Fidèle à Freud, Hélène Deutsch l’est-elle restée, elle qui vit outre-Atlantique depuis si longtemps, et y a connu un succès certain ? Oui, elle est restée fidèle à ce qui représente l’arête vive de la théorie freudienne : au complexe de castration, tel que Freud l’a décrit chez la fille.
Pour Freud, faut-il le rappeler, le complexe d’Œdipe chez la fille est un phénomène secondaire par rapport à la castration. La petite fille vit son complexe d’Œdipe à partir du complexe de castration. Il en résulte que l’on doit considérer une phase pré-œdipienne et une phase œdipienne.
Si Freud a repoussé la distinction entre un Œdipe négatif et un Œdipe positif, que certains analystes, même proches de lui – J. Lampl de Groot, Ruth Mac Brunswick – ont affirmée, c’est qu’une telle conception conduit à nier l’existence d’une phase pré-œdipienne. Pour ces analystes en effet, la situation triangulaire du début de la vie, marquée par l’attachement de la fille à sa mère et par la rivalité vis-à-vis du père, constitue la phase d’Œdipe négatif. Cela revient à aplatir le complexe de castration chez la fille et à minimiser les conséquences de la relation de la fille au phallus.
J. Lampl de Groot s’interroge sur l’importance donnée par Freud à cette relation. Elle fait remarquer que, depuis bien longtemps, si ce n’est depuis toujours, la petite fille a noté la différence anatomique entre les deux sexes. De plus, elle s’étonne des réactions qu’entraînerait selon Freud cette découverte, chez un être qui n’a jamais possédé de pénis. Pareille attitude peut faire croire qu’elle n’a pas saisi que l’insistance de Freud porte sur le moment où « la petite fille se considère comme elle-même comme castrée » (Lacan) donc sur la relation de la petite fille au phallus, relation « qui s’établit sans égard à la différence anatomique des sexes » (Lacan).
Si l’on se reporte aux ouvrages d’Hélène Deutsch, tout particulièrement aux préfaces qu’elle écrivit pour la réédition de ses articles, et à l’un de ses derniers ouvrages, Psychologie des femmes, on note que, sur ce point nodal, elle accepte la proposition de Freud – même si en ce qui concerne l’activité phallique de la fille à la phase phallique, elle ajoute un accent qui se veut dramatique, sur le handicap que représente le clitoris, et le déficit qui peut en résulter pour elle. Pour Hélène Deutsch, la phase pré-œdipienne reste essentielle. C’est au moment où la fille reconnaît sa castration que ce qu’elle a vécu jusque là peut prendre de l’importance. Pour peu que le père se soit montré décevant, la fille restera fixée à son premier objet : la mère. Il suffit de se reporter à son étude sur l’homosexualité de la fille pour s’en convaincre.
La question qui se pose, me semble-t-il, à propos d’Hélène Deutsch, est la suivante : a-t-elle fait progresser la théorie psychanalytique ? et nommément en ce qui concerne la sexualité féminine ?
Solange FALADÉ
Octobre 1978