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Apports complémentaires à la discussion suivant l’intervention de Gérald Racadot le 16/01/2016

17/01/2016

Bonjour,

Je me permets de vous faire part de ce que j’ai trouvé sur ens et de ce qui m’est venu sur la question de la jouissance.

A propos de ens : Dans le Gaffiot, on trouve ens, entis participe présent de sum. Et le dictionnaire Benoist et Goelzer précise : traduit du grec to on, ce qui est. E. Gilson commente : Il n’y a pas de mot plus fréquent que ens dans le latin de Saint Thomas, mais il n’y en a pas de plus rare dans le latin classique... La portée du fait est considérable car il explique peut-être que les Romains de l’époque classique ne nous aient légué aucune métaphysique de leur crû. E. Gilson critique cette traduction de ens par être au lieu de étant.
Ens rationis, chez Kant, est semble-t-il, habituellement traduit par être de raison. Ens realissimum, être le plus réel...

Par ailleurs, il me semble malgré tout que Lacan, dans certains de ses séminaires, ne pense pas exclusivement la jouissance du côté du parlêtre.
Ainsi dans l’Envers 11/02/70 :
C’est vrai que le lis des champs, nous pouvons bien l’imaginer comme un corps tout entier livré à la jouissance. Chaque étape de sa croissance identique à une sensation sans forme. Jouissance de la plante. Rien en tout cas ne permet de lui échapper. C’est peut-être une douleur infinie d’être une plante.

C’est surtout dans Les non-dupes errent que Lacan, à plusieurs reprises, pose la question de la jouissance de l’arbre, de la jouissance de la bactérie "cette petite saloperie, là, que vous regardez au microscope, qui manifestement frétille, elle vous bouffe des trucs... ça , c’est sûr qu’elle jouit ! " (23 avril 74).

Plus loin, dans la séance du 21 mai 74 : il dit au sujet de l’animal : "... l’animal se distingue de subsister non seulement en un corps, mais ce corps, comme tel, ne s’identifie, n’a d’identité, non pas (...) de je ne sais quoi qui , de ce qu’il pense le ferait être, mais de ce qu’il jouisse de lui-même. (...) Il y a que, en tant qu’il consiste et qu’il consiste en un corps, ce dont il s’agit c’est d’une jouissance. Et d’une jouissance qui se trouve, d’après notre expérience, être d’un ordre autre que ce qu’il en est de la jouissance phallique. "
Très cordialement

Virginie Chardenet


18/01/2016

Bonjour au groupe de préparation,

Dans le chapitre XXI des "Mémoires d’un névropathe", Schreber nous donne un bon exemple de ce qui se produit lorsque le signifiant n’est pas négativé du fait de la non rencontre du manque dans l’Autre. Dans ce chapitre, Schreber interpelle le Dr Weber, sa question n’est pas une question, il est convaincu que son corps est parcouru par les nerfs de la volupté qui pour lui, sont bien réels, il est le seul en mesure de les palper sur son corps et de ressentir leur effet de jouissance, de son point de vue, c’est une découverte qui échappe à la médecine et qu’il le seul, l’unique à pouvoir lui faire découvrir.
Si je reprends la formulation de Gérald Racadot, "la morsure du signifiant sur le vivant" est présente mais c’est une jouissance à nulle autre pareille, débordante, non négativée du fait de la non rencontre du manque dans l’Autre, qui pour lui, est comparable à une jouissance Autre, celle d’un Autre non barré et que seule la femme peut figurer, car elle seule, peut ressentir sur l’ensemble de son corps cette jouissance car elle n’est pas limitée par la seule jouissance de l’organe phallique qui n’est pas inscrit dans sa structure.
Ici, il s’agit bien d’un sujet parlant qui se débat avec cette jouissance qui l’envahit, il utilise alors le signifiant, une mise en mots pour tenter de faire barrière à cette jouissance.
Je pense que d’autres collègues pourraient être intéressés par ce débat, il faudrait que nous trouvions le moyen de le faire figurer sur le forum pour que d’autres puissent y participer.

Bien cordialement.

Robert Samacher


18/01/2016

Bonjour

Quelques mots encore. En raisonnant par l’absurde, raisonnement rigoureux en mathématiques, si la jouissance était indépendante du signifiant elle concernerait tout vivant dans un corps et serait de nature organique uniquement et la biologie l’aurait identifiée comme l’un de ses concepts or il n’en est rien.

