9 novembre 1993
Document de travail
Introduction par Bernard Mary :
Madame Faladé nous a prévenus, Jean Triol et moi-même, dimanche soir, qu’elle ne pourrait tenir son séminaire exceptionnellement ce mardi. Elle nous a demandé aussi, à cette occasion, si nous étions prêts, soit à annuler ce séminaire, soit à essayer d’improviser et d’amener un travail dans le sens qu’elle envisageait pour cette année. Autant vous dire que, confrontés à cela dimanche soir, ça laissait peu de temps. Et puis nous avons tout de même pensé que nous allions travailler avec vous.
Il nous semblait que le travail sur « l’Esquisse » et le séminaire sur l’Éthique, qui abordent la question de das Ding, pouvaient être évoqués par Triol et moi-même. Alors... nous n’avons pas eu le temps de tellement nous concerter. Triol va vous parler de ce que Freud apporte sur cette question de das Ding dans « l’Esquisse » - à ce propos, il y a une nouvelle traduction qui va paraître dans l’École – Et, après son topo, j’essaierai de vous parler d’un point qui est d’actualité pour moi dans le groupe d’étude sur les psychoses : je vais revenir sur cette question de das Ding et de la psychose - la paranoïa - et, tout particulièrement, à partir d’un chapitre que nous travaillons dans le groupe qui est le chapitre VI dont nous venons de commencer la lecture.
Je vais laisser la parole à Triol.
Jean Triol :
« L’Esquisse » est donc au travail cette année en divers lieux d’enseignement. Il y a une traduction qui va paraître. La première partie est prête, elle sera portée au tirage de façon qu’une édition bilingue (allemand - français) sorte, et je pense qu’au début de la semaine prochaine elle sera disponible, la deuxième partie suivra vraisemblablement en début d’année prochaine et enfin la troisième partie, un peu après, vers le mois de juin 1994.
Donc, c’est un texte que j’ai essayé de travailler actuellement et Madame Faladé y a fait plus qu’une allusion dans son dernier séminaire de l’année dernière. Je me proposais de reprendre ce soir à partir du point où elle s’était arrêtée, en m’arrêtant uniquement - puisque la première partie est quand même un texte assez long, il fait plus de quarante pages - en m’arrêtant uniquement sur la Chose, sur das Ding, sur ce que Freud en dit, la manière dont il l’amène.
Dans la première partie, la Chose est travaillée à trois reprises et ensuite relativement peu dans les deux autres parties ou dans les autres textes de Freud. Lacan l’a développée comme un concept, inspiré par ses lectures de Heidegger, mais tout en restant fidèle à ce que Freud a apporté. Je pense que, avec le point de départ que Freud a donné dans « l’Esquisse », on pourra faire un lien avec ce que Lacan a repris dans l’Éthique (puisqu’il y a deux séminaires qui traitent de la Chose). Ensuite Bernard Mary précisera le point de l’Unglauben à propos du paranoïaque et sa position par rapport à la Chose. Ce soir, une unité devrait se dégager autour de la Chose.
Donc, comment Freud amène das Ding dans cette première partie de « l’Esquisse » ? Souvenez-vous de ce que Madame Faladé avait amené au dernier séminaire de l’année (92-93) de juin. Elle avait présenté deux systèmes : le système y et le système j, constitués le premier, par des neurones perméables et le deuxième par des neurones imperméables. Ceci est amené par Freud à partir de deux idées ;
- Plaisir et déplaisir sont liés dans la psyché à des augmentations et des diminutions de quantités.
- Concevoir l’appareil psychique comme un appareil s’efforçant de réduire les quantités : Q æ o.
D’abord, et c’est peut-être pas inintéressant puisque, après, on va parler de la psychose, Freud distingue l’excitation venant de l’extérieur, par rapport à l’excitation venant de l’intérieur : si c’est quelque chose qui vient de l’extérieur, souvenons-nous de la goutte de vinaigre sur la patte de la grenouille, c’est une sensation de quelque chose de désagréable, le mouvement réflexe peut arriver à supprimer l’excitation. Ceci est propre au système j.
Si c’est quelque chose qui vient de l’intérieur, pensez à une excitation entraînée par la faim par exemple, eh bien là, le réflexe sera totalement inopérant parce qu’il n’y a pas possibilité de supprimer cette excitation intérieure, donc le développement de quantité par quoi que ce soit au niveau de la motilité. Il est absolument nécessaire de traiter le problème de la faim en lui apportant ce qui convient.
Freud s’intéresse à ce qui vient de l’intérieur. L’appareil réflexe ne suffira pas ; il faut compliquer un peu plus les choses, c’est-à-dire faire intervenir un Nebenmensch et la mémoire. Ceci est bien marqué dans la lettre 52 ou dans le chapitre VII de « l’Interprétation des rêves » qui sont des textes postérieurs (« l’Esquisse » est de septembre 95 et la lettre 52 à Fliess de décembre 96). Freud a bien compris que c’est un problème de mémoire, de souvenir (voir les réminiscences de l’hystérie), et que c’est par un archivage de traces mnésiques qu’il va pouvoir traiter le problème de l’excitation.
