Hommage à Georges, notre compagnon de route, notre ami,
En exergue nous ferons nôtre, Jean et moi-même, cette citation d’ Albert Camus qui écrivait dans sa correspondance à René Char « chance de vous (t’) avoir rencontré (Georges) il y a déjà des années, et que l’amitié entre nous ait pris cette force qui enjambe l’absence ».
Ton absence, Georges, creuse irrémédiablement son sillon, laissant miroiter à la surface des traces vives de mémoire.
Il y a maintenant fort longtemps, nos chemins se sont croisés....
A cette époque avec toi, alors enseignant spécialisé, nous participions à de nombreux groupes de travail ; nous partagions et échangions avec détermination et enthousiasme sur ce qui faisait le « cœur » de nos pratiques. Souvent nos questionnements se recoupaient : travaillant alors avec des enfants en « souffrance », dans des institutions dites spécialisées, chacun de nous, sur son lieu de travail se coltinait à ce qui faisait énigme pour lui ; nous étions confrontés, chacun dans nos pratiques à la manière singulière dont ces petits sujets se heurtaient au monde, et au mur de la parole. Ces nombreuses rencontres avec l’étrangeté et l’altérité sont venues questionner, bousculer nos certitudes, nos savoirs et réveiller nos fragilités d’êtres, d’humains.
Lors de ces soirées, nous discutions, cherchions à penser et à créer des modalités d’être et de lieu pour accompagner au mieux ces enfants tout en respectant leur dignité, leur singularité de sujet. Nouer l’acte à la parole, telle était ton, notre éthique de conviction. Ton éthique de responsabilité t’a conduit à cette époque à occuper le poste de directeur du CMPP de Bayonne. Renouer avec les fondements historique des CMPP : repenser et articuler le champ de la pédagogie avec celui de la psychanalyse, tel était ton dessein.
Tu nous as fait confiance, nous avons ensemble et avec quelques autres repensé et construit des espaces de traitement par la parole. Non dupe de l’autorité que te conférait ta nouvelle fonction, nous aimions à questionner l’univers paradoxal du soin dans lequel nous circulions.
Comme l’a écrit dans la « Fêlure » Scott Fitzgerald, nous faisions nôtre cette assertion :« Il faudrait comprendre que les choses sont sans espoir et être pourtant décidé à les changer ».
Tout au long de ces années, la théorie psychanalytique nous a servi de boussole, elle est venue orienter et soutenir l’éthique de nos pratiques.
Après des études en sciences de l’éducation, tu as engagé des études de psychologie, puis, enfin, tu as exercé le métier de psychologue scolaire.
En tant que thérapeute, tu as occupé pendant une vingtaine d’années une place importante dans le dispositif soignant de « Suerte/ Caminante : ». Fidèle et toujours présent, tu as été une pause et un réconfort pour nombre de patients de cette institution.
Le désir d’analyse, d’analyste, ne nous a pas lâché.
Il nous a conduit, des années plus tard, chacun à notre façon, à tenir cette place, à exercer ce métier que Freud qualifiait d’ impossible....
Par des effets de transfert nous avons été amenés, pour certains, à nous rendre à Paris pour poursuivre notre formation.
Nous avons eu la chance de rencontrer la psychanalyste Solange Faladé, directrice de l’École Freudienne et de suivre son enseignement.
Tu as intégré l’école Freudienne, lieu dans lequel tu as pu exprimer ta passion pour la psychanalyse, tu as participé avec implication aux enseignements de l’École. Nous étions beaucoup à être admiratif de ton engagement, de ta capacité de travail, de la richesse et de la qualité de ta réflexion ; nous nous souvenons encore, avec émotion aujourd’hui, de la façon extrêmement subtile dont tu pouvais lire, ou faire l’analyse de textes analytiques ou philosophiques.... Nous aimions ta curiosité épistémique, tu étais toujours enclin à nous faire découvrir, avec l’humilité qui était la tienne, un article, un ouvrage.... Nous parlions de littérature, de peinture, de politique...ton jugement était précieux, tu pouvais avec une profonde délicatesse nous aider dans l’écriture d’un texte ou d’un article.
Pour toi, la psychanalyse n’était pas un dogme ,ni une nouvelle vision du monde, mais une pratique quotidienne, un engagement qui t’a amené à accueillir celui ou celle qui te sollicitait, et ils furent nombreux ceux à qui tu as permis de vivre plus apaisés et plus libres dans une dignité restaurée : d’ailleurs tu nous disais : « si la psychanalyse ne sert pas à être plus libre, elle ne sert à rien. »
Ton cabinet est devenu un refuge, une véritable terre d’accueil. Pour toi, Georges, l’argent n’a jamais été une condition de cet accueil ; il n’ était qu’un aspect parmi d’autres du prix que la personne attachait à sa démarche. Ta disponibilité, la qualité sensible et toujours accueillante de ton écoute, te permettait de t’adapter à la demande de l’autre en difficulté passagère ou en grande difficulté.
Aujourd’hui, nombreuses sont les paroles d’amitiés déposées sur le site de l’ Ecole Freudienne qui expriment la trace encore vive de ta présence....
Toutes ces paroles font l’éloge de ton amabilité, témoignent du plaisir que nombreuses et nombreux ont eu de t’ avoir rencontré et travaillé avec toi.
Au cours de ces années nous avons appris à mieux nous connaître, à découvrir ton côté malicieux, ton sens retenu de l’ humour ; notre amitié, au fil de nos rencontres,et des années s’est enrichie, nous continuions, malgré la distance et les aléas de la vie à concrétiser des projets de travail....
Il nous restait encore, ensemble, beaucoup de choses à découvrir...le temps fragile de la vie en a décidé autrement....
Et même si nous savons tous que les hommes sont faits pour mourir, le réel de ta mort nous laisse désemparés et démunis....
En ce moment de profonde douleur, nous adressons nos pensées les plus affectueuses et chaleureuses à Maryse ta femme ainsi qu’à toute votre famille.
Notre amitié, Georges, restera pour toujours vivante, à jamais gravée dans nos mémoires....
Hervé Lassalle et Jean Rolando
Messages
1. Hommage à Georges HANOUN, 7 septembre 2018, 18:36, par Pierrick Brient
Georges était un collègue et un ami. A l’école freudienne, au sein du groupe dit du « cas Aimée « , il avait le souci de nourrir régulièrement le travail et nous apportait beaucoup : son expérience clinique de la psychose, des textes et des cas de la psychiatrie classique (dans l’esprit qu’avait souhaité Solange Faladé pour ce groupe de travail). Georges affectionnait particulièrement l’histoire des grandes figures de la psychiatrie et de la psychanalyse, le rapport des uns ou des autres à Freud, à Lacan. Il nous manquera.
Pierrick Brient