23 janvier 1990
Document de travail
Dans son séminaire Les problèmes cruciaux pour la psychanalyse Lacan lors de sa séance du 4 mai 1965, Lacan commence le séminaire par ceci : (1) « Si être psychanalyste est une position responsable, la plus responsable de toutes puisque le psychanalyste est celui à qui est confié l’opération d’une conversion éthique radicale, celle qui introduit le sujet à l’ordre du désir » donc conversion éthique radicale qui introduit le sujet à l’ordre du désir. Je saute ce qui vient après, et Lacan termine en disant ceci : « Il est à savoir quelles sont les conditions requises pour que quelqu’un puisse se dire – je suis un psychanalyste » Je ne commenterai pas ces phrases mais je pense que la rappeler en ce moment où …
Je la redis cette phrase, je crois que c’est important pour les personnes qui viennent d’arriver …Vu les circonstances actuelles …Il est important de trouver dans ce séminaire que Lacan a intitulé Les problèmes cruciaux pour la psychanalyse, et je crois que nous sommes ici à une croisée des chemins aujourd’hui, je redis cette phrase qui commence la séance du 5 mai 1965, Lacan dit « Si être psychanalyste est une position responsable, la plus responsable de toutes puisqu’il est lui le psychanalyste celui à qui est confié l’opération d’une conversion éthique radicale, celle qui introduit le sujet à l’ordre du désir » Il poursuit, et ceci je le passe, et il termine « Il est à savoir quelles sont les conditions requises pour que quelqu’un puisse dire – je suis psychanalyste »
C’est une phrase qu’on a oubliée …mais enfin, je n’en dirai pas plus, je ne la commenterai pas cette phrase. Elle commence ce séminaire du 5 mai 65 et ce séminaire est un séminaire de Lacan sur la structure du symptôme par rapport au savoir.
Lorsque j’ai eu à parler du psychotique vous vous souvenez, j’ai terminé la séance de cette fois là par ces mots : que le psychotique, et Lacan parlait de son cas Aimée, il s’y est intéressé parce que Aimée savait, nous dit-il, le psychotique sait, il sait parce que ça lui fait signe, et puisque ça lui fait signe, il est sûr que quelqu’un, qu’en un lieu, on sait ce que veut dire ces signes.
La relation de chaque structure au savoir diffère, et dans cette relation, il y a la position du psychotique que je viens de vous rappeler, il y a la relation du névrosé, par rapport à ce savoir. Lui le névrosé ne sait pas. Il ne sait pas, et en particulier, nous dit Lacan, il ne sait pas quand sera la rencontre.
Le pervers, lui, sait, mais il ne faut pas qu’on sache. Son savoir il doit le taire. C’est un secret. Qu’est-ce qu’il sait lui, le psychotique (2) ? Il sait que la mère est châtrée mais aussi qu’il ne doit pas le faire savoir et pour ce faire, il invente un objet, le fétiche qui permet à la fois de dire ou de faire dire à ce fétiche que la mère n’a pas le pénis, mais qu’elle a un objet qui est ce pénis qui lui manque. Mais les positions des différents pervers diffèrent et aujourd’hui, j’ai retenu la position du masochiste, puisque la dernière fois on a eu à en parler. Le masochiste sait que la mère est châtrée, d’abord, elle a des tas d’ennuies, elle a des règles, elle doit subir le coït, il y a l’accouchement, il y a l’allaitement, et que sais-je encore, enfin, toutes ces choses qui ont à voir avec le pas de pénis. La mère est châtrée, mais lui le masochiste va se mettre dans une position telle qu’il se fait objet, déchet, déchet qui se met sous la table ou encore ce tableau dont nous a parlé Lacan, je crois que c’est à Bruges ou à Bruxelles, où il y avait un écorché, un écorché aux pieds d’une dame, une dame toute rayonnante, toute belle. L’écorché c’est cette position masochiste, cette position qui permet de faire croire que la barre qui est sur le grand Autre, que j’ai essayé d’écrire ici, que cette barre va être effacée, parce que lui, masochiste est cet objet, cet objet qui va permettre de faire croire que le grand Autre n’est pas barré. C’est là la position du masochiste.
La position féminine, ce n’est pas du tout cela.