Donc, au niveau de j, c’est perméable ; ça veut dire que la quantité s’écoule librement. S’il y a une excitation, elle sera ramenée à zéro le plus rapidement possible, automatiquement d’une manière réflexe.
Au niveau de Y, et c’est là où va se situer la mémoire au moyen d’une quantité résiduelle qui peut être stockée dans Y. Les neurones sont capables d’emmagasiner une quantité, malgré le déplaisir que cela occasionne. Donc, stocker de la quantité est certainement un déplaisir au niveau du système, mais c’est la seule façon de pouvoir travailler avec la mémoire. Face à une excitation intense, le système Y va utiliser tout son archivage de mémoire pour trouver la bonne réponse, le bon objet à apporter à cette excitation. Donc, en gros, voilà à peu près quelles sont les hypothèses que Freud va rédiger dans « l’Esquisse ». Le réflexe, eh bien, c’est équivalent à l’hallucination, c’est-à-dire que, face à une excitation intérieure, gardons l’exemple de la faim, l’activité réflexe du système j consistera à halluciner l’objet et à sucer. Le réflexe est donc complètement inopérant. Le système Y va disposer de la mémoire emmagasinée. En envoyant des quantités le long des cheminements, le long des frayages entre souvenirs, il va trouver le bon objet et essayer de le faire apparaître dans la réalité. Ceci est longuement travaillé par Freud, il rentre dans beaucoup de détails, et c’est ce processus, cette étude-là, qui le fait aboutir à la Chose.
Les frayages qui constituent le processus de pensée propre au système Y commencent par une analyse ; un objet qui se présente dans la réalité va être analysé, c’est-à-dire deux parts (a) et (b) sont distinguées. Cette analyse, c’est un jugement. C’est-à-dire que ce complexe d’objet qui se présente dans la réalité est donc analysé en deux parties (a) et (b), (a) étant une partie qui est présentée comme permanente par rapport à (b) qui est une partie variable.
a = constante b
a
b = variable c
Là, Freud donne l’exemple du sein qui est présenté à l’enfant. Si l’enfant a eu la tétée dans de bonnes conditions, le sein apparaissant de face, le mamelon apparent, le souvenir mnésique de l’opération est (a + b). Si maintenant le sein lui est présenté de profil, le mamelon n’apparaissant plus, il va correspondre donc à une perception (a + c), (a), parce qu’on a affaire au bon objet, à l’objet qui convient, mais (b) et (c) diffèrent parce qu’il faut avoir une vue du mamelon et que là, il n’y est pas, b ¹ c. Donc, Freud va utiliser les termes de « neurone excédentaire » (c) par rapport à un « neurone manquant » (b). Le souvenir est (a + b). Le travail du système Y est de puiser dans la mémoire comment on peut passer d’une configuration (a + c) à une configuration (a + b). Freud nous dit que, probablement par accident, il y a eu un jour un mouvement de tête qui a fait que, de (b), il est passé à (c), il y a eu une vue de profil après une vue de face.
Si le système est suffisamment efficace, par mouvement inverse, il va pouvoir transformer (c) en (b) de façon à adapter la perception actuelle au souvenir. C’est bien l’image mnésique qui prime, il s’agit de retrouver dans la réalité ce qu’est dans le souvenir (a+ b), c’est-à-dire de faire en sorte que la réalité vienne se conformer au souvenir. D’où, à partir de (c), un travail le long des frayages et des représentations pour explorer toutes les possibilités de façon à remonter jusqu’à (b).
La partie (a) sera appelée Chose et la partie (b), partie variable, elle n’a pas de nom spécial, c’est le prédicat. La Chose est donc la partie propre, intrinsèque de l’objet. Si la Chose est là, l’objet est là et, par une petite adaptation, on peut arriver à faire en sorte que l’objet se présente bien.
Le jugement, c’est à l’intérieur de la perception, du complexe perceptif, distinguer ce qui est Chose de ce qui est prédicat. C’est ainsi que c’est la première fois que Freud nous parle de la Chose.
La deuxième fois, c’est au sujet du Nebenmensch, paragraphe que tout le monde connaît. L’enfant, dans l’opération de satisfaction, a besoin d’une personne secourable, d’une personne expérimentée. Il va à peu près employer les mêmes termes pour dire le Nebenmensch : il y aura une partie qui apparaîtra (il y a une phrase difficile à traduire) comme un appareil constant, quelque chose qui reste un tout, dira-t-il, et une partie qui seront les attributs de la Chose. Pour identifier ces attributs, Freud va faire référence au corps propre. C’est par comparaison avec son propre corps, ses propres mouvements, son propre cri, que les attributs du semblable, du Nebenmensch, vont être reconnus, mais la Chose ne pourra jamais être elle-même retrouvée à l’intérieur du système Y. Seuls ses attributs le seront.