Lacan s’amuse quand il parle de la douleur infinie de la plante dans son existence. Ceci en référence au fait clinique très important chez le parlêtre de l’existence qui se réduit à une douleur quand le désir n’y est plus. C’est la douleur d’exister. En clinique certaines structures notamment l’obsessionnelle le font clairement entendre. Pour la plante le désir est à zéro la douleur est infinie.....

Dans subversion du sujet et dialectique du désir Lacan vers la fin du texte parle du parlêtre comme un être de non étant. Dans votre citation il décrit l’animal sauvage comme un étant qui n’accède pas au statut de l’être. Sa jouissance et Lacan ose employer ce mot à ce sujet est donc d’un tout autre ordre que l’ordre signifiant.

Je crois que l’on peut garder la formule que j’ai employée "la morsure du signifiant sur le vivant fait surgir la jouissance". C’est l’envers de ce que nous disons habituellement :la perte de la jouissance fait surgir le grand Autre ou la jouissance est interdite à qui parle.Bien sûr la jouissance dont je parle et qui surgit du fait du signifiant est la jouissance négativée,du moins pour les structures où le nom du père est inscrit.
Nous pourrons reparler de tout cela en février

Bien cordialement

Gérald Racadot


19/01/2016

Bonjour,

Merci pour toutes ces précisions. J’ai de mon coté cherché là où il pouvait être question du sujet, de la forclusion et de la science. Et ceci m’a fait parcourir ce chemin ... On retrouve chez des auteurs :" que Lacan parlera plus tard du sujet forclos de la science" (chez Safouan et d’autres). Mais aucun n’indique ses références. Ce qui ne facilite pas les choses. Dans les Ecrits, page 894, on trouve : "... pour autant qu’à travers le champ freudien le sujet forclos de la science fait retour dans l’impossible de son discours". Mais ce n’est pas Lacan qui écrit ceci c’est J. A Miller. Peut-on penser que si Lacan n’avait pas été d’accord avec cette phrase, en 1966, il l’aurait laissée passer ? Mais dans tous les cas, la question se pose de savoir où ils ont pu (les différents auteurs) trouver matière à cette formulation ? Est-ce dans les Ecrits (La science et la vérité) et plus précisement à la page 861, où Lacan écrit : "Nous indiquerons plus tard comment se situe la logique moderne (3e exemple). Elle est incontestablement la conséquence strictement déterminée d’une tentative de suturer le sujet de la science, et le dernier théorème de Gödel montre qu’elle y échoue, ce qui veut dire que le sujet en question reste le corrélat de la science, mais un corrélat antinomique puisque la science s’avère définie par la non-issue de l’effort pour le suturer".

Puis page 877 sur le fait que dans la science le savoir se communique : " Mais il faut insister que ce n’est pas seulement parce que c’est l’usage, mais que la forme logique donnée à ce savoir inclut le mode de communication comme suturant le sujet qu’il implique".

Il y a bien un autre endroit où il en est question, dans "L’envers de la psychanalyse", p 121 de Seuil (leçon du 11 mars 1970) sous forme de moquerie de Lacan, où il apparaît, comme dans "La science et la vérité" que c’est plutôt la logique mathématique qui tente de suturer le sujet de la science sans y parvenir. Je vous le donne intégralement : " Quand je suis arrivé à l’Ecole normale, il s’est trouvé que des jeunes gens se sont mis à discourir sur le sujet de la science, dont j’avais fait l’objet du premier de mes séminaires de l’année 1965. C’était pertinent, le sujet de la science, mais il est clair que ça ne va pas tout seul. Ils se sont fait taper sur les doigts, et on leur a expliqué que le sujet de la science, ça n’existait pas, et au point vif où ils avaient cru le faire surgir, à savoir dans le rapport du zéro au un dans le discours de Frege. On leur a démontré que les progrès de la logique mathématique avaient permis de réduire complètement - non pas de suturer, mais d’évaporer - le sujet de la science".

Bien cordialement.