J’ai refais ici les formules de la sexuation. La position féminine n’est pas du tout de faire croire au partenaire qu’il n’est pas châtré. Ce n’est que dans sa division de sujet qu’il va y avoir cette rencontre entre, elle qui est dans cette position d’objet petit a, mais pour venir soutenir, marquer, ce qui est la division du sujet. La position féminine n’est pas du tout une position masochiste. J’ai pris cet exemple parce qu’il y avait eu cette discussion la dernière fois, où la femme parce qu’acceptant d’être objet du désir de l’homme, d’être celle qui va soutenir son fantasme, la femme a été vécue par certains, ici, comme étant dans une position masochiste, pas du tout. Le masochiste, lui, va faire en sorte que l’Autre paraisse non barré, et c’est important.
Donc, position du savoir qui diffère selon la structure.
Et ce soir, pour illustre ce que c’est que ce savoir du névrosé et sa relation à la jouissance, vous savez et je vous l’ai dis la dernière fois, il y a une disjonction entre le savoir et la jouissance chez le névrosé, c’est l’hystérique qui nous en donne ce qui permet de comprendre cette disjonction, et c’est à partir d’un cas d’hystérie, un cas de Freud, le cas de Miss Lucy R, ce cas nous a déjà retenu plusieurs fois. Je le reprends, parce que c’est un cas tout à fait intéressant …cette chère Miss Lucy R qui est allée voir Freud en 1893, à un moment où lui Freud n’avait pas encore découvert l’inconscient, mais il avait bien saisit déjà ce qu’est la structure de l’hystérique.
Alors, nous allons à partir de ce cas essayer de comprendre la position de l’hystérique par rapport au savoir et aussi ce qu’il en est de cette jouissance, jouissance fourrée nous dit Freud et Lacan le reprend, pour nous dire qu’on peut très bien comprendre que cette jouissance se traduit par le déplaisir, l’Unlust, et c’est bien ce que nous allons saisir dans ce cas de Miss Lucy R.
Je vous le rappelle très rapidement. C’est une jeune gouvernante qui vient voir Freud après avoir consulté Breuer pour des troubles de l’olfaction. Et Breuer se rend compte que bien qu’il y ait une lésion organique, on va trouver une carie de l’ethmoïde, bien qu’il y ait une lésion organique, en fait les troubles que présente cette jeune Anglaise, gouvernante dans une famille riche de Vienne, relèvent de la psychologie. Et c’est pourquoi il l’envoie consulter Freud. Quand Freud la voit, il ne peut pas lui consacrer beaucoup de temps, parce qu’elle a beaucoup à faire, elle n’est pas très libre, et il la prend comme ça au milieu de ses consultations et mon Dieu, j’ai le sentiment qu’il la garde quelques minutes, en tous cas pas une heure. Ca vaut la peine de reprendre ce passage, de bien le relire, puisque Freud insiste pour dire que dans ce cas il ne peut pas lui consacrer autant de temps, d’une part, et d’autre part, il ne peut pas la voir très souvent mais il y a eu quand même effet. Il s’est rendu compte qu’avec elle une hypnose n’était pas possible. C’est le moment où nous sommes dans cette période où Freud après son passage à Nancy, et Dieu sait que ces derniers temps on nous en a beaucoup parlé de ce centenaire du passage de Freud à Nancy, Freud revient de chez Liébeault et de chez Bernheim en ayant gardé ceci qu’il avait à faire à des personnes qui savaient, mais qui dans le même temps ne savaient pas, dans le même temps ne savaient pas qu‘elles savaient.
Donc Freud voit cette jeune Miss Lucy R, ne fait pas d’hypnose et a avec elle des entretiens qui ne peuvent pas durer très longtemps. Elle vient et se plaint d’avoir toujours une odeur d’entremets brûlés. Freud interroge cet - entremets brûlés : Qu’est-ce qui s’est passé ? Elle lui dit que voilà, c’était une lettre qu’elle recevait de sa mère qui habite l’Angleterre, elle-même est anglaise, et que cette lettre est arrivée au moment du jour anniversaire de sa naissance, et que les enfants qu’elle gardait, dès qu’elles ont vu cette lettre venant d’Angleterre, se sont précipité, n’ont pas voulu qu’elle la lise tout de suite. Bref il y a eu toute une petite scène, et au bout d’un instant on s’aperçoit que l’entremets que les petites filles préparaient pour cet anniversaire, cet entremets est brûlé. Et depuis donc, elle a cette odeur d’entremet. Freud essaie de lui faire préciser un certain nombre de choses, et il arrive à ceci que cette dame lui dit : voilà, j’ai décidé de quitter la maison, et les petites ne sont pas très contentes et j’ai décidé de partir malgré l’amour que je leur porte.