Et là, comme pour la tétée, c’est à partir du Nebenmensch, de la Chose, ce sont ses attributs qui vont permettre de voir si, effectivement, il est en disposition de secourable ou d’hostile. Il y a là tout un travail de Freud, très méticuleux dans la mise en place du comment l’enfant, par l’Autre, apprend à reconnaître et à s’y retrouver, dans ses mouvements du corps propre. Il y a le langage également et l’appel à mettre à ce niveau-là. Et puis, une autre fois, Freud reparlera de la Chose dans la troisième partie pour dire que, en aucun cas, les expériences de satisfaction sont aussi satisfaisantes, il y a une baisse de satisfaction. Entre cette phase-là et celle-ci, il y a une perte de satisfaction parce qu’on est passé de la Chose à l’autre vu en entier. Ceci rappelle une phrase de Freud dans les « Trois essais… » à la page 131 : « cet objet a été ultérieurement perdu, peut-être précisément au moment où l’enfant est apte à façonner dans son ensemble la personne à laquelle appartient l’organe qui lui apporte une satisfaction ».
Dans l’Esquisse, Freud précise aussi que « est une Chose » ce qui échappe au jugement, c’est-à-dire qu’à ce moment-là, Freud fait un pas de plus. Le jugement sert à établir l’égalité souvenir-perception, c’est-à-dire que la perception vienne à épouser le souvenir. Mais, au niveau de la Chose, il n’y peut rien si elle n’est pas là ; l’enfant ne peut pas la faire venir donc, finalement, le jugement a porté sur l’interprétation des signes variables, les attributs. La Chose échappe au jugement.
Si on reprend, il y a eu une fois l’expérience de satisfaction, c’était la tétée, il y avait le sein, avec une partie Chose et une partie variable, ainsi la deuxième fois on a affaire au Nebenmensch, avec aussi une partie Chose et une partie variable.
b souvenir
a (a) : Chose, (b) : variable
c perçu
Et l’expérience que veut donner à la fois ce passage d’un objet partiel à une personne façonnée, comme dit Freud, dans son ensemble, l’impression qu’on en a c’est qu’on a deux termes au milieu d’une série. C’est-à-dire qu’on peut penser qu’il y a un stade premier qui correspond à la satisfaction hallucinatoire et un stade dernier où l’objet prend un caractère symbolique. Freud l’a noté au niveau d’un autre article, « Les Deux principes », il a noté qu’il y avait nécessairement une première fois où il y avait une excitation, un déplaisir qui ne s’appelait pas encore faim, et un objet qui est venu qui ne s’appelait pas encore ni sein, ni biberon, mais qui a fait qu’il y a eu une parfaite adaptation entre cette excitation de déplaisir et l’objet qui était apporté. Il y a eu comme un moulage de l’un sur l’autre. C’est vraiment le moulage du creux du besoin par l’objet qui est présenté comme le complément parfait. C’était ça. À partir de là, l’objet qui donnerait satisfaction ne pourrait pas être autre chose parce qu’il y avait été nommé en quelque sorte par cette excitation-là.
En fait, ça n’était pas un objet, c’était une chose qui était arrivée, c’est-à-dire que ce complexe n’était pas séparable, il n’y avait pas possibilité de distinguer quoi que ce soit de prédicat ou d’attribut, c’était une chose qui se présentait dans sa totalité. Le jugement ne pouvait produire qu’une hallucination, une hallucination fondamentale, purement Chose, non décomposable. Le réflexe donc a marché, lorsque l’excitation et l’objet présenté ont correspondu et c’était bien le cas la première fois. Mais ça n’a pas toujours marché très bien, c’est venu un peu trop tard, ou quand ce qui était présenté n’était pas quelque chose qui était dans l’identité souhaitée, dans cette espèce de moulage, comme ça a pu être la première fois.
Pourrions-nous peut-être dire ce que Freud écrit dans « Les Deux principes », c’est une note en bas de page (p.3 ibid.) « on objectera avec les raisons qu’une organisation de ce type… » donc celle du type hallucination « obéissant au principe de plaisir et négligeant la réalité du monde extérieur »… c’est-à-dire, j’hallucine et je pense que mon plaisir va pouvoir être obtenu « ne pourrait pas rester en vie un seul instant et donc qu’elle n’aurait même pas pu apparaître », c’est vrai puisqu’il n’y a pas de satisfaction possible « cependant le recours à une telle fiction se justifie par le constat que le nourrisson, avec en plus des seuls soins de la mère, réalise à peu près un tel système psychique, il hallucine vraisemblablement l’accomplissement de ses besoins internes et, lorsque la stimulation augmente sans qu’il y ait satisfaction, il trahit son déplaisir par la décharge motrice, il crie, il gigote. Ce faisant, il connaît la satisfaction hallucinée, c’est-à-dire qu’il y a bien, en un premier temps, une satisfaction hallucinée et c’était la Chose pure, je dirai la pure Chose qui était à ce niveau-là.
