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Observation de la petite Sandy

Observation d’une phobie - Anneliese Schnurmann - Traduit par Marie Lise Lauth - (Les cahiers de la documentation psychanalytique N°16 - disponible dans l’Ecole Freudienne)
Observation lue à Londres en Décembre 1946 au séminaire d’Anna Freud – (parue dans le Psychoanalytic Study of the child vol 3-4 / 1949)
Cette observation est commentée dans - la relation d’objet et les structures freudiennes.
Cette observation a fait l’objet d’un travail apporté par Marie Claire Potier le 04 novembre 2000, puis d’un autre travail fait par Geneviève Cherrier le 05 avril 2008.
Le lecteur trouvera ci-dessous, d’une part une transcription partielle des échanges autour du travail de Marie Claire Potier le samedi 4 novembre 2000 sur le thème du primat du phallus, et d’autre part le travail de Genevieve Cherrier.

Cas d’une phobie chez une petite fille

Transcription partielle des échanges autour du travail de Marie Claire Potier le samedi 4 novembre 2000 sur le thème du primat du phallus

Solange Faladé : Nous allons essayer de cerner ce primat du phallus, cette fonction phallique, en étudiant des observations. Et nous commencerons aujourd’hui avec la petite Sandy, cette observation que Lacan nous a apportée, cette observation d’une petite fille suivie par une élève de Anna Freud, en Angleterre, pendant la période de la guerre.

Je voudrais pointer une chose, c’est que cette observation nous permet de lire cette partie femme des formules de la sexuation que Lacan a proposé autour de ce qui est ce - pas tout X. - de le lire, non pas comme certaines personnes ont voulu le faire, de le lire avec un - pas tout X. -, nous allons en dire un mot, Certaines personnes ont voulu le lire ceci comme - pas du tout dans le phallus -, - pas du tout dans la fonction phallique -. Que nous montre l’observation de la petite Sandy ? Elle nous montre qu’une femme, en l’occurrence sa mère, et bien mon Dieu, dans la première partie de l’observation, se présente tout à fait de façon phallique pour cette petite fille. Elle est aimable cette mère, elle est désirable, cette mère qui est active. Et mon Dieu, elle lui apporte lors de ses visites beaucoup de contentement et de satisfaction. Elle a un pied dans cette fonction phallique. Et puis un jour, elle arrive, vous connaissez l’observation, mon Dieu, plutôt mal en point. Et là, la phobie se déclare. Les choses s’arrangent, sa mère reviens avec une autre allure. Les choses s’arrangent. Cette apparence phallique lui apparaît à nouveau et surtout, là dessus Lacan y insiste, peu après elle est accompagnée d’un homme. Il y a le compagnon. Et là, on peut voir, on peut saisir, toute l’importance qu’il y a pour cette petite fille, qui est déjà un peu plus grande, l’importance de voir sa mère accompagnée de qui est - pour tout X. - dans la fonction phallique.

Et en même temps, je crois que si on prend un peu soin dans la lecture de cette observation, on voit que, ce qui peut se passer entre ce compagnon, et sa mère, peut-être que la mère apparaît comme phallique, c’est vrai, mais aussi comme cet objet qui peut causer le désir de cet homme.

Je voulais simplement faire savoir que non seulement ce que Freud nous a apporté, autour de ce primat du phallus, et qu’il nous dit que la fille comme le garçon peut être défini par le phallus, Lacan l’a repris, l’a repris en nous proposant cette formule de la sexuation. Il m’est apparu qu’avec cette observation on peut saisir qu’elle y est, elle y est dans la fonction phallique, une femme y est dans la fonction phallique, elle a un pied effectivement dans cette fonction phallique, ce qui fait que du sujet est là pour une femme également.

Suit l’exposé du cas fait par Marie-Claire Potier puis la discussion.


Solange Faladé : Je pense que si elle a posé la question (si la petite Sandy a demandé à sa mère si elle avait une culotte) c’est parce qu’elle pense qu’elle aussi manque de quelque chose. Et que la mère, ne voulant pas trop savoir ce que voulait dire cette question : « oui bien sûr j’ai une culotte. » La mère du petit Hans dit : « oui bien sûr j’ai un fait pipi. » Pour ce qui est de la phobie, le fait de voir sa mère en bon état, aussi a beaucoup compté dans le début de la rémission. Mais là où on voit que son interrogation continue, c’est tout ce qui se joue avec le petit garçon. On y reviendra.

Je pense que c’est important de dire tout de suite cette relation de cette mère, qui apparemment dit, moi je ..., ça va. Et donc cette petite fille qui s’identifie à sa mère va pouvoir pendant ce temps faire face à sa phobie.

Mais dire que tout est résolu,...il y a tout ce qui se passe avec les petits garçons, nous aurons l’occasion d’y revenir.


Marie Lise Lauth : (Pour la mère de Sandy) Être employée de bureau ça ne lui suffit pas. Il faut en plus qu’elle ajoute l’activité d’être chef d’abri contre les raids. Elle avait rencontré son mari à l’armée. Pour elle ça a été l’occasion de conduire une moto. De porter un uniforme, en 1942, les anglaises, qui portaient des pantalons, ce n’était pas courant. C’était une femme soldat. Puis elle est devenue ambulancière. Ça les sortait de leur château où elles s’ennuyaient.


Marie-Claire Potier : Dans l’observation, le frère, de deux ans plus âgés c’est Barry.

Lacan parle d’un garçon, alors que c’est une fille qu’a le beau-père, qui a onze ans.

Jean Triol : c’est son vrai frère.

Marie-Claire Potier : le garçon dont il s’agit dans les jeux violents qu’ils échangent, c’est Barry, c’est son frère à elle. (Alors que) Lacan le présente comme le fils du beau-père.

Solange Faladé : il y a un frère qui ne vivait pas tout le temps avec elle, c’est Barry.

Marie-Claire Potier : et qui vient vivre après,

Solange Faladé : quand la mère s’est remariée.


Solange Faladé : La mère du petit Hans préfère Anna. Elle préfère le même. Alors, - (pour Sandy) - on peut se poser la question, c’est pas forcément parce qu’elle est venue après la mort du père, c’est peut-être, justement parce que ce qui est du phallus, ne se pose pas là.

Elle, cette mère qui se présente d’une façon tellement phallique, d’avoir cet enfant, qui comme la petite Anna n’est pas en concurrence avec elle, on peut se poser la question. C’est pas forcément parce qu’elle est née après la mort du père. De même, qu’elle vient remplacer la fille aînée morte, il y a quelque chose, il me semble, moi, qui doit nous interroger par rapport à : en avoir ou ne pas en avoir, de phallus ou du pénis. Mais enfin, il y a là quelque chose.


Solange Faladé : La mère du petit Hans n’est pas toute-puissante. Elle va, elle vient elle emmène son petit garçon partout. Elle montre bien qu’il y a quelque chose qui ne colle pas pour elle, la mère. On ne peut pas dire qu’elle se montre toute puissante. La mère du petit Hans. Et quand la phobie de son petit garçon éclate, elle même est bouleversée. Elle pense elle, qu’elle va pouvoir faire quelque chose. Alors, elle va avec lui au zoo, le premier jour ça va, le deuxième jour ce n’est plus ça. Je ne pense pas qu’on puisse dire qu’elle se montre toute puissante. Elle se montre insatisfaite. Ça oui. Toute puissante je ne crois pas.


Jean Triol : pourquoi y a-t-il phobie dans le cas de Sandy ?

Solange Faladé : la mère s’est montrée avec sa défaillance.

... Elle Sandy, elle voudrait comme les petits garçons, pouvoir faire pipi debout. Elle ne peut pas.

Jean Triol : Derrière la différence de sexe qui vient au premier plan, qui a l’air d’être le problème de Sandy, en fait, c’est un problème de pulsions, et de jouissance qui se pose comme pour Hans, qu’elle doit refouler.


Solange Faladé : elle est particulièrement gratifiante à cette mère, elle a une certaine image, quand elle arrive là, habillée, en tout ce que vous voulez. Dans l’institution ça doit compter.

Jean Triol : On ne sent pas autant que dans l’observation de Hans qu’effectivement il y a une répression. Comme la mère de Hans dit : c’est une cochonnerie, ne touche pas. Donc il y a un problème pour Hans, qui se pose, au niveau de son fait pipi.

Solange Faladé : Toutes les phobies de petit garçon, ne se posent pas forcément comme ça, parce que la mère dit que c’est une cochonnerie. Parce que les phobies de petit garçon, croyez-moi, c’est à un moment, ou on pense pouvoir être auprès de la mère ce que le père ne peut pas, et on se dit, si j’y vais il va me mordre, il va me punir. Les phobies de petit garçon, c’est pas forcément toujours, parce que la mère se détourne de l’objet du petit garçon (comme la mère du petit Hans). Ce n’est pas forcément ce que l’on voit pour chaque phobies de petit garçon. À non !