Freud ne trouve pas ceci satisfaisant et il arrive à lui faire dire : mais n’est-ce pas plutôt parce que vous aimez leur père et que, à cause de cela vous décidez de quitter cette maison ? Elle lui dit : oui. Alors Freud lui dit : mais pourquoi ne me l’aviez-vous pas dit ? Et à ce moment là elle lui dit : C’est que je ne le savais pas. Il a fallu que vous me posiez cette question pour que je me rende compte qu’il y avait là quelque chose que je ne savais pas, plus exactement quelque chose que je voulais oublier. C’est à dire que quand elle vient, elle parle à Freud, elle avait totalement refoulé ce penchant, ce sentiment amoureux qu’elle avait pour son patron, et donc elle donne une réponse qui ne satisfait pas Freud, et Freud l’interroge. La séance s’arrête là. La jeune patiente revient peu de temps après. Freud espérait qu’il y aurait eu une nette amélioration de cette odeur d’entremet brûlé. Il n’en est rien. Et Freud se dit qu’il y a là quelque chose qui n’a pas pu se dire puisqu’il n’y a pas eu une amélioration très nette.
Il continue à l’interroger et il lui fait préciser ceci, c’est que cette dame a reçu un message de la mère des enfants : au moment de sa mort, cette dame lui a demandé de rester dans la maison et de s’occuper de ses enfants comme si c’était ses propres enfants. Là dessus peut de temps après, le patron qui est un industriel, un jour, a un peu de temps, parle avec elle avec beaucoup de tendresse et voilà que, elle se dit que peut-être l’heure est arrivée, vous savez, l’heure, le moment de la rencontre. Elle est pleine d’espoir, les journées se passent et il n’y a pas d’autre entretien en tête-à-tête avec ce monsieur. Elle est déçue. Et ce plaisir qui était le sien va se transformer en quelque chose qui est quand même de l’ordre d’une jouissance, d’une jouissance à elle-même pas connue, mais d’une jouissance qui va se traduire par du déplaisir, déplaisir avec cette odeur de l’entremet brûlé.
Mais l’investigation de Freud lorsqu’il y a eu une amélioration de cette sensation de l’odeur de brûlé, l’investigation de Freud lui fait mettre le doigt sur ceci : C’est que ce trouble concernant cette odeur d’entremets brûlés, est maintenant porté sur l’odeur de tabac. Et Freud arrive à lui faire dire qu’avant l’entremet brûlé, il y avait l’odeur de tabac qui la dérangeait. Et Freud s’efforce d’arriver à lui faire dire : quand est-ce qu’elle a été dérangée par l’odeur de tabac, puisque elle-même dit que dans cette famille on fume beaucoup et que ce n’est qu’à un moment précis qu’il y a eu ce trouble, cette gêne pour l’odeur de tabac. Freud l’interroge et elle finit par dire qu’il y a eu une scène, il n’y a pas très longtemps : Le comptable qui est un vieux monsieur, le comptable de l’entreprise était invité à déjeuner, qu’au moment où ces messieurs, c’est à dire son patron et le père de celui-ci allaient quitter la table pour aller fumer, tout le monde se lève donc, et le vieux comptable fait ses adieux et se précipite pour embrasser les petites filles. Le patron se met en colère et lui défend d’embrasser ses filles. Ca l’a beaucoup contrarié, dit-elle, contrarié parce que cet homme qui est dans la famille depuis longtemps, qui est un vieux monsieur qui ce jour là était invité, ça l’a beaucoup contrarié, que son patron le traite ainsi. Et c’est à partir de ce moment là qu’il y a eu ce trouble, cette gêne, pour l’odeur du tabac.
