22 mars 1994
Document de travail
J’ai pensé qu’il y avait à laisser pour le moment la sublimation et y revenir après avoir repris ce qui s’est dit au début de cette année, mais le reprendre en les appuyant, cette fois-ci, sur ce que Lacan dans son séminaire du 21 mai 1969 (une des séances D’un Autre à l’autre) ce que Lacan nous dit pour saisir ce que de l’infantile nous avons à prendre en considération, j’y ai déjà fait référence un certain nombre de fois et en particulier lorsque j’ai essayé de répondre à une question qui m’avait été posée dans le cadre des mardis du professeur Basquin : qu’est-ce qu’un enfant ?
Lacan nous dit que il y a à voir, enfin à s’efforcer de mettre en évidence comment ont été offerts - je crois que ce mot est à bien entendre - ont été offerts à l’enfant, le savoir, la jouissance et l’objet a. Et il fait précéder ceci d’un autre point, à savoir comment, sous quel mode de présence le désir du père, le désir de la mère s’est manifesté pour de cet enfant. Si nous reprenons ce que nous avons essayé de dire concernant ce qui nous intéresse cette année, c’est-à-dire cette découverte de Freud avec ce qui le marque, l’inconscient, cette chaîne signifiante, ce savoir insu et cette Chose, ce vide, ce Réel, si nous reprenons ce qui s’est dit au début de l’année, nous pouvons voir avec le premier graphe que j’ai noté, je n’ai pas noté celui de l’infans. Je commence par celui de ce sujet, sujet du besoin qui s’adresse à l’Autre avec une parole et là, nous dit Lacan, cette parole c’est un cri certes, mais il y a du signifiant dans ce cri, c’est une demande qui est faite à l’Autre et, parce qu’il y a demande faite à l’Autre, du côté de l’Autre aussi ce qui lui sera offert, ce qui lui sera offert ne sera plus de quoi apaiser sa faim, sa soif, ce qui lui sera offert seront des signifiants. Des signifiants pour répondre à cette demande car ce n’est pas uniquement le besoin qui fait qu’il s’adresse à l’Autre, c’est une demande et, avec cette demande, il y a la présence de l’Autre, l’amour de l’Autre pouvant se manifester à lui qui maintenant est de l’ordre du don. Alors donc, il y a cette demande faite à l’Autre mais en même temps qu’il y a cette demande faite à l’Autre, l’enfant qui parle maintenant, cet enfant sera confronté avec - reprenons les termes de Lacan - cette « réalité muette » qui a à voir avec la jouissance, ce vide, ce manque, cette Chose et, de ce fait, du fait de cette demande faite à l’Autre, il y aura du sujet. Nous pouvons dire tout de suite du sujet du signifiant, et du fait de la diachronie puisqu’une demande succèdera à cette première demande et d’autres demandes succéderont à cette demande, ce sujet, sujet du signifiant, non seulement est affecté par cette jouissance, mais jouissance interdite, puisque nous l’avons vu, parce qu’il parle, la jouissance première dans laquelle il baignait, cette jouissance sera négativée. Donc, il est affecté par ce vide, ce Réel mais en même temps il va, de l’Autre, recevoir ce qui est signifié par l’Autre, c’est-à-dire ce qui fera son symptôme, ce s(A) et puis surtout il y a ce qui vient marquer, doubler ce qui était la matrice de l’Idéal du Moi, il y a donc ce I(A). Ce sujet du signifiant qui s’adresse à l’Autre et qui est confronté avec ce manque et ce que, de l’Autre, lui est signifié, ce sujet du signifiant, quelque soit sa structure, parce qu’il parle, sera aux prises avec ce vide et sera, aura à faire avec ce que de l’Autre lui est signifié, c’est-à-dire ce qui sera son symptôme et ce qui viendra le marquer.
Alors ce vide, cette Chose, sera entouré de tous ces signifiants qui sont adressés à l’Autre et qui lui viennent de l’Autre, c’est-à-dire que cette zone vide, et j’ai marqué là-haut - ces schémas sont uniquement pour nous aider -, aura toute cette couronne de signifiants. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que ce qui lui est offert par l’Autre, ce qui lui est offert par l’Autre, c’est ce qui touche cette zone où la jouissance est interdite à qui parle. Lacan avait fait cette formule dans « Subversion du sujet » : « à qui parle comme tel la jouissance est interdite » mais, en même temps, il y a tous ces signifiants et tous ces signifiants sont de l’ordre de ce qui met en place le savoir.
