26 octobre 1993
Document de travail
Pourquoi commencer un quatrième mardi d’octobre ? Parce que, rue Claude Bernard, j’avais l’habitude… La première réunion était consacrée à la mise en place des cartels, et des connaissances, des possibilités de connaissances entre les participants.
Cette année commence pas comme les autres. Et pour ce qui intéresse ici, c’est la première fois que je n’ai pas trouvé de titre à mettre et pourtant j’ai une idée assez précise, assez claire, de ce que je veux apporter cette année.
Depuis un certain temps, je voulais parler de l’identification, je n’ai pas trouvé comment y arriver et, pour aujourd’hui, je ne trouve pas un titre qui… je n’ai pas trouvé.
L’année dernière, nous avons parlé de l’hystérique, et l’hystérique faisait suite à l’obsessionnel, nous avons pris sous un certain angle, une certaine façon de parler de la clinique, de ces « deux versants de la névrose » comme Lacan indique dans son séminaire « D’un Autre à l’autre ».
À Vaucresson, lorsque j’ai entendu ce qui nous a été apporté sur l’incomplétude et l’inconsistance, je me suis dit que ç’aurait pu être une façon d’aborder la clinique des névroses. Pour ce qui est de l’obsessionnel, ce serait du côté de l’incomplétude ou plus précisément de la complétude puisque c’est ceci qui est le propre de l’obsessionnel - faire en sorte que tout puisse être ramené au même - et, pour ce qui est de l’Autre, apporter un reste, un reste qui puisse le combler.
Quant à l’hystérique, c’est l’inconsistance, et nous avons vu avec Dora que cette inconsistance qui est due au fait que, au cœur du grand Autre, il n’y a pas tous les signifiants, plus exactement il y a un signifiant qui vient marquer le manque au sein de ce A, et ce signifiant, ce S() tel que Lacan l’a nommé, vient là dire que, pour ce qui est de la jouissance, quelque chose ne va pas, et nous avons pu voir que tout au long de cette observation, la question de Dora était : que fait mon père avec Madame K. ? Qu’est-ce que Madame K. trouve chez mon père, mon père lui qui est impuissant ? Il y a sûrement là quelque chose qui m’échappe et ce quelque chose est la question concernant la jouissance.
Au cours de notre travail l’année dernière sur l’hystérique, nous sommes arrivés à ce point que l’hystérique a permis à Freud de mettre le doigt sur l’interdit et, lorsque nous prenons les observations de ces femmes hystériques, qui se trouvent dans « Les Études sur l’hystérie », qu’est-ce que nous remarquons ? Que, sous un angle ou sous un autre, le père est interdit, le père est vécu comme interdit :
- que ce soit Dora, qui cherche l’amour de son père,
- que ce soit Lucy R., cette gouvernante anglaise, qui aime son patron mais n’ose pas se l’avouer. Le patron, c’est pas le père mais enfin, il a une stature pas banale ce patron, c’est le père des enfants dont elle s’occupe,
- que ce soit Katarina : avec Katarina, ce qui se passe est tel que l’interdit sur le père semble être tellement important, que ce qui se joue entre sa sœur et ce père peut nous faire croire que c’est essentiellement, que c’est le père qui est l’objet de l’interdit.