Par contre, si on suit le développement que j’ai essayé de reprendre, on voit que si « la Chose, c’est ce qui échappe au jugement » à la fin, rien ne va échapper au jugement, tout ce qui est partie Chose va être amené à disparaître, laissant un vide, et l’objet va se réduire à ses caractères complément variables, à ses traits, à ce qui permettra qu’il soit symbolique, à ce qui fait qu’il pourra venir à la place vide apporter une satisfaction, mais dans une sorte de métonymie, de glissement d’un objet à l’autre, sans qu’aucun n’atteigne l’adéquation de l’hallucination fondamentale.
À partir de là, ce que Lacan amène, la Chose, notamment dans le séminaire l’Éthique et peut se retrouver à la page 65, lorsque Lacan reprend le début de l’Esquisse et cette décomposition des deux parties, c’est là une division originelle de la réalité. Donc, la Chose va être comme « étranger et même hostile à l’occasion », pensons au Nebenmensch qui n’est pas là forcément à la disposition, « cet Autre absolu du sujet ». Ça restera altérité puisqu’il n’y a aucune possibilité de le retrouver au niveau de la partie variable, au niveau de l’archivage de souvenirs ; il ne pourra pas être reconstruit. Ou alors, on parlerait d’un objet symbolique.
Je crois que c’est la définition propre, l’altérité fondamentale de la Chose, c’est-à-dire l’Autre absolu du sujet, qu’on ne peut retrouver que par « ses coordonnées de plaisir », par la partie variable, comme on peut, à partir du souvenir, retrouver la réalité. Ce sont bien les coordonnées, à ce moment-là, de l’objet de plaisir.
Donc, je crois qu’à partir de là, on a le sujet de la Chose, sujet de das Ding. Ensuite, le jugement n’est pas autre chose qu’une mise en place de signifiants, c’est-à-dire toutes les représentations et les représentants de la représentation qui se mettent en place au niveau des traces mnésiques et les frayages entre eux de façon que le travail d’une position à une autre puisse se dérouler pour aboutir à la constitution de l’Autre, l’Autre des signifiants.
sein a + b sujet de das Ding
Nebenmensch jugement
a + b
objet métonymique + b
Bernard Mary :
Je voulais vous parler de das Ding par rapport à la psychose…
En commençant cette lecture du chapitre VI des « Mémoires d’un névropathe », il m’apparaissait que la traduction de l’allemand en français devait laisser de côté des points très importants, notamment la traduction du terme de « foi » au lieu de « croyance » qui a laissé de côté un signifiant qui insiste dans le texte de Schreber, et il y a toujours lieu de faire attention à cette insistance dans le texte d’un psychotique, en l’occurrence d’un signifiant qui vient sous le terme Glauben. Ce Glauben, il m’a semblé qu’il vient pour Schreber à un moment particulier qu’il appelle « le temps sacré ». Ce temps sacré, c’est celui où il est le plus absent, celui pour lequel Lacan a parlé de la mort du sujet, c’est-à-dire de l’absence de tout appui pour ce sujet sur un signifiant. Le temps correspond à une période tout à fait datée pour Schreber, il va de la mi-mars à la fin mai 1894. Ce temps, d’après le travail que nous avons fait, correspond à un moment très particulier, c’est celui, alors que la forclusion du Nom-du-Père, la confrontation à la forclusion du Nom-du-Père, s’est révélée à nouveau sur le plan clinique en novembre 93, peu de temps après cette nomination au statut, à la fonction de Senats präsident, attribut d’une position dans la hiérarchie du tribunal, et à un moment où il est confronté à la question d’un Père, donc après ce temps de confrontation à cette forclusion du Nom-du-Père, et qui met certainement le sujet déjà dans une position particulière par rapport à la Chose et, précisons tout de suite, c’est ce que Madame Faladé nous avait enseigné à la fin du séminaire, pour le psychotique, il y a rapport à la Chose en tant qu’elle est interdite, comme chez le névrosé - interdite puisqu’il est un parlêtre, et il n’y a de parlêtre qu’au titre de l’interdiction de das Ding.
Ce qui m’a semblé pouvoir être évoqué (je reviendrai peut-être sur ces points de position, de modulation de la position d’un sujet psychotique par rapport à ce vide de la Chose), ce temps unique de la confrontation à la forclusion, en novembre, vous le connaissez, mais en février, est intervenue de façon supplémentaire, semble-t-il, l’absence réelle, le départ de la femme de Schreber qui est partie voir son père à Berlin ; là encore, c’est une confrontation à un père. Cette absence réelle, il s’est posé quelque question là-dessus. Il me semble, en tout cas sur cette absence, qu’il faut tenir compte, je voudrais utiliser le terme de privation, reprendre ce terme de privation pour ce qui concerne la constitution même de la Chose.
La Chose se constitue en tant que lieu vide du fait d’une privation primordiale, essentielle, corrélative du fait de la mise en place du signifiant, de la coupure signifiante, qui vient faire barrière, vient faire surgir un sujet, un parlêtre, dans un rapport à un interdit de das Ding. Cette privation primordiale qui fait qu’une part du Réel, qui s’appelle la Chose, sera à jamais interdite pour le sujet névrosé comme pour le sujet psychotique, c’est ce que Madame Faladé avait repris aussi en le désignant, ce temps..., comme un certain type d’Ausstobung, d’expulsion, et là une première Ausstobung, une Ausstobung réelle.
