux, qui permette que soit enrobé le petit a de son être, et qu’il a fallu cette rencontre avec la tante qui ne se présente pas comme un autre semblable mais la tante qui lui permet de prélever ce trait, ce trait qui fera que lui-même pourra ensuite se trouver aimable, parce qu’ayant été désiré par quelqu’un, ce qu’il n’a pas rencontré chez la mère.
Gide nous présente ceci : c’est que si il a rencontré une mère qui savait très bien ce qu’elle voulait dans la vie, qui savait ce qu’est la loi, la loi de Dieu, qui voulait un mari, non pas pour lui faire un enfant à lui le mari mais pour faire un chrétien pour Dieu, s’il a rencontré cette mère, il n’a pas rencontré chez elle un désir qui lui permette de pouvoir trouver dans le champ de l’Autre qui aurait pu être présentifié par le père, n’a pas trouvé ce qui aurait du être ce trait de l’idéal du moi. Il lui a fallu la rencontre avec la tante.
Donc qu’en est-il de son manque à être, de son rapport à son manque à être ? Qu’en est-il pour Gide de ce sujet nouveau qu’il est devenu ? Nous verrons peut-être que pour le saisir, c’est peut-être beaucoup plus du coté de cet objet qui a avoir avec la jouissance que du coté de ce qui a avoir avec le manque à être. Ce qui nous permettra de dire que Gide est du coté du pervers et non pas du névrosé.
Avec Sade les choses seront peut-être encore plus nettement marquées pour ce qui est de son manque à être, de son rapport avec le petit a, avec ce qui est son être. Mais ceci nous le verrons chemin faisant. Ce soir je le dis très rapidement de quel coté nous allons cette année travailler. Nous allons travailler du coté de ce qu’en fait Lacan a appelé la formation de l’inconscient. Mais il nous faudra bien spécifier ce qui est propre au symptôme et qui n’a rien à voir avec ce que normalement on aurait du coté des formations de l’inconscient, c’est à dire le rêve, le lapsus. Mais c’est quand-même du coté des formations de l’inconscient que nous travaillerons. D’ailleurs dans ce séminaire les formations de l’inconscient, c’est bien du symptôme que Lacan traite après avoir parlé du rêve, il traite du symptôme hystérique et du symptôme obsessionnel. C’est pourquoi on peut dire que ce qui va nous intéresser cette année a avoir avec la formation de l’inconscient. C’est ce que lui-même, d’ailleurs dans ce Position de l’inconscient, cet article, cet écrit, nous dit, lorsqu’il reprend ce qu’il en est de l’aliénation et de la séparation, nous dit que en fait il y a là formation de l’inconscient.
Alors j’ai dit, c’est ce qu’on a marqué sur le papier que vous avez reçu, le symptôme, c’était pour dire que nous resterons dans le symptôme. Mais tel que j’apporte ce que je pense apporter ce que je vous dis ce soir, fait que je me suis rappelé qu’il y a quelques années, pendant un certain temps le groupe que j’animais travaillait autour de quelque chose que j’ai appelé – symptôme et structure -. Je l’appelais ainsi parce que je l’ai relevé dans un des séminaires de Lacan, un des séminaires qui avait beaucoup compté à l’époque. Et me rappelant ceci je me suis dit que maintenant on ne pourrait plus dire – symptôme et structure – car avec les discours et en particulier avec la structure des discours de l’inconscient qui est ce qui vient là représenter le névrosé, c’est plutôt – structure – que l’on devrait dire pour ce qui relève du névrosé, qu’il soit hystérique ou obsessionnel. Alors qu’en est-il du symptôme ?
Le symptôme je pense que c’est du coté du psychotique, de celui-là qui ne relève pas de la structure de l’inconscient, de celui-là qui ne répond pas au discours de l’inconscient, au discours du maitre, de celui-là qui entre l’articulation signifiante n’a aucune place pour ce signifiant autre, pour ce deuxième signifiant. Ce qui fait que le titre de notre travail cette année sera – structure virgule symptôme - et je pense qu’on ne peut pas aborder les choses différemment depuis que Lacan a mis en place les discours, a mis en place la structure du discours.