Alors continuons, le sujet barré qui s’adresse à l’Autre, l’Autre avec ce qu’il fait de ce vide auquel il est confronté, cet Autre se présente à lui avec ce qui lui manque, avec ce qui lui manque, ce qui fait que non seulement il aura de l’Autre ce signifié qui fera son symptôme, il aura de l’Autre ce qui vient là marquer, doubler ce qui était la marque primitive, c’est-à-dire ce qui est de l’ordre de l’Idéal du Moi, mais parce que l’Autre est vécu avec son manque, il y aura, et ceci est très important, le désir. Sous quel mode est présenté, nous dit Lacan, le désir du père et le désir de la mère ? Et tout ceci a son importance dans ce qui sera la pathologie de l’enfant. Il y aura donc ce désir, ce désir de l’Autre et, avec ce désir de l’Autre, il met en place ce qui est du fantasme, et nous l’avons vu la dernière fois la place à donner au fantasme, c’est ce qui le protège, si je puis dire, de ce vide, de ce Réel et, en même temps, ce qui fait qu’il a cette fenêtre sur ce vide, sur ce Réel.
Parce que la jouissance a été négativée, il y aura ces restes de jouissance et ces restes de jouissance non seulement ont à voir avec le fantasme mais, essentiellement, avec ce qui de ces demandes successives fait la pulsion.
Alors, je vous ai dit que, dans les premiers temps, le sujet du signifiant est confronté avec un A, un grand Autre, qui se présente comme étant un grand Autre dans sa complétude. Lacan nous dit que pour le psychotique, le sujet de la psychose, il se suffit de ce grand Autre qu’il dit grand Autre préalable. Nous allons y revenir. Alors que pour le névrosé, et aussi pour le pervers, les choses n’en resteront pas là puisque il va saisir, appréhender qu’au cœur de l’Autre il y a un manque.
Alors voyons, par rapport au savoir, puisque j’ai voulu partir de là, de la jouissance, et j’ai précisé que pour cette jouissance, Lacan, dans ses séminaires, nous dit que c’est le signifiant de la jouissance, ce signifiant de la jouissance, c’est en fait ce qui peut être saisi parce que l’Autre est manquant de quelque chose, est, nous dit-il, ce -j. Et ceci a une importance par rapport à ce que seront les restes de jouissance, c’est-à-dire que ces restes de jouissance ne peuvent être tels que si la jouissance est négativée et que pour ce qui est de cette jouissance, le signifiant en est saisi, enfin que le sujet prend en compte le signifiant de la jouissance. Alors ceci fait que il y a une différence, mais qui va être marquée, entre le sujet de la psychose, celui qui se suffit du grand Autre préalable, c’est-à-dire qui se présente à lui non décomplété, même si, lui, est sujet du signifiant, vous savez que dans son écrit sur « La question préliminaire au traitement possible de la psychose », Lacan prend soin de dire que ce sujet barré est aussi sujet du signifiant et qu’il est barré, mais ce n’est pas parce que on est sujet du signifiant, du fait de la parole, que l’on vit forcément l’Autre, le grand Autre comme décomplété. D’être sujet du signifiant, ceci n’est possible que si l’Autre, le grand Autre est décomplété, mais celui qui fera avec, c’est le névrosé et puis aussi le pervers. Là il n’y a pas pour le moment à faire de distinction, le pervers sait bien qu’il y a un manque dans l’Autre.
Ce qui nous intéresse particulièrement cette année, c’est de mieux rendre compte que parce qu’on parle, là c’est au niveau de la parole, le cri qui devient parole parce que véhiculant du signifiant, parce qu’on parle on est affecté par ce vide, par cette zone où la jouissance est interdite. Ça veut dire quoi ? Que pour le psychotique aussi, le vide, cette Chose, il en est affecté même s’il ne peut pas mettre un nom sur ceci. J’y insiste parce que, tout à l’heure, quand même, je dirai un mot de la sublimation, plus exactement des créations artistiques et on verra ce qu’il y a à retenir, ce qu’il y a à en retenir pour le psychotique. Le psychotique, tout comme le névrosé ou le pervers est affecté par cette zone interdite de la jouissance.