Jean Triol : c’est une jouissance qui est là, qui est la raison de la phobie. Pourquoi il y a phobie : c’est parce qu’il y a une jouissance à refouler----Je trouvais que dans l’observation de Sandy, il me semblait que cette jouissance n’était pas tellement sensible. Il est dit qu’elle se masturbe----Dans la période de la phobie, elle continue sa masturbation.

Solange Faladé : je crois que ce qui pouvait la rassurer avec cette mère phallique, ça vient faire défaut. C’est à ce moment là pour elle que quelque chose du monde sombre. Et que la phobie va se mettre en place avec ceci que...Par ce que vous avez dit que c’était le lit qui était l’objet phobique.

Jean Triol : c’est le chien.

Solange Faladé : c’est le lieu où il y a eu cette phobie, où il y a eu ce cauchemar avec le chien qui a mis là en place. C’est ce lieu. C’est pour ça qu’il faut d’autre lit. Mais ce n’est pas le lit qui est l’objet phobique. Ce n’est pas le petit lit qui est l’objet phobique. Parce que c’est en ce lieu, qu’elle a mis en place l’objet phobique, le chien qui est derrière, etc.

L’objet phobique c’est véritablement ce qui peut venir mordre, les fesses qu’on peut mordre, ce qui se voit. Et la fille, elle n’a rien qu’on peut mordre comme cela, sauf les jambes.

Et les petits garçons ont (souvent) peur qu’on leur mordre les jambes.


Jean Triol : l’observation à l’air d’orienter vers la différence des sexes, en disant qu’il y a phobie parce que Sandy ne l’a pas, et elle a vu le petit garçon qui l’a. Alors qu’il semble que, il y a ça, bien sûr, mais c’est pris dans un interdit de jouissance. Sandy, il y a une jouissance qui lui est interdite, qui lui est refusée. Il y a quelque chose qui vient faire barrage à une jouissance. Et c’est ça qui à ce moment là déclenche l’épisode de phobie, à travers le manque de pénis.

Patrick Herbert : Moi je suis d’accord avec ce que vous dites. L’histoire de la suçoteuse, etc., dans les trois essais, Freud nous parle de ce polymorphisme, par rapport à cette perversion polymorphe, cette jouissance, qu’elle prend à donner l’objet, à le retirer. Tout cet aspect des choses me semble être du côté du polymorphisme. Il y a une mise en place, à un moment donné, du grand Autre, pour elle, parce qu’à un moment donné, l’histoire de tirer les cheveux, fantasme d’hystérique, comme l’a dit Marie Lise, d’accord. Mais il y a surtout, c’est surtout ce que dit Lacan, à partir de la petite-fille qui pose la question de savoir, quand elle reçoit une gifle, de savoir si c’est une claque ou une caresse. C’est-à-dire qu’il y a ce transitivisme, à ce moment là, qui se met là en place, c’est aussi parce qu’à un moment donné du coté de la mère il y a quelque chose d’un grand Autre, on peut dire non barré, qui se met en place, et dans un deuxième temps, quand elle revient blessée, bancale, à partir de ce moment là quelque chose du manque s’inscrit.

Solange Faladé : eh bien oui.

Patrick Herbert : ce à quoi elle renonce au niveau pulsionnel, c’est à cette pulsion polymorphe, telle que Freud en parle, cette perversion polymorphe.

Solange Faladé : c’est-à-dire que de voir sa mère dans ce phallicisme lui permet de soutenir le polymorphisme. Et lorsque la mère revient avec ce manque de phallicisme, c’est à ce moment là que pour elle se met en place toute une série de choses. Nous ne connaissons pas tout. Parce que la personne qui faisait ces observations, c’était quand même un peu superficiel, mais je crois que c’était quand même important, le fait que le phallicisme de la mère permet que elle puisse se permettre toute cette jouissance. Et puis de voir, puisque elle pose quand même la question, de pouvoir faire pipi debout, et de voir que ce qui lui servait d’armature, cette mère phallique qui subitement disparaît, et lorsque elle revient, elle revient, mon Dieu, plutôt bancale, il y a là quelque chose, qui peut être, dans l’observation, n’a pas pu être noté. Dans la mesure où c’est une observation, où, il n’y a pas tout ce matériel inconscient, que l’on peut recueillir si par exemple le travail avait été fait avec une certaine rigueur.

Jean Triol : Ce qui vient expliquer cette peur de la morsure, pour quelque chose qu’elle n’a pas, il faut quand même remonter avant, et dire qu’elle l’avait. C’est parce qu’elle l’a eu à un moment, c’est-à-dire qu’elle en a joui. Et effectivement dans cette phase phallique, pénis et clitoris sont des instruments de jouissance, et elle en a cette jouissance phallique. Donc elle peut penser l’avoir. Et elle l’a eut sous cette forme.

Il faut partir du fait qu’elle l’a, et que sa phobie, c’est qu’elle a été mordue, et qu’elle ne l’a plus. Mais parce qu’on lui a pris. Elle l’avait au départ.

Solange Faladé : Mais oui. Freud a dit, chez toute femme il reste ceci qu’elle se vit comme l’ayant eu. Il y a ceci : c’est qu’elle ne peut pas faire pipi comme les garçons. Elle ne peut pas faire pipi comme les garçons.

Marie Lise Lauth : Je voulais commencer comme ça : comment se fait il que une petite fille qui n’a pas l’organe phallique ait peur qu’un chien vienne le lui mordre ? La réponse, c’est Lacan dans - la relation d’objet - : “ une privation ne peut être effectivement conçue que par un être qui articule quelque chose dans le plan symbolique. ”


Comparaison avec le petit Hans : la phobie se développe quand l’enfant ne peut plus maintenir son identification au phallus. Freud en 1923 : “ le chien est là comme un agent qui retire ce qui a été déjà plus ou moins admis comme absent. La fillette découvre que son compagnon de jeu est nanti d’un phallus et c’est un traumatisme. Elle va souffrir du penisneid, cette envie enragée, dit Freud dans - l’analyse finie et infinie - cette envie enragée de posséder un pénis. C’est dans la relation spéculaire, que le sujet a l’expérience et l’appréhension d’un manque possible. ” Et j’en reviens toujours à cette phrase de Lampl de Groot, “comment la petite-fille peut-elle estimer à un tel point cette partie du corps qu’elle n’a jamais possédé et dont elle ne connaît pas la valeur par sa propre expérience. “ Même si elle porte sur un objet - réel -, il s’agit bien d’une frustration imaginaire ” dit Lacan.

Solange Faladé : Oui, mais enfin, Lampl de Groot, c’est son propre problème aussi : reconnaître qu’enfin, elle reste comme toute femme persuadée qu’elle l’a eu un jour. C’est ça, elle se dit : mais non, pour moi je ne vois pas très bien ce qu’on veut dire là. Cette petite fille, s’est vécue comme l’ayant. Ce qui a été traumatique pour elle, c’est d’abord de voir le petit garçon qui fait pipi debout, et elle, elle ne peut pas. Mais jusque-là, avec ce masque de la mère, qui lui permet de se présenter de façon phallique, elle peut continuer à se dire : peut-être qu’il y a quand même quelque chose qui m’échappe, et que moi, aujourd’hui, je ne peux pas, mais que plus tard quand je grandirai, enfin, il y a tout ça qui joue.

Marie Lise Lauth : Je voulais juste rappeler les textes de Freud dans - l’organisation génitale - : “ pour les deux sexes, un seul organe génital l’organe mâle joue un rôle. Il existe un primat phallus. L’enfant, être femme, ne coïncident pas encore avec le manque de pénis. Il y a un masculin, pas de féminin. Il y a un organe génital masculin, ou châtré. ” Et puis dans - la disparition du complexe d’Œdipe - “la fille accepte la castration comme un fait déjà accompli, tandis que ce qui cause la crainte du garçon est la possibilité de son accomplissement. Le complexe d’Œdipe est là, ... ce désir, recevoir un enfant du père, n’est jamais accompli. ”

Solange Faladé : Moi je reviens sur ceci, c’est : tant que la mère se présentait de façon phallique, elle la fille, pouvait se dire : un jour comme ma mère, j’aurai, ça poussera. Moi je l’ai entendu, vous comprenez. Des petites filles qui pensaient que ça va venir. Donc, on ne voit pas pourquoi, quand Freud nous dit que : Chez toute femme il y a ceci, se penser comme ayant le pénis, l’ayant eu à un moment, et on ne sait pas. Alors, cette petite fille, bon c’est vrai, le petit garçon fait pipi, ça lui fait quelque chose, mais sa mère est toujours là, et elle doit se dire : mais quand je grandirai, pour moi ça va venir. Alors, je crois que c’est ce qui fait qu’elle tient jusqu’à ce que cette mère se montre comme elle est. Et elle doit commencer à se poser des questions.