Nous savons, avec ce que Freud nous a enseigné à la fin, presque à la fin de sa vie, en 1931, qu’en fait, ce qui est porté sur le père, ce qui est reporté sur le père, c’est plutôt ainsi qu’il faudrait dire, c’est ce qui a été vécu par rapport à la mère et, nous dit Freud, c’est ce qui a été vécu sur la mère qui est reporté sur le père. Et Lacan, au début de son écrit sur « La signification du phallus », reprenant ce passage de l’enseignement de Freud, dit qu’en fait c’est un véritable transfert analytique qui s’est passé de la mère au père. Donc, nous ne pouvons pas nous arrêter sur ce point que l’interdit porte sur le père. Nous avons à nous interroger pour savoir ce qui a fait que Freud qui, dès le départ de sa découverte, c’est-à-dire très exactement quelques semaines après avoir découvert l’inconscient, quelques semaines après avoir découvert l’inconscient, il écrit à son ami Fliess ce qu’il a intitulé « Esquisse pour une psychologie scientifique » et là, très nettement, cet objet qui ne peut être objet que parce que perdu, aurait dû lui permettre de savoir qu’en fait l’interdit porte sur la mère. Et nous verrons tout à l’heure pourquoi cet interdit porte sur la mère. Lui, Freud, aurait pu le déduire de ce qu’il venait là de découvrir immédiatement après sa découverte de l’inconscient, ce qu’il mettait dans cet écrit, Freud aurait pu ne pas se laisser berner par l’hystérique, parce que je crois que c’est le mot que l’on doit employer. Freud qui, sur lui-même,… il dit qu’il est son meilleur patient, il s’est rendu compte que l’objet interdit, c’est sa mère, celle pour qui il a des désirs, désirs que l’on ne peut qu’appeler incestueux, et ces désirs, je crois qu’avec Lacan, il faut dire désir de la mère car la mère aussi est partie prenante dans ce qui se joue pour cet enfant.
Freud, qu’est-ce qui a fait qu’il lui a fallu tout ce temps pour savoir qu’il savait que l’objet interdit, c’est la mère, et pour le garçon et pour la fille, et non pas uniquement, comme il le laisse entendre dans l’observation de Dora, que aux filles le père, aux garçons la mère ?
Cet écrit, « l’Esquisse pour une psychologie scientifique », a eu un sort dans la communauté analytique qui mérite d’être souligné, puisque c’est véritablement quelques semaines après sa découverte, et vous savez la joie qui l’habitait lorsqu’il a pu se dire qu’il venait de faire une découverte telle que tout allait changer, la joie qui l’habitait et qui a fait qu’il s’est adressé à son ami Fliess, qu’il a envoyé ces lignes, et écrites rapidement. Cet écrit, en fait, les premiers compagnons de Freud ne l’ont pas connu, les premiers disciples de Freud l’ont complètement ignoré et il a fallu que Marie Bonaparte, dans les années 49-50, trouve avec les lettres de Freud à Fliess cet écrit et arrive à obtenir de Freud que cela puisse nous être communiqué. Ce n’est pas parce que ses disciples n’ont pas connu cet écrit que rien de ce qui s’y trouvait ne leur a pas été apporté par Freud.
Reportons-nous au chapitre VII de La Science des Rêves, reportons-nous aux « Trois essais sur la théorie de la sexualité », et vous savez l’importance de ce chapitre « retrouvailles de l’objet » où Freud fait savoir que l’objet est fondamentalement, dès le départ, perdu, et dans son séminaire sur La relation d’objet, Lacan insiste sur ce point de l’enseignement de Freud qui se trouve dans les « Trois essais sur la théorie de la sexualité ». Il n’y a pas que dans les « Trois essais sur la théorie de la sexualité », où Freud fait connaître ce qui est important, ou tout du moins une partie de ce qui est important, dans son « Esquisse pour une psychologie scientifique », nous avons l’écrit intitulé « Les deux principes qui régissent l’activité psychique » et nous avons les passages de « Pulsions et vicissitudes des pulsions », bref il y a là, de-ci de-là dans l’enseignement de Freud, ce qui aurait pu permettre de mettre l’accent sur ce fait, ce fait fondamental, que c’est parce que perdu que l’objet est constitué.
Alors, cet écrit de Freud, « l’Esquisse pour une psychologie scientifique », on peut se demander - en tout cas, c’est ainsi que je prends la chose - si, en fait, il n’y a pas là une ouverture de l’inconscient, comme Lacan dit, à ce moment de passage et que l’inconscient se ferme, et les hystériques ont aidé Freud à cette fermeture de l’inconscient.