En prenant les choses ainsi, nous aurons à parler de l’hystérique et de l’obsessionnel, ce que j’ai fait rapidement avec Hamlet. Nous aurons aussi à revenir sur l’Homme aux loups. Vous savez bien que l’Homme aux loups nous intrigue depuis plusieurs années. Il n’y a pas que nous d’ailleurs, les autres aussi. Et reprenant ce que Lacan a pu dire des discours, ce qu’il a pu mettre en exergue autour de cette Verwerfung, autour de cette forclusion, autour de ce qui est là retranché... puisque c’est quand-même la première traduction qu’il a donné. Peut-être alors nous sera-t-il plus facile de mieux comprendre ce qu’il en est de cette hallucination du doigt coupé, qui fait que l’Homme aux loups, tout en étant obsessionnel a, malheureusement Lacan ne s’en explique pas plus, mais on essaiera d’en dire plus à partir de ce qu’il a apporté par la suite, est nous dit Lacan, un border Line.
Toujours en partant de cette structure du discours, nous pourrons reprendre ce qu’il en est du sujet de la psychose, de ce sujet qui est barré par le signifiant, de ce sujet qui a un rapport tout particulier au savoir. Ce n’est pas parce que le S2 n’est pas dans l’articulation signifiante de la chaine du sujet psychotique que le S2 n’intéresse pas le psychotique. Lacan insiste sur le rapport du psychotique au savoir. Alors comment peut-on traduire, si on devait l’écrire, le sujet de la psychose ? Je pense qu’il faudrait faire entrer en ligne de compte ce savoir, ce savoir qui donne au psychotique une certitude. Alors peut-être faut-il partir de son rapport au savoir, mais également de son rapport à cet objet, à cet objet qui a avoir avec la jouissance. C’est çà dire que c’est à partir du petit a et du S2 qu’il y aura à éclairer le sujet de la psychose.
De même que ce sera à partir du petit a et du S2 qu’il y aura à éclairer le pervers. Alors, pour le pervers je vais en parler d’une façon plus aisée car certains savent ici que je me suis efforcée, j’ai travaillé longtemps, de trouver une écriture possible au pervers. Et je l’ai fait à partir de son rapport au savoir. Mais je l’ai fait en tenant compte du sujet barré. Ce que je proposais c’était ceci : $ → S2. Bon. Lacan m’a fait un certain nombre de remarques, en particulier sur la place du S1. Je ne vais pas rentrer dans ce détail, mais lorsque j’ai repris ce séminaire d’un Autre à l’autre, cette fameuse phrase où Lacan à propos du sujet dit que c’est le petit a qui est ce sujet représenté par ce S1, alors j’ai compris ce qu’il me faisait comme remarque. Et je me suis dit que c’était à partir du petit a qui est l’être du sujet, qui est le sujet, c’est à partir du petit a dans son rapport au savoir mais pas comme ceci : a--->S2, mais comme cela : a/S2 car le pervers pour ce qui est du savoir, du savoir faire jouir, il en connait un bout et que ceci a avoir aussi avec la (vérité.)
Alors on aura à discuter de ceci qui est du coté du pervers, de ce que j’ai marqué la-bas qui est ce qui commence le discours analytique dans le rapport de celui qui est support de petit a dans le discours analytique. Son rapport au savoir n’est pas le même que le rapport du pervers, le rapport du pervers au savoir et le rapport de l’analyste au savoir.
De même que pour le psychotique c’est aussi ceci qu’il faudra prendre si l’on veut comprendre ce qu’il en est du psychotique du sujet de la psychose.
Mais pour s’en sortir me semble-t-il il faut partir des discours, donc des structures.
Le pervers lui, est dans un discours, c’est ce qu’on peut déduire avec Kant avec Sade dans cet écrit de Kant avec Sade. Mais son rapport a avoir avec la jouissance. Sade c’est le maitre de jouissance. On est dans un discours. Alors que pour le psychotique c’est un rapport aussi avec le savoir, mais là on est dans le réel. Enfin je crois que les trois registres de Lacan RSI doivent nous permettre d’aller un peu plus loin en tenant compte de ce qu’il apporte avec les discours.