Ce qui est, c’est, d’accepter, que pour toute femme, pour toute fille, il y a eu le pénis. On l’a eu. Et puis, arriver à accepter que ça n’a jamais été là, c’est bien là la difficulté. Pour cette petite fille, tant que sa mère se présente comme elle est, elle se dit ça poussera. J’ai entendu plusieurs fois des petites filles qui pensaient que - ça va viendre, ça viendra -. C’est ça qui nous rend la chose difficile.

Jean Triol : c’est-à-dire que c’est au moment elle voit sa mère diminuée, c’est là que l’on peut dire qu’il y a angoisse de castration.

Solange Faladé : absolument. C’est à ce moment là, qu’elle ne tient plus sur ses deux pieds, comme on le pensait, et elle s’est dit - bon, il y a aussi quelque chose qui peut clocher - c’est dans la clocherie, que se met en place, elle, ce qui est de son angoisse et de sa phobie. C’est au moment où ça cloche. C’est toujours dans la clocherie reprend Lacan, et Freud le dit. C’est pour ça que j’ai pensé que c’est important de bien avoir ceci. Pour elle, pour la petite-fille, sa mère était ce - pas tout - c’était pas du tout, pas du tout, mais pas du tout. Mais quand elle a commencé à n’être plus cette présentation phallique, c’est à ce moment là que ça a commencé, à être ébranlé pour elle, sa croyance que peut-être un jour, quand elle sera grande aussi elle sera comme sa mère. Et puis voilà, qu’elle arrive plutôt diminuée.


Si on reprend - inhibition symptôme angoisse - on verra, qu’à ce moment là, c’est vrai, c’est ce qui peut venir mordre, qui vient à la place du père.


Jean Triol : Entre le mois de mai où la peur du chien disparaît, et le mois de septembre ou il y a ce remariage de la mère, on ne sait pas très bien ce qu’il en est de cette phobie.

Solange Faladé : il y a quelque chose qui vient calmer cette phobie, encore une fois, c’est cette mère qui redevient phallique.

Il y a là quelque chose qui lui permet que ça se tienne. Mais ça ne veut pas dire que ce soit résolu. C’était important, lorsque à côté de sa mère il y a là ce qui fait que ..., et surtout, elle n’est plus, elle, ce qui va apporter satisfaction à la mère puisqu’on la déloge du lit de la mère.

Jean Triol : c’est la période qui me semble intéressante, la période de mai à septembre.


Solange Faladé : Je crois que vous avez du mal à accepter que la mère phallique peut permettre qu’on tienne debout, même si ce n’est pas solidement sur ses deux pieds. La mère phallique qui revient avec cette image, cette puissance, ça lui a permis...

Marie Lise Lauth : elle devient réelle dit Lacan.

Solange Faladé : oui c’est ça oui.

Intervenant : oui mais c’est parce qu’elle avait une mère phallique qu’elle a eu cette phobie parce que toutes les petites filles ne font pas une phobie, parce que...

Solange Faladé : vous croyez ça ? Ça ne prend pas cette forme, mais ça existe. Parce qu’on a peur qu’on ne sait qui, vienne dans la chambre, entrer par la fenêtre quand on dort, on ne sait pas si sous le lit quand on s’y met, il n’y aura pas quelqu’un. La phobie des petites filles existe. Ce n’est pas toujours forcément toujours aussi,... encore que,... la peur du dormir, à tel endroit, on ne sait pas, le fantôme. Mais si, les phobies de petite fille existent.


Solange Faladé : Il y avait quand même un certain idéal, je crois que là il faut en tenir compte. La reine elle-même, elle se portait ... au front. Et les autres femmes voulaient faire comme leur reine. Il y avait comme une espèce d’idéal, la reine elle-même était restée, etc., et je ne bouge pas, les V. 1 viennent. Alors vous pensez bien là, il y avait quelque chose aussi qui faisait que les femmes étaient prêtes à sacrifier leur enfant, même ceux qui n’allaient pas au front.

Le plaisir phallique, c’est d’être comme la reine.


Solange Faladé : La mère, quand elle vient, elle vient en tant qu’elle veut gratifier cette enfant et elle charge de l’éducation les nurses. Et c’est avec elles, que l’on nous dit, ne suce pas ton pouce, etc. Cette fonction de l’interdit joue quand même. C’est pas forcément nécessaire qu’il y ait ce qui porte l’interdit, c’est-à-dire le père, car en fait c’est au nom, (du père).

On est quand même dans un cadre la loi phallique, la loi de l’interdit marche. Et c’est au nom de cela qu’on lui dit : écoutes tu es désagréable, ne soit pas ci, etc.


Jean Triol : Est-ce que le fait de la guerre, n’était pas là, un arrière-plan du nom du père ? De loi.

Solange Faladé : Moi je pense que oui. C’est pour ça que je rappelle que c’était dans ce cadre la. Il ne faut pas l’oublier. Et que cette femme, qui est prête à sacrifier son enfant, s’identifiait à la reine. Elle s’identifiait à la reine. C’est quand même pas rien. Comme phallique, c’est quand même pas rien. Ça compte beaucoup. Elle n’a pas voulu quitter Londres. Ses deux enfants étaient là, etc.

Jean Triol : son mari était à l’armée. (Il a été tué) dans un accident de voiture.


Marie-Claire Potier : Dans inhibition symptôme angoisse, Freud nous dit que l’objet de la castration c’est le phallus. L’agent de la castration c’est le père réel, et l’enfant ne peut pas s’en débarrasser. L’objet phobique, substitut du père réel, peut être évité, ce qui permet l’évitement de l’angoisse.

Freud dit que l’angoisse est angoisse devant quelque chose. C’est ce que Lacan va reprendre dans le séminaire sur l’angoisse, pour dire que l’angoisse n’est pas sans objet.

Solange Faladé : Freud tout de suite le dit.

Marie-Claire Potier : Lacan : l’angoisse c’est la sensation du désir de l’Autre.

L’angoisse se présente quand le grand Autre est barré, et qu’il y a cette part de réel qui choit.

Dans l’opération subjective, le sujet rencontre l’Autre et le divise.

Le lieu de l’angoisse c’est moins phi, la où doit se profiler un rapport avec la réserve libidinale.


Solange Faladé :Avec l’absence, plus tard, il va faire ce jeu de mots, que du sens va pouvoir sortir, ab - sens. Mais il fera ce jeu de mots beaucoup plus tard.

Marie-Claire Potier : Dans la relation d’objet : la frustration porte sur quelque chose dont vous êtes privé par quelqu’un dont vous pouvez attendre que vous le lui demandiez. Quand la petite-fille s’aperçoit qu’elle n’a pas le pénis, elle se tourne vers sa mère dont elle est persuadée qu’elle l’a. Dans le cas de Sandy, elle revendique le pénis auprès de l’observatrice qui est substitut de la mère à ce moment là. Elle le demande comme elle exige un bonbon, “ bis qui ” en soulevant sa robe et en montrant ses organes génitaux. Elle se fâche contre l’observatrice quand elle ne réussit pas à uriner comme le garçon, debout, comme s’il était en son pouvoir de lui donner ou de lui refuser le pénis. Et dans la dialectique de la frustration, il y a ça, c’est-à-dire cette revendication de droit, à quelqu’un qui doit donner.

Solange Faladé : oui puisqu’elle est vécue comme toute puissante, la mère.

Marie-Claire Potier : Lacan dit, le ressort de la phobie n’est pas tellement dans le fait qu’elle n’ait pas le phallus, mais dans ceci que sa mère ne pouvait pas le lui donner, et bien plus, qu’elle ne pouvait pas le lui donner parce qu’elle ne l’avait pas elle-même.

Par rapport à la privation : la privation ne peut être conçue que par un être qui articule quelque chose dans le symbolique. L’agent c’est le père imaginaire.

Solange Faladé : oui, c’est comme si ce père imaginaire n’était pas dans la circulation. On fait comme si ce père n’existait pas.

Si on prend les formules de la sexuation, Lacan le met dans quelque chose qui est de l’ordre de la structure. Pour que la mère puisse apparaître comme phallique, il faut bien que quelque part ce qui permet que du phallus puisse être perçu, soit là. C’est-à-dire, ce qui de la structure permet que ça puisse se mettre en place comme ça. Or nous faisons comme si.