Je ne sais pas comment les contemporains de Lacan - quand je dis je ne sais pas, c’est ma façon de dire que les contemporains de Lacan n’ont pas accordé la même importance, la même insistance, que Lacan a apporté à ce texte - et, quand on reprend son enseignement, les temps de cet enseignement, on peut s’apercevoir que si, au cours de l’année 56, il y a eu un espèce de passage, de bond, avec l’apport de Jakobson, on peut se dire, et en tout cas nous autres qui n’étions pas lecteurs de Lacan, et pour cause, on ne pouvait pas être lecteur de Lacan, puisque c’est semaine après semaine que nous entendions ce qu’il apportait et que ce qui a été réuni dans ce volume appelé Écrits, ce qui a été réuni, nous avions eu beaucoup de mal pour bon nombre de ces écrits à les trouver. De toute façon, nous ne pouvions pas être lecteurs de Lacan. Nous avons été ses auditeurs, auditeurs peut-être à l’oreille « matelas », mais enfin auditeurs quand même, et je peux vous dire que, lors du congrès de Royaumont de 1958, lorsque nous avons eu les textes préliminaires, d’abord celui de Lagache, puis celui de Lacan « La direction de la cure », certains ont commencé à faire la lecture de ce dernier et se sont dit que là, il y avait quelque chose qui n’était pas tout à fait ce que, jusque-là, il nous avait enseigné. Je ne vous raconterai pas comment s’est déroulé ce congrès, ce qui a été notre stupéfaction lorsque Lacan a répondu à Lagache - vous en avez trace dans les Écrits. Ce que je veux vous dire, c’est que, avec ce texte de « La direction de la cure » et le séminaire qui a suivi « Le désir et son interprétation », il nous a semblé, en tout cas à ceux qui le suivaient avec le plus d’attention, que quelque chose d’autre se mettait en place, quelque chose d’autre qui faisait que Lacan ne parlait plus du grand Autre comme sujet, quelque chose d’autre qui faisait que le désir n’était pas abordé de la même façon que ce qu’il avait pu nous en dire jusque-là, ce n’était pas désir de reconnaissance, mais quelque chose qui changeait, et on peut dire, assez radicalement, quelque chose qui faisait que Lacan faisait une part à la jouissance.
Et maintenant que l’on connaît le texte de Freud, « l’Esquisse pour une psychologie scientifique », on peut se demander pourquoi Freud qui, dans ce texte, met l’accent, insiste sur cette satisfaction, cette jouissance, qu’est-ce qui a fait qu’il ne lui a pas donné toute la place qu’on aurait pu attendre, encore que ce qui est là, et dans des endroits pas du tout négligeables, on le verra, cette question de la jouissance ne lui échappait pas, mais enfin, toujours est-il que Lacan a pu nous dire « le désir, ça a été le champ de Freud, la jouissance sera mon champ ». Donc, à partir de juillet 58, changement dans l’enseignement de Lacan et ce changement peut être noté avec ce texte de « La direction de la cure », avec Le désir et son interprétation, et Le désir et son interprétation est là pour préparer ce qu’il dira sur l’Éthique de la psychanalyse et vous savez que avec le texte, le séminaire de l’Éthique de la psychanalyse, Lacan nous apporte ce que Freud, dans « l’Esquisse pour une psychologie scientifique », a amené.
Avec l’Éthique de la psychanalyse, l’accent très rapidement est mis sur la Chose, la Chose qu’il a trouvée dans ce texte, mais l’écho trouvé chez Heidegger a fait que il lui a donné tout le développement que nous connaissons, mais je pense que ce n’est pas uniquement les choses trouvées chez Heidegger, de même que ce n’est pas uniquement ce qu’il a pu avoir chez Jakobson qui lui a fait mettre l’accent sur le signifiant tel qu’il l’a fait, se séparant en quelque sorte de de Saussure, nous disant qu’il faisait de la linguisterie, je pense, comme il s’est efforcé de nous le faire savoir, sa pratique y était pour quelque chose et l’obligation dans laquelle il s’est trouvé, du fait de cette pratique, à penser la « chose freudienne », à penser cet inconscient structuré comme un langage.
L’Éthique de la psychanalyse a été suivie du Transfert et, dans ce texte du Transfert, il y a des points qui nous intéressent, et qui nous intéressent tout à fait directement pour ce que nous pensons cette année apporter, c’est ce que Lacan a commencé à mettre en place avec ce qu’il a appelé le graphe du désir, dont on a un texte définitif dans son écrit : « Subversion du sujet et dialectique du désir », mais, du Transfert, il nous conduit à L’Identification.