Pour poursuivre avec les considérations cliniques que j’ai évoquées, avec le départ, l’absence dans le Réel de la femme de Schreber pour laquelle d’ailleurs Lacan, dans « Une question préliminaire à tout traitement de la psychose », ne manque pas de nous signaler que le lien conjugal est à prendre en compte pour Schreber au titre de ce qu’Aristote en définit dans L’Éthique à Nicomaque.
Il me semble… que cette absence est à nouveau une forme de privation, de privation dans le Réel, car le manque pour le psychotique, puisqu’il est hors castration, puisque la fonction du père est forclose, ce manque ne peut être que rencontre dans le champ du Réel et au titre de la privation. Cette privation de la femme vient toucher ce sujet probablement dans le sens déjà mis en place par la forclusion du Nom-du-Père, qui est « le pousse à la femme », mais aussi probablement du fait d’une position, d’une confrontation, à une modulation dans cette position psychotique par rapport à ce Nebenmensch qui est l’épouse même de Schreber. C’est un point qui me semble à travailler et ces privations, ces manques, vont se succéder et c’est à partir de cela que Schreber définit ce temps sacré (je cite là pages 66, 67 des Mémoires d’un névropathe) ; là encore, il va faire référence à des manques dans le registre de la privation, à des manques qui vont toucher, il le dit, à l’impossibilité d’une écriture.
Cette impossibilité de l’écriture, elle est liée au fait qu’on lui a enlevé tout moyen d’écrire. En fait, cette privation des moyens d’écrire, en allemand (et là le français passe à côté des problèmes), c’est le matériel, c’est le Schreibmaterial. Ce Schreibmaterial, c’est le matériel d’écriture mais, en fait, c’est une atteinte au matériel schreberien, une atteinte à ce qui tient à la forclusion de soutien pour ce sujet de l’écriture, de l’acte de « schreiben », en tant que suppléance à une mise en place d’un Nom-du-Père. Cela, je ne l’avais pas réalisé à une certaine époque, c’est aussi reprendre ce texte d’Octave Mannoni : « Schreber als Schreiber », Schreber en tant qu’écrivain. Ce travail à la lettre même qui, un peu dans le sens de Joyce, vient lui donner un nom.
Toujours à propos de cette privation qui vient toucher (j’ai parlé de corps propre), ça vient toucher à sa possibilité d’écriture, ça vient toucher au patronyme même, à la question du père et ça vient toucher probablement à ce qui est matériel Schreber, c’est-à-dire à ce corps propre du sujet, en référence, parce que c’est dans ce temps sacré aussi, temps sacré de transfert, c’est en référence à cet autre patronyme, et à cet affrontement de patronymes, comme le précise bien Schreber, affrontement de l’être qui est Flechsig, ou ce Fleisch Zig, ce morceau de viande, ce membre viril, je reviendrai là-dessus - ce que je voulais évoquer, c’est un petit passage d’une note (la note 37, pages 67 et 68) où Schreber est toujours dans un système de notes et c’est à partir de petites notes dispersées à différents temps qu’il a pu ensuite se constituer en tant qu’écrivain, en tant que Schreiber. Dans cette note, il y a un point important qui me semble très proche de ce qu’évoquait Triol, Schreber discute sur la différence entre l’hallucination et le phénomène onirique, le rêve. En fait, il évoque là un épisode hallucinatoire dans lequel il se passe quelque chose d’assez particulier qui concerne la présence par des voies d’entrée assez mystérieuses, la présence d’un infirmier dans sa chambre, la présence d’un semblable qui va se livrer à toutes sortes de folies, je cite Schreber, et entre autres : manger de la langue fumée ou du haricot au jambon cru eh bien là, on peut se demander pourquoi ce sujet, en ce temps où il se demande où est la folie et si elle est de son côté ou du côté de cet autre semblable, pourquoi est-il si intéressé par ce qui se passe là ? Il est probable que, pour lui, manger de la langue fumée ou du haricot au jambon cru est là tout à fait important. Et, à ce que je crois, qui est plus important, ce qu’on peut déjà évoquer, c’est que, peut-être s’agit-il là d’une mise en place signifiante, d’une mise en scène qui véhicule certains signifiants qui font écran, ou tentent de faire écran à la Chose et ne peut-on parler là d’un rapport de jalouissance, ce terme qu’utilise Lacan à propos de la Chose dans le séminaire Encore ?