C’est pas pour rien que j’ai demandé qu’on mette les formules de la sexuation dans son entièreté, parce que c’est quand même quelque chose qui nous reporte à la structure.

Pour qu’il puisse y avoir du phallus, pour que une femme puisse avoir un pied dans le phallus, il faut bien que ce qui permet que le phallus puisse s’inscrire soit là déjà. C’est le nom du père. C’est pour ça que - il y en a un qui dit non - il y en a un qui ne dit pas non - mais n’empêche que une femme, parce qu’elle a un pied dans le phallus, et bien, la structure est là. Ce qui fait qu’il y a castration, ce qui fait qu’il y a l’interdit, ça court.

Jean Triol : ce qui fait que le phallus soit là au départ, qu’il y ait cette triangulation possible, n’apparaît pas clairement. Le chien est substitut de quoi ?

Solange Faladé : de ce père.

Jean Triol : mais il n’y est pas le père.

Solange Faladé : mais il n’est pas nécessaire parce qu’on est déjà, du fait de la structure même, dans cette société où l’interdit, le nom du père fonctionne.

La loi qui fait que les femmes qui s’occupent de cet enfant, joue.

Même s’il n’y avait pas la guerre, dans telle institution, ça peut jouer.

... Lacan dit à un moment donné que c’est chez le frère d’Anna Freud que cette petite fille a été confiée. C’est dans la relation d’objet. Donc c’est Ernst. C’est dans la troisième séance. C’est pages 54 - (dans l’édition du seuil ) -.

Thérèse de La Fontaine : je l’ai juste sous les yeux : “ la prochaine fois, je partirai d’un exemple que j’ai pris aux hasards dans les - Psychoanalytic - dans le volume 42 une conférences de Mme ... élève d’Anna Freud, qui a vu pendant un court temps, se produire, chez l’une des enfants qui étaient confiés à la garde du frère d’Anna Freud, une phobie. ”

Jean Triol : ce n’est pas dit comme ça. C’est : “ à la garde de la ... nursery, d’Anna Freud. ”

Solange Faladé : là c’est ce qui est écrit ? (Ce qui est écrit dans l’édition du seuil, alors que Thérèse de La Fontaine se réfère à un manuscrit). Bon je crois que le texte que vous avez de la sténotypie.


Jean Triol : on en était à ce chien qui est substitut, et on se posait la question des psychotiques.

Solange Faladé : Il y a des institutions, où, effectivement, la structure----Et les enfants qui sont confiés, la psychose peut être cela qui vient se faire jour. Lorsque Lacan a commencé à parler de la psychose, il y avait tout le problème des enfants de Parent de Rozan et donc des carences, c’était pas uniquement des carences maternelles. C’était ce qui faisait dans ce groupe là, qui faisait que ces enfants étaient devenus comme ils étaient. Rien de l’interdit, de la fonction du nom du père, c’est à ce moment-là qu’il nous a apporté ce - nom du père - cette fonction du nom du père. Rien de cela n’était en fonction, là, qui puisse permettre que ces enfants puissent avoir d’autre sort que la psychose.

Jean Triol : C’est-à-dire que même au niveau de l’institution, le nom du père peut se faire entendre. Et pourtant ce sont des institutions à dominante personnel féminin. Elles sont normativées par rapport à la castration.

Solange Faladé : Non seulement il y a un règlement, il y a aussi ce qui dans cette institution, ce qui fait que ça ne fonctionne pas. Mais enfin, lorsqu’on discutait de cela, j’étais chez Mme Aubry, et ces questions la se posaient, Lacan travaillait très près de tout cela. De montrer que là, le nom du père, ne fonctionnant pas, ces enfants n’avaient pas d’autre issue possible que les psychoses.

Donc la question de la structure est importante. Et ce qui fait que même quand apparemment il n’y a pas de père les choses peuvent fonctionner au nom du père. Il le disait : il peut être absent, ce n’est pas nécessaire. Mais au nom du père on peut faire en sorte que l’interdit et la castration soient énoncé.

Là, même sans Ernst Freud, il y avait ce qui courait, il y avait du nom du père, de l’interdit qui était là.

Marie-Claire Potier : dans la relation d’objet Lacan parle de ce cas de phobie en disant qu’il est très favorable pour étudier la phobie, parce qu’il se passe à la limite de la relation œdipienne. Je me suis demandé pourquoi il disait ça, par rapport à Sandy. La question que je me posais c’est, ce qui se passait entre le moment où il y a le triangle imaginaire, et le moment où il y a le triangle symbolique. Je me suis demandé si, quand il dit que c’est à la limite de la relation œdipienne, ce n’est pas justement que le temps de la phobie, s’arrête avant qu’il y ait quelque chose qui soit mis en place.

Solange Faladé : Le père révélé, je crois qu’il faut prendre les trois termes que Lacan apporte à propos du père pour pouvoir comprendre ce qui fait qu’à un moment la phobie sera là. C’est pour ça, vous insistiez tout à l’heure sur la présence réelle de ce père, du deuxième mari. Là le père est révélé en tant que, la jouissance, la mère ne peut l’avoir que de lui. Alors, l’enfant jusque-là, prenait cette place, dans cette observation tout particulièrement, où la mère tirait jouissance de son enfant. C’était lorsqu’elle venait, etc. Le père, forcément, courait là. Mais en tant que celui qui apporte la jouissance, donc, l’œdipe va se mettre en place, ne s’était pas révélé.

Le père voilé, médié, révélé.

Il est voilé, c’est par ce que le nom du père...

Jean Triol : dans le premier temps, au niveau du triangle imaginaire, mais il est là par le phallus.

Solange Faladé. Par le phallus, mais s’il y a du phallus, c’est le nom du père qui fonctionne. Et pour l’enfant, il ne sait rien. Il ne sait pas. Il sait simplement que bon, la mère est intéressée par quelque chose au-delà de lui. Et lui aussi apporte une certaine jouissance à cette mère, jusqu’à ce qu’elle le reporte au fait que, c’est du père qu’elle tire sa jouissance. À ce moment-là, la phobie va choir.

C’est ce que vous faisiez remarquer.

Jean Triol : oui, ce moment de rémission, cet entre deux, entre le mois de mai, jusqu’au mariage, où effectivement la mère a repris sa superbe mais (cela) ne permettait pas que le pas définitif soit fait.

On peut à ce moment là rapprocher ce virage de la mère qui se présente phallique, et puis châtrée, avec la phobie qui accompagne ce passage, de la phobie plaque tournante. Ce qui tourne finalement, c’est la position de la mère. Et en même temps, ça débouche, c’est comme ça ...plaque tournante, parce que ça va déboucher sur névrose ou perversion. Et finalement pour le pervers, il va retourner vers sa mère phallée.

Solange Faladé : c’est-à-dire que la mère ne va pas lui permettre de saisir qu’elle, elle s’en remet au père.

Jean Triol : il va la doter du fétiche

Solange Faladé : oui c’est ça

Jean Triol : il a vu cette mère châtrée, mais qui dément, pour revenir à la mère phallique. C’est-à-dire que ce virage de la mère, cette double position entre mère phallique et mère châtrée, se retrouve dans cette position de la phobie, plaque tournante. C’est pour ça que la mère au début, est angoissante si elle n’est pas là. Et puis elle est angoissante si elle est trop là.

Solange Faladé : oui, voilà.

Jean Triol : Il y a ce changement de signe qui s’est produit. Et qu’on retrouve, dans cette structure de phobie qui va déboucher sur névrose ou perversion.

Solange Faladé : c’est ça, c’est-à-dire qu’à ce moment là, la petite Sandy, elle la petite Sandy, mais enfin en général c’est beaucoup plus un garçon, qu’une fille, va prendre un objet fétiche, ou la personne même, pour être ce qui vient masquer la castration de la mère.

Mais enfin, ces trois termes de Lacan, voilé médié et révélé, c’est très important par rapport au père, et par rapport à ce qui va se structurer pour l’enfant.

Marie-Claire Potier : Dans le premier temps, l’enfant repère le manque de la mère, et s’identifie imaginairement à l’objet du désir de la mère, l’objet c’est le phallus. L’enfant s’efforce d’être cet objet phallus. Et l’enfant pense que sa mère a cet objet. Dans ce premier temps, le manque de la mère est voilé. Mais le père est voilé aussi. Et dans ce jeu de leurre avec la mère, l’enfant tient par le biais du narcissisme.