Si je vous rappelle à ces séminaires, c’est pour vous dire que ce qui va nous intéresser va englober ces séminaires, c’est-à-dire qu’il m’est apparu que, pour pouvoir aborder la question de l’identification, c’était capital de reprendre le sujet tel que Lacan s’est efforcé de le dégager et, pour pouvoir poser ce qu’est l’identification, pour nous psychanalystes.
Je vais dire quelques mots sur ce qui se trouve là au tableau mais, avant de le faire, je vais revenir sur ce que Lacan véritablement fait ressortir de ce texte de Freud sur la psychologie scientifique, c’est-à-dire « l’Esquisse », c’est-à-dire sur ce qui est autour de la Chose. Ce qui est autour de la Chose, c’est en fait ce qui a à voir avec ce vide radical, ce manque, le fait que l’objet ne peut être constitué que parce que manquant. Ce vide radical, c’est en fait ça cette castration dont nous parle Freud, et c’est autour de cela que sera constituée une barrière, une barrière telle que le sujet va se mettre à l’abri de ce qui pourrait advenir si il lui arrivait d’être en contact avec ce vide.
Alors ce vide de la Chose, nous nous y arrêterons pendant un certain temps, ça nous permettra de revenir sur la sublimation. L’année dernière, ça a été le thème d’un travail pour certains d’entre nous, travail intéressant, mais qui n’a pas fait la place à ce véritable rapport du sujet avec la Chose, c’est-à-dire que ce qui est au-delà de l’utile, nous dit Lacan, c’est ça qui intéresse le sujet de l’inconscient et c’est pas pour rien que, dans son séminaire sur l’Éthique de la psychanalyse, il a fait une place à l’utilitarisme, et pour bien pointer ce qui est au-delà de l’utile, il nous donne l’exemple de quoi ? De ce tableau de Van Gogh - ces vieilles godasses - qui là est porté véritablement à la sublimation.
Je crois qu’en saisissant mieux ce qui est pour nous ce rapport avec ce lieu, ce lieu où de la jouissance pourrait être trouvée, mais ce lieu avec lequel nous devrons nous efforcer de trouver un bon voisinage. Il nous sera possible de reprendre la question de la sublimation et de la reprendre telle que nous, psychanalystes, nous devrons nous y intéresser. Avec ce travail sur la Chose, et la barrière qui est formée par le sujet pour s’en défendre, nous aurons à revenir à propos du désir, nous aurons à revenir sur la perversion.
La perversion a été un thème que nous avons travaillé et je pense que ceci aussi pourrait être serré tel que nous, psychanalystes, nous avons à nous y intéresser, c’est-à-dire sans y mettre quoi que ce soit de je ne sais quelle morale, nous aurons à revenir sur ce point car c’est par ce biais que le désir peut être éclairé. Avec la Chose et la barrière qui se met en place et, croyez-moi, ce n’est pas de la littérature lorsque Lacan, dans son séminaire sur L’Angoisse, revient sur cette barrière, et essaie de nous faire saisir tout ce qu’il peut y avoir là d’essentiel par rapport à la mise à distance de la jouissance. Lorsque Lacan revient sur cette barrière, croyez-moi ce sont des choses que l’on peut entendre au cours des analyses et on est toujours étonné de voir que ça, c’est dit comme ça, c’est bien ce qu’il a entendu qu’il nous apporte et qu’il n’y a pas à prendre pour littérature ce qui se dit là de la Chose, ce qui se dit de cet entre-deux-morts, enfin bref, tout ce qui fait l’éthique de la psychanalyse.
Alors, pourquoi ce trajet ? C’est vrai, l’hystérique nous y a conduit l’année dernière avec l’interdit et nous venons très rapidement de voir qu’il n’y a pas à s’arrêter à ce « c’est le père pour la fille et la mère pour le garçon », le père a une autre stature, nous aurons l’occasion dans le groupe qui s’intéresse au complexe d’Œdipe cette année, de porter l’accent qu’il faut sur ce thème.