Il me semble que c’est ainsi que nous pourrons faire le pas et répondre à ce qui jusque là nous arrêtait par rapport au sujet et son manque à être, par rapport à ce qui est l’être du sujet et le petit a. Donc : structure, symptôme, c’est ainsi que du symptôme nous pourrons parler du sinthome.
Je m’étais demandé si le titre n’aurait pas pu être - du symptôme au sinthome – mais il me semble qu’en mettant l’accent sur la structure à cause du discours, nous pourrons mieux répondre aux questions qui nous ont arrêté jusque là. Donc la question du sinthome pourra être abordée et pourra l’être en reprenant ce qu’il en est de la lettre et du signifiant, de ce qui vient marquer la première, la jouissance, de ce qui est signifiant mais ne représente pas le sujet.
Et à ce propos je fais une parenthèse. Je sais que d’avoir dit que c’était le trait unaire, je l’ai dit parce que c’est dans le séminaire sur l’identification, certains d’entre vous ont été dérangés, pensant que c’est ce qui est prélevé sur l’Autre : non. Lacan a étendu ce trait unaire, cette nomination, cette façon de dire les choses à ce qui vient marquer, à ce qui a avoir avec – unaire – et ce n’est pas uniquement ce qui a été prélevé sur l’Autre, qu’il dit être le trait unaire. C’est une parenthèse, j’y reviendrai.
Donc, ce qui va nous permettre, ce qui va nous amener à reprendre ce qu’il en est de la lettre et du signifiant, de la lettre qui a avoir avec la jouissance, qui a avoir avec le S1 qui ne représente pas le sujet mais qui quand-même est ce que Lacan a appelé lalangue. Et c’est parce que nous allons nous efforcer de voir comment lalangue va être habitée par le langage ou pas, que nous pourrons alors faire cette distinction entre ce qui est de la structure et ce qui ne sera pas de la structure.
Lalangue, lorsque nous nous sommes vu en septembre je vous ai dit que pour retenir ce concept, en me reportant moi à l’article de Freud sur l’autoérotisme où c’est véritablement lalangue qui est en jeu, lalangue qui est déjà du coté du symbolique mais qui n’a aucun rapport avec le grand Autre, cette jouissance que le sujet lui-même peut se procurer, que c’est à partir de là que j’ai mieux compris ce qu’est ce concept de lalangue dont nous parle Lacan. Mais lalangue qui va être habitée par le langage alors on sera du coté de ce qui est structure, lalangue qui ne sera pas habitée par le langage, à ce moment là on aura à discuter ce qui sera du coté de l’autisme et de la psychose.
Enfin je vous dis très rapidement et d’une façon moins rigoureuse que ce qui sera fait par la suite, ce qu’est notre plan de cette année, et je pense qu’ainsi nous parlerons du symptôme mais nous parlerons du symptôme en tenant compte de ce que Lacan à partir de 69-70 a apporté autour des discours et ensuite autour de cette jouissance qui fait que le névrosé se situe différemment du psychotique et du pervers.
Voici ce dont nous parlerons cette année et qui aura donc pour intitulé : structure, symptôme.
Questions
MBB :
La question du pervers...Vous avez parlé d’une écriture possible a/S2, vous avez fait remarquer effectivement que c’est ce qui commence aussi le discours de l’analyste, vous avez parlé du savoir...
Solange Faladé :
Le rapport au savoir ne peut pas être le même puisque chez l’analyste de toute façon ce sera frappé, si je puis dire de la castration : un savoir troué nous dit Lacan quelque part.
Chez le pervers, il sait, mais il sait faire jouir, c’est le maitre, mais le maitre pour ce qui est la jouissance
MBB :
Parce que le pervers, on ne peut pas dire qu’il est marqué de la castration ?