Dans un deuxième temps, l’enfant repère que le désir de la mère est intéressé ailleurs. L’enfant n’est plus cet objet qui vient combler le désir de la mère. Il existe un tiers qui intéresse le désir de la mère. Alors, dans une situation normative, le père intervient en tant que interdicteur, pour dire à l’enfant, tu ne seras pas le phallus pour ta mère, et pour dire à la mère, tu ne feras pas de cet enfant ton phallus. À ce stade, le père est médié par la parole de la mère. Elle fait entendre que c’est le père qui apporte l’objet et que l’enfant ne l’est pas. La mère fonde le père comme médiateur de quelque chose qui est au-delà de sa loi, et qui est la loi comme telle. Dans les enjeux de la phobie, Racadot cite Lacan : “ le père se présente comme grand Autre, celui qui ordonne le monde ”, c’est dans la relation d’objet.

Solange Faladé : Vous voulez relire ce que vous venez de dire.

Marie-Claire Potier : A ce stade le père est médié par la parole de la mère, elle fait entendre que c’est le père qui apporte l’objet et que l’enfant ne l’est pas. La mère fonde le père comme quelque chose qui est au-delà de sa loi, et qui est la loi comme telle. Le père se présente comme grand Autre, celui qui ordonne le monde.

Solange Faladé : Donc c’est au moment où il est révélé.

C’est le moment où effectivement ce compagnon, enfin, il y a le beau-père qui vient faire savoir, et la mère fait savoir aussi, que bon, maintenant, elle aura quelqu’un d’autre dans son lit.

Marie Lise Lauth : Il prend sa place dans son lit.


Marie Lise Lauth : Lacan dit qu’au moment de la phobie il y a quelque chose du narcissisme qui choit. Est-ce que c’est de voir cette mère défaillante qui faite que son propre narcissisme en prend un coup ?

Solange Faladé : oui, il y a de ça. Elle s’est identifiée.

Marie-Claire Potier : “ La phobie dans son rapport avec la fonction paternelle, vient interdire provisoirement la jouissance, en attendant que cet interdit puisse être nommé par le biais du complexe de castration. ”

Solange Faladé : (A propos du petit Hans). (Le père de Hans) lui a fait entendre, - tu ne dois pas faire ceci, tu ne dois pas faire cela - mais comme dit Lacan, c’est comme s’il flûtait. Mais ça court quand même. Sinon il n’y aurait pas de phobie.

Marie-Claire Potier : Donc “l’objet phobique tient lieu de nominateur du manque, c’est un tenant lieu du nom du père. L’objet phobique assure le joint entre imaginaire et symbolique, ce qui permet au sujet de tenir. ”

Solange Faladé : (Dans la phobie) il y a la peur mais ça suscite l’angoisse. La peur de cet objet qui va venir mordre les mollets, parce que souvent les petits garçons c’est ça, ça suscite l’angoisse. Et souvent, il y a des petits garçons qui quittent l’endroit où est le chien, vont à côté, et puis... . Et on a peur de cet animal, et ça va susciter l’angoisse.

Quand on a peur, on va se détourner de cet objet. On a peur toujours, mais l’angoisse ne va pas venir. On a peur de l’objet, le chien est là, on en a peur. Le petit garçon dit : “ moi je descends du trottoir ”. Si bien que l’angoisse ne va pas naître. Mais la peur du chien demeure. “ Je descends du trottoir et puis je marche ”, à ce moment là il marche fier. La peur du chien est là mais l’angoisse ne va pas éclater. Tandis que s’il restait là, comme ça, l’angoisse viendrait.

Jean Triol : il y a angoisse et peur. Moi je pensais que dans la phobie l’angoisse n’apparaissait pas. Hans a peur quand il y a l’animal.

Solange Faladé : la peur du chien est là. Et si on fait mine d’approcher du chien, l’angoisse va naître. Oui oui

Intervenant : dans la claustrophobie, les manifestations d’angoisse apparaissent... prendre l’ascenseur, et si pour une raison ou une autre il est impossible de faire autrement, la manifestation d’angoisse apparaît.

Solange Faladé : on a peur de cet objet fermé qu’est l’ascenseur. On a peur de cet objet fermé parce que l’angoisse va naître. Et quand on ne peut pas faire autrement, alors ça oui. Quand pour une raison ou une autre on ne peut pas prendre l’escalier et quand on est obligé de prendre l’ascenseur, alors, on vient avec l’angoisse qui est là.

Jean Triol : on voit cette universalité de la phobie. Entre le petit Hans, qui était un petit garçon dans Vienne en 1904 qui avait peur d’être mordu par un cheval, et Sandy petite fille en 1942 à Londres qui avait peur d’être mordu par le chien, on a quelque chose de très très proche.

Solange Faladé : mais c’est structural et c’est quand même ce qui fait qu’on est dans ces deux structures de névrose et de perversion.

Jean Triol : Lacan dit bien que, effectivement, derrière cette angoisse de castration c’est pas une image archaïque qui est là. Il dit c’est le symbolique. Et prendre cela comme image archaïque serait méconnaître l’ordre symbolique.

Solange Faladé : c’est quand même une façon de se démarquer des archétypes.


Travail de Genevieve Cherrier avril 2008

L’observation de Sandy

Je ne m’en suis pas tenue tout à fait c’est-à-dire uniquement au texte ce que nous essayons de faire la plupart du temps ici. Je m’en explique, je pense que cela aurait manqué d’intérêt, car l’observatrice n’avait pas les apports de Lacan et qu’il aurait été dommage de s’en priver car il nous apporte vraiment des éclairages pour situer la problématique de cette petite fille et le pourquoi de la résolution de son malêtre, élément capital que la thérapeute n’avait pas perçu. D’ailleurs Lacan nous dit que c’est bien cette question qui rend l’observation féconde.

Donc pour donner suite et essayer d’illustrer le processus du refoulement et ses conséquences dans un cas clinique je vais vous présenter l’observation d’une petite fille qui s’appelle Sandy,

Cette observation de Sandy aux prises avec une phobie date de la dernière guerre 40/45. Elle provient de notes prises par une élève d’Anna Freud. Lacan a été intéressé par cette observation et l’on peut lire ses travaux dans le séminaire « La relation d’objet » des 12 décembre, 19 décembre, et 9 janvier,

Sandy vient à la crèche, en Angleterre à l’âge de 7 semaines. C ’est à l’âge de 2ans et 5 mois qu’elle s’éveille en hurlant peu après s’être endormie. Elle affirme qu’il y a un chien sous son lit et à partir de ce jour elle exprime une peur intense de son lit et quelques jours plus tard elle est effrayée par les chiens dans la rue et même se met dans tous ses états lorsqu’elle aperçoit un chien au loin,

Pour comprendre ce qui se passe l’observatrice nous commente tout d’abord ce qu’elle sait de l’histoire de la famille : Le père de Sandy fut tué dans un accident de voiture alors qu’il était à l’armée et ce avant la naissance de Sandy. Sa mère travaille, elle a changé plusieurs fois d’emploi et est devenue chauffeur d’ambulance, elle aimait bien les activités masculines. Elle aimait bien le port du pantalon qu’exigeait sa dernière activité, elle portait des dépêches à moto. Elle est présentée comme une mère dévouée. Elle éprouvait une affection spéciale pour cette petite fille née après la mort de son mari. Elle venait à la crèche chaque soir mettre Sandy au lit et si elle rentrait trop tard, venait cependant l’embrasser avec quelques friandises. Il y avait deux autres enfants, une fille de 7 ans plus âgée décédée d’une méningite quand Sandy avait deux ans, et un garçon de 6 ans, Barrie

Le développement de Sandy est normal , certains la trouvent la plus mignonne et la plus charmante alors que d’autres la trouvent ordinaire et de caractère désagréable,

Quand Sandy eut 4 semaines sa mère eut un abcès au sein et on dut lui donner le biberon tout de suite( on peut souligner là au passage ce sevrage soudain et rapide). Lors qu’ elle arriva à la crèche elle avait peu d’appétit et devint difficile pour la nourriture lorsqu’on lui mit des légumes dans son alimentation. Puis la situation s’améliora.

Sandy était une suçoteuse enragée. A deux mois elle suçait son poing, à trois mois elle suçait ses couches et ses vêtements. Au cours de sa seconde année l’ourlet de sa robe était toujours mouillé à force d’avoir été sucé et jusqu’au moment où elle quitte la crèche, à 2 ans et 7 mois elle s’endort toujours en suçant son drap.

L’apprentissage de la propreté fut facile, elle était complètement propre à l’âge de deux ans et demi. Quand on dut renoncer aux couches pour la nuit et pour la sieste on s’aperçut que Sandy se masturbait au lit.