Voyons d’abord le névrosé, celui qui fait avec cette chaîne de signifiants, ce qui lui vient de l’Autre et qui fait avec cette chaîne de signifiants selon la façon dont l’Autre lui en a fait offrande, si je puis dire, ce n’est pas n’importe quel mot que Lacan emploie : c’est ce qui est offert, on ne s’y arrête pas suffisamment. Car selon ce qui lui est offert, certes cette chaîne signifiante se met en place, cette concaténation de signifiants, mais, parce qu’on est dans ce cadre où le manque de l’Autre à été pris en compte, où l’Autre est saisi, appréhendé comme décomplété, alors le refoulement originaire sera là aussi dans ce qui structure ce sujet, ce sujet du signifiant, mais parce que ce refoulement originaire est pris en compte par lui, toute cette chaîne signifiante, on peut le résumer par ce S1 et il s’articule à ce S2, c’est avec cela que le névrosé a affaire, va mettre en place ce qui sera de son symptôme et dans un temps premier - nous avons vu que ce qui était en jeu c’était la parole, sujet de la parole - et dans ce temps-ci, c’est le langage qui est là, mis là en place, et avec le langage ce qui sera le discours de ce sujet de la névrose. Ceci veut dire que pour le psychotique, s’il y a certes un certain savoir et nous verrons comment, ce qu’il fait avec ce savoir, la question du refoulement originaire se pose et par conséquent de ce deuxième signifiant, de ce S2 qui fait qu’il y a l’articulation langagière, donc la structure ne sera pas une structure de psychotique, nous avons affaire aux dits du psychotique, nous ne pouvons pas dire qu’il y a là un discours.
Donc, voici pour ce qui est du savoir. Ce qui est du savoir, c’est en fait ce que de l’Autre est reçu comme signifiant en réponse à la demande signifiante qui lui est faite. Alors, je ne vais peut-être pas tout de suite … je vais ouvrir une parenthèse, ce n’est pas tout à fait une parenthèse puisque ça nous intéresse, et parler du psychotique, de son adresse à l’Autre, de cette adresse où, tout comme pour le névrosé et le pervers, son cri devient parole. Son cri devient parole, c’est dire qu’il adresse à l’Autre une demande signifiante et il me semble tout au moins avec les exemples que Lacan nous a apportés au cours de ses présentations, et en particulier à propos du schizophrène, ça a été lorsque le livre de Wolfson, Le Schizo et les langues, lorsque ce texte de Wolfson est paru, que Lacan a pensé que, pour rendre plus accessible ce qui était là publié, a pensé que ce serait bien que des schizophrènes soient présentés. Alors, pour Wolfson, ce qui m’a semblé intéressant pour nous, ce qui m’a semblé intéressant, c’est la demande faite à sa mère, demande signifiante, et la réponse que la mère donne. La réponse que la mère donne, on peut saisir que, du côté du grand Autre aussi, en fait de réponse, il y a une demande, il y a là des signifiants qui sont proposés au sujet. Et vous savez qu’il arrivait à Wolfson de présenter de la boulimie et aussi ça a à voir avec la réponse faite par sa mère autour de la nourriture qu’elle lui apportait, elle faisait comme toute ménagère ses provisions, apportait de quoi nourrir son enfant, mais dans ce mode, dans la façon de présenter, d’offrir ceci à son enfant, il y avait on peut dire, sûrement, et cette boulimie nous permet de l’affirmer, on peut dire que la jouissance qui était autour de cette nourriture apportée, cette jouissance n’était pas négativée. Et, dans des passages du Schizo et les langues, Wolfson dit quelque part, je ne l’ai pas retrouvé, mais enfin ça se retrouve, c’est un texte qui n’a pas été très commode pour moi mais enfin, aidée par ce qui se disait au cours des présentations à propos d’autres patients qui étaient là devant nous, lorsqu’il était frappé, lorsqu’il souffrait de cette boulimie, Wolfson mettait en place toute une récitation avec ces mots venant d’autres langues que la langue maternelle, ce qui lui permettait de ne pas entendre la