Alors, Freud n’est pas tout à fait satisfait, essaie de lui faire préciser pourquoi ce qui s’est passé là avec ce vieux comptable l’a tellement froissé, irrité, enfin au point de s’en trouver gênée. Elle finit par répondre à Freud : ah oui ! Ca me fait penser à ce qui s’est passé, il y a déjà quelque temps - je crois deux mois - une amie de la maison vient déjeuner, cette amie en partant embrasse les enfants, le père est mécontent - donc son patron – mais il ne dit rien puisque c’est une dame qui était invitée. Mais dès que celle-ci était partie, le père se précipite sur la gouvernante et lui fait des reproches. Dorénavant, si quelqu’un venait à embrasser ses filles et qu’elle n’arrivait pas à l’empêcher, il lui donnerait congé. Donc, cette irritation qui ne s’expliquait pas très bien, pour ce vieux monsieur, en fait remonte à cet incident. Lorsqu’elle revient voir Freud, l’amélioration n’est pas totale, tant s’en faut, et Freud s’obstine en disant qu’il y a là quelque chose qui manque à toute cette chaîne, quelque chose qui va pouvoir expliquer ce qui se passe pour cette dame malgré sa carie de l’ethmoïde. Cette carie de l’ethmoïde ne suffit pas pour expliquer ces troubles.
Et Freud arrive à lui faire dire qu’elle s’est dit, en voyant l’attitude de cet homme, envers cette dame qui était venue déjeuner, elle s’est dit qu’en fait si elle était un jour sa femme les pourraient ne pas toujours très bien se passer pour elle. Et puis elle finit par dire ce que je vous ai dit tout à l’heure, qu’il y avait eu cet entretient avec cet homme très gentil, très affable. Ca s’est passé une fois. Elle attendait que cela puisse se reproduire. Ca ne s’est pas reproduit. Et quand il y a eu cet incident avec cette dame, à ce moment là, elle a pu se dire que ce n’était peut être pas un homme aussi bien, et puis aussi se dire qu’après tout rien ne lui permettait de se leurrer, de continuer à croire que le patron avait quelque penchant pour elle.
Alors donc voici très rapidement brossé, ce cas de Miss Lucy R.
Alors, ce cas de Miss Lucy R, nous intéresse pourquoi ? Il nous intéresse d’abord pour ce qui est de cette jouissance. On peut remarquer dans l’observation que lorsque le savoir n’est plus là, lorsqu’il y a refoulement, refoulement parce qu’elle est contrariée dans cet amour qu’elle espérait, ça va se savoir si je puis dire, ça va se manifester, par quelque chose qui est de l’ordre du déplaisir. Mais ce déplaisir est en fait une jouissance : le trouble qu’elle a à propos de l’odeur de tabac, de cigare. En fait c’est quelque chose de l’ordre d’une jouissance mais qui se traduit par du déplaisir, de même, ce qui s’est passé aussi autour de cet - entremets brûlés, et puis j’ai oublié l’épisode avec (inaudible) mais enfin, ça venait beaucoup plus d’elle.
Chaque fois qu’il y a quelque chose d’une jouissance qui ne peut pas être assumée, qu’il y a un refoulement de quelque chose qu’elle ne veut plus savoir ou qu’elle préfère ne pas savoir, il y aura manifestation de déplaisir, et tout se porte sur cette zone olfactive, c’est des troubles de l’olfaction, qui viennent marquer cette jouissance éprouvée, c’est à dire c’est toujours par du déplaisir, et ce déplaisir ces troubles, la dérangeaient, la gênaient suffisamment pour aller consulter un grand patron comme Breuer. C’est Breuer qu’elle a vu en premier, et Breuer l’a envoyé à Freud dès qu’il a compris qu’il y avait là quelque chose d’ordre psychologique.
Donc, jouissance, et jouissance qui se traduit par déplaisir, car cette jouissance ne peut pas être reconnue, à partir du moment où elle a du se dire que peut-être elle espérait en vain quelque chose qui viendrait de son patron.
Savoir qui l’habite, et en même temps dont elle ne sait plus rien, car ce n’était pas qu’elle ne voulait pas dire à Freud, comme Freud le fait remarquer, c’est au moment où il pose la question, qu’elle ne peut rien dire, et c’est lorsque lui, lui dit que peut-être les choses se sont passées ainsi, qu’elle dit – mais oui, je le savais, mais je ne le savais plus au moment où vous me l’avez demandé.