Sandy était très attachée à sa mère, mais elle n’eut aucune difficulté à établir une relation avec son substitut maternel, en l’occurrence l’auteur de l’observation. Elle pouvait aussi montrer de l’affection aux autres travailleurs sociaux qui prenaient soin d’elle,

Et puis vers la fin de sa première année (les choses se gâtent alors que les choses se déroulaient normalement jusque là), Sandy était l’enfant la plus agressive de son groupe. Il fallut la mettre dans un parc pour protéger les autres enfants car ses crises consistaient en de violents arrachages de cheveux. Pendant ces crises le visage de Sandy était hostile et laissait voir une teinte de méchanceté. Sandy n’a pratiquement jamais donné l’impression d’être vraiment heureuse, Quand on regarde les autres enfants ils paraissent heureux de donner libre cours à leurs pulsions,

L’observatrice nous dit que la mère, bien qu’il n’y eut aucun doute sur son amour, avait quelque chose d’agressif dans son approche de l’enfant qui déclenchait un comportement agressif de la part de Sandy en réponse. La mère lui chatouillait le visage à l’âge de 5/6 mois avec ses cheveux. L’enfant se montrait très excitée et tirait les cheveux de sa mère qui l’acceptait en riant comme faisant partie du jeu, (cette excitation de l’enfant, peut-on parler d’une érotisation trop intense que l’enfant ne pouvait assimiler, ne pouvait symboliser et qui produisait cette grande excitation ? )

Quelques mois plus tard elle se mit à tirer les cheveux des enfants et fut grondée, il se pourrait que c’est à ce moment-là que le sourire qu’elle avait se transforma en expression hostile.

Puis la mère se mit à jouer différemment, approchant l’enfant avec lenteur et hésitation, la laissant quelque temps dans le doute,... ou de lui offrir des chocolats ou un biscuit et puis de les retirer avant finalement de les lui donner. (Alors là je crois qu’il faut souligner ce jeu qui vient marquer la symbolisation : je viens/je pars –je donne/je retire - Présence/absence, quelque chose manque par instant et puis revient).

Au début de la 2ème année Sandy se mit à taquiner les autres comme sa mère la taquinait. Quand des éclats d’agressivité se produisaient Sandy était très bouleversée si on la réprimait, Et puis il y eut un changement important dans son comportement, elle devenait plus douce, affectueuse et semblait plus heureuse. Elle se mit à jouer de manière plus constructive avec des jouets qu’elle avait jusqu’alors jetés.

C’est à cette époque que Sandy se mit à avoir des tendances à retourner contre elle-même son agressivité. Si on la grondait pour avoir tiré les cheveux, elle se mettait à se tirer les siens. Elle jouait le jeu taquin de tendre et retirer les choses avec elle-même.

Là on peut observer un retournement de la pulsion, le retournement sur le moi des tendances sadiques en attitude masochique, La transformation du sadisme en masochisme signifie un retour à l’objet narcissique. nous dit Freud. (Là je vous renvoie au texte sur les pulsions).

En juin 44, Sandy fut changée d’établissement (en effet c’est l’époque des V1, pour ceux qui ne connaissent pas, ce sont des armes de représailles redoutables, des petits avions sans pilote, chargés d’explosifs et très redoutés) . Donc on a voulu mettre les enfants à l’abri.

Elle revint en octobre, elle avait près de 2 ans. Elle reconnut bien son substitut maternel après 4 mois d’absence, Sandy semblait relativement stable sur le plan affectif, Elle ne faisait plus preuve d’agressivité avec les adultes. Les relations étaient bonnes.

Elle était bouleversée si un enfant était agressif avec son éducatrice. On entend là quelque chose d’une aliénation dans l’imaginaire qui se produit quand les enfants sont collés à leur image, on a vu plus haut le retour à l’objet narcissique avec la transformation du sadisme en masochisme.

Les accès de colère n’étaient pas très fréquents. Elle commença l’école maternelle à ce moment-là, elle s’adapta bien.

Voilà pour l’histoire familiale.

L’observatrice nous relate maintenant les éléments qui semblent avoir un rapport direct avec la phobie.

En décembre 44 Sandy avait 2 ans et un mois, C’est à ce moment-là qu’elle prit conscience de la différence des sexes entre elle-même et un garçon. A la crèche elle n’avait jamais été frappée par la différence des sexes . Donc elle observa attentivement un petit garçon urinant debout dans le pot de chambre, ceci ne s’était encore jamais présenté. Peu de temps après elle réclama son pot et essaya de l’utiliser en le tenant en face d’elle. Elle fut déçue du résultat, souleva sa robe regarda ses organes génitaux et dit « Bicki » mot qu’elle employait pour les choses qu’elle désirait, elle le répétait plusieurs fois devenant de plus en plus pressante dans son exigence. Les jours suivants elle essaya à nouveau d’uriner comme un garçon, se fâchant contre l’observatrice parce que ça ne marchait pas ; Elle refusait de s’assoir bien qu’elle eut très besoin de ce pot, L’observatrice lui expliqua que seuls les garçons urinent debout.

Cet événement il faut le situer avec l’évolution de son développement et l’arrivée de la phase phallique. La frustration, la jalousie devant son manque a été éveillée et elle revendique cet objet qu’elle n’a pas, elle demande cet organe à l’observatrice, son substitut maternel et se montre fort insatisfaite qu’on ne lui donne pas.

Vers le mois de janvier elle avait tout à fait renoncé à ses tentatives d’uriner debout, Mais son intérêt pour la différence des sexes demeurait, quand elle regardait des images elle faisait bien la distinction entre les garçons et les filles.

Un autre événement important se produisit en mars. Sa mère dû aller à l’hopital pour une opération ce qui l’éloigna pendant 3 semaines de l’enfant, alors qu’en temps ordinaire elle venait chaque jour. Ma maman « Bicki » à la pensée des bonnes choses qu’elle lui avait apportées, Sandy ne semblait pas autrement dérangée le moins du monde.

Quand la maman revint elle était dans un triste état, marchant avec beaucoup de difficulté appuyée sur une canne. Elle revint deux soirs puis quitta Londres pour une convalescence. Comme au cours de la première absence de sa mère Sandy ne montra aucun signe extérieur de détresse.

Il y eut une autre expérience douloureuse , en avril, avec un morceau de savon qu’elle s’est introduite dans le vagin au moment du bain , qui lui provoqua une douleur et qui renforça probablement les peurs qu’elle aurait pu avoir à propos du préjudice en ce qui concerne ses organes génitaux.

C’est après cet événement que le cauchemar marque le début de la phobie, dans la nuit du 13 au 14 avril, c’est-à-dire une semaine après la seconde absence de sa mère, L’observatrice nous dit qu’elle ne sait rien de ce qui s’est passé la veille et qui aurait pu être la cause immédiat, la cause déclenchante en quelque sorte). L’évènement le plus décisif pour la formation du cauchemar et la phobie fut probablement l’atteinte au corps de la mère et sa disparition, nous dit l’observatrice. Lacan lui nous dira que l’aphallicisme ne suffit pas à déclencher la phobie, il faudra les absences de la mère, il faudra cette deuxième rupture dans le rythme des venues et retours de la mère.

Donc cette nuit-là, après avoir été mise au lit, Sandy fut agitée et semblait bouleversée par quelque chose. On vint la rassurer, mais peu de temps après elle se réveilla en hurlant de terreur, Elle dit à l’infirmière qu’il y avait un chien dans son lit, et pleura près d’une heure avant de se rendormir. Le lendemain matin parla du toutou « toutou dort » puis chercha quelque chose sous le matelas. Elle resta de mauvaise humeur toute la journée, De nouveau des peurs la nuit suivante voulant sortir de son lit. Les jours suivants l’angoisse de Sandy commençait à monter à l’heure d’aller au lit en disant « Pas au lit, toutou vient », Sandy eut aussi des accès d’agressivité et parut se sentir coupable.

A partir de l’éclosion de la phobie l’observatrice va noter au jour le jour le comportement de Sandy, avec en alternance ses craintes du chien renouvelées, et ses périodes plus sereines, Et aussi ses tentatives pour apprivoiser la situation, par exemple en faisant elle-même le chien en aboyant, mais en étant effrayée si un autre enfant aboyait comme le chien,,, Freud nous dit dans ... « Inhibition, symptôme et angoisse » L’enfant se comporte de la même manière face à toutes les impressions qui lui sont pénibles, en les répétant dans le jeu......l’enfant aussi observa différentes parties de son corps, son gros orteil, son doigt en demandant à Annie d’être rassurée ; Pourrait-on imaginer qu’elle recherche un substitut du pénis dans ces différentes parties du corps, un substitut qui pourrait être aussi endommagé. En effet toute la surface du corps peut devenir un substitut du pénis, même les facultés intellectuelles, nous dit S. Leclaire

Là je voudrais m’arrêter pour insister sur quelques points :

La petite fille va faire le rapprochement entre son propre manque, les absences de sa mère et son corps endommagé qui lui empêche de tenir la même place sur le plan symbolique.