Alors ces signifiants alimentaires, ils correspondent à un souci qui revient souvent chez Schreber, mais je n’ai pas le temps d’en parler, c’est celui de l’incorporation signifiante et de son impossibilité. Là, il faut remarquer que c’est sur quelque chose qui revient dans le Réel, au niveau d’un autre lui-même, qu’il peut se confronter à ces signifiants-là, et à la question de cette incorporation possible ou non selon la structure. Ces signifiants, puisqu’il est important de les prendre dans la langue du sujet, puisque ce sont ceux que nous sommes en train de traiter, les S1, les S1 de la langue, dont nous avait parlé aussi Madame Faladé, ces S1 de la langue, eux-mêmes non soumis encore à l’Ausstossung, c’est-à-dire à l’évidement de jouissance : « geraücherte Zunge oder roben Schinken mit Bohnengemüse ». Je n’ai pas le temps de revenir là-dessus ce soir, mais peut-être nous reparlerons de ces questions cliniques une autre fois…
Les signifiants en allemand sont, pour la langue fumée, langue c’est Zunge et geraücherte, c’est fumée. Pour le jambon cru, cru, c’est rohen, Schinken, c’est jambon, mit Bohnengemüse c’est-à-dire les haricots. Là, il y a quelque chose qui m’a un peu surpris, surtout après le style de travail que j’avais fait, ce travail à la lettre, soit la langue des S1, des signifiants dans la psychose et chez Schreber, mais aussi chez Wolfson, ce que j’avais travaillé à une époque, c’était la question de la sonorité des signifiants, c’est-à-dire cette sonorité du son non évidé, non expulsé dans la langue du psychotique et, à partir de là, nous avions repris la question des homophonies dans les hallucinations de Schreber. Là, j’ai essayé de travailler ces signifiants dans le sens homophonique, pour le moment je n’ai pas dégagé grand-chose, mais je crois que c’est à faire. De la même façon, au même titre que c’est à travailler du côté de la sonorité, c’est à travailler comme nous l’indique Schreber, du côté de la coupure, de la segmentation de ces signifiants, c’est-à-dire au titre de la découpe signifiante dans le sens même - évoqué là encore par Schreber - qui est celle qu’il faut qu’il y ait du Père, qu’il y ait le Nom-du-Père pour nommer, pour évider et pour découper les signifiants, pour introduire la métrique signifiante, pour parler un peu dans les termes schreberiens. Ces métrique, rythme, sonorité, lettres elles-mêmes, nous confrontent à la question du chiffrage des lettres, un peu dans le sens de ce que j’avais travaillé et là, vous pourriez dire que je suis en train de tirer les choses dans mon sens, celui qui me convient, mais il suffit d’écouter tout de même les propos assez étonnants de la part de Schreber (suite de la note) « qu’on veuille bien ne pas sourire du détail de ces nourritures. Les mots qui désignent ces aliments ont des rapports avec le système de prises de notes que j’aurais à décrire plus tard et me laissant percevoir clairement dans quelle intention on me dépêchait ces rêves ; jusqu’ici il s’agit donc en tout cas d’un apport à la connaissance de Dieu, et notamment à la connaissance de ce dualisme, déjà signalé qui règne dans les royaumes de Dieu » c’est-à-dire des deux royaumes antérieur, postérieur, inférieur, supérieur. « Á ce point… ». Voilà j’arrête là ma citation mais, tout de même, j’ajouterai que ce système de prises de notes, en allemand c’est Aufschreibesystem d’abord on a à prendre au niveau des signifiants mêmes, c’est-à-dire en travaillant sans cesse, en tentant de se personnaliser à partir de la mise en fonction de l’Aufschreibesystem, du travail sur le signifiant, Schreber se crée un « auf Schreber… » ce que j’ai écrit d’ailleurs d’une autre façon, c’est-à-dire que le système de prise de notes, je crois qu’on peut aussi le traduire par une mise en écrit, un système de mise en écriture, c’est-à-dire une possibilité de travailler les signifiants alimentaires, les signifiants impliqués dans la question de l’incorporation signifiante avec l’écriture, dans un sens qui permet au sujet de tenter de créer un Nom-du-Père et par là, un système de nomination qui vienne pacifier son rapport à la jouissance et tenter d’assurer une certaine position par rapport à la Chose, par rapport à la mère interdite, à l’objet primordial.
Chez le psychotique, chez Schreber, il semble que ce soit cela qu’il nous indique, rejoignant ainsi aussi ce que Wolfson nous avait enseigné dans son travail sur la lettre en passant d’une langue à une autre, tentant de toujours mettre en place cette barrière, c’est la définition que Lacan nous apporte, cette barrière signifiante du sujet qui protège le sujet par rapport à l’attraction - répulsion du vide de la Chose.
Alors, il est probable que le psychotique est dans un rapport particulier - je viens d’en parler - à la Chose parce qu’il, tout en étant parlêtre, il est être parlé, il dispose des S1 mais il y a forclusion de ce S2, c’est-à-dire ce signifiant du Nom-du-Père. En cela, je pense que là, il y a à rejoindre Lacan pour lequel je pense qu’il faut rappeler que, s’il s’est attaché au travail sur das Ding, enseignement sur das Ding à l’époque de l’Éthique et, à la même époque, il évoque la Chose dans sa « Réponse au rapport de Daniel Lagache », un certain moment, je crois que la première fois où il approche cette question, sans la nommer en tant que telle, mais en la définissant, et de façon tout à fait claire, c’est dans le séminaire des Psychoses, pour ce qui concerne les éditions du Seuil, dans la partie qui s’appelle « les entours du trou » dans la dernière partie du livre, et dans le chapitre XX dont le titre est : « l’appel, l’allusion ». Là, il est question de l’Autre préalable, c’est de lui dont il est question pourtant, s’il n’est pas nommé ainsi, il est nommé en tant qu’Autre, en tant que grand Autre préalable, et en tant qu’Autre préhistorique. Une chose que Lacan reprendra, mais ce qui est intéressant, c’est tout de même avec la question de la psychose qu’il en vient à aborder ce point de das Ding, en tant que l’Autre Réel, l’Autre préalable, l’Autre interdit, et il reprend pour ça la question de l’amour courtois.