Donc, c’est l’hystérique qui nous mène à l’interdit mais, nous reportant à « l’Esquisse », nous sommes obligés de là, reconnaître ce qu’il y a de génie chez Freud, et comment il va mettre en place ce qui, chez l’infans, celui-là qui ne parle pas encore, ce qui va à tout jamais le marquer, ce qui va faire que se mettra en place l’appareil psychique d’une certaine façon et ce point est important, Lacan le reprend dans le séminaire sur l’Angoisse où il nous parle d’une « réponse à côté ». Il y a, me semble-t-il, non seulement à faire une place à une « réponse à côté », mais à se dire, lorsqu’on reprend le texte de Freud, à se dire que le hasard - on dit le hasard de la naissance - mais le hasard qui fait que l’objet sera présenté, la réponse sera donnée d’une certaine façon, le hasard va sûrement pas conditionner une vie.
Alors cet infans, celui-là qui va recevoir, on le sait, cet objet, a quelque chose pour répondre à tel mouvement, a quelque chose pour satisfaire sa détresse, tout du moins pour lui permettre de sortir de sa détresse. Cet infans, Lacan, dans ce séminaire Le désir et son interprétation, nous avait donné un graphe, graphe qui n’a pas été repris dans son écrit, mais enfin graphe qui existe, puisque nous autres qui n’étions pas des lecteurs, qui n’étions qu’auditeurs, nous l’avons eu en mains, ça nous a été tracé au tableau par Lacan, certains l’ont recueilli, et ce graphe de l’infans, cet infans que dans un temps ultérieur, second, il dira que c’est véritablement l’objet a qui choit dans le monde, ce reste de jouissance, ce produit de jouissance, lorsque il fait entendre son cri, ce cri va rencontrer ce discours qui lui préexiste, il y a du monde autour de lui, ça parle, ça a une certaine idée de ce qu’il faut faire, ce qu’il ne faut pas faire, pour un enfant, enfin bref il aura une réponse, et cette réponse n’est pas anodine même si c’est une « réponse à côté ». Lacan dit dans ce séminaire que ce que reçoit l’enfant, ce n’est pas uniquement le sein, c’est quelque chose qui vient le marquer, c’est un sceau, et ce quelque chose qui vient le marquer, c’est ce qu’il a appelé la matrice de l’Idéal du Moi.
Alors, nous aurons sûrement à y revenir, bien que j’en parle souvent ici, nous aurons à y revenir en nous reportant peut-être à ce qu’il a dit dans « La remarque faite à Daniel Lagache », non seulement quelque chose vient là le marquer mais, lorsqu’on reprend ce qu’il dit et lorsque on lit Freud, cette « Esquisse pour une psychologie scientifique », on peut, on doit se dire que ce n’est plus un infans. Il ne parle pas encore mais il n’est plus cette chose vierge qui vient de choir dans le monde, et que ce S du sujet peut déjà être mis là. Et Lacan le reprendra ce S du sujet non seulement dans l’écrit que nous avons qui date du milieu de 58 et qui est la « Question préliminaire », mais surtout on le retrouve dans le séminaire sur l’Angoisse où, justement à propos de la jouissance, il parle de ceci. Et je pense, en y réfléchissant, ce sujet qui a rapport au grand Autre, ce sujet c’est lui qui est le sujet stupide et ineffable - stupide et ineffable existence - et qui dépend de l’Autre.
Il ne parle pas encore mais il est déjà marqué et, lorsqu’il parlera, lorsque son cri assignifiant devient parole, c’est-à-dire lorsque ce sujet du pur besoin adresse à l’Autre quelque chose de l’ordre d’une véritable demande, alors cet Autre est décomplété et c’est le sujet barré, et c’est à partir de ce sujet barré que se met en place tout ce que lui, Lacan, nous apportera, c’est-à-dire qu’il y a là, avec ce graphe du désir, avec la distinction entre le sujet stupide et ineffable dont l’existence dépend de l’Autre, la distinction avec le sujet qui parle, quelque chose d’autre va se dire par Lacan, car ce sujet qui parle n’a aucun signifiant, c’est un sujet barré, barré par ce « pas de signifiant ». Et, c’est à partir de ce moment-là que, avec ce qu’il nous apporte d’autre sur les signifiants dans son séminaire sur L’identification, que se pose alors la question du rapport de ce sujet barré, de ce sujet qui n’a aucun signifiant propre, la question de son rapport avec l’Autre, puisque là, avec le fait que le désir n’est plus désir de reconnaissance, l’Autre, le grand Autre, n’est plus présenté comme sujet, c’est-à-dire qu’il y a une différence entre ce qu’il nous dit dans son séminaire II où il nous parle de l’Autre comme sujet, de ce A dont on attend le mot de la fin et le fin mot qu’il ne peut donner. Là Lacan, et je pense que c’est après sa lecture de « L’Esquisse d’une psychologie scientifique », se trouve obligé de rendre compte d’une façon autre, d’une façon plus près de l’expérience, de la pratique, de rendre compte différemment de ce sujet, sujet barré.