 La séparation d’avec la mère qui à son retour pouvait à peine marcher, le corps de sa mère qui avait subi des dommages justement à une période où cette petite fille se pose des questions sur son intégrité corporelle.
 La question de cette séparation qui intervient à la phase phallique : le souci de son intégrité , la prise de conscience de son manque quand elle se compare avec le garçon en sont la preuve,

L’entrée dans la dialectique œdipienne. On nous dit que l’enfant n’est pas plus que ça dérangée par les départs de sa mère. Dans cette quasi indifférence peut-on voir le processus de refoulement de l’agressivité vis à vis de sa mère qui ne l’a pas pourvue du pénis , quelque chose d’un refoulement du sentiment que sa mère est responsable de son manque, elle la remplace par le chien et le rend lui responsable du dommage. Ce refoulement , ce détachement de la mère que l’on remarque justement lors de la mise en éveil de la fonction œdipienne.

Dans « Ma vie et la psychanalyse » Freud nous dit que le refoulement représente un mécanisme primaire de défense, comparable à une tentative de fuite...

La petite fille rentre dans l’œdipe par la prise de conscience de son manque, de sa castration, elle se tournera vers le père qui pourrait bien lui fournir ce qui lui manque, sur le plan imaginaire sous la forme de l’enfant. Mais dans la situation présente il n’y a pas de père....

Lacan nous dit que cet amour éprouvé pour la mère et déplacé sur le père, c’est un véritable transfert analytique.

Et aussi, les deux évènements réveillent l’angoisse, la vue de la mère handicapée peut avoir été associée à la peur éprouvée par Sandy lors de la comparaison des sexes. La disparition de la mère et la perte présumée sur le plan imaginaire, du pénis, s’associent pour éveiller des sentiments de frustration et de peur, sentiments qu’elle va refouler

 Dans les termes utilisés pour décrire l’observation on entend bien l’intensité de l’angoisse qui peut paraître excessive au regard de la réalité mais qui se justifie du fait qu’elle renvoie à l’angoisse névrotique avec tout ce qu’elle pourrait présenter d’étrange.
 s’éveilla en hurlant
 elle affirmait qu’elle avait vu un chien
 Peur intense de son lit
 Effrayée par les chiens dans la rue.

Se mettait dans tous ses états chaque fois qu’elle apercevait un chien.

Ce sont des termes forts qui montrent bien toute la frayeur de l’enfant. Et il y en a d’autres....

Dans la phobie, comme nous le dit Freud, « la force pulsionnelle prolifère dans l’obscurité parce qu’elle est éloignée du conscient » elle se présente de façon déguisée, méconnaissable « et même effraie le sujet en lui fournissant l’image d’une force pulsionnelle extraordinaire et dangereuse », Cette force trompeuse de la pulsion est le résultat d’un déploiement non inhibé dans le fantasme et d’une stase résultant d’une satisfaction refusée

Là je voudrais insister :

L’enfant qui est face au manque de la mère et de son propre manque. Le moment de la phobie se déclenche quand l’enfant a à prendre en compte cette inconsistance du A : la mère absente, mais surtout qui revient qui n’a plus le même dynamisme qui a besoin d’une canne pour se soutenir et marcher. L’angoisse c’est le signal qui va déclencher le refoulement devant cette réalité de la castration. Je dis réalité puisqu’il s’agit d’une fille, je dirais peur de la castration s’il s’agissait d’un garçon. La castration pour le garçon est une menace, pour la fille c’est considéré comme un dommage déjà subi. Et il faut souligner quelque chose d’énigmatique chez la petite fille puisque malgré sa castration accomplie par l’anatomie elle reste avoir peur de la castration.

Ruth Mack-Brunswick nous dit que la castration de la mère est avant tout la ruine des espoirs de la fille de jamais entrer en possession du pénis et la petite fille, qui croit vraiment avoir été en possession du pénis rend sa mère responsable de sa disparition, responsable de cette blessure narcissique mais ceci est refoulé.

Par ailleurs cette mère aime cette enfant d’une affection toute spéciale et cette petite fille n’échappe au désir le plus puissant, le désir d’inceste, et le constat de la castration pourrait bien être le châtiment de ce qui est interdit. L’angoisse correspond à une aspiration libidinale refoulée dont la réalisation provoquerait plus de déplaisir que de plaisir et ce serait pour le sujet l’anéantissement du désir. « La femme, nous dit Lacan dans La Relation d’objet trouve dans l’enfant une satisfaction... que chose qui calme son besoin de phallus ». En fait c’est cette satisfaction possible qui fait peur à l’enfant et il veut se protéger contre la disparition de son désir.

Mais aussi la crainte du désir est équivalente à l’angoisse.

Freud nous dit dans « Inhibition, symptôme et angoisse » que l’enfant se trouve devant une situation de détresse face à la revendication pulsionnelle, et la phobie est une défense contre le risque de la jouissance maternelle.

Avant son départ la mère existait en tant qu’agent. Lorsqu’elle ne répond plus qu’à son gré, quand elle absente, c’est vécu ainsi dans l’imaginaire de l’enfant, elle devient réelle, elle devient toute puissante, elle peut se refuser, alors qu’ elle détient tout ce dont le sujet a besoin, le signifiant du manque n’est plus là. Lacan nous dit que le signifié des allées et venues de la mère c’est le phallus.

Mais en étant absente il n’y a plus ces allées et venues, il n’y a plus de symbolisation... et on a vu, c’est quelques jours après le deuxième départ de sa mère que la phobie éclate. Je l’ai souligné tout à l’heure, l’aphallicisme ne suffit pas, il faut aussi les départs de la mère, l’inconsistance de la mère.......Quand la mère revient elle n’a plus la même présence, appuyée sur sa canne elle n’a plus la même relation d’approche qui font d’elle un point d’accrochage.

Pour ce qui est du chien coupant le pénis avec ses dents, elle nous dit que la découverte de son propre manque peut avoir éveillé ce fantasme/souhait, parfois rencontré chez les petites filles.

Toujours préoccupée par son intégrité, l’observatrice rassura Sandy en lui disant que toutes deux étaient pareilles puisque elles étaient des filles (elle lui donne donc à nouveau des informations sur la différence des sexes).

Elle est un moment tranquillisée mais se fit vite du souci pour deux fillettes à l’infirmerie et fit entendre « maman malade, maman remarche » puis interrogative : Sandy malade, Annie malade ? La petite fille se pose beaucoup de questions sur le lien qu’il pourrait bien y avoir entre la maladie et la question de la castration ; Puis « maman revient, maman remarche » avec quelque chose au sujet du toutou ; Et puis un épisode d’humeur bougonne et remontant sa chemise en montrant son sexe et disant « mordre là ». Cet accent sur l’humeur bougonne est une autre façon de nous pointer l’angoisse. Puis Sandy réclama un ruban plus gros dans ses cheveux.

Donc toujours inquiète très inquiète quant au dommage que pourrait causer le chien, et puis comme une symbolisation de son manque en réclamant ce ruban plus gros comme un objet

métonymique. Elle resta encore plusieurs jours anxieuse vis à vis de son intégrité corporelle. Et l’observatrice lui ré expliqua la différence entre fille et garçon. En informant l’enfant sur la différence des sexes elle fait passer le manque sur le plan symbolique, mais cette information ne suffira pas, la phobie repartira de plus belle, nous dit Lacan

On entend très bien toute l’angoisse, l’angoisse de castration, ou plutôt le complexe de castration chez cette petite fille. Cette angoisse qui est la cause du refoulement, cette castration est insupportable, ce complexe de castration qui est une combinaison de son propre manque et du manque de sa mère à la fois par ses absences et par ses atteintes à sa motricité. Elle ne présente plus la même image de présence et de dynamisme. Dans « La relation d’objet » Lacan nous dit la mère est la mère symbolique c’est le premier élément de la réalité symbolisé par l’enfant en tant qu’elle peut être présente ou absente. Ce couplage présence/absence connote la première constitution de l’agent de la frustration : la mère.

Sandy va refouler la représentation mais souffrira de l’affect d’angoisse ; La phobie peut être considérée comme un refoulement qui a échoué puisque il ne réussit pas à empêcher la libération de l’angoisse. L’angoisse s’est déplacée sur un objet extérieur, le chien, un objet extérieur que l’on pourra fuir pour éviter une trop grande angoisse. Le danger réel menace à partir d’un objet extérieur, alors que le danger névrotique à partir d’une revendication pulsionnelle. L’analyse montre qu’au danger réel connu est lié un danger pulsionnel non reconnu. Avec cette mise en scène du chien, avec ce déplacement la petite fille donne un motif à sa peur. L’angoisse névrotique est métamorphosée en une angoisse apparemment réelle.