voix de sa mère, c’était en lui bien sûr. La jouissance lui était apportée, jouissance non négativée, et pour n’être pas envahi par cette jouissance - et la boulimie lui permettait de ne pas voir que jouissance il y avait - pour n’être pas envahi par cette jouissance, Wolfson mettait en place toute cette récitation, toute cette récitation avec des mots de langue étrangère. Donc, il met en place quelque chose qui vient en cette place de la Chose. Est-ce qu’on peut dire, même s’il y a écriture, que c’est quelque chose de l’ordre d’une sublimation ? Peut-on dire qu’il y a là quelque chose de l’ordre d’une création poétique ? Je ne sais pas si je dirai poétique mais enfin, ça a à voir avec quelque art. Enfin, si je fais cette description là maintenant tout de suite dans ce que j’avance ce soir, c’est parce que je sais l’embarras de beaucoup autour de ce qui se met en ce lieu de la Chose, autour de cette jouissance qui peut être éprouvée, vécue, et il n’est pas toujours facile de faire une frontière nette dans l’esprit de certains, entre ce qui serait la création poétique et ce qui serait là de…, ce qui est là tricoté et qui se met là en cette place, en ce lieu de la Chose parce qu’il faut quand même continuer à vivre. C’était le problème de Wolfson et autour de cette boulimie.
Alors donc, ça veut dire quoi ? Ça veut dire aussi que pour le névrosé, à sa demande, il reçoit des signifiants et que, puisque ça lui est offert, c’est aussi une demande qui vient de l’Autre. Le névrosé le vit différemment, le névrosé le vit différemment pourquoi ? Parce que il a affaire, à tenir compte du désir qui vient du père et de la mère certes, selon le mode de présence de ce désir de l’un et de l’autre, il tricotera quelque chose de différent, il faut bien savoir que, en fait, la demande qui vient, que l’on reçoit de l’Autre ne concerne pas uniquement la demande anale, la demande de propreté. Lacan dit bien sous quel mode lui est offert le savoir, c’est-à-dire cette chaîne de signifiants qui feront le savoir.
Alors donc, ce savoir, avec ce qui le troue du fait du refoulement originaire, et du fait que un certain discours se mettra en place, celui de l’hystérique, nous avons vu la difficulté qu’avait l’obsessionnel à l’écrire ce discours, mais enfin il en a la possibilité qui est cette articulation langagière qui s’est mise en place pour lui, pour qui le désir du père, le désir de la mère lui a été présenté.
Alors, pour ce qui est de la jouissance, Lacan dans les lignes qui ont précédé les paragraphes, qui ont précédé comment le savoir, la jouissance et l’objet a lui ont été offerts, Lacan insiste bien sur le fait qu’il s’agit là du signifiant de la jouissance et c’est bien le signifiant de la jouissance dont on a affaire lorsqu’on est dans le cadre de la névrose, puisque le névrosé fera avec le manque qui est au cœur de l’Autre, non seulement il y a - on y reviendra plus en détail lors de nos prochaines rencontres - il a affaire avec ce vide c’est vrai, et ce vide qui sera cette vacuole au cœur de l’Autre, mais il y a dans le corps des signifiants de l’Autre un signifiant qui fait savoir que manque un signifiant et c’est ce S() et ceci, dire que c’est l’équivalent, après tout et pourquoi pas, du signifiant de la jouissance, de ce grand F mais, puisqu’on parle, on a affaire avec ce symbole, on est en proie, souvenez-vous de cette leçon du Transfert, je crois du 19 avril 1961, où Lacan nous dit « dès qu’il parle le petit d’homme est en proie, en proie au symbole » et ce symbole, c’est le phallus symbolique, le phallus de la jouissance mais, ce qu’il en sera écrit, c’est le -j et ce -j a à voir avec le fait que l’Autre est castré, a à voir avec la castration. Ce que le sujet de la psychose ne peut pas prendre en compte, il se suffit, nous dit Lacan, du grand Autre préalable et ce A préalable, c’est celui qui se présente sans barre, c’est celui qui se présente comme n’étant pas décomplété.