Patrick Herbert


21/01/2016

Bonjour

J’adresse ce mail à chacun des membres du groupe de préparation qui fonctionne bien presque comme un cartel. Suivant Robert Samacher j’ai ajouté à notre petit groupe Jean-Michel Hervieu.
De ce que j’ai saisi le sujet de la science n’est pas forclos mais sa division est suturée on dit que la science suture le sujet.Au lieu et place de sa division figure son nom propre pour la transmission. Ainsi dans un raisonnement on est autorisé à dire selon Intel nous pouvons dire que...et ceci implique telle ou telle conclusion. Chacun peut y aller non pas de sa division mais de sa petite élaboration de savoir logique qui si elle est remarquable peux être nommée du nom propre de celui qui l’a élaborée. Mandela et Declercq sont sujets de la science politique puisse qu’il laisse chacun leur division pour ce qui concerne leur action politique comme Solange Faladé a pu le dire. Par ailleurs le sujet de la science déterminé par les signifiants c’est le sujet de l’inconscient.
Ce qui est forclos dans la science c’est la choséïté de la chose. La chose,das Ding.
J’ai pris comme exemple dans mon exposé celui que j’avais pris au colloque sur le père qui fait référence à la mécanique classique. J’aurais pu prendre l’exemple de la relativité restreinte. Dans celle-ci ce qu’il en est de l’être de l’espace avec son étendue ses volumes ses surfaces est forclos de même ce qu’il en est de l’être du temps avec sa durée est forclos. Les trois dimensions de l’espace et le temps font un ensemble de quatre éléments équivalents les uns aux autres, c’est l’ensemble espace-temps. Plus la vitesse de l’ensemble espace-temps est rapide et se rapproche de celle de la lumière plus le temps s’allonge par rapport à un autre ensemble espace temps à quatre dimensions resté immobile, et ceci est vérifié expérimentalement c’est réel et non pas symbolique. Il n’existe plus un temps qui aurait une réalité intangible et qui serait invariant immuable et il n’existe plus un espace qui aurait une réalité indépendante propre.Plus la science évolue et plus la chose est évacu
ée. Parler de la relativité générale serait compliqué pour moi mais c’est encore plus démonstratif .

Dernier point concernant la jouissance du sujet qui m’est venu.La jouissance s’engendre
de sa disparition. Ceci pourrait rejoindre la somme des dérivées d’une courbe mais ceci serait à travailler et rejoindrait peut-être le flux vectoriel et la structure de bord de la pulsion,ce sont des pistes...

Bien cordialement

Gérald Racadot


22/01/2016

Bonsoir,

J’ai manqué de temps pour apporter ma contribution aux échanges qui font suite à notre travail de samedi dernier.
Merci beaucoup à Virginie Chardenet de nous témoigner de son désir de travail.
Je vous fais part de ce qui m’est venu.

La façon originale qu’a eu Gérald Racadot de nous proposer cette formule : « la morsure du signifiant sur le vivant fait surgir la jouissance » vient interroger la question du « déjà là » et de ce qui est au départ.

Dans le début de sa leçon du 25 janvier 1994 (« Autour de la Chose ») que nous travaillons à Nantes, Solange Faladé revenait sur ce qui se joue : « Cet enfant quand il arrive, ce vivant, cet infans, tombe dans le symbolique déjà là - le discours qui lui préexiste - mais il est dans le réel, le réel préalable. Et ce qui marque ce réel dans lequel il baigne, c’est la jouissance, jouissance qui intéresse tout son être, tout son être de vivant. ». Elle poursuit en disant que, quand le cri de cet infans rencontrera le symbolique déjà là, il y aura une réponse (matrice I(A)). Et rappelle alors ce qu’elle a souvent dit : dès qu’il parle il y a négativation de la jouissance (…) dès qu’il parle il est en proie au symbole » (grand Phi)…

La jouissance est attenante à ce sujet qui vient de choir, encore infans. Mais rien ne s’en signifie si ce n’est à partir du signifiant, qui en la négativant, en mordant sur le vivant, vient à la faire ex-ister. C’est-à-dire que ce qui fera la différence entre la jouissance de la bacille du microscope et celle du petit d’homme, c’est que d’emblée, du fait que ce vivant pâtit du signifiant, la jouissance devient j’ouïs-sens en puissance, parce que quelque chose en a été perdu. Sur ce point, « morsure » est un signifiant intéressant parce c’est son être en tant que mortel que le signifiant vient éterniser et dans le même temps lui signifier comme finitude, tandis que, pour reprendre Lacan, « c’est peut-être une douleur infinie d’être une plante ».