Alors, le névrosé ne sait pas quand sera la rencontre, à quelle heure sera la rencontre. Or, c’est bien ce que Miss Lucy R nous montre tout au long de cette observation. Il y a eu cette phrase, cette demande, ce message, cette demande de la part de sa patronne, qui faisait que, mon Dieu, si elle considérait ses enfants comme ses propres enfants, ça revenait presque à dire qu’elle pourrait être la femme de son patron, il est bel homme, enfin tout ce que … et elle est là, elle ne sait pas quand sera la rencontre. Et lorsqu’il y a eu cet entretien, ce jour où peut-être, il n’avait plus grand chose à faire, que sais-je, où il y a eu cet entretien, il était affable, il s’inquiétait d’elle, comment les choses allaient, qu’elle s’est mise à espérer, elle pensait que la rencontre allait se faire, mais il y avait toujours là quelque chose qui ne se faisait pas et elle était toujours, tout au long de cette observation, on peut comprendre qu’elle est là, ne sachant pas à quand sera la rencontre.
Lacan dit dans ce séminaire du 5 mai 65 que c’est véritablement ce qui caractérise le névrosé, c’est le – je ne sais pas – et l’observation de Lucy R l’éclaire très bien, et en même temps elle attend la rencontre, elle ne sait pas quand sera la rencontre, et donc elle vit dans cette attente, dans cette attente qui la fait vivre si je puis dire, alors que quand l’obsessionnel est dans l’attente c’est quelque chose qui lui est insupportable. Mais enfin, nous parlons ce soir de l’hystérique qui vraiment met en évidence ce qu’est le symptôme de la névrose. Donc là, dans cette observation il y a à la fois comment l’hystérique se comporte par rapport au savoir, par rapport à cette quête qui est la sienne : quand sera la rencontre ? Et elle ne sait pas quand sera la rencontre. Même quand elle espère, même quand elle croit que la rencontre va être possible, après ce que lui a dit son patron, elle va quand même vivre sans savoir quand sera cette rencontre. Et de mécontentements en mécontentements, son savoir est totalement refoulé, et la seule chose qui reste c’est ce déplaisir, ce mal-être qui se traduit par les troubles de l’olfaction.
Freud continue son observation, et il nous dit que quelques mois après, après que les choses s’étaient arrangés, qu’elle avait donc pensé rester dans cette famille, à cause de son amour pour les enfants, Freud la rencontre à une station balnéaire, et il voit une personne tout à fait transformée, gaie, rieuse, se portant très bien, et Freud l’interroge. Freud l’interroge, d’abord sur sa situation, bon ça va …et aussi il l’interroge sur l’amour pour son patron, où est-ce qu’elle en est…et elle lui répond qu’après tout elle n’attend plus rien, mais ce n’est pas une raison pour ne pas aimer. Donc, elle n’est pas aimée, mais ce n’est pas une raison pour ne pas aimer, et ceci la fait vivre. C’est à dire que là, elle vit avec son symptôme, et ce symptôme, nous dit Lacan c’est – seule -, elle est seule, seule elle se débrouille avec son symptôme. Ca ne l’empêche pas d’aimer. Elle sait qu’elle ne sera pas payée de retour, mais hystérique, ça lui convient tout à fait, puisqu’elle est sûre de n’être jamais satisfaite. Elle est sûre de vivre son désir sur le mode hystérique, c’est à dire d’être insatisfaite. Un désir insatisfait, c’est ce qui caractérise l’hystérique. Donc, elle s’en trouve très bien, elle reste seule, c’est là le symptôme. Et on verra comment ce symptôme peut se comprendre dans d’autres observations. Elle est seule avec son amour, amour qui ne sera jamais payé de retour. Mais, ça n’a pas d’importance.