Alors, comment le névrosé, le pervers, comment ces deux structures vont faire avec ce signifiant de la jouissance ? Nous n’allons pas rentrer dans les détails de ces structures, enfin là, pour ce qui est de la névrose, hystérique et obsession, nous en avons longuement parlé les années qui ont précédé. S’il n’y avait pas ce signifiant de la jouissance, c’est-à-dire ce -j, le fait que l’Autre se présente castré même si, de la castration de l’Autre, on ne veut rien savoir, le névrosé n’en veut rien savoir ça ne veut pas dire que, pour lui, ceci n’est pas entré en ligne de compte dans ce qui va le structurer. Alors, lorsque l’on a affaire, parce que là il y a ce signifiant de la jouissance, c’est-à-dire que la jouissance a été négativée, qu’on a affaire avec le -j, c’est à ce moment-là que dans ces cas-là, que il y aura ces restes de jouissance et ces restes de jouissance, c’est ce qui viendra marquer la pulsion. La question du fantasme, je n’en dirai rien ce soir, j’en ai déjà parlé, je n’en parlerai pas ce soir pour parler de cette pulsion et de ceci que autour de ce vide pourra venir se loger ces restes de jouissance que Lacan a appelé objet a, que ça puisse intéresser le sein, le scybale, le regard ou la voix, parce que on est dans ce cadre où la jouissance a été négativée, on est dans ce cas où, en fait, ce qui est apporté à la demande du sujet, c’est toujours du signifiant. Alors on a du mal à le saisir, à se rendre compte lorsque l’on parle du sein ou lorsque l’on parle de l’excrément puisqu’il y a comme ça, dans un premier coup d’œil, ces deux objets ont une forme, ça peut être présenté sur un plat, on a du mal à saisir qu’en fait on a affaire là aussi à du signifiant. Et c’est parce que on est parti du signifiant que ça peut être des restes de jouissance et que on peut dépasser l’imaginaire. Ceci a rendu difficile le parcours que Lacan s’est efforcé de nous apporter puisque, dans un premier temps, il était quand même très proche de ce qui se disait dans la communauté analytique mais, en même temps, il y avait des points qui ne rendaient pas compte de la clinique et ceci l’a amené à inventer, il dit que la seule chose qu’il a apportée à la psychanalyse, son invention c’est l’objet a et cet objet a, ce qui va rester lorsque cette jouissance est négativée, ça n’a plus rien à voir avec l’imaginaire, ces lambeaux du Réel ont quand même un statut particulier. Alors, selon ce que l’on fera avec l’objet a, vous voyez tout de suite comment vont se différencier le névrosé hystérique, le névrosé obsessionnel et le pervers.
Alors le psychotique puisque par le biais de Wolfson et de sa demande de sa mère, de la boulimie, lui nous rend compte, enfin, il faudrait voir dans les détails le comportement de cette mère avec cet enfant et tout ce qui est fait autour de la nourriture apportée par elle, on peut comprendre que ce n’est pas seulement du pain, du lait et que sais-je, apporté par elle, mais quelque chose d’autre et quelque chose qui avait à voir avec sa propre demande à son enfant.