Solange Faladé :
Que la castration ne lui soit pas inconnue, surement pas, qu’il l’ai assumé, il semble qu’on ne peut pas dire cela, parce que quand je dis - marqué de la castration – je veux dire que c’est assumé, que c’est pris en charge. Bien sur que la castration de la mère est connue, le pervers, mais il dément cette castration, il ne l’assume pas.
Le névrosé l’assume tant bien que mal et en tout cas on pense qu’à la fin d’une analyse cette castration on pourra l’assumer, puisque ceci n’est pas porté à l’infini. Lacan le met à un point de finitude, donc la castration, au moins, on en aura fait le tour.
Et lorsqu’on est à cette place de l’analyste on s’efforce d’y être au moins en connaissance de cause, de ce qui fait que le sujet peut être causé.
Quant au rapport du psychotique avec savoir et cette certitude que lui le psychotique a, c’est encore un autre point qui méritera d’être discuté. Mais le savoir, on ne peut pas ne pas en tenir compte chez le psychotique. Il ne s’inscrit pas dans l’articulation signifiante qui permettrait de faire S1-S2, mais le psychotique sait. Il sait de toute part que... le psychotique, enfin c’est un des points dont je parlerai.
Par exemple si on prend Hamlet, Hamlet, le Ghost lui fait savoir ce qu’il veut de lui. On est dans une tragédie. Mais le névrosé, sa question - parce qu’aussi je m’étais demandé, un moment, si je n’allais pas intituler notre travail de cette année : question-réponse, bon, je ne suis pas passée par toutes les étapes de ma réflexion ce soir pour vous faire part de ce que nous travaillerons - mais le névrosé, la question c’est : que veut-il de moi ?
Le psychotique, lui sait très bien ce qu’on veut de lui. Schreber sait ce que Dieu veut de lui. Il veut qu’il soit une femme au plus prés de ce qu’on peut faire de mieux comme femme pour être la mère d’une nouvelle humanité. Donc, là, il y a une différence entre le psychotique et son savoir et puis ce savoir qu’assume l’analyste, et puis le savoir qui est celui du pervers dans son rapport à la jouissance.
Pour ce qui est du pervers, encore une fois je le dis, je le dis depuis 75, je me suis efforcée de faire cela, j’ai été contente de recevoir un travail d’une personne qui pendant quelques temps était dans ce groupe, dans le groupe que j’animais à l’E.F.P, qui travaille ailleurs. Ça pourrait s’écrire de la même façon. Mais pour ce qui est de là aujourd’hui je vous dis, c’est ce séminaire du 14 mai 69 qui est cette phrase de Lacan autour de ce qui est le manque, autour de ce qui est le sujet ; de cet a qui est le sujet représenté par...enfin, il y a un jeu entre le vide du sujet, le S1 qui le représente et le petit a qui est le sujet. Autour de cela, je pense que ce qui me faisais défaut, ce qui me manquait autour de mon travail sur le pervers, je pourrai le reprendre. Il y a à reprendre ces choses.
Le névrosé pose sa question. Ce sera - homme ou femme ? - si on est dans l’hystérie, - mort ou vif ? - si on est dans l’obsession, l’obsessionnel, mais c’est toujours cette réponse, et la réponse... il y aura quelque chose qui est justement, le sujet qu’il est, son manque à être, qui a avoir avec le Réel, plus tard Lacan dira : c’est la réponse du Réel, mais pas encore dans les références que je prend. Alors que lui le psychotique, la réponse il l’a. Mais la question sur le sujet qu’il est il ne peut pas la poser, il n’y a pas de question qu’il peut pose. Il a une certitude. Il sait ce que l’on veut de lui.
Enfin, autour de question réponse, on peut aussi bâtir ce travail de cette année. Je crois que ce sera pris de beaucoup plus prés si on part de ce qui est structure et qui a avoir avec le discours de l’inconscient et de ce qui ne peut pas répondre du discours de l’inconscient, qui ne peut pas s’écrire S1-S2.
note 1 Solange Faladé à Vaucresson le 07 juillet 1990
note 2 Solange Faladé à Sainte Anne le 15 septembre 1990
note 3 Solange Faladé . Etude de Subversion du sujet . Sainte Anne le samedi 20 octobre 1990