Alors dès qu’il parle, le sujet, dès qu’il est sujet barré, dès qu’il décomplète le grand Autre, lorsqu’à nouveau, il porte, il fait une demande au grand Autre, c’est à ce moment-là que va se créer un vide, une vacuole au sein du grand Autre, ce lieu que Lacan a appelé la Chose, c’est à ce moment-là que le sujet va devoir trouver comment voisiner avec ce qui est interdit, ce lieu de la jouissance, et je pense que c’est à cause de ce voisinage - si possible bon voisinage - que le sujet s’efforce de trouver avec ce qui est là au lieu de la Chose, c’est à ce moment-là que la question de la sublimation pour nous se pose différemment. Comment voisiner, et de la bonne façon, avec la jouissance.
Bon alors donc, le sujet, le sujet barré, effet de signifiant puisqu’il lui a fallu décompléter un des signifiants qui se trouve dans l’Autre, ce sont toutes ces séries de S1, ce sujet dès qu’il s’adresse à l’Autre, à ce moment-là, il prélève chez l’Autre quelque chose de l’ordre d’une identification. C’est-à-dire que c’est avec la parole que va se trouver renforcé, redoublé, ce qui l’a marqué dès le départ, dès la réponse apportée à son cri qui n’était pas parole. C’est à ce moment-là que se trouvera prélevé chez l’Autre, se trouvera prélevé ce qui est de son identification et vous savez toute l’importance que Lacan, reprenant ce trait, ce trait unique prélevé chez l’Autre, le einziger Zug, que le sujet prélève chez l’Autre, à partir de là, Lacan en fait le trait unaire et c’est l’assise de ce qui est l’identification. Ce I(A) en fait ne peut vraiment être abordé, c’est-à-dire la question de l’identification, que si l’on tient compte de ce qui se joue pour un sujet stupide et ineffable, de ce qui se joue dans l’existence de ce sujet dès qu’il parle, c’est à ce moment-là qu’il est marqué, que cette identification va faire que, par rapport à l’Autre, une relation sera telle, une relation qu’il faut je crois reprendre avec Freud puisque c’est de là que Lacan est parti puisque, en fait, Freud traite le symptôme. On verra bien ce que, du symptôme, Lacan nous dira plus tard, dans sa relation avec l’Autre. Le symptôme de Dora, c’est la toux, c’est ce qu’elle a prélevé chez ce grand Autre et c’est ce I(A).
Ce I(A) est en relation avec ce lieu évidé… il y a eu ce leurre, le premier objet qui ne sera jamais retrouvé, il faut qu’il s’en approche. C’est à ce moment-là que Lacan va faire que là où il avait mis cet « être pour la mort », ce dans son rapport avec le grand Autre dès qu’il parle, il est obligé de vivre cette chose, là où il croyait avoir trouvé l’objet de la satisfaction, il n’en est rien et il faut bien qu’il ait une relation avec ce lieu évidé. Les choses nous ont été dites comme cela en un temps et je le garde, puisqu’il y a eu ce leurre, que là l’objet qui l’a satisfait ou qu’il croyait être…, enfin ce premier objet ne sera jamais trouvé, c’est un lieu évidé, il faut qu’il s’en accommode et c’est à ce moment-là, mais plus tard, que Lacan va faire que, là où il avait mis cet être pour la mort en reprenant ce qu’Heidegger nous dit, il met ce. Mais ce sujet, qui n’a pas de signifiant propre, est représenté par un signifiant et le signifiant qui le représente est un de ces signifiants qui se trouvent dans le corps de l’Autre.