Le renversement que nous propose Racadot, avec le « fait surgir », se décale de la supposition d’une jouissance première, mythique, qui serait là au départ et qui pourrait laisser entendre qu’il y a eu un temps de complétude.
Situer la jouissance comme surgissant de la morsure du signifiant sur le vivant est à entendre en précisant « morsure » comme prélèvement, décomplétude, mise hors. Et la jouissance qui surgit est à spécifier comme négativée, comme l’a repris Racadot. Cela me semble le point essentiel sur lequel nous devons rester arque-bouter : l’objet est perdu au départ. Ceci rejoint la question de la Chose et la façon dont elle se met en place, se vidant dans le même temps qu’elle se constitue.

Autre point : c’est à propos de la vérité comme cause (dont la science ne veut rien savoir) que Lacan parle de forclusion, dans « La science et la vérité ». Il fera aussi le lien, je crois dans « L’étourdit » avec la folie de Cantor…C’est d’une position d’Unglauben à l’endroit de la Chose, effectivement d’une forclusion de la choséité de la Chose, dont part la science, dans sa visée d’en savoir toujours plus. Le mensonge du sujet au départ, sa division, la structure de la Science tend à n’y pas croire, à l’évacuer. Elle est rattrapée par ce sujet qui continue à se faire entendre et que Freud a accepté de prendre en compte. C’est bien pourquoi il tenait à ce que la psychanalyse soit reconnue aussi en tant que science.

Bien cordialement

Pierrick Brient

Messages

  • Bonjour ,et Merci d’avoir ouvert ce débat bien intéressant aux personnes en dehors du groupe de préparation,concernant entre autres, cette question de la jouissance plus ou moins "impactée"par le signifiant...!
    jouissance de la plante ,de l’animal ,Jouissance de l’homme, de la femme Jouissance du psychotique :tenter d’établir des comparaisons reste une gageure , et pourtant Lacan
    s’y emploie et cela incite effectivement à une vraie réflexion ; relisant des passages de son séminaire "Encore" : Au sujet de la jouissance de la femme par rapport à celle de l’homme , Lacan dit à la p .94 et 95 aux éditions du Seuil :"Ce n’est pas parce qu’elle est pas- toute dans la fonction phallique qu’elle y est pas du tout . Elle y est" pas" pas du tout. Elle y est à plein.Mais il y a quelque chose en plus"ET dans ce même chapitre, ce " en plus" c’est "une jouissance supplémentaire" , une jouissance autre par rapport à la jouissance phallique, mais nécessitant sa castration symbolique ;et je ne vois pas comment cette jouissance" autre" de la femme puisse "figurer" cette jouissance "autre" du psychotique ...?
    Très cordialement . Maggy Tournade.

  • Bonjour
    Je réponds à la remarque justifiée de Maggy Tournade. En fait, lorsque j’ai parlé de la jouissance éprouvée par Schreber, il s’agit de la jouissance d’un grand Autre non barré, en l’occurrence Dieu qui envahit le corps de Schreber en lui envoyant ses rayons divins. Dans le chapitre XXI, il remarque que la jouissance qu’il éprouve ne se limite pas à la jouissance de la zone pénienne mais c’est une jouissance qui envahit l’ensemble de son corps, jouissance supérieure à celle de l’homme qu’il compare à la jouissance de la femme non limitée à la zone pénienne. A certains moments, il sent ses seins pousser comme s’il s’agissait de ceux d’un corps de femme.Les sensations qu’il éprouve à la surface corporelle sont celles de la jouissance de la femme. Il peut être alors la femme de Dieu en mesure de donner naissance à une nouvelle humanité. La jouissance de l’Autre est à distinguer de la jouissance Autre qui a à voir avec la rencontre de S(A) barré chez la femme. Du fait de l’absence de pénis, la femme n’est pas toute concernée par la jouissance phallique. Cela n’a rien à voir avec la jouissance de l’Autre qui occupe le corps de Schreber par le biais des nerfs et des rayons divins.
    Robert Samacher

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