Très rapidement, pour évoquer la question de das Ding avec celle de l’amour courtois, c’est-à-dire la question de la sublimation, Lacan évoque la littérature du Moyen-âge et évoque cette nécessité, cette mise en place dans ce temps de civilisation, dans ce temps de malaise de la civilisation, et là, je pense qu’il y a toujours à suivre le destin de das Ding, l’approche, des approches de das Ding, pour rendre compte de ce qu’a fait Freud, c’est-à-dire de rendre compte du malaise de la civilisation. Là, il est question dans cette littérature du Moyen-âge, de la Dame, c’est-à-dire de celle qui est porté à la dignité de la Chose (c’est Lacan…), c’est-à-dire celle qui est là, en tant que au-delà, en tant que jouissance interdite, en tant que (on l’a lu dans le séminaire des Psychoses) au delà de l’autre, du petit autre semblable. Derrière cet autre, il y a lieu de rencontrer, de prendre en compte ce grand Autre Réel et c’est d’ailleurs ce qui conduit Lacan à reconsidérer et à faire une critique des positions des analystes de l’époque quant à la relation d’objet.
Il faut tout de même que je vous parle de l’Unglauben puisque là, dans ce rapport particulier, de ce rapport à l’Unglauben qui est utilisé en tant que moyen de défense, en tant que défense par le psychotique, par le paranoïaque, par rapport au vide de la Chose, par rapport au risque de l’attraction de la Chose, de l’engloutissement dans la Chose, cette Unglauben, c’est Freud qui le dégage, et il le dégage très tôt puisque c’est dès la correspondance avec Fliess, et c’est dans sa lettre du 1er janvier 1896, le manuscrit K, qu’il est question de cela.
A cette époque, Freud a évoqué pour le paranoïaque la question de la Versagung des Glaubens, c’est-à-dire d’un rejet de la croyance. La traduction de Versagung peut avoir quelques nuances et variations, mais disons cela comme cela pour le moment, le rapport…, alors Freud, c’est à cette époque-là qu’il distingue déjà les positions par rapport à la Chose, en fonction de la structure, et c’est là qu’il amène cette insatisfaction et ce dégoût pour l’hystérique par rapport à la Chose, ce « trop de plaisir » éprouvé par l’obsessionnel qui va recourir à l’isolement par rapport à la Chose, et de ce paranoïaque qui, lui, dans son rejet de la Chose, dans son Unglauben, dans sa non - croyance, encore que Lacan revienne sur ces points-là, sur cette traduction - là, dans le Séminaire XI, dans Les Quatre concepts fondamentaux… cette non-croyance qui vient s’exercer là, alors que cette croyance, Freud l’indique bien, le névrosé croit à das Ding, et c’est parce qu’il croit à das Ding, c’est-à-dire qu’il croit au plaisir qu’il a éprouvé pour en être insatisfait ou pour en avoir trop joui, c’est parce qu’il croit à das Ding qu’il met en place un autre mode de défense.