Alors tout le difficile - je ne sais pas si c’est le mot à employer, en tout cas si je l’emploie c’est que ça a été pour nous difficile - je le redis nous qui n’avons pas été lecteurs de Lacan, c’est-à-dire qu’on n’avait pas à prendre une première page, et puis ensuite une dernière page et puis comprendre brusquement ce que, dès la première page, il se disait, nous qui n’avons pas été lecteurs de Lacan, nous avons bien saisi, senti, me semble-t-il, que il y avait là quelque difficulté, quelque difficulté pour définir à partir de ce moment-là, le sujet parce que représenté par un signifiant, et tout ce que Lacan nous dit dans le séminaire sur L’identification, c’est là qu’il y insiste, il faut que un signifiant ait un autre signifiant pour pouvoir signifier - il le répète tout au long des deux leçons de ce séminaire - il faut qu’il y ait un autre signifiant qui lui permette de signifier, pour que le sens, donc la signification, puisse être donné. Il y a bien un autre signifiant et ce signifiant il y en a bien un autre, mais là les choses ne peuvent pas se passer comme pour le linguiste, il faut pour cet inconscient structuré comme un langage, mais l’inconscient de Freud ce qu’il met en place, c’est le refoulement originaire et ce refoulement originaire, lorsqu’on reprend « l’Esquisse pour une psychologie scientifique », on voit que c’est déjà-là, à cause de ce refoulement originaire qui fait que des signifiants, ce qui a été dans les tous premiers temps connu, refoulé, ne reviendra pas. Ce signifiant deuxième que Lacan propose pour que le sujet et sa signification puisse être connu, ce signifiant deuxième ne pourra pas avoir de troisième signifiant. Il peut y avoir toute une batterie de S1 (on aura l’occasion d’en parler, ce n’est pas beaucoup plus facile, comme il dit quelque part dans le séminaire Encore, savoir comment tout ça peut faire deux, tous ces 1 avec les jeux de mots qui lui sont propres), c’est ça ce deuxième signifiant, il faut qu’il soit « autre », il faut qu’il soit « autre », et c’est bien ce que Lacan fait saisir que, en fait, le rapport avec l’Autre va se faire là avec ce signifiant autre, ce signifiant qui ne peut pas avoir aucun autre signifiant pour le signifier, ce signifiant, et il nous en donne la définition dans « Subversion du sujet… » qui est là pour que un signifiant puisse représenter le sujet pour… et qui a à voir avec ce grand Autre. C’est-à-dire que là ce grand Autre ne peut plus être en place d’un autre sujet. On aura l’occasion d’y revenir.
Alors, dans ce rapport avec ce lieu de la Chose, avec ce lieu évidé, eh bien c’est là que Lacan met ce sujet barré, mais représenté par un signifiant, par un signifiant pour un autre signifiant, puisque l’on a affaire à des signifiants, mais cet autre signifiant, c’est un signifiant qui, parce que on a affaire à une structure qui est marquée par le refoulement originaire, et rien ne pourra suivre. Alors là nous pourrons, mais certains d’entre vous ont déjà eu l’occasion de le travailler, là nous pourrons revenir à ce que nous avons pu mettre en place avec la subjectivation, l’émergence du sujet et, dans ce séminaire XI, Lacan met bien l’accent autour de ce deuxième signifiant, sur le fait que c’est lui qui permet le frayage qui porte au refoulement originaire et qui fait que les refoulements secondaires pourront avoir lieu.