Mais aussi Freud nous dit que pour la petite fille, la situation de danger originel menant au développement de l’angoisse et au refoulement est en dernier lieu le danger de la perte d’amour de l’objet... de l’objet maternel Et c’est Jeanne Lampl- de Groot qui nous dit que dans toute analyse de femme menée à fond, on réussit à trouver que les prétendues angoisses de castration cachent l’angoisse de la perte d’amour. A mon avis ceci s’articule très bien avec le sentiment de culpabilité que ressent cette petite fille que l’on peut traduire : Suis-je digne d’être aimée moi qui suis si démunie, moi qui n’ai pas de pénis. Ceci nous apportant la preuve de la haute valeur accordée au pénis aussi bien chez la fille que chez le garçon. Et Lacan signale que l’objet de la frustration c’est moins l’objet que le don, c’est moins l’objet que l’amour de qui peut faire ce don. Dans « La relation d’objet » Lacan signale que l’angoisse de la perte d’amour est le prolongement de l’angoisse du nourrisson quand sa mère lui manque.

Il ne faut pas oublier que, à ce moment-là sa mère n’a pas encore retrouvé de compagnon, qu’il n’y a pas de père pour permettre une distance entre Sandy et sa mère, pour permettre que l’enfant puisse repérer l’intérêt de la mère pour quelque chose qui lui manque aussi.

A ce moment là les dommages imaginaires de son corps absorbent toute son attention, elle reste tout à fait indifférente aux accidents réels qui peuvent survenir. Et aussi certains détails montrent que Sandy considérait ces dommages comme une punition, on a bien entendu plus haut qu’elle se sentait coupable et elle répète « toutou mordre le vilain garçon ».

La mère revint, elle fut bien accueillie par Sandy, la peur d’aller se coucher disparut, la peur des chiens également.

L’observatrice nous dit : « Ce fut la fin de la phobie véritable, mais les difficultés de comportement qui l’accompagnaient persistaient encore ».

On peut se poser la question, pourquoi le choix du chien ?et l’observatrice nous dit probablement parce que jouer au chien était un des jeux favoris des enfants.

Elle alla vivre chez sa mère et fréquenta l’école maternelle en tant qu’externe, Elle était une des enfants les plus difficiles, incapable de se concentrer et faisant l’impossible pour provoquer les adultes de service. Elle montra peu d’intérêt pour l’école. La seule activité qui l’amusait était le maniement des marteaux, clous , scie, autant d’outils utilisés par les garçons. Alors qu’au début elle s’intéressait au matériel pédagogique Montessori.

L’attachement à cette mère avec qui elle partageait le lit devint très intense ; Madame H était ravie des marques d’affection de Sandy, mais l’enfant s’endormait tard et se réveillait tôt. Quand sa mère l’emmenait à l’école les hurlements de Sandy pouvaient s’entendre. La séparation d’avec la mère était chaque jour un nouveau drame.

L’observatrice, c’est Annie, qui a gardé contact avec la famille nous indique que les difficultés de comportement ont duré plus longtemps que la phobie, mais ce comportement, ces cris pour se rendre à l’école ne peuvent-ils pas être assimilés à une phobie scolaire, quelque chose d’une difficulté à se séparer de sa mère avec qui elle partage le lit à un moment où la mère n’a pas encore de compagnon. L’observatrice ne le dit pas, mais la phobie du chien semble bien avoir cédé la place à une phobie sociale, à une phobie scolaire, Freud nous dit dans « Inhibition, symptômes, angoisse » « L’angoisse de castration évolue en angoisse morale, en angoisse sociale ». L’observatrice nous dit que dans l’attitude de Sandy il y a une certaine ressemblance entre sa réaction envers le chien et celle envers la maîtresse (le chien et la maîtresse ne viennent-ils pas tous deux marquer , avec autorité, quelque chose des limites, de l’interdit, ce qui entraîne la même attitude ambivalente chez l’enfant., elle s’approche timidement puis par peur s’éloigne...Ce sont deux objets qui inspirent de la crainte..et qui sont autant désirés que craints, c’est un élément signifiant à deux faces, c’est l’ambivalence.

Et puis un évènement très important, la mère de Sandy se remarie à la fin de l’automne et Sandy fait des progrès.

La maman est satisfaite du comportement de Sandy, Mr H est un homme tranquille qui s’entend bien avec les enfants. Sandy est obéissante mais peut aussi piquer une rage, crier, pour obtenir ce qu’elle désire. Elle parle avec abondance, le vocabulaire est étendu, elle porte de l’intérêt aux mots nouveaux et difficiles. Activités sublimées autour de l’oralité , on se souvient ses activités de suçoteuse décrites au début de l’observation. On peut se demander quelle est la part de ce sevrage rapide lorsque sa mère a souffert d’un abcès au sein...

Le frère de Sandy a maintenant 6 ans. L’observatrice, comme on l’a vu, qui a gardé contact avec la famille craignait que Sandy qui avait réagi si fortement à la différence des sexes rencontre de nouvelles difficultés à vivre avec le frère, qu’elle réagisse avec les mêmes conflits qui avaient amené le développement de la phobie, En effet le frère lui soulevait sa robe, la frappait sur le sexe, exhibait son pénis, etc,.... et qu’elle soit à nouveau mise en face de sa propre castration et qu’elle réagisse avec angoisse comme précédemment. Lacan formule l’inquiétude ainsi : « La présence de l’homme/frère personnage non seulement phallique mais porteur du pénis, qui lui présentifie son manque ne devrait-il pas être une occasion de rechute pour la petite fille, bien loin de là, il n’y a pas trace de trouble mental, elle ne s’est jamais si bien portée. » Et pourtant la mère profère elle-même la menace de castration, par exemple alors que Sandy s’adonnait à quelques activités défendues, elle lui chantait : « monsieur ciseaux qui vient trouver les enfants désobéissants pour dire clic/clac, clic/clac » et dit une autre fois à son fils se tenant mal, elle lui dit qu’elle allait lui couper le derrière. Mais en fait Sandy , malgré toutes ces provocations, semble avoir surmonté les conflits qui avaient abouti à la phobie.

Que se passe-t-il ? Comment expliquer ce changement, alors que dans son entourage on se montrait plutôt inquiet ? Et c’est Lacan qui va nous éclairer : La phobie devient nécessaire à partir du moment où la mère manque de phallus (manque du signifiant du manque). La mère elle manque de phallus au moment où la fonction symbolique ne s’exerce plus par ses présences et ses absences, Quand elle est absente un trop long moment, elle devient toute puissance, c’est entre autre l’effroi pour l’enfant qui dépend d’elle pour ses besoins vitaux. Lacan dans « les Formations de l’inconscient » nous précise que le signifié des allées et venues de la mère c’est le phallus, Mais à ce moment où l’observatrice s’inquiète, la mère vit avec un compagnon, Sandy le soir, après avoir demandé à sa mère de rester avec elle, ce qu’elle fit pendant quelque temps, Sandy s’endort seule. Quelque chose d’important a changé avec la présence de cet homme qui aime la mère et remplit la fonction paternelle, Le triangle symbolique se met en place, l’enfant est délogée de cette place de phallus imaginaire. Dans « les Formations de l’inconscient » Lacan nous dit : « le père interdit la mère..... et c’est pas sa présence, par ses effets dans l’inconscient qu’il accomplit l’interdiction de la mère. Lacan nous dit dans la « Relation d’objet » page 82 « la relation symbolique, la puissance phallique, fonction de l’instance castratrice qui est l’instance paternelle est en place, L’enfant n’a plus besoin de la phobie. Le père est là, cet homme est vécu comme celui qui a le pénis et va satisfaire la mère , lequel pénis devient le phallus symbolique, signifiant du manque. Le père c’est le terme qui introduit la relation symbolique, et avec elle la possibilité de transcender la relation de frustration ou du manque d’objet dans la relation de castration. »

Lacan nous dit que nul besoin essentiel n’est à combler par l’articulation du fantasme phallique (le fantasme phallique c’est la mise en place de la phobie, c’est ce que l’enfant instaure sur le plan imaginaire). Avec la phobie, ce qui ne trouve pas à se symboliser vient s’articuler dans l’imaginaire . Le père est là et il y suffit, il suffit à maintenir entre les trois termes -mère, enfant, phallus- un écart suffisant pour que l’enfant n’ait pas pour le maintenir à donner de soi, à y mettre du sien.