C’est à dire que la guérison, ce que Freud a pu obtenir, c’est qu’elle puisse se débarrasser de ce déplaisir, de cette jouissance qu’elle ne peut plus assumer. A partir du moment où, ne voulant plus savoir, ce qu’elle a pour son patron, ça se traduit par du déplaisir. Bon, ce déplaisir est levé, elle vit, elle n’a plus de troubles de l’olfaction, donc elle peut se dire, donc savoir qu’elle aime son patron, que ce patron ne la paiera pas de retour. Mais tout ceci lui permet de réaliser son désir, qui est que le désir pour l’hystérique doit être un désir insatisfait.
Cette observation de Miss Lucy R m’a retenu - je ne l’ai pas détaillé - pour ce que Freud en dit, à un moment où il n’a pas encore découvert l’inconscient. Donc c’est tout à fait important de le prendre en compte, de ce qu’est la démarche de Freud, de ce qu’est sa quête, de ce rapport que lui-même a déjà avec le savoir inconscient, ce que lui-même a déjà saisi dans ce déplaisir. Puisque vous savez que le principe de plaisir, il en fait d’abord un principe de déplaisir, qu’ensuite il en fait principe de plaisir-déplaisir, pour ne retenir que le principe de plaisir, avec ceci que tout ne sera pas du coté du Lust, du coté du plaisir, une partie sera du déplaisir.
Alors, à propos de ce plaisir déplaisir, je reviens sur quelque chose que j’ai dit, lorsque j’ai parlé du oui au S1 et de ce qui se passe pour le névrosé, ce qui est possible pour le névrosé, c’est à partir de ce oui au S1, il va pouvoir, nous dit Freud, Tasten, c’est le verbe qu’il emploie, il va pouvoir goûter, Taster - et c’est véritablement le même mot que le taste-vin - chacun de ses signifiants, qu’il a d’abord si je puis dire incorporés parce qu’il a dit oui au S1, il va pouvoir chacun de ces signifiants les goûter, se dire que celui-ci est bon pour moi, bon pour moi, c’est à dire m’apporte du plaisir, c’est le Lust-Ich - mais c’est le névrosé qui le fait ce travail - et se dire que tel autre signifiant, n’est pas bon pour moi, le rejeter, c’est le déplaisir, l’Unlust, mais ce n’est pas parce que c’est rejeté, que… mais ce n’est pas dans le Réel, il l’expulse, Freud dit Austossen, il l’expulse, et ceci fait partie de ce couple plaisir-déplaisir. Ce qui est recraché, ce qui est marqué du mauvais pour moi, pas bon pour moi, c’est quelque chose qui a été symbolisé, ceci peut se faire dans la névrose parce qu’il y aura ce signifiant S2 qui permet que cette opération de dénégation, je ne l’avais pas dit, c’est la dénégation, que cette opération de dénégation, puisse avoir lieu, et c’est uniquement chez le névrosé. Là quand je dis névrosé, j’entends aussi le pervers, mais la position du pervers n’étant pas la même par rapport au savoir il y aura des différences, mais je n’en parlerai pas ce soir.
Je reviens sur cette dénégation, pour bien faire comprendre, que…il y a d’abord un oui dit au S1 qui est incorporé…il incorpore tous ces S1, mais le psychotique, il n’y aura pas cette opération de Tasten, le psychotique ne va pas reprendre ces S1 pour les Taster, pour les goûter, pour garder ce qui est bon pour lui, ce qui lui procure du plaisir, et expulser ce qui ne lui procure pas du plaisir. Le psychotique ne peut pas le faire, parce que dans la trame, dans la chaîne signifiante qui est la sienne, il n’y a pas le S2. Il y aura incorporation des S1 mais il n’y aura pas la possibilité de l’autre opération qui est d’apprécier de goûter ce qui est bon et ce qui est mauvais. Je voulais y revenir car je crois qu’il y a eu confusion pour certains d’entre vous et qui ont pensé parce qu’il y avait un oui dit au S1, une incorporation des S1, ont pensé que c’était là ce qui avait à voir avec le plaisir, ce qui avait à voir avec Lust-Ich alors qu’il n’en est rien. C’est la deuxième opération, c’est le fait de pouvoir donner un qualificatif, c’est ce que Freud appelle le jugement d’attribution qui fera qu’il y aura du Lust ou du Unlust, du plaisir ou du déplaisir.