Alors, le savoir, s’il y a bien une chaîne signifiante qui intéresse le sujet de la psychose, nous avons vu tout à l’heure qu’il ne pouvait pas être dit qu’on était dans le cadre d’une structure discursive dans la mesure où le S2 qui vient marquer le manque de l’Autre, ne peut pas être mis en place, il y aura cette perte, cette succession de signifiants mais le psychotique aura quand même à se débrouiller avec cela et du fait qu’il se suffit du grand Autre préalable, et ce A préalable, ceci vous le trouvez dans « Subversion du sujet », ce A préalable, Lacan nous dit que c’est le pur sujet de la moderne stratégie des jeux et que c’est à partir de ce sujet du grand Autre - après tout, il n’y a pas à nous en étonner - dans un temps de son enseignement et en particulier dans son séminaire II, Lacan nous parle du grand Autre comme sujet mais très vite il s’est rendu compte que ça ne pouvait pas suffire pour saisir ce que la clinique apportait et en particulier la clinique des névroses. N’empêche que pour le psychotique le A, ce A qui est vécu comme pas décomplété, ce A, c’est un pur sujet, pur sujet de la stratégie des jeux et c’est à partir de ce A, que lui-même va pouvoir faire des calculs, des calculs qui feront tenir existence à son être de sujet. Et je me rappelle d’une personne que Lacan nous avait présentée et qui était là avec ses calculs, Lacan l’avait vue deux fois, deux fois ou trois fois et, la seconde fois, il lui avait demandé d’aller au tableau et là il s’est mis à faire des tas de calculs, des tas de calculs qui contenaient quelque chose qui serait de l’ordre d’un pari la …inaudible… il est arrivé à une solution telle que si on suivait son raisonnement, d’ailleurs il voulait aller en faire part au Président de la République car il y avait une forme de…, il hériterait …inaudible… Lacan l’a remercié et nous a dit qu’avec tous ces calculs, il nous avait démontré qui l’adresse au A …inaudible… c’est parce que …inaudible… il nous disait surtout qu’il n’y avait pas à y toucher, pour lui c’était essentiel qu’il puisse continuer à faire ses calculs, qu’il puisse continuer à pouvoir penser que là une réponse était possible, qu’il avait trouvé que c’était important parce que son être de sujet pouvait, à partir de ces calculs, faits avec ce que, de l’A, il en saisissait, il avait son assise. Il y a aussi ce que le sujet, le sujet de la psychose, dans certains cas, ce n’est pas dans tous les cas, peut faire enfin tout ceci c’était quand même, je pense qu’il n’y a pas que le schizophrène, Lacan nous dit le sujet de la psychose …inaudible… Mais dans « Subversion du sujet », il ne parle pas …inaudible… Mais enfin ces présentations concernaient, c’était des schizophrènes …inaudible… problèmes par rapport à la langue de la mère. Bref, il y avait aussi tous ces calculs et tous ces calculs qui faisaient véritablement des paris très …inaudible… c’est le cas de Wolfson qui a comme ça tous ces calculs, a joué tout ce qui lui revenait, ce qu’il avait hérité de son père. Alors là, pour ce qui était de ce type de calcul, de ce qui était là en jeu autour de ce grand Autre, enfin ce qui pouvait là être interrogé, une différence pouvait se faire avec le pari que fait le névrosé. En fait, la plupart du temps, les gens qui vont aux courses savent que l’argent misé est perdu d’avance. Le névrosé sait que l’objet a, cet objet qu’il va mettre là sur le tapis, c’est perdu, et c’est parce que c’est perdu qu’il a ce rapport avec l’objet a. Le psychotique aussi va le perdre son argent, Wolfson a joué tout ce qu’il a hérité de son père mais, nous fait remarquer Lacan, pour lui, c’est parce que c’est par cette somme qui n’est pas vécue comme perdue mais il lui faut aller le perdre là sur le champ de courses. Le rapport à l’objet a qui pourrait être pour lui objet a mais qui n’est pas objet a puisque la jouissance n’a pas été négativée et donc… et donc, non seulement la jouissance n’a pas été négativée, l’Autre n’est pas vécu comme décomplété et pour ce qui est du désir de l’Autre, lui le psychotique n’en sait rien, il vit dans ce qui, là, le met en place en tant que sujet. Il n’y a pas ce désir de l’Autre, donc ce qui fait qu’il pourrait y avoir objet a dans ce qui lui a été offert, ça ne peut pas être comme objet a, ça ne peut pas être comme reste de jouissance, ça ne peut pas être comme ce qui est perdu et dans sa démarche et dans ses calculs et dans ce qui est cette tentative de rencontre, les choses vont se mettre en place d’une façon telle qu’il faut que cet objet soit perdu, c’est-à-dire qu’il va essayer de rétablir ce qui n’a pas pu se faire. De même tout à l’heure, j’ai oublié de le dire, dans ses calculs, c’est un certain savoir qu’il s’efforce de mettre en place, une certaine inscription signifiante qu’il s’efforce de mettre en place parce que justement pour lui ce que de savoir il a pu avoir, ce qui lui a été offert, l’a été d’une façon telle que on ne peut pas dire que cette articulation a pu s’inscrire. C’est lui-même qui va s’efforcer dans toute cette démarche qui est la sienne de faire en sorte qu’il puisse y avoir pour lui une inscription signifiante.