Là, je viens très rapidement de vous brosser ceci, c’est que les séminaires qui vont nous intéresser, ce sont les séminaires qui suivent le séminaire sur Les formations de l’inconscient. Formations de l’inconscient, en fait, Lacan a repris la symptomatologie des névroses, ce qu’il appellera ensuite les deux versants de la névrose et il a terminé pas sur n’importe quoi, il a terminé sur ce qu’il a appelé les lois de la parole, et ces lois de la parole seront reprises avec l’Éthique, avec tout ce qui est interdit et qui est là détaillé : Tu ne désireras pas la femme de ton voisin, ni son bœuf, ni tout ce que vous voulez, même quand il y a rupture… rupture je ne dirais pas ce mot, je dirais qu’il y a bond, saut, le fil, le lien qui fait qu’on est toujours dans ce qui nous intéresse, c’est-à-dire l’inconscient peut être repris. Donc, les séminaires qui nous intéressent, vous avez pu remarquer tout de suite que, pour les éclairer, nous sommes obligés, parce que même si on n’est pas lecteur de Lacan, puisqu’on l’a entendu jusqu’à la fin, nous sommes obligés de nous porter à ces séminaires qui ont suivi même plusieurs années après, et par exemple le fait que, ces S1, il faut pouvoir avoir ce qui sera S2… Si Lacan en a parlé dans le séminaire sur l’Identification, il y revient dans le séminaire Encore, ce qui fait je ne sais combien d’années après, mais enfin il ne faut pas oublier que c’est là pour le travail et si je parle du séminaire Encore, de ce passage, c’est parce que la question de la jouissance y a sa place, y a sa place au départ et aussi à la fin, et y a sa place sous cette forme de ce que j’ai écrit tout là-haut que vous pouvez lire. Je pense que Lacan, après nous avoir, tout au long de ces années d’enseignement, année après année, mis l’accent sur la communication qu’il met bien en place avec le graphe du désir, il a commencé à en parler plusieurs années avant, Lacan là, à cause de la jouissance, met là, concernant quelque chose qui n’intéresse pas directement la communication avec l’Autre, qu’il a appelé lalangue, lalangue en un mot, et pour moi ce que j’ai pu comprendre de ce concept de lalangue qu’il amenait à cette époque-là, presque à la fin du séminaire Encore, je crois que c’est pratiquement à la fin, je vous ai déjà dit que un texte de Freud nous permettrait de comprendre, c’est « Les trois essais sur la théorie de la sexualité », ce que Freud nous dit dans le chapitre intitulé « la sexualité infantile » et, là, Freud met en place cette érogénéïsation que le petit d’homme qui vient de connaître la jouissance du fait de ce que il lui a été apporté, Freud le dit lui-même, insiste sur le lait chaud et pourquoi pas… S’il le dit, il doit avoir une certaine expérience, sinon il aurait parlé d’autre chose, ce n’est pas uniquement du sein de la mère qui donne le lait, et en principe à une température convenable pour l’enfant, enfin bref, cette satisfaction reçue, cette érogénéïsation de cette partie du corps, et qui intéresse la zone orale, cette érogénéïsation à partir de cette zone orale va permettre à l’enfant d’érogénéïser d’autres parties de son corps. Freud nous dit que c’est à ce moment-là que se met en place la Wiederholungszwang, cette compulsion à répéter, ce souci, ce travail, cette pulsion pour retrouver la première jouissance obtenue et ceci se fait sans l’Autre. L’enfant ne s’adresse pas à l’Autre pour retrouver cette jouissance. L’enfant, parce qu’il y a eu cette première érogénéïsation de cette zone et qu’il désire à nouveau retrouver cette jouissance avec sa langue, avec tout ce qui est autour de cette zone orale, fait en sorte que de la jouissance, du plaisir, à nouveau puisse être trouvé. Mais avec lalangue, c’est quand même de cela que Lacan nous parle, de quelque chose qui n’a plus à voir avec la communication avec l’Autre, avec le grand Autre, de quelque chose… Qu’est-ce que vous voulez, c’est quand même avec ça que le petit d’homme se débrouille… Eh bien, ce point que Lacan a apporté à un moment avancé de son enseignement, lui qui connaissait, qui avait lu Freud… relisez les « Trois essais sur le thème de la sexualité », il nous avait invité, conseillé, il avait insisté pour que nous nous y reportions, travaillions. Je pense que ça ne lui a pas échappé, lalangue n’est pas venu comme ça, lalangue en un seul mot, ce qui se met en place là, sans l’aide du grand Autre. Une première fois avec le grand Autre, bien sûr, mais on a plus besoin de lui quand les choses ont été bien faites. Sûrement, il y avait autre chose que je voulais dire ce soir, mais enfin c’est une simple présentation, pour vous donner une idée du parcours qui sera le nôtre, des différents temps de l’enseignement de Lacan qui vont nous retenir, mais enfin ça ne me dérange pas et j’espère que vous nous plus et je vous dis à dans quinze jours.