Pour le paranoïaque, lui, étant dans un rapport de non-croyance, qui est une non-croyance, j’ai envie de dire, quasi négativiste, et là je crois que c’est probablement liée aussi à l’absence, à la forclusion de S2, du signifiant du Nom-du-Père, c’est probablement ça qui met ce sujet qui est pris dans un réseau, dans un essaim de S1, ce sujet met en place ce négativisme à défaut d’une Verneinung qui ne s’est pas inscrite, sous cette forme de l’Unglauben. Cette Unglauben, c’est elle qui fait barrière à das Ding, c’est-à-dire c’est elle qui assure la privation toujours à maintenir du Réel de cet objet primordial dont je vous parlais tout à l’heure. Cette Unglauben, et là, Madame Faladé nous avait bien dégagé ça au mois de juin, cette Unglauben quant à la Chose, elle s’accompagne, et Schreber c’est de cela dont il nous parle dans le début de ce chapitre VI, il se pose la question de sa croyance en un Dieu. Pour lui, ça n’avait pas de sens, ça n’existait pas dans l’enfance, l’adolescence, bien qu’il avait une position assez précise par rapport à ça, il faut retourner à cette page 66. Et il y a là une croyance, si l’Unglauben s’exerce à l’égard de la Chose, il y a un retour dans le Réel - c’est dans le manuscrit K que l’on trouve ce retour dans le Réel – mais, pour le Freud de l’époque qui indique que la question du refoulement, c’est quelque chose de concret et, à propos du refoulement, il se pose des questions : est-ce qu’il s’agit d’un refoulement, est-ce que c’est une question de dates de survenue des incidences primaires… (il faut aller voir ce texte), dans son cheminement on peut penser qu’il a quelques doutes sur le fait qu’il s’agisse du refoulement qui soit en question. Et ce qu’il utilise à ce moment-là, il n’est pas dans les questions du retour de l’extérieur dans le Réel, il dira ça ensuite, il n’utilise pas ce concept-là encore, ce sera beaucoup plus tardif. Là, il est tout de même question de la projection, et de la projection pour rendre compte de ce qui revient sur un mode, sous les traits de l’hallucination ou du délire, c’est-à-dire que là où il y a non-croyance par rapport à la Chose, il y a retour dans le Réel, d’une croyance insistante, contraignante, qui est celle du délire, de l’hallucination, c’est-à-dire c’est là, la mise en place, mais dans le registre du Réel, d’une inscription de signifiants, toujours dans ce registre du Réel, d’une tentative de mise en place d’un Nom-du-Père. Pour Schreber, ça va être Dieu et c’est de ça dont il va être question dans ce texte, le chapitre VI, c’est aussi la question de la femme, c’est-à-dire que traiter de la question de la Chose c’est évidemment, ce que nous a indiqué Madame Faladé, ça implique aussi de traiter de la question de la fonction du père, de la fonction de nomination, c’est pourquoi j’ai été piocher dans cet exemple de la note 37.
Il y a d’autres points à évoquer sur cette Unglauben, et aussi ce rapport à la Chose, mais il y a pas mal d’éléments qui pour certains font écho à ce que Triol a bien voulu nous ramener chez Freud dont je n’ai pas eu le temps de vous citer certains passages…
Questions
Jean Triol :
en quoi le désir du premier centre du Nebenmensch intervient dans la mise en place l’Unglauben ? C’est une chose que je n’ai pas citée dans ce passage, cette donnée du désir de la jouissance que l’enfant représente pour ce Nebenmensch.
Bernard Mary :
il y a des points que j’ai complètement laissés de côté, c’est bien sûr la question du rapport au désir parce que, pour le psychotique justement, cette question du phallus, elle est bien problématique… c’est ce qui définit ce rapport très particulier de ce sujet non seulement à la forclusion, mais aussi à das Ding. En ça d’ailleurs, je crois qu’il faut réutiliser les formules de la sexuation et aborder cette question du rapport à das Ding pour le psychotique dans la mesure où il est nécessairement du côté « femme » avec « le pousse à la femme ». Et ça aussi, je voulais vous en parler, je voulais reprendre cet apport tout à fait original (tout le monde n’en a pas entendu parler), inédit de Madame Faladé sur le rapport de la femme justement à la Chose, je parle de la femme barrée à das Ding (lorsqu’elle a parlé un troisième samedi de mars)… ça a été important dans la mesure où la femme, dans la mesure où elle se met du côté femme dans les formules de la sexuation, dans la mesure où elle n’est pas uniquement définie en référence au phallus et donc à la castration, eh bien, elle est dans un rapport particulier à la Chose différent du sujet (masculin ou féminin) qui se met du côté homme.
Je n’ai pas le temps de m’étendre là-dessus. Un autre point, je crois que, quand on parle de la pulsion chez le psychotique, on va très vite (c’est ce que j’ai essayé de montrer chez Wolfson), même si j’ai parlé des signifiants alimentaires chez Schreber, il faut faire très attention pour s’autoriser à parler d’une pulsion orale, parce que c’est tout de même à reconsidérer… et on est obligé ! Si la Chose en tant que lieu vide, vacuole, et réservoir des pulsions, il y a lieu de tenir compte d’une définition spécifique de l’objet a quand on l’envisage dans une structure psychotique, à savoir qu’il y a là, … s’il y a un objet a, il n’est pas corrélé à la castration, il n’est pas corrélé à la question du manque et comment peut-on rendre compte effectivement de la pulsion, de l’objet a, en référence à das Ding dans la structure psychotique ? Ça fait beaucoup de questions tout à fait intéressantes.
Une dernière question :
vous avez parlé du négativisme, je ne sais pas trop ce que c’est exactement, par rapport au négativisme exprimé chez le paranoïaque, la relation que vous en avez faite avec…
Bernard Mary :
l’Unglauben, cette nécessité d’imprimer un refus d’une croyance à la Chose, je crois que ça vient là dans le Réel, s’appliquer à la Chose d’une façon telle que ça fait barrière à la Chose, mais il me semble que cela vient en grande partie, du fait que il y a pas de Nom-du-Père, n’y a pas eu métaphore paternelle donc le père n’a pas pu nommer ce vide de la Chose et ce vide, ne pouvant pas être nommé, c’est le négativisme qui fait fonction de cette Verneinung qui n’est pas inscrite. Il faudrait reprendre ce qu’on avait étudié les années précédentes avec la question de l’Ausstossung... arrêt de la cassette.