Peut-on dire que ce …inaudible… Wolfson, j’ai pas pu avoir « Ma mère musicienne est morte de maladie maligne mardi à minuit au milieu du mois de mai 1977 au mouroir du Mémorial… ». Ce deuxième texte de lui qui a été publié, je n’en connais que quelques passages, est-ce qu’on peut dire qu’il y a là chez Wolfson quelque chose de l’ordre d’une création poétique ? Il s’arrange pour pouvoir vivre avec ce qu’il porte avec cette jouissance qui l’envahit et qui se traduit par différentes formes mais enfin celle qui a été le plus accessible, c’est cette boulimie. On ne peut pas dire qu’il y a quelque chose de l’ordre d’une création poétique et pourtant il met quelque chose dans ce vide, dans ce lieu du vide. On ne dira pas la même chose de Verlaine. Enfin, était-il psychotique ou tout autre, que ce soit Artaud, que ce soit Gérard de Nerval.
Enfin, ce sont des questions qui se posent « Mais enfin, c’est quoi, ce rapport du sujet à ce vide de la Chose ? », je crois qu’il est important de reprendre la clinique, et la façon dont Lacan nous propose de reprendre cette clinique, de voir comment, par rapport à ce qui met en place le sujet, ce qui met en place le sujet, c’est d’abord sa parole, c’est le fait qu’il commence à parler et que cette parole s’adresse à l’Autre. L’Autre trésor des signifiants, l’Autre chez qui il peut trouver cette batterie signifiante et, avec cette batterie signifiante, il en fera ce qu’il pourra en fonction de ce qui lui a été offert et selon sous quel mode lui a été présentifié le désir du père et le désir de la mère. Quand on prend Wolfson ou quelqu’autre schizophrène, enfin je pense à l’un que Lacan nous avait présenté et …inaudible… ce qui l’a amené à travailler dans des ambassades jusqu’à ce qu’il se retrouve à Sainte Anne. Cette personne, Lacan lui avait beaucoup fait parler de sa mère. Quand on prend Wolfson et sa relation avec sa mère, on ne peut pas dire que quelque chose de l’ordre d’un désir de la mère à son endroit peut être décelé. Quant à son rapport avec son père, il était chargé d’aller récupérer la pension que le père devait et il le retrouvait dans un parc. Là aussi, ce qui était du désir du père, rien ne permettait d’en saisir quoi que ce soit et on peut se demander si ces passages de Wolfson au champ de courses… : qu’est-ce qu’il y allait chercher, dans ce lieu vide où il pouvait rencontrer tant d’éléments qui lui permettaient de mettre en place une inscription signifiante ? Enfin ceci pour dire que, à partir de ce que Lacan nous propose et si on fait référence à ce qu’il a tenté de nous apporter de la psychose et en particulier ce qu’il commentait dans ses présentations de malades, c’était pour nous permettre de mieux saisir, grâce au psychotique, ce que joue le névrosé.
Bon, voilà ce que, ce soir, je voulais apporter. Il m’a semblé qu’il y avait à le faire maintenant pour pouvoir ensuite dire ce qu’il en est de cette sublimation qui embarrasse tant et ensuite avancer, avancer avec cet objet que Lacan dit être extime, qui est à la fois ce qu’on a de plus proche, de plus intime et qui en même temps est à l’extérieur. C’est avec ceci, je crois, que nous pourrons terminer l’année puisque maintenant nous nous reverrons le deuxième mardi de mai.