Bien, je ne vous en dirais pas plus ce soir, parce que je me suis occupée de ces autres choses qui concernent ce problème de l’instance ordinale, qui ne m’a pas permis d’aller aussi loin que je voulais, mais je tenais quand même à aller un peu plus avant dans ce travail sur le symptôme, et commencer avec cette observation Lucy R, pour bien montrer ce qu’il en est du savoir et de la jouissance chez le névrosé, et particulièrement l’hystérique, puisque c’est avec le discours de l’hystérique que Lacan s’est efforcé de nous montrer ce qu’est le discours du névrosé.
S’il y a des points qui…
… de comprendre, préciser la position du masochiste, l’écriture, les écritures données par Lacan peuvent déjà nous aider à voir qu’il y a une différence. Je pense que ce point est plus clair pour les personnes qui étaient arrêtées par la position féminine.
Questions
XX :
Je voudrais poser une question au sujet du savoir du pervers. Il sait, mais en même temps c’est comme si la question du savoir ne pouvait jamais être posée.
Solange Faladé :
Ah non ! Il sait mais on ne doit pas savoir qu’il sait. C’est de l’ordre du secret. C’est quelque chose qui est tût. Mais ce n’est pas que la question du savoir ne sera pas posée, c’est que lui se présente, et se présente comme quelqu’un qui ne peut pas parler de ce savoir, qui le garde secret. C’est pas la même chose. Puisque quand on reprend le problème économique du masochisme (3) cet article qui est, je crois de 24, ce sera à vérifier, mais qui vient en même temps que l’article sur la disparition du complexe d’œdipe (4) à un ou deux ans près. Freud nous dit à propos du masochisme dit féminin, il nous dit quelque chose qui est de l’ordre d’un savoir puisque le masochiste fait savoir tout ce qui fait que la femme va être dépréciée. C’est de l’ordre du savoir.
Mais lui le masochiste va se mettre dans une position telle qu’il va par cet objet qu’il s’efforce d’être, il va faire en sorte que tout ce qui est là pour marquer qu’il y a faille, pour marquer cette castration ou pour marquer cette inconsistance, terme que Lacan a employé par rapport au vide de la jouissance, enfin, au fait que le grand Autre est évidé, il y a cette place vide de la jouissance, il va s’efforcer de faire que l’Autre puisse apparaître comme n’ayant pas toutes ces marques de sa castration.
Ce n’est pas la même chose que…Quel est le terme que vous avez employé exactement ?
XXX :
Que de son savoir il n’en serait pas question !
Solange Faladé :
Il faut que ce soit tût. Ca doit être gardé secret. Mais on ne peut pas non plus dire qu’il n’en sera pas question. Il va se mettre dans une position telle… par exemple, prenons l’écorché, Lacan nous donnait cet exemple. De par cette position même, de par le fait qu’il va se présenter comme écorché, c’est à dire que c’est lui qui doit porter tout ce qui est de la faille de l’Autre, pour que l’Autre apparaisse sans faille. Tout ceci c’est une façon de faire connaître ce savoir : C’est tût, c’est tenu secret. Ce qui est tenu secret c’est qu’il ne faut pas qu’on sache que l’Autre est châtré, mais la position même du masochiste, permet de savoir, de connaître, de saisir quel est ce savoir qu’il veut taire, qu’il veut garder secret. Sa position même, le fait qu’il soit l’écorché, celui qui a toutes ces marques de faille, puisqu’il se présente comme un écorché ou lorsqu’il est cet objet sous la table, il prend cette position de chien, c’est une façon de faire connaître, que l’on puisse saisir ce savoir. Il tait, il veut qu’au livre de l’Autre, ça reste un secret, mais en même temps sa position, c’est quelque chose d’un savoir, c’est quelque chose que l’on va pouvoir lire, et à partir du moment ou ça peut se lire, ça ne peut se lire qu’avec des signifiants. Et ce sont tous ces signifiants qui au niveau de l’inconscient, est le savoir, enfin, tous ces signifiants font qu’on peut savoir qu’il y a du savoir. Sa position même est une position qui se traduit par un savoir. Ca peut se lire, à partir du moment où ça peut se lire, on va pouvoir le dire, c’est un savoir. C’est parce qu’il se présente lui dans cette position qu’on peut savoir, parce que ça, on le sait, du fait du travail sur l’inconscient, que c’est là pour masquer ce qu’il ne veut pas que l’on sache, mais sa position, elle nous fait savoir ce qu’il ne veut pas qu’on sache.