Questions
Question sur un schéma (probablement à propos de la vacuole)
Solange Faladé :
Je vous ai dit que les schémas, c’était uniquement une aide, c’est-à-dire que, lorsque le sujet parle, il est, il est affecté par cette zone de jouissance qui va devenir une zone interdite, la zone de la Chose. Mais lorsqu’il saisit le manque qui est au cœur de l’Autre, alors j’ai déplacé cette vacuole et je l’ai mise à côté de l’Autre, du grand Autre parce que je n’ai pas pu vraiment le mettre au cœur du A et puis je voulais montrer que, plus haut, il y a toute cette couronne de signifiants autour de ce vide, c’est simplement ça. Dans un premier temps, quand il parle, il est affecté par cette zone de jouissance qu’il négative. Mais on ne peut pas dire, on est quand même obligé de tenir compte de la synchronie signifiante, même s’il n’y a que cette synchronie signifiante. On ne peut pas dire que, immédiatement, ce manque, il peut l’appréhender, qui est au cœur de l’Autre et qui fait que, plus tard, dans ce séminaire D’un Autre à l’autre, Lacan met cette vacuole de la Chose au cœur de l’Autre, c’était simplement une façon de recommencer les choses, ça ne veut pas dire que ça rende compte de ce qui est effectivement mais je crois quand même que, quand il parle, il est confronté à cela, il est affecté par cela, et le mettre là tout de suite permet - je ne l’ai pas fait ce soir - de mieux comprendre pourquoi il y aura dans ce qui sera symbolisé définitivement puisque là, c’est la symbolisation primordiale, la symbolisation primordiale où du réel est symbolisé, c’est-à-dire que l’enfant, le sujet, ce sujet réel commence à parler, cette symbolisation primordiale précède la symbolisation qui se mettra en place définitivement et qui donnera une structure de discours du fait de l’articulation signifiante et ceci nous restera parce que la jouissance a été négativée. Il y a la symbolisation primordiale, enfin moi je continue à garder les choses comme ça à l’esprit, non pas uniquement parce que j’ai entendu les choses comme ça, mais les choses que j’ai entendues, Lacan en a parlé et ensuite il a modifié, mais là je crois qu’il ne l’a pas modifié, ça rend bien compte de ce qui se passe puisque, chez le psychotique aussi, cette symbolisation primordiale, qu’en est-il du reste puisque, puisque, de par ce qu’il essaie de mettre en place, il s’efforcera de faire cette inscription signifiante, enfin certains psychotiques présentés par Lacan, ou Wolfson, sans parler de Schreber, il a en tête « Le schizo et les langues ». C’est autour de ça que j’avais affaire ce soir.
Question :
Qu’en est-il de la pulsion pour le psychotique ?
Solange Faladé :
S’il a affaire avec le grand Autre préalable, il se suffit de ce grand Autre préalable, je ne vois pas pourquoi la pulsion serait inscrite. Si, pour lui, cet objet a, ce reste de jouissance est ce qui reste de jouissance parce que la jouissance a été négativée, si ça n’a pas été, pourquoi inscrire la pulsion ? Si ce qui est du désir du père et du désir de la mère, il n’a pas eu à se construire à partir de là, pourquoi la pulsion ? Naturellement, à dire les choses ainsi, on n’a pas dit le tout qui peut intéresser le psychotique. Mais, quand on voit ce qui mène quelqu’un comme Wolfson, quand on voit cet homme avec ses calculs… Je ne sais pas, j’espère retrouver mes notes prises au cours de ces présentations, mais pour celui-là, je ne suis pas sûre… Il y a quand même une certaine logique.
Question :
Est-ce que vous pouvez en dire un peu plus sur « le pur sujet de la stratégie des jeux » ?
Solange Faladé :
C’est ce grand Autre qui n’est pas … et qu’il peut calculer et, à partir de lui, calculer, c’est ainsi que j’ai compris les choses. Ce sujet de la psychose va pouvoir faire ces calculs parce que, dans l’Autre, il y a possibilité de mettre en place tous ces signifiants, de mettre en place ces calculs… Pour le psychotique, il y a un lieu où ça se sait. Ça, c’est une chose que nous savons, nous le rejetons tout le temps et ce lieu où ça se sait, ce lieu où ça se sait, c’est ce grand Autre préalable qui est aussi trésor des signifiants et c’est par rapport à ce lieu où ça se sait que lui, le psychotique, va mettre en place tous ces calculs, parce que, là aussi, du calcul se fait. Quelque part, ça se sait ; si ça se sait, ça veut dire que il y a là des signifiants qui sont mis en place et que là ça peut calculer parce que le calcul… C’est pas pour rien que, pour les signifiants, Lacan nous a pris son loto et qu’il nous a mis des 1 et des 2, des 3 et… bon.
C’est quand même en partant de ce que celui-là est trésor des signifiants et que c’est là, avec le psychotique, qu’il nous parle de message et de codes de messages. Ce qui est code là, au niveau du grand Autre, va jouer pour le psychotique alors que ça ne joue pas pour le névrosé.
Voilà.