Le fétiche est là pour faire savoir, certes que la mère l’a quand-même ce qui lui manque, mais aussi parce que c’est… cet objet est le pénis qui lui manque, on sait qu’elle n’a pas le pénis. Reprenons l’abbé de Choisy dont nous avons beaucoup parlé, l’abbé de Choisy mettant sa robe, c’est pour dire qu’on peut avoir une robe et avoir sous sa robe un pénis. Ca veut dire quoi ? Ca veut dire qu’il y en a qui ont des robes et qui n’ont pas de pénis, puisque, lui, c’est pour dire – elle l’a quand même puisque moi sous ma robe j’ai le pénis.
Le fétichiste aussi, cet objet qui est là pour dire, pour dire quoi ? Que c’est le pénis qui manque à la mère ! Elle ne l’a pas, mais elle l’a quand même puisque j’ai cet objet, ce fétiche qui va être le voile qui permettra de faire croire qu’il y a quand même quelque chose, bien qu’il n’y ait rien. C’est le pénis qui manque à la mère. Donc, puisque c’est le pénis qui manque à la mère, ça veut dire que la mère ne l’a pas… puisqu’il faut un objet qui vient là, qui se substitut à ce qu’elle n’a pas. Freud dans son article sur le fétichisme (5) insiste bien sur : c’est le pénis qui manque à la mère. Cet objet est là en tant que pénis qui manque à la mère, c’est pour dire que la mère ne l’a pas. Donc, on fait tout, on met un voile, pour qu’on puisse dire – elle l’a quand-même. Mais le fait de dire qu’elle l’a quand-même, veut dire qu’elle ne l’a pas.
Mais enfin, avec le masochiste je trouve que c’est encore plus clair. Sa position même ne peut pas tenir autrement que : c’est là pour masquer, pour que l’Autre apparaisse sans faille. Donc il y a faille quelque part.
XX :
Est-ce qu’on pourrait dire que ce qui pourrait différencier le névrosé du pervers, c’est que le pervers lui aurait accès à une jouissance, mais qu’il n’aurait pas accès à la jouissance du symptôme ?
Solange Faladé :
C’est à dire que la jouissance fourrée du symptôme… le symptôme du névrosé ? On est obligé de dire comme cela, c’est une jouissance fourrée. C’est à dire que chez lui le pervers la jouissance ne serait pas fourrée ?
Le sadique est là pour traduire ça, et puis l’exhibitionniste aussi, puisqu’il va provoquer la jouissance de l’Autre même si l’Autre s’en défend, et lui-même jouit de cela. En tout cas la position par rapport à la jouissance est tout à fait différente. Je ne pense pas que chez le pervers on puisse dire qu’il s’agit d’une jouissance fourrée, pas du tout.
D’ailleurs dans ce même séminaire, ce séminaire du 5 mai 65 où Lacan fait ses pots de fleurs et puis la fenêtre où le rideau est tiré à gauche, quand c’est tiré à gauche ça veut dire qu’elle est seule, et puis les pots de fleur, les 5, elle est seule à 5 heures, enfin bon, je ne l’ai pas retenu parce que par rapport à Miss Lucy R, ça ne nous avançait pas… effectivement, lorsque Lacan continue, il parle de la jouissance du pervers et de cette jouissance, il n’en fait pas quelque chose d’une jouissance fourrée. Il faudrait prendre une observation de pervers, voir, il le détaille mais 3 ans plus tard, une observation de pervers qui nous permettrait de voir quel est le rapport du pervers au savoir et à la jouissance.
XX :
Où le dit-il trois ans plus tard ?
Solange Faladé :
Dans son séminaire d’un Autre à l’autre, le séminaire de 68-69.
Il n’y a pas d’autre question ?
(1) Les problèmes cruciaux pour la psychanalyse 5 mai 1965
(2) le pervers ?
(3) le problème économique du masochisme 1924 in Névrose psychose et perversions PUF
(4) la disparition du complexe d’œdipe 1924 in La vie sexuelle. PUF
(5) le fétichisme 1927 in La vie sexuelle. PUF